B. UNE REMONTÉE EN PUISSANCE À LA FOIS RÉELLE ET À CONFIRMER

1. Une amélioration réelle mais encore insuffisante

La situation des stocks de munitions illustre de manière instructive où en sont nos armées sur le chemin de la préparation à un choc de haute intensité.

Les rapporteurs avaient indiqué l'année dernière leurs réserves quant à l'idée de faire correspondre à un engagement de haute intensité des stocks de munitions nécessaires à 2 mois de combats. Ils avaient proposé de porter de 2 à 6 mois la durée du référentiel pour déterminer le niveau des stocks de munitions nécessaire pour conduire un affrontement de haute intensité. Cette nécessité d'accroître nos stocks de munitions a été rappelée par le chef de l'État le 13 juillet 2025 qui a reconnu que « la France reste vulnérable sur les stocks de munitions » et qu'il faut désormais « produire vite et en masse ». Depuis 2022, KNDS a ainsi porté sa capacité de production d'obus de 155 mm significativement au-delà de 100.000 par an en tenant compte de l'ensemble de ses implantations européennes, mais cette montée en puissance demeure sujette aux commandes fermes pluriannuelles passées par l'État.

Une tension sur les munitions toujours prégnante

La préparation à un choc de haute intensité impose aux armées de reconstituer des stocks suffisants de toutes natures. Si le sujet des obus d'artillerie de 155 mm est souvent évoqué compte tenu notamment des cessions intervenues au bénéfice de l'Ukraine, le recomplètement a commencé et se poursuivra dans les années à venir compte tenu des nouvelles capacités de production mises en place.

Les difficultés concernent également les autres formats avec des configurations différentes à traiter. Le stock de missiles anti-char courte portée (NLAW) fait ainsi l'objet d'une augmentation pour renforcer la capacité anti-char ainsi que le stock de roquettes AT4 F2 destinées aux LRU. Le stock de projectiles mortiers (81 mm et 120 mm) fait l'objet d'une attention prioritaire compte tenu du développement de la capacité mortiers en cours (MEPAC 120 mm monté sur Griffon).

Les livraisons de kits d'AASM se sont poursuivies en 2025 par Safran et de nouvelles commandes pourraient intervenir en 2026 au titre du recomplètement des stocks.

La montée en puissance de la production de missiles se poursuit grâce à un plan d'investissement conséquent mis en oeuvre par MBDA, le développement des stocks de composants et métaux et une hausse des recrutements. La capacité de production des missiles de MBDA a ainsi été doublée depuis 2023 et l'accroissement se poursuit.

2. Une actualisation de la LPM indispensable pour renforcer la sincérité des engagements et mieux répondre aux nouveaux besoins

Lors de son audition devant la commission le 22 octobre dernier, la ministre des Armées a déclaré que ce PLF 2026 constituait « la première année du futur projet de loi d'actualisation de la LPM 2024-2030 » qui devra aller jusqu'au terme de la LPM actuelle. Si le texte du projet de loi est déjà bien avancé, la ministre des Armées a indiqué récemment que son dépôt sur le bureau d'une des assemblées n'interviendrait qu'au premier semestre 2026 compte tenu des incertitudes sur le vote du budget. Le recours éventuel à une loi spéciale constitue en effet une menace évidente puisque cette solution mise en oeuvre l'année dernière aurait pour effet de repousser à la fois la mise en place de la marche de 3,2 Mds€, mais également celle de la « surmarche » de 3,5 Mds€. Les rapporteurs ne peuvent que faire part de leur préoccupation face au risque pour les Armées que le budget ne soit pas adopté dans les délais compte tenu des conséquences qu'a eu le recours à une loi spéciale en début d'année 2025.

Les industriels auditionnés considèrent tous qu'ils ont besoin de stabilité et de visibilité pour poursuivre leur montée en puissance. Ils attendent donc avec beaucoup d'attention à la fois le vote de la loi de finances et le dépôt du projet de loi relatif à l'actualisation de la LPM. Cette actualisation est considérée comme une étape importante pour renforcer la sincérité de la LPM 2024-2030 compte tenu des incertitudes de financement qui accompagnaient la loi adoptée par le Parlement le 1er août 2023. L'actualisation doit ainsi à la fois conforter les engagements qui figurent dans le texte de 2023 sur le plan des financements, mais également ouvrir la voie à des engagements complémentaires permettant d'acquérir des capacités nouvelles qui n'étaient pas évoquées dans la programmation originelle.

Les rapporteurs ont été étonnés d'apprendre que les industriels n'avaient été que très peu informés des résultats des travaux d'actualisation de la LPM. Plusieurs d'entre eux font part de leur sentiment que des marges de progression existent dans le dialogue à mener avec la DGA afin que le ministère des Armées puisse intégrer le plus en amont possible les contraintes industrielles dans la conduite des programmes.

Un point de vigilance particulier doit par ailleurs concerner la nécessité de préserver un certain équilibre entre la France et l'Allemagne concernant les moyens consacrés à l'effort de défense. Compte tenu de l'effort très important produit par notre voisin, un risque existe de « décrochage » du côté français qui pourrait compliquer la poursuite des partenariats par exemple dans le secteur spatial où l'Allemagne prévoit d'investir 35 Mds€ quand la France a évoqué seulement 4 Mds€ supplémentaires dans le cadre des « surmarches ».

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