N° 141

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées (1)
sur le projet de loi de finances,
considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026,

TOME I

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Action de la France en Europe et dans le monde

(Programme 105)

Par Mme Valérie BOYER et M. Jean-Baptiste LEMOYNE,

Sénatrice et Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Jean-Baptiste Lemoyne, Claude Malhuret, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury, Jean Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; M. Étienne Blanc, Mme Valérie Boyer, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Ludovic Haye, Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mmes Gisèle Jourda, Mireille Jouve, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi, Ronan Le Gleut, Didier Marie, Pierre Médevielle, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot, MM. Stéphane Ravier, Jean Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180

Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026)

L'ESSENTIEL

Le programme 105 regroupe les moyens de l'action diplomatique de la France et ses crédits de fonctionnement. Il porte également une grande part des contributions versées par la France aux organisations internationales. Depuis le dernier exercice où y ont été regroupés tous les crédits de titre 2, il compose plus des trois quarts de la mission « Action extérieure de l'État », dont les 3,45 milliards d'euros de crédits représentent environ 0,6 % du budget de l'État.

Les crédits demandés pour le programme 105 pour 2026 s'élèvent à 2,69 milliards d'euros, soit une hausse de 1,8 % par rapport à 2025. Ces crédits supplémentaires sont rendus disponibles par les efforts réalisés sur les autres programmes pilotés par le Quai d'Orsay et par la baisse mécanique de certaines contributions. S'ils n'empêchent hélas pas l'interruption de la trajectoire de réarmement de notre diplomatie en effectifs, annoncée par le Président de la République en 2023, ils servent prioritairement à la poursuite de certains chantiers de modernisation.

I. UNE MODERNISATION QUI SE POURSUIT EN DÉPIT DE L'INTERRUPTION DE LA TRAJECTOIRE DE RÉARMEMENT

A. LE PROGRAMME 105 BÉNÉFICIE DE LA BAISSE DE CERTAINES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES

1. La participation du MEAE à l'effort de redressement des comptes

En 2025 comme en 2024, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) a contribué à l'effort de redressement des comptes publics avec une annulation en gestion de 149 millions d'euros en autorisation d'engagement (AE) et 162 millions d'euros en crédits de paiement (CP)1(*), dont 51,8 millions sur le programme 105. Ces annulations ont été intégralement portées par la réserve de précaution, qui s'élevait à 72 millions d'euros.

En septembre 2025, un surgel de 26 millions d'euros en AE et 16 millions d'euros en CP a été appliqué de manière homothétique à l'ensemble du programme à l'exception des contributions internationales et des crédits de la direction des immeubles et de la logistique, qui ont davantage contribué à l'effort compte tenu de la prévision d'exécution. Ce surgel a reconstitué la réserve de précaution du programme 105 à hauteur de 46 millions d'euros.

Le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025 prévoit une contribution du programme 105 à hauteur de 49 millions d'euros en AE et 46 millions d'euros en CP. Cette annulation de crédits porte sur la totalité de la réserve de précaution du programme augmentée de 3 millions d'euros, dont l'impact fait actuellement l'objet d'un arbitrage.

En résumé, la trajectoire de réarmement annoncée par le Président de la République en 2023 ne s'est traduite significativement qu'en 2024 : cette année-là, les crédits du ministère affichent une hausse de 20 % par rapport à 2017. L'augmentation faciale des crédits du programme 105 entre 2024 et 2025 correspond à l'imputation sur ce programme, à compter de 2025, des dépenses de personnel des programmes 151, 185 et 209.

Évolution des crédits, en AE, de la mission et du programme 105 depuis 2017 (en Md€ en exécution, sauf 2025 et 2026 : LFI et PLF)

Source : commission, d'après les documents budgétaires.

Les rapporteurs regrettent à nouveau le manque de pertinence d'un certain nombre d'indicateurs de performance mais se félicitent de leur refonte annoncée pour le PLF 2027. Les indicateurs de la direction de l'Union européenne, tels que le « nombre de dossiers préparés dans le cadre d'échéances européennes ou des échanges bilatéraux », devraient disparaître. S'agissant des enceintes multilatérales, la réflexion porte sur des indicateurs mesurant mieux la place des Français dans les organisations internationales, l'évolution des mandats des opérations de maintien de la paix, ou encore, à la place du montant des contributions volontaires, un suivi des contrats remportés par des entreprises françaises sur financement des Nations unies. La refonte des indicateurs relatifs à la coopération de sécurité et de défense permettra de mieux valoriser les formations dispensées et mieux suivre le parcours institutionnel, dans leur pays, de ceux qui en ont bénéficié.

2. La diminution tendancielle de certaines contributions internationales

En 2026, les crédits du programme 105 augmentent d'environ 48 millions d'euros par rapport à 2025, soit une hausse de 1,8 % en AE comme en CP. Cette hausse masque la stabilité de la mission « Action extérieure de l'État » dans son ensemble, qui ne progresse que de 0,01 %.

Les contributions totales de la France aux organisations internationales inscrites sur le P105 s'élèveront à 768 millions d'euros en 2026, soit une baisse de 54 millions d'euros par rapport à la LFI 2025. Cette somme est à 98,7 % consacrée à nos contributions obligatoires, donc non pilotables.

La quote-part française au budget général de l'ONU, clé de répartition des appels de fonds qui est fonction des capacités de paiement, est mécaniquement réduite par le rééquilibrage mondial des puissances économiques, et s'élève pour 2025-2027 à 3,86%. S'agissant du financement des opérations de maintien de la paix, cette quote-part est majorée par le rabais consenti à certains États membres et répercuté sur les membres permanents du Conseil de sécurité, en raison de la responsabilité particulière qui leur incombe : celle de la France est de 4,6 % pour la période 2025-2027. En 2026, cette évolution a pour conséquence une diminution de 9,6 millions d'euros de notre contribution au budget régulier de l'ONU, et de 14,8 millions d'euros pour les opérations de maintien de la paix.

L'action européenne voit en revanche ses crédits augmenter de 6,9 millions d'euros du fait, principalement, de la hausse de la contribution française au budget du Conseil de l'Europe, en raison d'un effort plus important en faveur de l'Ukraine pris en charge par le nouveau budget de l'organisation, de la taxe de solidarité additionnelle, et de la mise en place de deux nouveaux mécanismes destinés à lutter contre l'impunité des crimes commis par la Russie en Ukraine.

Le montant consacré à la Facilité européenne de paix (FEP) s'élève, comme en 2025, à 104 millions d'euros. Le P105 ne finance que la partie non létale du pilier 2 intitulé « mesures d'assistance », l'intégralité du pilier 1 et la partie létale du pilier 2 étant du ressort du ministère des armées. Cet instrument, placé en dehors du cadre financier pluriannuel2(*), est abondé par les contributions des États membres sur la base des orientations stratégiques adoptées par le Comité politique et de sécurité, mais ces perspectives budgétaires ne sont précisées par décision du Conseil que fin novembre au plus tard, soit après dépôt du PLF, ce qui peut conduire à des sous-consommations.

3. Une dépense de masse salariale en hausse mais des marges réduites pour prolonger la trajectoire de réarmement

Le plafond des dépenses de personnel s'élèvera en 2026 à 1,18 milliard d'euros, soit une augmentation de 37 millions d'euros, ou 3 %, par rapport à la loi de finances pour 2025. Ce plafond de dépense intègre la réintégration des postes de soutien auprès du réseau de l'État à l'étranger auparavant portés par le ministère des armées, qui représente 12 ETP, la réforme de la protection sociale complémentaire, pour un coût de 7 millions d'euros, et une provision relative à l'impact de l'inflation future sur la rémunération à l'étranger à hauteur de 12 millions d'euros. En outre, la hausse de 4 points du taux de la contribution employeur au CAS Pensions, qui passe à 82,6 %, représente une dépense de 8,5 millions d'euros.

Le coût de la masse salariale avait également été porté à la hausse par la réforme du corps diplomatique. Fin 2025, 699 agents, soit 88 % des agents concernés, ont opté pour leur intégration dans le nouveau corps des administrateurs de l'État. En administration centrale, le surcoût lié à la mise en oeuvre de la grille indiciaire s'est chiffré à 2,66 millions d'euros et celui concernant l'indemnitaire à 925 000 euros, soit 3,6 millions d'euros de crédits de titre 2 hors CAS « Pensions » auxquels il convient d'ajouter 1,98 million d'euros de crédits CAS « Pensions » soit un montant total, en année pleine, de 5,6 millions d'euros.

