N° 145

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1)
sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté
par l'Assemblée nationale, pour
2026,

TOME VI

ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Par M. Louis VOGEL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, M. Marc-Philippe Daubresse, Mmes Laurence Harribey, Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, Lauriane Josende, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. Jean-Baptiste Blanc, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Thani Mohamed Soilihi, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Anne-Sophie Patru, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180

Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026)

L'ESSENTIEL

Pour l'administration pénitentiaire, l'exercice 2026 sera placé sous le signe de l'aggravation de la surpopulation carcérale, avec une densité carcérale dépassant désormais 135 %.

Ce phénomène est à l'origine de dysfonctionnements structurels de l'administration pénitentiaire. Il lui est en effet de plus en plus difficile d'assurer, sa mission première d'exécution des décisions de justice : la surveillance et la garde des détenus, la préservation de l'ordre public en prison, la gestion des extractions et des transfèrements, ainsi que la garantie de « l'étanchéité » des établissements. Plus largement, elle peine aujourd'hui à assurer l'ensemble de ses autres missions fondamentales : garantir la sécurité et des conditions de travail correctes à ses agents, préserver les droits et la dignité des détenus, et favoriser leur réinsertion.

Pour 2026, les crédits de paiement demandés au titre de l'administration pénitentiaire, hors charges de pensions, s'élèveraient à 4,3 milliards d'euros, soit une hausse de 3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. Si la commission des lois ne peut que louer la préservation du budget proposé pour l'administration pénitentiaire dans le contexte de finances publiques actuel, force est de constater que ses moyens financiers et humains resteraient insuffisants au regard de la situation.

Alors qu'une part importante des crédits est absorbée par les programmes de créations de places de prison, et notamment par le « plan 15 000 », il apparaît que la réponse bâtimentaire, pour nécessaire qu'elle soit, est structurellement insuffisante pour endiguer la surpopulation carcérale.

Comme les récents travaux de la commission l'ont montré, la poursuite de cet objectif est en réalité indissociable de la politique d'exécution des peines qui nécessite, pour être pleinement efficace, un renforcement de l'administration pénitentiaire, et en particulier des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP).

Sur la proposition de son rapporteur, Louis Vogel, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice »

I. LE CONTEXTE : UNE ACCÉLÉRATION DE LA CROISSANCE DE LA POPULATION PÉNALE QUI MINE LA CAPACITÉ DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE À ASSURER SES MISSIONS FONDAMENTALES

A. LE PHÉNOMÈNE DE SURPOPULATION CARCÉRALE CONTINUE DE S'AGGRAVER

Pour l'administration pénitentiaire, l'exercice 2026 sera une nouvelle fois placé sous le signe de l'aggravation de la surpopulation carcérale.

Depuis 2022 et la fin de la baisse ponctuelle des incarcérations liée à la crise sanitaire, la croissance du nombre de détenus a repris et s'est même accélérée. Ainsi, au 1er octobre 2025, le nombre de détenus s'élevait à 84 862, soit une hausse de 6,6 % sur un an, contre 3,9 % au cours de l'année 2022.

Ce total excède largement le nombre de places opérationnelles. Ainsi, au 1er octobre 2025, la densité carcérale globale s'établit à 135,8 %, contre 127,9 % un an plus tôt, et 114,3 % au 1er janvier 2022. Dans les maisons d'arrêt et quartiers maison d'arrêt, ce taux atteint même 165,4 %. Il en résulte que 72 % des détenus sont hébergés dans une structure dont la densité d'occupation est supérieure à 150 %.

Au-delà de la « surpopulation carcérale » par rapport aux places de prison opérationnelles, on peut désormais parler d'une « surpopulation pénale » au regard des moyens généraux de l'administration pénitentiaire.

