EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 3 décembre 2025, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, a procédé à l'examen des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ».

Mme Catherine Dumas, rapporteure pour avis. - Monsieur le président, mes chers collègues, le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 place une nouvelle fois la diplomatie d'influence de la France sous tension.

Les crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » sont ainsi prévus en net recul de 46 millions d'euros, passant de 652 millions d'euros à 606 millions d'euros.

Cette diminution intervient alors que l'exercice 2025, déjà affecté par une réduction massive de crédits de 72 millions d'euros, a été marqué par une mesure d'annulation et deux mesures de surgel. Afin d'y faire face, il a notamment été enjoint aux postes de suspendre tout engagement budgétaire de bourses dont l'attribution n'avait pas fait l'objet d'une notification écrite aux bénéficiaires avant le 12 août 2025.

Or les programmes d'échanges peuvent faire l'objet de cofinancements par les partenaires étrangers de la France. De telles décisions, même temporaires, peuvent fragiliser la crédibilité progressivement - et parfois durement - acquise par notre pays dans le domaine de la coopération culturelle et scientifique.

Pour 2026, la contraction budgétaire prévue dans le PLF concerne en premier lieu les opérateurs du programme : l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), l'Institut français et Campus France.

S'agissant de la politique d'accueil des étudiants étrangers, qui constitue un levier d'influence déterminant, l'enveloppe dédiée aux bourses de mobilité devrait diminuer de 20 %, passant de 70 millions d'euros à 56,2 millions d'euros.

Moins de bourses, des durées plus courtes, des allocations moins généreuses : c'est notre compétitivité académique qui se trouve directement affectée, au moment même où nos partenaires investissent massivement dans leur propre attractivité.

En effet, l'Allemagne finance environ 67 000 bourses, le Royaume-Uni 29 000 bourses dans le cadre du programme Turing, quand notre dispositif se réduit à environ 8 000 boursiers dotés d'une allocation de vie. Dans un contexte de concurrence mondiale accrue, la direction envisagée est donc très préoccupante.

L'Institut français, autre pilier de notre diplomatie culturelle, n'est pas épargné. Sa subvention pour charges de service public (SCSP) diminue une nouvelle fois de 1 million d'euros, après une réduction de 1,7 million d'euros l'an dernier.

L'opérateur a inscrit pour 2026 un budget inférieur à 30 millions d'euros, soit le niveau le plus bas depuis sa création. Face à cette contraction continue, l'Institut a été contraint à une revue draconienne de ses programmes et de ses actions : gels de postes, baisse marquée des dépenses de fonctionnement, réduction de 25 % en moyenne du budget de l'ensemble de ses programmes.

S'agissant des crédits consacrés au réseau culturel et de coopération, si les dotations aux Alliances françaises et aux établissements à autonomie financière sont maintenues, cet équilibre demeure fragile.

59 établissements à autonomie financière, c'est-à-dire la moitié de nos Instituts français, affichaient ainsi un résultat négatif en 2024. L'amendement proposé par la commission des finances, qui prévoit une baisse de 10 millions d'euros des crédits du réseau culturel et de coopération - et de 5 millions d'euros sur les crédits centraux - est donc difficilement compréhensible dans ce contexte, et nous y sommes évidemment défavorables.

Mes chers collègues, c'est toute la cohérence d'ensemble de notre diplomatie d'influence qui se trouve affaiblie par le présent projet de budget. Le PLF pour 2026 met à mal notre soft power, au moment même où la compétition internationale en matière d'influence n'a jamais été aussi vive.

Pour toutes ces raisons, et malgré la reconnaissance du travail remarquable effectué par les opérateurs et les agents du ministère, qui permet encore à la France de tenir son rang, nous proposons que la commission émette un avis d'abstention sur les crédits du programme 185.

J'ajoute que si les crédits du programme 185 devaient être adoptés, une exécution à l'euro près serait indispensable pour l'exercice 2026, de même qu'une meilleure visibilité en gestion afin de permettre aux postes diplomatiques de planifier et de respecter leurs engagements vis-à-vis de nos partenaires et de gérer efficacement les ressources.

M. Didier Marie, rapporteur pour avis. - Monsieur le président, mes chers collègues, quelques mots d'abord pour rappeler le contexte général : le programme 185, qui porte les moyens consacrés à notre diplomatie culturelle et d'influence, devrait subir une nouvelle baisse globale de ses crédits de 7 %, après une première coupe déjà très importante en 2025. Cette tendance interroge profondément la capacité de la France à maintenir une diplomatie d'influence ambitieuse.

Je concentrerai mon intervention sur l'AEFE, dont la situation devient préoccupante. Avec une hausse de ses charges et une baisse de ses moyens, l'AEFE sera confrontée à un effet de ciseaux la plaçant devant une équation budgétaire intenable. Sa SCSP baissera une nouvelle fois de 25 millions d'euros, après une réduction de 38 millions d'euros en 2025. Dans le même temps, deux mesures accroîtront ses dépenses : d'une part, la hausse de quatre points du taux employeur de la pension civile, pour un surcoût estimé à 10 millions d'euros ; d'autre part, les conséquences de la réforme du statut des personnels détachés, dont le coût devrait atteindre 24,3 millions d'euros en 2026.