Les ambitions de réarmement de notre diplomatie en effectifs sont en 2026 suspendues. En conclusion des États généraux de la diplomatie le 16 mars 2023, le Président de la République avait annoncé « l'augmentation sur quatre ans des effectifs du ministère de 700 ETP ». La lettre plafond pour 2024 prévoyait en conséquence la création de 150 ETP en 2025, de 200 ETP en 2026 et d'autant en 2027. L'année 2024 a été marquée par la création de 165 ETP puisque se sont ajoutés à ceux prévus par la trajectoire 5 ETP fléchés vers la délégation à l'encadrement supérieur du ministère et 10 ETP pour la réinternalisation de fonctions numériques confiées à des prestataires extérieurs, mais la situation des finances publiques n'a pas permis de suivre, pour les années 2025 et 2026, la trajectoire pluriannuelle d'origine. Pour 2026, le PLF fixe au ministère de l'Europe et des affaires étrangères un schéma d'emplois nul pour les quatre programmes ministériels.

Trajectoire de réarmement en effectifs et schémas d'emplois annuels (en ETP)

Source : commission, d'après les documents budgétaires.

Cette évolution remet hélas en cause les engagements présidentiels en faveur du réarmement de l'outil diplomatique, d'autant que, d'après la direction des affaires financières, la politique de non-remplacement d'un départ sur trois figurant dans la lettre plafond 2025 aurait pour conséquence une baisse de 70 ETP en 2027 et d'autant en 2028.

B. UNE TRANSFORMATION DU MINISTÈRE QUI SE POURSUIT

Moins de trois ans après le lancement, au printemps 2023, de l'Agenda de la transformation, près de 85 % des recommandations ont été mises en oeuvre. Outre les nouvelles capacités en matière de veille, de riposte et de communication stratégique d'une part, et d'organisation d'événements internationaux, qui seront détaillées plus bas, on peut citer les éléments suivants.

1. La transformation numérique

Les dépenses de transformation numérique affichent 60,5 millions d'euros en AE et 60 millions en CP, en hausse de 2 millions d'euros par rapport à 2025, revenant ainsi sur les mesures d'économies proposées sur le PLF pour 2025 par la commission des finances du Sénat et votées en CMP. Les services de transport de données en France et à l'international représentent la part la plus importante des dépenses, de l'ordre de 14,5 millions d'euros, dont les coûts de maintien en condition ont augmenté avec l'ambition des investissements réalisés, de même que ceux liés aux licences des services d'hébergement applicatifs.

Ce volet est un axe primordial du plan de transformation ministériel, qui mise sur le déploiement de nouveaux équipements numériques à des fins de simplification - conditionnant la suppression ou la simplification de notes administratives récurrentes et de formulaires internes -, de sécurisation des communications - visioconférence, transmission des télégrammes diplomatiques -, d'efficacité et d'efficience - en matière de gestion des ressources humaines par exemple - ou encore d'innovation - la direction générale de la modernisation recense à ce jour six cas d'usage de l'intelligence artificielle.

2. La politique immobilière

Comme les crédits du numérique, les dépenses immobilières ont été budgétées à environ 116 millions d'euros, en hausse d'environ 12 %, soit au niveau antérieur à l'adoption de l'amendement de la commission des finances du Sénat. Une telle dynamique s'explique par le fait que les dépenses en matière immobilière sont soumises à une inflation mondiale, et par le fait qu'un moindre effort, sur ce plan comme sur le plan numérique, creuserait rapidement une dette difficile à rembourser.

Le secours du CAS 723, qui a longtemps permis de financer les dépenses immobilières par le produit, par nature exceptionnel, des cessions de biens, devient toujours plus marginal. Sur la période 2007-2023, le MEAE a cédé 224 emprises à l'étranger pour un montant de près de 875 millions d'euros, soit un cinquième de la valeur du parc immobilier à l'étranger. En France, le MEAE a également cédé 10 immeubles entre 2007 et 2014, pour un produit brut de cessions supérieur à 650 millions d'euros. En 2024, dix ventes ont été réalisées pour un total de 20,6 millions d'euros. En 2025, sept ventes ont été réalisées, pour un montant total de 9,6 millions d'euros, parmi lesquelles les anciens locaux de l'institut français à Valence, l'ancienne ambassade à Libreville, ou les logements de l'attaché de défense à Brasilia et aux Comores.

Les droits de tirage disponibles sur le programme 723, qui s'élevaient à 120 millions d'euros au 1er janvier 2025, sont principalement fléchés vers le projet d'extension-réhabilitation de l'aile des archives du Quai d'Orsay, ou projet ERA, évalué à 97,3 millions d'euros. À terme, le nombre de sites en Ile-de-France devrait être réduit de 7 à 3. Des besoins complémentaires sont par ailleurs identifiés pour les autres bâtiments historiques du site du Quai d'Orsay comme la rénovation des toitures, façades et menuiseries et de certaines installations techniques pour un montant total de 37 M€. À l'étranger, les principaux projets en cours en 2025 bénéficiant du CAS sont la construction d'une nouvelle ambassade et résidence à Doha, pour 15 M€, la réhabilitation de la maison de France à Rio de Janeiro pour 8,6 millions d'euros, et la construction de logements à Bamako, pour 3 millions d'euros.

Les dépenses d'entretien lourd en France financées sur des crédits budgétaires concerneront prioritairement la rénovation des sous-sols du Quai d'Orsay comprenant les cuisines de l'hôtel des ministres, l'installation d'un transformateur électrique et d'un groupe électrogène, et la mise en conformité incendie. Les travaux nécessaires sur le site de Nantes, pourtant vieillissant, n'en sont qu'au stade de la programmation. Auditionnée devant la commission, la secrétaire générale du ministère a reconnu que « la rédaction de ce document est compliquée, les bâtiments se dégradant plus vite que nous ne l'avions anticipé ».

Dans un rapport de mai 2025 sur la gestion par le MEAE de son parc immobilier3(*), la Cour des comptes avait formulé plusieurs recommandations. Pour remédier à l'imparfaite connaissance par le ministère de son parc, les travaux de fiabilisation des outils informatiques se poursuivent, la solution logicielle Antilope, testée à l'été 2025 sur une zone géographique déterminée, ayant été déployée à la fin octobre 2025, mais le « nouveau socle de gestion », grand projet de l'État en interministériel, pourrait toutefois la remplacer en 2026. Afin de mieux coordonner la programmation entre la direction des immeubles et la direction de la sécurité diplomatique, des comités directeurs immobiliers mensuels ont été mis en place depuis 2025. L'amélioration de la performance de la politique immobilière et l'attention au respect des bonnes pratiques de taux d'occupation poussent au regroupement et à la relocalisation - ainsi à Rabat, Manille ou Vienne. La direction des immeubles et de la logistique, enfin, a revu son organisation interne afin de monter en compétence technique.

3. Ressources humaines et action sociale

En matière de gestion des ressources humaines, l'agenda de la transformation s'est traduit par la refonte de 70 % des concours et la diversification des recrutements, le lancement d'une plateforme pour le recrutement des agents contractuels - un tiers des effectifs du ministère - , l'obtention de labels Afnor égalité et diversité, la rénovation des pratiques managériales et un meilleur accompagnement des cadres, la féminisation des fonctions d'encadrement, ou encore la création d'une cellule dédiée à l'accompagnement des mobilités.

Sur le plan de l'action sociale, le ministère s'emploie à augmenter le nombre de places en crèches en y consacrant 0,6 million d'euros par an depuis l'an dernier, a mis en place une plateforme de consultations de psychologues en quatre langues destinée aux agents et à leurs conjoints, investit dans l'amélioration des services de restauration collective en déléguant à un prestataire le marché du site nantais accueillant 1 200 agents, et poursuit l'accompagnement des agents en matière de logement.

