N° 143

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026,

TOME I

COHÉSION DES TERRITOIRES

Par MM. Louis-Jean de NICOLA• et Sébastien FAGNEN,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot, président ; M. Didier Mandelli,  Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Hervé Gillé, Rémy Pointereau, Mme Nadège Havet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Yves Roux, Cédric Chevalier, Ronan Dantec, vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Audrey Bélim, MM. Pascal Martin, Jean-Claude Anglars, secrétaires ; Mme Jocelyne Antoine, MM. Jean Bacci, Alexandre Basquin, Jean-Pierre Corbisez, Jean-Marc Delia, Stéphane Demilly, Gilbert-Luc Devinaz, Franck Dhersin, Alain Duffourg, Sébastien Fagnen, Jacques Fernique, Fabien Genet, Mme Annick Girardin, MM. Éric Gold, Daniel Gueret, Mme Christine Herzog, MM. Joshua Hochart, Olivier Jacquin, Damien Michallet, Mme Marie-Pierre Mouton, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Saïd Omar Oili, Alexandre Ouizille, Clément Pernot, Mme Marie-Laure Phinera-Horth, M. Bernard Pillefer, Mme Kristina Pluchet, MM. Pierre Jean Rochette, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, M. Simon Uzenat, Mme Sylvie Valente Le Hir, M. Michaël Weber.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180

Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026)

CHAPITRE IER
LES CRÉDITS CONSACRÉS
AUX POLITIQUES DES TERRITOIRES

Réunie le 19 novembre 2025, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, suivant son rapporteur pour avis Louis-Jean de Nicolaÿ, a émis un avis favorable aux crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2026 au titre des missions budgétaires « cohésion des territoires » et « relations avec les collectivités territoriales ». La commission a toutefois invité le Gouvernement à poursuivre sa réflexion sur les modalités pertinentes de simplification du cadre applicable aux dotations, en particulier s'agissant du rapprochement de deux dotations stratégiques pour nos collectivités territoriales, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) tout en garantissant le maintien du soutien aux territoires ruraux.

La réflexion budgétaire sur les crédits dédiés à l'aménagement du territoire doit impérativement s'inscrire dans une réflexion plus large sur les nouvelles formes que pourrait prendre la cohésion territoriale à l'issue de l'année 2026, qui correspondra à l'échéance fixée pour la majorité des dispositifs et programmes qui avaient été lancés au moment de la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) en 2020.

Un levier mis en place à la création de l'ANCT a interpelé le rapporteur pour avis : le recours à hauteur de près de 30 millions d'euros (pour l'année 2024) à des prestations privées et externalisées d'ingénierie territoriale, via des marchés à bon de commande pilotés par l'ANCT. La commission, suivant son rapporteur pour avis, formule le souhait qu'il soit mis fin à ce mode d'intervention et que l'enveloppe correspondante soit redirigée vers le soutien direct à l'ingénierie des collectivités territoriales.

I. SOUTIEN AU MONDE RURAL, CYCLE ÉLECTORAL : DEUX POINTS DE VIGILANCE MAJEURS

A. UN PROJET DE FUSION DE TROIS DOTATIONS QUI RISQUE DE FRAGILISER LE SOUTIEN À LA RURALITÉ

L'article 74 du PLF pour 2026 prévoit la création d'un fonds d'investissement pour les territoires (FIT) qui regrouperait trois dotations : la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation politique de la ville (DPV) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Selon l'exposé des motifs, ce dispositif « permet[rait] de simplifier l'accès aux dotations de l'État en unifiant le cadre juridique et les procédures applicables ». Le bénéfice du FIT serait réservé aux collectivités rurales ainsi qu'à celles « marquées par des difficultés urbaines », tout en permettant le financement d'autres collectivités « par exception ».

Ce projet suscite l'inquiétude de la commission pour plusieurs raisons, liées à la modification substantielle des critères d'attribution. En premier lieu, la création du FIT correspondrait à la mobilisation d'une nouvelle définition de la ruralité qui reviendrait à diminuer de 3 269 communes et de 217 EPCI le nombre de collectivités et d'EPCI éligibles à ce type de dotations.

Même si la mise en application de cette nouvelle définition n'interviendrait qu'à partir de 2028, après une période transitoire de deux ans, le périmètre d'éligibilité des dotations concernées serait tout de même modifié dès la période transitoire avec des effets de bord regrettables : le dispositif proposé conduirait en effet à exclure dès 2026 du périmètre du FIT les communes qui n'étaient précédemment éligibles qu'à la DSIL, alors que les communes qui étaient précédemment éligibles à la DETR ou à la DPV seraient, par dérogation, éligibles au FIT pour encore deux ans.

En outre, le projet de fusion reviendrait à modifier substantiellement les équilibres d'attribution des dotations, avec un risque élevé de pénaliser les territoires ruraux. En effet, l'article 74 du PLF ne prévoit pas de mécanisme qui permettrait de préserver les proportions financières associées respectivement aux dotations fusionnées : sur le périmètre budgétaire du nouveau FIT, 65 % correspondrait à l'enveloppe qui était celle de la DETR, 26 % à celle de la DSIL et 9 % à celle de la DPV.

La vive préoccupation du rapporteur pour avis sur ce point est accentuée par l'absence d'étude d'impact associée à cette fusion.

La commission invite par conséquent le Gouvernement à poursuivre sa réflexion sur les modalités pertinentes de réforme du système des dotations, en poursuivant le même objectif de simplification, tout en garantissant le maintien du niveau de soutien apporté au monde rural.

Source : Commission, d'après les données de la DGCL et de l'Insee

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