Les conséquences sont directes. La trésorerie des services centraux devrait s'établir à 49,7 millions d'euros fin 2025, mais pourrait être inférieure à 10 millions d'euros fin 2026. Un tel niveau de trésorerie ne permettrait plus à l'Agence de faire face à ses besoins courants.

Deux leviers exceptionnels sont envisagés pour passer ce cap : d'abord, l'accélération du recouvrement des créances dues par les établissements, qui représentent environ 20 millions d'euros ; ensuite, une augmentation temporaire de la participation financière complémentaire versée par les établissements en gestion directe et conventionnés, de trois à quatre points supplémentaires. Cette seconde mesure pourrait générer environ 33 millions d'euros, mais elle se traduirait mécaniquement par une hausse des frais de scolarité pour les familles.

Le paradoxe est d'autant plus grand que la dynamique des effectifs d'élèves, pourtant annoncée comme l'un des axes majeurs de la stratégie présidentielle « Cap 2030 », n'est pas au rendez-vous. Pour tenir l'objectif, le ministère a désormais recours à ce que l'on peut qualifier d' « artifice comptable » en intégrant les effectifs des établissements labellisés LabelFrancÉducation, soit environ 200 000 élèves.

La question immobilière constitue un autre motif majeur de préoccupation. Le réseau des établissements en gestion directe connaît une dégradation progressive de ses infrastructures, faute de moyens suffisants pour investir. Les schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) couvrant les périodes 2011-2015 et 2016-2020 ne sont toujours pas achevés, avec un reste à réaliser de plus de 90 millions d'euros.

Le nouveau plan d'investissement, qui porte sur les cinq années à venir, fait apparaître un besoin global de plus de 200 millions d'euros pour moderniser et rénover les bâtiments. Or l'Agence ne dispose plus des marges nécessaires : son statut d'organisme divers d'administration centrale lui interdit d'emprunter et la contraint à avoir recours aux avances de l'Agence France Trésor (AFT), dont la durée n'est pas adaptée au financement de projets immobiliers. De leur côté, les établissements constituent une trésorerie pour réaliser certaines opérations. Cette solution, bien que nécessaire, présente plusieurs limites, notamment en cas de fluctuations des taux de change susceptibles d'entraîner une dépréciation de la valeur des fonds constitués.

Le Gouvernement a mis en place un groupe de travail interministériel pour réformer le modèle économique de l'AEFE. Plusieurs pistes sont étudiées telles que le renforcement de la participation financière des établissements partenaires ou encore la réforme du dispositif de participation à la rémunération des résidents et détachés (PRRD), dont l'assiette inclurait les cotisations sociales.

Nous regrettons que la nécessaire refonte du modèle économique, dont la nécessité est connue de longue date, intervienne dans l'urgence et se borne à considérer une augmentation des contributions des établissements, entraînant une augmentation des frais de scolarité, voire même des déconventionnements. Ce serait un recul grave.

L'AEFE est donc « à la croisée des chemins », confrontée à des contraintes budgétaires qui fragilisent son modèle, sa capacité d'investissement et, à terme, la cohésion de tout le réseau de l'enseignement français à l'étranger. Or ce réseau est un atout stratégique majeur pour la France : il forme des générations d'élèves francophones, structure des communautés expatriées, entretient un lien durable avec des élites étrangères et représente par conséquent un instrument de rayonnement unique au monde.

Dans ces conditions, il ne nous semble pas possible de soutenir ces crédits en l'état, à plus forte raison si l'amendement de la commission des finances, qui prévoit une baisse de 15 millions d'euros des crédits du programme 185 et de 50 millions d'euros sur la mission « Action extérieure de l'État », devait être adopté.

Autant nous sommes favorables à l'augmentation des crédits afin de mettre notre défense à niveau, autant il est contradictoire et dangereux de réduire notre capacité d'influence : nous considérons que la stratégie d'influence et de défense forme un tout et soutient la présence de la France dans le monde.

M. Olivier Cadic. - Nous ne partageons pas la même analyse. Dans les faits, la dotation de l'État vient contribuer au financement des frais de scolarité des élèves inscrits dans les établissements en gestion directe, et nous appelons de vos voeux la révision du modèle économique depuis un certain nombre d'années.

Compte tenu des contraintes actuelles, les parents d'élèves vont devoir payer : il faut rappeler que c'est déjà le cas dans toutes les écoles partenaires - qui représentent la très grande majorité des établissements - et il me semble qu'il est temps d'étudier cette piste alors que le modèle économique actuel montre ses limites. L'argent du contribuable ne peut pas éternellement venir compenser ce qui devrait être payé par un certain nombre de parents.

M. Didier Marie, rapporteur pour avis. - J'entends ce que dit notre collègue, mais nous avons là une divergence de fond, puisque nous considérons que le service public de l'éducation garantit une qualité d'enseignement que d'autres acteurs ne peuvent pas nécessairement proposer, malgré tous leurs efforts. De manière générale, le service public nécessite des moyens publics : si l'on considère que le service public de l'enseignement à l'étranger est nécessaire, il doit donc être doté des ressources adéquates.

De surcroît, une éventuelle fin de l'intervention du service public entraînera une augmentation des frais de scolarité, qui exclura toute une partie des expatriés et des futures élites étrangères qui peuvent suivre nos enseignements de qualité.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » au sein de la mission « Action extérieure de l'État ».

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