4. L'Académie diplomatique et consulaire

L'Académie diplomatique et consulaire (ADC) est dotée en 2026 d'un budget, stable, de 5,4 millions d'euros. Organe de formation initiale et continue des agents du ministère créée en 2024, elle vise plus largement à diffuser des pratiques et une culture commune en interministériel et à promouvoir des méthodes pédagogiques innovantes.

Ses textes fondateurs lui donnant pour mission de concourir à la formation de personnes extérieures concernées par les questions relevant de la compétence du MEAE, l'ADC participe aussi de la politique d'influence française à l'étranger4(*). À ce jour, cinq séminaires bilatéraux - franco-polonais, franco-britannique, franco-allemand, franco-italien et le volet français du programme diplomatique européen - ont été organisés en France, un partenariat a été noué avec l'INSP pour proposer des programmes courts à des fonctionnaires étrangers, de même qu'avec le service européen d'action extérieure (SEAE). Sont à l'étude un séminaire pour diplomates des pays de l'ASEAN, des masterclass ouvertes aux diplomates étrangers en poste à Paris sur les thèmes des prochains sommets accueillis par la France, ou encore la poursuite des partenariats avec d'autres acteurs académiques - IHEDN, académie de l'OMS, etc.

L'ADC développe en outre le dialogue entre les mondes de la diplomatie et de la recherche - un cycle annuel de séminaires fait appel aux membres des institutions académiques et think tanks, elle remet un « prix de thèse de l'ADC » et un « prix du mémoire sur la Chine contemporaine » - mais aussi avec la société civile, comme en témoigne le succès de la « Fabrique de la diplomatie », qui a attiré 20 000 visiteurs en septembre 2025, ou des Académies diplomatiques d'été depuis 2021.

L'ADC a encore vocation à devenir l'autorité de gestion et d'encadrement des futurs réservistes de la réserve diplomatique citoyenne. Volontaires pour mieux faire connaître la politique étrangère de la France, ses enjeux et les conséquences sur la vie des Français, pris dans un vivier probablement délimité par le personnel en activité ou retraité du MEAE et de ses opérateurs, les réservistes devraient se voir confier des missions d'expertise, de plaidoyer, de soutien dans l'organisation d'événements internationaux, de mentorat ou encore de soutien à la stratégie de lutte informationnelle. Un véhicule législatif spécifique précisé par un décret en Conseil d'État reste toutefois nécessaire pour adapter le régime prévu par la loi de 20175(*), et notamment pour désigner l'ADC comme autorité de gestion des réservistes. Le dispositif est cependant déjà en phase de préfiguration depuis septembre 2024, et un premier contingent composé d'agents liés au MEAE a été constitué depuis le 3 juillet 2025. L'ADC a déjà reçu 700 candidatures.

C. LES AUTRES POSTES DE DÉPENSE

Les dépenses de protocole atteignent 15,5 millions d'euros en 2026, soit une baisse de moitié par rapport à 2025, année d'organisation sur le sol français du sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle et de la conférence des Nations unies sur les océans. Le programme porte toutefois une nouvelle action affichant 20 millions d'euros, destinée à financer le sommet du G7 présidé par la France, qui se tiendra à Évian du 14 au 16 juin 2026. Le total des crédits de financement de conférences internationales s'élèvera donc à 31,4 millions d'euros.

Les moyens du centre de crise et de soutien (CDCS) sont financés à hauteur de 5,29 millions d'euros, soit 40 000 euros de plus que l'an dernier, correspondant à la hausse du coût de l'abonnement à l'outil d'intelligence artificielle « First Alert ». Le budget du CDCS, pour mémoire, se compose d'une ligne de crédits de fonctionnement et d'un montant relatif à la gestion de crise, qui peut être réabondé en fonction des besoins en cours d'année.

Les dépenses liées à la direction de la coopération de sécurité et de défense diminuent de 0,3 millions d'euros. Les dépenses de fonctionnement et d'intervention sont préservées afin de réorienter les priorités conformément à la Revue nationale stratégique actualisée. En Afrique, l'effort sera concentré sur la lutte contre le terrorisme et contre les trafics. En Afrique du Nord et au Moyen-Orient, la DCSD insistera sur le renforcement des capacités régaliennes des États, et un poste de coopérant sera fléché vers la formation des forces de sécurité intérieures palestiniennes. Le réseau de coopérants sera densifié en Indopacifique, et un effort sera fait sur l'Académie du Pacifique et le soutien aux projets européens dans la zone. Les actions de coopération en Europe orientale et dans le pourtour de la Mer noire devraient monter en puissance. L'effort de formation délivrée au centre cyber de Podgorica, le C3BO, devenu une organisation internationale en août 2025, devrait être stabilisé en 2026.

La dotation en matière de sécurité diplomatique est maintenue à 66,6 millions d'euros en AE et 70 millions en CP, comme en LFI pour 2025. Le choix des opérations qui seront entreprises en 2026 fera l'objet d'un arbitrage en début d'exercice 2026.

Ces crédits sont d'abord destinés à honorer les contrats de gardiennage des postes dont le budget est en constante augmentation en raison des revalorisations annuelles prévues par les législations locales, de la hausse globale des menaces, de la reprise de l'activité dans certains pays dont la stabilité n'est pas établie, et de l'externalisation de certaines prestations lourdes - déplacement en convois blindés et armés par exemple.

Le budget 2026 permettra également de maintenir en état les systèmes de protection des postes via les contrats d'entretien et la mise en service des nouveaux matériels - drones, postes d'appui et d'observation, équipements pour les unités spécialisées en zone de crise -, et pour assurer le renouvellement et la maintenance du parc vieillissant de véhicules blindés - un quart des 216 véhicules ayant plus de 10 ans.

La vingtaine d'opérations d'investissement lancées en 2025 se poursuivra en 2026 (Angola, Autriche, Bénin, Brésil, Cameroun, Chili, Congo, Djibouti, Haïti, Mali, Norvège, République Centrafricaine, Tchad, Togo, Vanuatu, Vietnam), et plusieurs autres, reportées à 2026, devront être lancées alors (Thaïlande, Macédoine, Danemark, consulat général à Zurich, Monténégro, République Tchèque). A ces opérations, s'ajoutent l'ouverture ou la réouverture d'emprises diplomatiques ou consulaires (ambassade en Syrie, consulat général à Benghazi et à Nuuk), la reprise d'opérations de sécurisation des emprises mise en sommeil (Russie), des opérations de relocalisation (l'ambassade à Apia, les consulats généraux de Bangalore et de Lomé, les instituts français à Mexico et Tanger), et les besoins nés d'anticipations de crises soudaine. La DSD indique d'ores et déjà que cette programmation semble difficilement tenable et la contraindra sans doute à reporter certaines opérations en 2027.

II. RENFORCER ET ADAPTER L'OUTIL DIPLOMATIQUE SOUS CONTRAINTE BUDGÉTAIRE DANS UN CONTEXTE DE PERMACRISE

A. LE QUAI D'ORSAY À L'OFFENSIVE SUR LA FONCTION DE COMMUNICATION STRATÉGIQUE

L'importance conférée à la fonction de communication stratégique progresse : en témoigne l'apparition d'un tel intitulé dans les documents budgétaires, et la nomination, en avril 2025, d'une conseillère chargée de la communication stratégique au cabinet du ministre.

L'évolution de la dotation budgétaire est un autre signe encourageant. En 2024, les crédits de la communication et de la presse s'élevaient à 7,5 millions d'euros, et les équipes consacraient près de 100 000 euros depuis nos ambassades à la lutte contre les contenus inauthentiques, dont près des deux tiers sur le continent africain - notamment la République démocratique du Congo, au Tchad et en Côte d'Ivoire.

En 2026, l'impulsion nouvelle donnée à cette fonction se traduira par une hausse du budget de la direction de 10 millions d'euros, destinée à financer les dépenses de fonctionnement en administration centrale et dans le réseau. Les équipes du réseau diplomatique seront dotées d'outils de veille performants, leur permettant de suivre en temps réel l'activité sur les réseaux sociaux et de structurer leurs pratiques. L'analyse de ces données et menaces permettront de proposer des ripostes informationnelles rapides, sous forme de messages ou de contenus audiovisuels destinés à des audiences étrangères, avec des narratifs adaptés par région. La mesure d'impact de ces publications devrait être systématisée.

