IV. LES MUSÉES À L'HEURE DES CHOIX BUDGÉTAIRES

A. LA VULNÉRABILITÉ DES MUSÉES FACE AUX NOUVELLES MENACES PESANT SUR LEUR SÛRETÉ APPELLE UN LARGE PLAN DE SÉCURISATION, NON FINANCÉ À CE JOUR

1. À l'instar du musée du Louvre, la plupart des musées sont insuffisamment préparés au risque croissant de cambriolage et d'intrusion

Une série de cambriolages survenus à l'automne 2025, qui ont successivement touché le musée national Adrien-Dubouché de Limoges le 4 septembre, le Museum national d'histoire naturelle le 16 septembre, le musée du Désert de Mialet le 5 octobre, le musée Jacques Chirac de Sarran les 12 et 14 octobre, et enfin le musée du Louvre le 19 octobre, ont mis en évidence la vulnérabilité des institutions muséales face aux menaces pesant sur leur sûreté.

Le cambriolage du Louvre a particulièrement choqué et a eu un retentissement mondial, du fait de la facilité avec laquelle il a été perpétré et de l'atteinte portée, à travers la perte de plusieurs pièces de la collection royale de gemmes et de diamants de la Couronne, au patrimoine national.

L'enquête administrative confiée à l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) a mis en évidence la sous-estimation chronique du risque structurel lié au vol d'oeuvre et à l'intrusion dans le musée, ainsi que le sous-équipement de l'établissement en matière de sûreté, notamment concernant la surveillance extérieure du site. Le rapport consacré par la Cour des comptes au musée, publié en novembre 2025, a par ailleurs pointé le sous-investissement du musée dans les travaux d'entretien et de rénovation des bâtiments et des installations techniques.

Ces éléments ont été confirmés dans le cadre des travaux conduits par la commission à la suite de ce cambriolage, qui lui ont notamment permis de constater, lors d'un déplacement sur le terrain, l'obsolescence des équipements de sûreté du musée. Cette situation résulte en partie de celle des équipements techniques de l'établissement, notamment de son réseau électrique, qui rend impossible une modernisation d'ampleur des équipements de sûreté.

Ces constats peuvent être étendus à de nombreux musées du territoire. Le musée national Adrien-Dubouché de Limoges et le Museum national d'histoire naturelle indiquent ainsi que la dégradation de leur patrimoine immobilier, associée à la réduction de leur financement par l'État, contraignaient fortement leur adaptation aux nouveaux enjeux de sécurité et de sûreté. Le directeur général délégué de la Rmn-Grand Palais a quant à lui souligné que si le Grand Palais disposait aujourd'hui d'équipements de sûreté satisfaisants, cette situation n'avait été rendue possible que par le programme de travaux en cours d'achèvement, au montant colossal de 466 millions d'euros.

Alors que, ainsi que l'a relevé devant la commission le chef de l'office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC), les cibles et les méthodes de la criminalité évoluent et pourraient davantage cibler certains biens muséaux dans les prochaines années, notamment les objets constitués de pierres et métaux précieux et les porcelaines chinoises, la question de l'acculturation des musées au risque sécuritaire et celle des moyens à consacrer à la mise à niveau de leurs équipements de sûreté se pose avec urgence.

2. Le nécessaire abondement du fonds de sûreté annoncé par la ministre

Dans ce contexte, plusieurs outils doivent être mobilisés pour renforcer la sécurité et la sûreté des musées.

L'accompagnement au développement d'une culture de sécurité et de sûreté est assuré par la mission de sécurité, de sûreté et d'audit (Missa) du ministère. Composée de quatre pompiers, de trois policiers et d'un expert en sûreté, cette mission réalise des analyses de risque, effectue des diagnostics et formule des recommandations. Elle intervient avant chaque prêt d'oeuvres des musées nationaux afin de vérifier les conditions de sécurité et de sûreté des établissements d'accueil. Elle dispense enfin des formations dans les écoles formant aux métiers du patrimoine et auprès des personnels muséaux.

Chaque établissement doit par ailleurs se doter d'un schéma directeur visant à la maintenance et à la mise à niveau de ses équipements, qui appellent des investissements importants. Ces coûts sont renchéris par les dépenses de personnels nécessairement associées. Surtout, ces orientations doivent le plus souvent être intégrées dans un projet plus général de modernisation des infrastructures et des équipements techniques des établissements.

Compte tenu de ces éléments, l'évolution proposée sur l'action n° 3 du programme n'est pas cohérente avec les besoins. Si 10 millions d'euros sont fléchés vers le schéma directeur technique du musée du Louvre, les crédits d'investissement sont en diminution de 25 millions d'euros (- 6 %) par rapport à la LFI pour 2025, tandis que les CP stagneront à 441 millions d'euros.

Ainsi, en l'état, le fonds de sûreté dédié à la sécurisation des sites patrimoniaux annoncé par la ministre n'est pas financé. Selon les précisions fournies par la DGPA, ce fonds serait destiné aux établissements culturels conservant des collections publiques d'une sensibilité ou valeur particulière, relevant de la loi Musées de 2002 ou protégés au titre des monuments historiques, et devrait être abondé par chacun des ministères assurant la tutelle des musées nationaux.

À l'initiative de sa rapporteure, la commission a adopté un amendement visant à abonder le fonds de sûreté dédié à la sécurisation des sites patrimoniaux, annoncé par la ministre à la suite du cambriolage du musée du Louvre. Les crédits associés, d'un montant de 30 millions d'euros en AE et de 30 millions d'euros en CP, ont été déterminés de manière à correspondre aux besoins annuels en investissement et aux capacités de consommation des établissements pour l'année 2026.

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