Au sein de la direction, c'est la sous-direction de la veille et de la stratégie, créée en novembre 2022, qui est chargée de la définition d'une stratégie d'accompagnement des initiatives diplomatiques, de la veille de l'espace informationnel, de l'alerte donnée lors d'une attaque visant la France et sa politique étrangère, mais aussi de la riposte. Elle est dans l'exercice de ces fonctions en lien régulier avec les autres organes ministériels intervenant dans ce domaine : Viginum et le pôle « Anticipation stratégique et orientation » de l'état-major des armées. La politique de riposte s'est notamment traduite par la création du compte X French Response, et l'encouragement des chefs de poste à prendre des risques en matière de communication stratégique.

Les principales menaces identifiées proviennent de nos compétiteurs, de certaines sphères à l'étranger qui sont habituellement critiques de nos décisions de politique étrangère, et parfois même de pays amis. La menace informationnelle principale est celle que fait peser la Russie, à travers ses différents modes opératoires documentés par Viginum, qui a pour la première fois attribué des attaques cyber au renseignement militaire russe en avril 2025. Le champ informationnel africain est par ailleurs un terreau fertile pour la propagation de fausses rumeurs sur l'action de la France, lesquelles peuvent avoir des effets dans la sphère réelle, comme l'a montré le saccage d'un centre culturel français au Burkina Faso en 2022.

La guerre de l'information6(*)

La guerre de l'information, ou l'utilisation de l'information comme une arme visant à appuyer ou contourner l'exercice d'une puissance, a toujours existé. Elle a cependant pris une ampleur nouvelle en étant menée aussi bien dans le champ des médias traditionnels que dans l'espace cybernétique, et alimente des conflits directs qui restent ainsi en deçà du seuil de conflictualité ouvert. Selon l'historien David Colon, le bouleversement introduit par la fin de la guerre froide et l'avènement de médias planétaires, tel CNN, comme auxiliaires de la volonté hégémonique des États-Unis sur l'information, a provoqué le raidissement des puissances adverses, notamment chinoise et russe, qui consacrent désormais à leur action médiatique des moyens considérables.

Les téléphones portables et les réseaux sociaux ont porté la conflictualité informationnelle à un niveau sans doute inédit. Russie ou Chine y voient le moyen de saper la cohésion sociale de leurs compétiteurs et adversaires : celle-ci étant fondée sur la confiance dans les institutions, le personnel politique ou administratif, les médias et dans la valeur de l'information transmise, telles sont les cibles de leurs services spécialisés. Le virus de la désinformation peut être déposé sur les réseaux, via des influenceurs, par la manipulation des faits dans les campagnes électorales ou par la déstabilisation psychologique ou cognitive exercée par des applications comme TikTok, dont la commission d'enquête du Sénat de 2024 a exposé les rouages. En fragilisant la distinction entre l'authentique et l'inauthentique, et la crédibilité de ceux qui ont pour fonction d'en tracer la frontière, il constitue une arme hybride dirigée contre notre régime de vérité et nos institutions.

B. PRÉSENCE DANS LE MONDE, INFLUENCE DANS LE MULTILATÉRALISME

1. La physionomie du réseau, toujours caractérisé par son universalité

Le ministère a bénéficié de la création de 347 ETP depuis 2023, ce qui n'était pas arrivé depuis des décennies. Ils ont été affectés à 75 % dans le réseau, prioritairement en zone Afrique du nord-Moyen Orient et Afrique. En 2025, la ventilation des ETP a visé à le renforcer dans les zones de crise et dans les espaces nécessitant une adaptation liée au retrait américain. Ont été privilégiés, d'après la direction des ressources humaines :

- Le renforcement des capacités d'analyse politique avec un accent particulier porté sur les questions de sécurité (15 ETP) ;

- L'amélioration du service rendu aux Français de l'étranger par la modernisation des services consulaires et le renforcement de nos capacités de lutte contre la fraude (8 ETP) ;

- La poursuite du développement de nos capacités en matière de communication stratégique et de lutte contre la désinformation (6 ETP) ;

- Le renforcement de nos capacités d'influence (29 ETP) ;

- La modernisation du ministère à travers, à titre d'illustration, le renforcement de nos postes de présence diplomatique et l'ouverture de notre ambassade au Guyana (17 ETP).

De nouveaux outils ont encore été déployés. Un nouveau réseau, piloté par la direction générale de la mondialisation, de conseillers « enjeux globaux » - intelligence artificielle, risques géo-économiques, changement climatique, biodiversité, santé mondiale, migrations - veille à renforcer la capacité de la France à peser sur la scène internationale, et de nouveaux Fonds Equipe France, pilotés par les postes diplomatiques, ont été déployés avec un accent mis sur les programmes en faveur de l'excellence académique et scientifique ainsi que des industries culturelles et créatives en Indopacifique et en Afrique.

Enfin, le dimensionnement du réseau lui-même évolue puisqu'ont été annoncées des ouvertures ou de réouvertures de postes : un consulat à Nuuk, au Groenland, mais aussi des postes de Benghazi, en Libye, et à Damas.

2. L'organisation d'événements internationaux

L'influence française bénéficie encore d'un soutien déterminé au leadership en matière d'événements internationaux d'ampleur, dont la professionnalisation a été l'un des axes de l'Agenda de la transformation. Ainsi, en 2025 :

- La France a co-présidé et été la cheville ouvrière de la conférence sur la solution à deux États qui s'est tenue le 22 septembre à l'Assemblée générale des Nations Unies, point d'orgue de la dynamique impulsée par la Conférence de New York des 28-30 juillet en faveur d'un règlement du conflit israélo-palestinien sur la base de la solution à deux États. Rassemblant les représentants des trois-quarts des États membres des Nations unies, dont 21 chefs d'États et de gouvernement et 14 ministres des Affaires étrangères et ministres d'État, la Conférence a donné lieu à une série d'annonces relatives à la reconnaissance de l'État de Palestine ;

- La France a organisé les 22 et 23 octobre à Paris la Conférence ministérielle des diplomaties féministes, réunissant 55 pays, 27 organisations internationales et plus de 100 organisations de la société civile. La déclaration politique adoptée à son issue renforce les engagements internationaux en faveur de l'égalité de genre ;

- La France a accueilli la troisième Conférence des Nations Unies sur l'Océan (UNOC), du 9 au 13 juin à Nice, laquelle a rassemblé plus de 64 chefs d'État et de gouvernement. Cette conférence a permis d'atteindre le seuil de 60 ratifications nécessaire à l'entrée en vigueur de l'accord sur la biodiversité en haute mer grâce à la délocalisation exceptionnelle du bureau des accords et traités des Nations unies. L'UNOC a aussi joué un rôle dans la promotion d'autres accords, dont la mise en oeuvre de l'objectif de protection de 30% de l'océan d'ici à 2030, l'accord relatif aux subventions à la surpêche obtenu en 2022 dans le cadre de l'OMC, entré en vigueur quelques semaines après la conférence, et l'adoption par près de 100 pays d'une déclaration politique pour l'adoption d'un traité visant la fin de la pollution plastique ;

- La France a joué un rôle moteur lors de la quatrième Conférence sur le financement du développement qui s'est tenue à Séville du 30 juin au 3 juillet 2025. Le document adopté, l'Engagement de Séville, sera l'occasion pour la France de poursuivre son travail sur la banque publiques de développement, la taxation du secteur aérien et une meilleure mobilisation des ressources privées et domestiques.

En 2026 encore, la France exercera la présidence du G7, en juin, à Évian. L'objectif du sommet sera de renforcer la résilience économique, technologique et géopolitique des grandes démocraties tout en promouvant leur rôle de catalyseur pour un ordre mondial durable et inclusif avec un accent sur les technologies critiques et les chaînes d'approvisionnement.

Le sommet Africa Forward, qui se tiendra à Nairobi en mai 2026, vise à renforcer les partenariats entre l'Afrique et la France autour de l'innovation, de la croissance durable et d'un multilatéralisme renouvelé, en mobilisant gouvernements, secteur privé et société civile.

3. Une position enviable, mais fragile, dans les enceintes multilatérales

La France conserve encore pour l'heure une position enviable dans les instances multilatérales, jouit d'une expertise reconnue dans un grand nombre de domaines, et dispose d'un pouvoir d'influence non négligeable. En témoigne la résolution américaine sur la situation en Ukraine marquée du changement de doctrine, sur la question, du second mandat Trump, dont l'amendement à l'initiative de la France a contraint les États-Unis à s'abstenir sur leur propre texte avant son adoption en assemblée générale, le 24 février dernier7(*).

Toutefois, les efforts demandés au Quai d'Orsay sur ses crédits d'intervention et le ralentissement de la mise en oeuvre des ambitions récentes ne pourront rester longtemps sans impact sur l'influence de la France dans le monde, ne serait-ce que par un effet de vases communicants : les espaces libérés de la présence française sur le plan financier ou dans les postes à responsabilité seront occupés par d'autres. Si le poste de secrétaire général adjoint aux opérations de paix est toujours occupé par un Français, Jean-Pierre Lacroix, il sera vivement convoité en 2026, notamment par la Chine, qui est le huitième contributeur en termes de casques bleus déployés au printemps 2025 - la France est 26e.

La diminution mécanique de nos contributions obligatoires s'est en effet accompagnée d'une diminution de nos contributions volontaires. Les crédits qui leur sont consacrés passent de 54 millions en 2024 et 2025 à 35 millions en 2026. Sont par exemple touchées nos contributions à la Mission multinationale d'appui à la sécurité (MMAS) en Haïti, au Fonds de consolidation de la paix, ou à l'ONUDC.

Évolution des contributions internationales portées par le P105

 

LFI 2025

PLF 2026

M€

%

M€

%

Contributions obligatoires

718,95

92,95

732,67

95,4

Contributions volontaires contraintes

29,77

3,85

25,35

3,3

Contributions volontaires

24,74

3,2

10,01

1,3

Total

773,46

100

768,03

100

Source : MEAE.

La réduction à presque rien, en 2025, de la contribution française au Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) n'a sans doute pas été pour rien dans l'échec du candidat français au poste d'Administrateur du Programme, qui figurait pourtant parmi les trois favoris. Celui-ci ayant concouru avec le soutien de l'Allemagne en échange du soutien du gouvernement français au candidat allemand au poste de Haut-commissaire aux réfugiés, la France ne présente pas de candidature officielle à la tête du HCR.

À ces fragilités financières et stratégiques s'ajoutera bientôt une plus grande rudesse de la compétition, en raison des réformes structurelles dans lesquelles s'engagent les Nations unies, qui devraient conduire à une baisse de 15 % des effectifs du secrétariat général et à la rationalisation du nombre de mandats et d'organes.

4. Investir davantage certains domaines de coopération spécifiques

La paralysie du système multilatéral invite à s'interroger sur les canaux alternatifs d'influence de la France dans le monde. Parmi ceux-ci, peut-être la régulation des secteurs les plus proches des frontières technologiques est-elle sous-estimée. Sans prétendre anticiper sur les futurs travaux de la commission, les rapporteurs pour avis observent que :

· En matière de désarmement balistique, les seuls instruments depuis l'effondrement du Traité INF en 2019 sont les mécanismes de transparence et de confiance comme le Code de conduite de La Haye contre la prolifération des missiles balistiques. En janvier 2024, le Qatar est devenu le 145e État à adhérer au HCOC. Ce type de régime international de droit mou, qui se contente de prévoir un cadre de bonnes pratiques - notifications des exercices, bilan annuel sur les travaux menés, visite de sites - recrée un espace de dialogue ;

· Il n'existe pas de processus multilatéral relatif à la réglementation des drones armés. Un groupe de 21 États a certes publié en mars 2024 une déclaration conjointe sur le sujet appelant à intensifier le débat sur la transparence, la supervision et la responsabilité dans l'acquisition, le transfert et l'utilisation des drones armés ;

· S'agissant du numérique et de l'intelligence artificielle, la gouvernance mondiale est balbutiante au sein des Nations unies. La désignation en 2022 d'Amandeep Gill comme envoyé spécial du Secrétaire général pour les technologies, puis l'adoption par l'Assemblée générale en septembre 2024 d'un Pacte numérique mondial, ont été suivies par la création, en août 2025, d'un panel scientifique indépendant international sur l'IA et d'un dialogue sur la gouvernance de l'IA. La France et l'Europe tâcheront d'y défendre leurs valeurs face aux États-Unis, qui promeuvent les intérêts de leur secteur de la tech, et d'autres tels la Russie et la Chine plus soucieux de contrôler l'architecture des réseaux et d'exclure la société civile de la gouvernance internationale. La France soutient la candidature de Henri Verdier, ancien Ambassadeur pour le numérique, au panel scientifique ;

· L'espace est un autre exemple de terrain scientifique et diplomatique sous-exploité.

Il n'est pas exagéré de dire que l'Europe, en 2025, subit la nouvelle course à l'espace dans tous les domaines. En 2025, les États-Unis ont réalisé 260 lancements orbitaux, la Chine 71, l'Europe 4 - un dernier est prévu le 17 décembre. Les États européens, Royaume-Uni, Norvège et Suisse compris, représentent 10 % des investissements publics dans le secteur, les États-Unis 60 % et la Chine 15 %. Les États-Unis et la Chine disposent de la filière industrielle qui produit tout ce que nécessite un lancement, si possible perfectionné technologiquement - la Chine a testé sa première fusée réutilisable à l'été 2025 -, de géants des services numériques susceptibles de les rentabiliser, et d'un pouvoir politique doté d'une vision à long terme et peu contraint financièrement.

Le troisième critère au moins semble faire défaut aux Européens, dont les intérêts ne sont pas toujours alignés. La stratégie spatiale nationale dévoilée le 12 novembre dernier est accompagné d'un effort budgétaire de l'ordre de 4,2 milliards d'euros, et 10,2 milliards sur la période 2024-2030, alors que l'Allemagne, qui a dévoilé la sienne une semaine plus tard, prévoit d'y consacrer 35 milliards d'euros sur la même période. Dans le document français, les puissances émergentes ou le continent africain ne sont pas mentionnés alors que certains projets, telle la constellation de satellites Iris², pourrait être un facteur de diplomatie là où les populations font un usage sophistiqué et inventif du numérique et où notre présence militaire n'est plus souhaitée.

Le MEAE représente certes la France au sein des organisations existantes : le comité onusien sur les usages pacifiques de l'espace extra-atmosphérique, à l'origine du corpus fondateur du droit spatial ; l'Union internationale des télécommunications, organe onusien qui attribue les fréquences radioélectriques et les orbites de satellite, et élabore les normes techniques qui assurent l'interconnexion des réseaux et des technologies ; ou encore les organisations européennes telles que l'Agence spatiale européenne, et l'Union européenne. L'activité de ces enceintes est cependant parfois ralentie.

La France, nation spatiale ancienne, a pourtant déjà été motrice dans le contournement des blocages des organisations existantes et des difficultés à élaborer de nouveaux instruments juridiques contraignants, par exemple en élaborant les « lignes directrices pour la viabilité à long terme des activités spatiales », adoptées par consensus en 2019 et endossées par l'Assemblée générale des Nations unies. Ce type d'effort doit être encouragé et accompagné d'une politique beaucoup plus volontariste dans les enceintes multilatérales, et le cas échéant dans des formats ad hoc.

Le mercredi 3 décembre 2025, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 105 de la mission défense dans le projet de loi de finances pour 2025.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 3 décembre 2025, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, a procédé à l'examen des crédits du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde ».

Mme Valérie Boyer, rapporteure pour avis du programme « Action de la France en Europe et dans le monde ». - Monsieur le président, mes chers collègues, à nous écouter ce matin, j'ai l'impression que chacun d'entre nous présente le même rapport déclinant la situation douloureuse qui est la nôtre, avec un budget qui grève notre rayonnement et notre souveraineté. Nous avons en effet décidé - peut-être pas de manière collective et éclairée - d'accorder la priorité au social, au détriment de la souveraineté, ce qui obérera d'ailleurs peut-être à terme ce choix de la solidarité. Les multiples coupes ont en effet des conséquences tragiques pour tout ce qui a fait la grandeur, le rayonnement et la réussite de la France.

Le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » représente plus des trois quarts de la mission « Action extérieure de l'État ». Y sont regroupés les crédits de fonctionnement du ministre de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) et toute sa masse salariale, ainsi que nos contributions aux organisations internationales - sauf celles de l'aide publique au développement (APD).

Ses crédits augmenteront d'environ 1,8 % en 2026 pour atteindre 2,69 milliards d'euros, mais cet effort masque la stagnation des crédits de la mission, obtenue par la baisse des crédits des autres programmes, ce qui est bien triste s'agissant d'éléments essentiels à notre souveraineté.

Autre élément de contexte non pilotable, les contributions internationales obligatoires de la France diminuent mécaniquement. Les modalités de calcul de notre contribution aux Nations unies et aux opérations de maintien de la paix, qui sont fonction de notre poids économique relatif, nous font économiser environ 25 millions d'euros. Certes, d'autres dépenses obligatoires augmentent simultanément, mais dans des proportions moindres. Il s'agit en particulier de nos contributions européennes : nos contributions au budget du Conseil de l'Europe et à celui de l'Otan augmentent, tandis que notre appui à l'Ukraine via la Facilité européenne de paix reste maintenu au même niveau, c'est-à-dire 104 millions d'euros.

Les dépenses de masse salariale augmentent aussi de façon exogène, en raison de la hausse de l'indemnité de résidence à l'étranger, de la réintégration d'effectifs naguère portés par le ministère des armées, de la réforme de la protection sociale complémentaire (PSC), et de la hausse de la contribution au CAS « Pensions ».

Les moyens pilotables manquent ainsi pour poursuivre la trajectoire de réarmement du ministère en effectifs. Celle-ci prévoyait initialement de créer 150 postes en 2025, puis 200 postes par an en 2026 et en 2027. Sa révision à la baisse en 2024 conduisait à ne plus afficher que 75 postes en 2025, et 100 postes par an jusqu'en 2027, pour un total qui a été ramené de 700 équivalents temps plein (ETP) à 425 ETP sur quatre ans.

Le schéma d'emplois sera finalement nul en 2026. Certes, 347 postes ont été créés en tout depuis 2023, ce qui était déjà une inversion très appréciable de la tendance des années antérieures, mais le directeur des ressources humaines nous a fait part de son inquiétude de voir les effectifs repartir à la baisse : le non-remplacement d'un fonctionnaire sur trois conduirait à une diminution de -70 ETP en 2027, et d'autant en 2028.

Ce ralentissement de la trajectoire de réarmement de notre diplomatie n'empêche pas que l'agenda de transformation se poursuive. Près de 85 % des 356 recommandations issues des États généraux de la diplomatie ont ainsi été mises en oeuvre.

Les dépenses de soutien progressent globalement de 15 millions d'euros. C'est le cas des dépenses de numérique, en raison de la hausse des coûts des équipements. C'est aussi le cas des dépenses d'immobilier, qui augmentent pour revenir au niveau qu'elles avaient dans le projet de budget initial pour 2025, avant l'adoption en commission mixte paritaire (CMP) de l'amendement de nos collègues de la commission des finances.

Le parc du MEAE subit l'inflation à l'étranger et bénéficiera de documents de programmation immobilière rénovés qui devront permettre de mieux consommer les crédits.

En matière de ressources humaines et d'action sociale, les chantiers se poursuivent. L'Académie diplomatique et consulaire, dotée de 5,4 millions d'euros, monte en puissance. Elle a rencontré un beau succès en septembre avec la Fabrique de la diplomatie, qui a attiré 20 000 visiteurs, et son action partenariale en France et à l'étranger accompagne la réforme du corps diplomatique. Des moyens d'action sociale sont en outre dégagés pour améliorer le quotidien des agents - places en crèche, restauration collective, consultations de psychologues.

Les dépenses de protocole resteront dynamiques cette année. Elles avaient déjà doublé en 2024 pour s'établir à 18 millions d'euros - je rappelle qu'il s'agit de l'année des jeux Olympiques, du sommet de la francophonie et de la réouverture de Notre-Dame - puis augmenté de 60 % en 2025 pour atteindre presque 30 millions d'euros. Ce niveau est maintenu en 2026 car, si les crédits de protocole diminuent, une nouvelle action est créée dans la nomenclature budgétaire pour porter le financement du G7, qui se tiendra en juin à Évian.

Les dépenses du centre de crise et de soutien (CDCS) augmentent de 40 000 euros, seulement pour renouveler l'abonnement à un outil d'intelligence artificielle (IA) servant à la veille en ligne.

La direction de la communication et de la presse (DCP) est la mieux traitée du ministère puisque ses crédits progressent d'environ 150 % pour atteindre 16,5 millions d'euros. Jean-Baptiste Lemoyne en dira un mot.

Je tiens d'ailleurs à mettre en exergue l'excellente audition de M. Emmanuel Lebrun-Damiens, directeur de la communication du MEAE, qui nous a parlé de la cellule de riposte et de la guerre hybride qui est à l'oeuvre. En tant que présidente du groupe d'amitié France-Pologne, je souhaiterais que nous puissions l'entendre de nouveau dans un format Weimar lorsque nous recevrons nos homologues polonais au mois de décembre, car je pense que la riposte numérique doit être coordonnée.

J'ai été en effet choquée et peinée par l'absence de réaction de nos partenaires européens lorsque l'Azerbaïdjan a attaqué la France au cours de la crise en Nouvelle-Calédonie : pas un message sur X, pas un mot, pas une action de solidarité ! En montrant à nos collègues allemands et polonais la pertinence des outils que nous pouvons développer, nous pourrons faire avancer la solidarité européenne et renforcer notre stratégie de défense.

Pour en revenir au budget, nous restons très vigilants, dans le contexte actuel, au niveau des crédits dévolus à la sécurité de nos emprises à l'étranger. En 2026, les moyens de la direction de la sécurité diplomatique (DSD) seront les mêmes qu'en 2025, de l'ordre de 66 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 70 millions d'euros en crédits de paiement (CP), alors que les coûts augmentent structurellement du fait de la hausse des menaces, des revalorisations des contrats de gardiennage passés à l'étranger, de l'inflation, de l'évolution du matériel de sécurité spécialisé, du vieillissement de certains équipements - les voitures blindées en particulier - et en raison du fait que nous ouvrons ou rouvrons des emprises.

La DSD fait déjà savoir que son plan de charge pour 2026 sera difficilement tenable et qu'il lui faudra reporter des opérations, ce qui est dommageable, car il est question de la sécurité de nos compatriotes.

Dans un monde en plein bouleversement, sans doute faudrait-il penser les questions de sécurité de manière un peu plus large, en songeant à des zones de repli, aux moyens de protéger les ambassades et les agents de droit local, ainsi qu'aux conséquences des situations de crise en termes de sécurité informatique et de ressources humaines.

Les crédits de coopération de sécurité et de défense sont maintenus à leur niveau de 2025. La direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD), traditionnellement très présente en Afrique, effectue son propre pivot géographique et thématique en se tournant davantage vers la zone indo-pacifique, l'Europe continentale, ainsi que vers les enjeux de criminalité organisée et de lutte contre l'immigration irrégulière et les cybermenaces.

Nous recevions précédemment l'ambassadeur d'Israël en France et nombre de nos collègues ont relevé l'offensive de plusieurs pays, Turquie en tête, en Afrique. Nous sommes démunis face à ce réseau diplomatique puissant et organisé qui joue contre nous, d'où l'importance de maintenir ces lignes de crédits.

Un mot, enfin, sur la mesure de la performance. L'action diplomatique est certes l'une des plus difficiles à évaluer, mais nous avons déjà dit notre perplexité devant certains indicateurs de performance figurant dans les documents budgétaires, particulièrement peu exploitables. Heureusement, ils devraient être en grande partie refondus dans le PLF pour 2027.

J'ajoute que l'amendement déposé par le rapporteur général de la commission des finances suscite notre perplexité et que nous sommes en désaccord avec cette proposition.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur pour avis du programme « Action de la France en Europe et dans le monde ». - Je compléterai la présentation de Valérie Boyer par quelques points d'attention qui nous semblent pouvoir contribuer à l'évaluation de l'efficacité de notre action extérieure.

D'abord, il faut se féliciter de l'importance conférée cette année à la communication stratégique par le biais d'un investissement massif. Lors de son audition, Jean-Noël Barrot avait fait part de son souhaite de reprendre du terrain « dans le champ des perceptions ». De fait, l'intitulé fait son apparition dans les documents budgétaires, sans oublier le recrutement d'une personne dédiée dans son cabinet.

Surtout, le budget de la DCP progressera de 150 % en 2026 pour atteindre près de 16 millions d'euros. Il est destiné à doter les équipes du réseau d'outils de veille performants permettant de suivre en temps réel l'activité numérique, de mesurer les impacts des prises de position et de structurer les pratiques. Lors de l'audition du directeur de la communication qu'évoquait Valérie Boyer, nous avons été séduits par la composition des équipes chargées de cette veille, car elles comptent des profils atypiques qui ont travaillé soit dans l'Open Source Intelligence (Osint), soit dans des médias tels que Brut : il convient en effet de s'adapter aux formes de communication modernes pour avoir de l'audience sur les réseaux sociaux, et de ne pas se limiter à quelques messages « à la Marianne » sur X ne faisant qu'exposer la position de la France.

L'autre nouveauté est la banalisation de la décision de riposter aux attaques informationnelles et réputationnelles, notamment avec la création du compte X « French Response » et l'encouragement des diplomates et des chefs de postes à prendre des risques en matière de communication stratégique, en allant sur ces réseaux.

De même que Viginum a attribué pour la première fois en avril 2025 une attaque cyber à la Russie, notre réseau diplomatique doit aussi avoir les moyens de suivre les tendances, de rétablir les faits et d'exposer nos adversaires lorsqu'ils propagent des contenus inauthentiques.

C'est en quelque sorte la fin de la naïveté en la matière, et c'est aussi un changement de style, puisque la riposte ne s'interdit pas le maniement de l'humour pour tourner les manoeuvres hybrides en ridicule. Muscler cette fonction de veille et de riposte est une absolue nécessité pour contrer les fausses informations, et hélas aussi pour protéger nos agents qui sont parfois nommément la cible de calomnies en ligne à des fins de déstabilisation - ce fut le cas récemment en Arménie, avec les attaques particulièrement scabreuses qui ont visé notre ambassadeur.

Deuxième observation : l'érosion de nos marges de manoeuvre financières, si nous n'y prenons pas garde, ne tardera pas à obérer nos capacités d'action et notre influence dans le monde. Certes, la trajectoire de réarmement a permis de créer 347 postes depuis 2023, lesquels ont bénéficié au réseau, mais ce n'était que du rattrapage. Certes, le réseau évolue encore, comme en témoignent l'ouverture ou la réouverture de postes, à Nuuk au Groenland, à Benghazi en Libye, ou encore à Damas. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage à l'ensemble des personnels diplomatiques, quel que soit leur statut.

Certes, la France a toujours une expertise reconnue dans l'organisation d'événements internationaux. Elle a ainsi accueilli la troisième conférence des Nations Unies sur l'Océan (UNOC) du 9 au 13 juin à Nice et organisera le sommet Afrique-France à Nairobi en mai 2026, tandis qu'une réunion du G7 est prévue à Évian en juin.

Toutefois, les efforts demandés au Quai d'Orsay sur ses crédits d'intervention et le ralentissement de la mise en oeuvre des ambitions récentes ne pourront rester longtemps sans impact sur l'influence de la France dans le monde, ne serait-ce que par un effet de vases communicants : les espaces libérés de la présence française sur le plan financier ou dans les postes à responsabilité seront occupés par d'autres.

La Chine convoite, par exemple, le poste de secrétaire général adjoint chargé des opérations de paix, qui est actuellement occupé par un Français et qui sera libéré l'an prochain. Or la Chine est le huitième contributeur de Casques bleus dans le monde, alors nous ne sommes que le vingt-sixième...

L'effort financier compte donc aussi. La réduction draconienne de notre contribution au Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) n'a sans doute pas été pour rien dans l'échec du candidat français au poste d'administrateur du programme, alors qu'il figurait pourtant parmi les trois favoris.

Si l'on ajoute à cela la réforme administrative des Nations unies, qui devrait conduire à rationaliser le nombre d'agences et de mandats et à réduire les effectifs du secrétariat général de 15 %, la lutte pour les postes sera d'autant plus féroce.

Cette observation appelle une interrogation : compte tenu de l'état du multilatéralisme et de la paralysie du système onusien, existe-t-il des canaux d'influence alternatifs ? Nous nous sommes ainsi demandé si la régulation des secteurs proches des frontières technologiques, l'espace en particulier, ne pouvait pas être de nouveaux terrains d'influence.

Aussi, il nous semble que nous pourrions faire davantage dans un domaine où l'Europe est de plus en plus distancée par le duopole États-Unis-Chine, qui dispose de filières industrielles de pointe et de géants des services numériques.

Néanmoins, nos moyens sont relativement limités : la nouvelle stratégie spatiale française, qui vient de paraître, est moins ambitieuse que la stratégie allemande ; au niveau européen, la constellation de satellites Iris² peut en revanche être un facteur d'influence en nous permettant de ne pas dépendre d'autres acteurs pour nos besoins stratégiques de communication et de connectivité, d'autant plus que cet outil pourrait être mis au service de puissances émergentes le cas échéant.

La France a, de plus, déjà été à l'origine d'un cadre de bonnes pratiques visant à contourner les blocages rencontrés au sein des organisations onusiennes avec les lignes directrices aux fins de la viabilité à long terme des activités spatiales, qui ont été endossées par l'Assemblée générale des Nations unies en 2019.

Nous pourrions donc réorienter une partie de nos efforts vers les organisations internationales sectorielles : certes moins en vue, elles ne sont pas moins importantes dans le monde qui se dessine, les travaux ad hoc de régulation qu'elles mènent aboutissant à des normes de soft law, d'où l'importance d'y être associés. Nous l'avons vu dans d'autres domaines : depuis 2002, la France a agi en faveur du code de conduite de La Haye contre la prolifération des missiles balistiques, ce type d'espaces permettant aux différents acteurs de dialoguer plutôt que de s'affronter.

Pour finir, Mme Boyer et moi-même vous informons que le rapporteur général de la commission des finances a déposé, cette année encore, un amendement visant à diminuer les crédits du programme 105 de 35 millions d'euros. Sont ainsi visées les dépenses d'immobilier pour 20 millions d'euros, ce qui conduirait à des reports de projets ; les dépenses de numérique à hauteur de 2,5 millions d'euros, alors qu'il s'agit d'un domaine critique ; les dépenses de sécurité à l'étranger pour 5 millions d'euros, alors qu'on ne transige pas avec la sécurité de nos agents dans le contexte actuel ; les dépenses de fonctionnement des ambassades, quant à elles, seraient rabotées de 2,5 millions d'euros en dépit du fait qu'elles sont déjà à l'os ; enfin, les dépenses de communication reculeraient de 5 millions d'euros, ce qui reviendrait à revenir sur la hausse des crédits décidée précédemment.

Nous nous opposerons à ce rabot au nom du nécessaire continuum diplomatie-défense, cette dernière étant sanctuarisée. Hors APD, le budget du quai d'Orsay représentait 0,86 % du budget général en 2019, et cette part n'est plus que de 0,59 % en 2025. Nous ne partageons pas les arguments justifiant ces économies et nous opposons donc à cet amendement, tout en vous proposant d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 105.

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Action extérieure de l'État ». - Je partage nombre des descriptions et analyses effectuées par Mme Boyer et M. Lemoyne, les crédits du programme 105 permettant de préserver notre outil diplomatique tout en mettant l'accent sur la riposte stratégique, bien identifiée comme une activité distincte de la communication traditionnelle afin de montrer qu'il s'agit d'une priorité.

La commission des finances a approuvé ces crédits, ainsi que ceux des programmes 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » et 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » que vous examinerez ensuite.

L'amendement du rapporteur général propose effectivement une diminution des crédits de 50 millions d'euros, dont 35 millions d'euros sur le programme 105, et je ne peux que le laisser à votre appréciation.

À titre personnel, j'estime qu'il faut considérer les affaires étrangères comme une fonction régalienne, au même titre que la défense et la sécurité intérieure. Si nous sommes encore loin des objectifs fixés par le Président de la République pour le développement de notre outil diplomatique, nous nous situons malgré tout sur une trajectoire de hausse et de préservation, ce que je considère comme un élément précieux.

M. Cédric Perrin, président. - Je partage complètement cette analyse et j'espère que nous aurons de bonnes surprises. Le débat sur l'action extérieure de l'État aura lieu le 9 décembre ; le 10 décembre, nous examinerons en séance le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » ; enfin, le 11 décembre, il concernera la mission « Défense ». J'attire donc l'attention de l'ensemble des commissaires sur la nécessité d'être présents à ces occasions pour défendre nos positions en séance.

L'action extérieure de l'État représente effectivement une partie importante de notre périmètre et doit donc être préservée, en n'allant pas au-delà des économies préconisées par le Gouvernement.

M. Olivier Cadic. - Le groupe Union Centriste partage complètement cet avis. Il existe une contradiction manifeste entre la volonté d'augmenter l'effort pour la défense et celle de le diminuer pour la diplomatie, ces deux domaines d'action allant de pair. Nous nous opposerons donc à l'amendement en question.

M. Cédric Perrin, président. - J'ai coutume de dire que la diplomatie est la dernière étape avant la guerre.

M. Loïc Hervé. - Je souscris aux propos de Jean-Baptiste Lemoyne s'agissant du Pnud, qui représente un enjeu est de taille. Nous avons reçu sa directrice et renouvelé la convention liant le Sénat au Pnud. Ladite directrice m'a indiqué que les contributions n'ont pas été versées en 2025 et s'inquiète pour 2026 en évoquant un risque de désengagement total.

M. Cédric Perrin, président. - Nous nous sommes rendus à l'Assemblée générale des Nations unies avec un certain nombre de collègues. Si la quasi-totalité des pays réduisent leur contribution volontaire au fonctionnement de l'ONU, notre pays se situe assez loin dans le classement : les États-Unis versent environ 14 milliards d'euros, l'Allemagne participe à hauteur de 4,8 milliards d'euros et la France ne contribue qu'à hauteur de 1,5 milliard d'euros, ce qui nous place à la cinquième place.

Les différentes réunions auxquelles nous avons participé ont permis de diagnostiquer que notre pouvoir de décision diminue en même temps que nos contributions, la règle en vigueur restant « Qui paye décide ». Pire encore, nous perdons des positions dans une série d'organismes compte tenu de la baisse - voire de la disparition - de nos financements, qui nous prive de toute légitimité.

Je n'ai pas manqué de le rappeler à celles et ceux qui proposent des amendements visant à diminuer les budgets, car le point est important : se plaindre d'être éjectés d'Afrique et de perdre en influence tout en continuant à réduire les crédits semble contradictoire.

M. Pierre Médevielle. - Pour en revenir au manque de soutien de nos voisins européens au moment de la crise en Nouvelle-Calédonie, je pense que notre communication et notre dénonciation des événements ont manqué à la fois de clarté et de conviction compte tenu de la gravité des événements et de cette implication directe de l'Azerbaïdjan, avec le soutien de la Chine et de la Russie.

Mme Valérie Boyer, rapporteure pour avis. - S'y ajoute l'attaque qu'a subie notre ambassadeur en Arménie, et bien d'autres. Tous les pays européens n'ont sans doute pas conscience de la présence de l'Europe sur toutes les mers et tous les continents via la France, et je trouve curieux que nos partenaires n'interviennent pas davantage, d'où la nécessité de déployer une cellule de riposte, avec des ramifications à Bruxelles.

Comme l'a souligné le président Perrin, la diplomatie joue un rôle essentiel dans les guerres qui nous sont menées et je me félicite que cette cellule déploie une activité quotidienne en utilisant tous les outils modernes. Pour autant, elle ne dispose que de moyens dérisoires : supprimer ces derniers reviendrait à supprimer des outils essentiels à la préservation de notre souveraineté.

M. Akli Mellouli. - Soignons notre schizophrénie qui consiste à refuser de rechercher des recettes supplémentaires et à regretter dans le même temps d'avoir à sabrer les dépenses.

Par ailleurs, je tiens à souligner que les 25 millions d'euros alloués au Pnud permettent aussi de donner de l'activité aux entreprises françaises, car les responsables de ce programme achètent des biens et services pour leurs plans d'action : notre économie en bénéficie donc.

La diminution des contributions à l'ONU, quant à elle, est hallucinante dans un monde en crise qui exige davantage de solidarité ; il en va de même avec l'aide au développement et l'aide à l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA), qui sont pourtant des leviers diplomatiques essentiels pour la France.

Nous voterons en faveur du rapport, mais, une fois encore, arrêtons de refuser de rechercher des recettes nouvelles, car cela nous conduira à déshabiller Paul pour habiller Pierre, ce qui ne fera jamais une politique générale.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Quel est le nombre de personnels dédiés à la guerre informationnelle ? Des linguistes figurent-ils dans les effectifs ? Quelles sont les bonnes pratiques développées par d'autres pays dont pourrait s'inspirer la cellule de riposte ? Certains pays se sont engagés depuis fort longtemps dans la guerre informationnelle, la stratégie d'influence russe et chinoise en Afrique ayant contribué au repli de la France.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur pour avis. - Il est bien question d'une montée en puissance dans ce domaine puisque la DCP du ministère s'est dotée d'une sous-direction dédiée à la veille et à la stratégie, bien distincte de la communication traditionnelle, avec le recrutement d'un directeur adjoint qui se complète par d'autres embauches, et qui pratique la riposte.

Nos amis britanniques sont bien plus en avance que nous en matière de riposte et disposent d'une expérience qui peut nous être profitable. Nous reviendrons vers vous par écrit au sujet des effectifs détaillés. J'ajoute que cette nouvelle sous-direction et la cellule de riposte forment à leur tour des personnes-ressources, la riposte devant aussi s'appuyer sur des initiatives des chefs de postes et des chargés de communication, afin d'adapter les contenus localement et de répondre aux attaques au plus près du terrain.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » au sein de la mission « Action extérieure de l'État ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 28 octobre 2025

- M. Xavier Pasco, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique

- M. Jean de Gliniasty, ancien Ambassadeur, chercheur associé à l'IRIS

Jeudi 6 novembre 2025

- Audition de M. Julien Steimer, directeur général de l'administration et de la modernisation, M. Alexandre Morois, directeur des affaires financières, M. Etienne le Harivel de Gonneville, directeur des ressources humaines, Mme Anne Boillon, directrice des immeubles et de la logistique, M. Didier Le Bret, directeur de l'Académie diplomatique et consulaire, Mme Laurence Bernardi, sous-directrice de la stratégie et de la synthèse budgétaires, Mme Lou Brenez, rédactrice au sein du bureau de la synthèse budgétaire, direction générale de l'administration et de la modernisation du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Lundi 17 novembre 2025

- Mme Emmanuelle Lachaussée, Directrice générale adjointe des affaires politiques et de sécurité, M. Eric BAYER, Chef de la mission de coordination et de gestion du programme 105, M. Mathieu HEDOIN, chargé de mission, M. Frédéric Jung, directeur adjoint des Nations unies et organisations Internationales, direction générale des affaires politiques et de sécurité du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

- M. Emmanuel Lebrun-Damiens, directeur de la communication et de la presse du ministère de l'Europe et des affaires étrangères


* 1 Décret n° 2025-374 du 25 avril 2025 portant annulation de crédits.

* 2 Décision (PESC) 2021/509 du Conseil du 22 mars 2021 établissant une facilité européenne pour la paix, et abrogeant la décision (PESC) 2015/528.

* 3 Cour des comptes, La gestion par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères de son immobilier à l'étranger, mai 2025.

* 4 Arrêté du 28 mai 2024 portant création d'un service à compétence nationale dénommé « Académie diplomatique et consulaire.

* 5 LOI n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, dont l'article 1er crée les réserves thématique de la réserve civique.

* 6 Voir David Colon, La guerre de l'information, Paris, Tallandier, 2024, et son audition par la commission le 6 décembre 2023.

* 7 Résolution ES-11/8 de l'Assemblée générale des Nations unies intitulée « Le chemin vers la paix », adoptée le 24 février 2025.

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