Outre les détenus stricto sensu, le total des personnes placées sous main de justice compte également les personnes écrouées non détenues, soit 16 024 personnes au 1er octobre 2025, ainsi que les personnes suivies en milieu ouvert, soit 179 435 personnes au 1er mars 2025, dont les effectifs ont progressé de plus de 7 % par rapport au 1er mars 2021.

Ce constat suffit à montrer que la justice française n'est en aucun cas « laxiste ». Bien que les comparaisons internationales soient fragiles en matière pénale, le Conseil de l'Europe1(*) a établi qu'au 31 janvier 2024, le ratio d'incarcération en France (112 détenus pour 100 000 habitants) était supérieur à la médiane européenne (105 pour 100 000 habitants). Il en va de même pour la durée moyenne d'incarcération, qui s'élevait à 11,7 mois en France, contre une médiane européenne à 8,7 mois, et des durées moyennes de 5,2 mois au Royaume-Uni et de 4,2 mois en Allemagne. Dans un rapport de 2023, la Cour des comptes a montré que la France faisait partie des dix pays européens enregistrant une progression de la population carcérale au cours des vingt dernières années, laquelle a dans le même temps reculé significativement au Royaume-Uni et en Allemagne2(*).

B. DANS CES CONDITIONS, L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE PEINE À ASSURER SES MISSIONS FONDAMENTALES

La surpopulation carcérale est à l'origine de dysfonctionnements structurels de l'administration pénitentiaire. En dépit du professionnalisme et du dévouement de ses agents, celle-ci peine aujourd'hui à assurer ses missions fondamentales :

- il lui est tout d'abord difficile d'assurer sa mission première d'exécution des décisions de justice, qui implique en premier lieu la surveillance et la garde des détenus, la préservation de l'ordre public en prison, la gestion des extractions et des transfèrements judiciaires, ainsi que la garantie de « l'étanchéité » des établissements vis-à-vis de l'extérieur, comme en témoigne la présence massive de téléphones portables en leur sein et les imperfections des dispositifs de « brouillage » mis en place ;

- il lui est de plus en plus difficile de garantir la sécurité et des conditions de travail correctes à ses personnels. Entre 2020 et 2024, les faits de violence physique ou verbale à leur encontre ont augmenté de 57 %, pour s'établir à 32 194 cas recensés (dont 5 387 agressions physiques). Cette situation est le produit direct de la surpopulation carcérale, mais aussi du phénomène de durcissement du profil des détenus, dont le drame d'Incarville de mai 2024 a été l'expression la plus extrême. On observe ainsi une augmentation de la part des détenus relevant de la criminalité organisée, qui représentent désormais plus du tiers de la population carcérale (34,9 % au 1er octobre 2025) ;

- il lui est de plus en plus difficile de garantir les droits et la dignité des personnes détenues, comme en témoignent les condamnations répétées de la France par la Cour européenne des droits de l'Homme. En témoigne l'évolution du taux d'encellulement individuel, qui chute à 34,9 % au 1er octobre 2025 (contre 43 % au 1er janvier 2022) et, surtout, l'évolution inquiétante du nombre de matelas au sol, qui s'élève à 5 895 au 1er octobre 2025, soit une progression de 54,7 % en un an. De surcroît, les capacités de prise en charge psychiatrique des détenus sont nettement sous-dimensionnées : alors que la direction de l'administration pénitentiaire estime qu'environ deux tiers des hommes et trois quarts des femmes détenus souffrent d'au moins un trouble psychiatrique ou un trouble lié à l'usage de substance, le nombre de places en unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) est aujourd'hui limité à 440 ;

- il lui est de plus en plus difficile de mener à bien sa mission de réinsertion des personnes placées sous main de justice, au regard des ressources que nécessite leur surveillance.

II. FACE À CETTE SITUATION, LA PRÉSERVATION PROPOSÉE DES CRÉDITS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE EST INDISPENSABLE

A. À L'AUNE DU CONTEXTE BUDGÉTAIRE ACTUEL, LA HAUSSE DES CRÉDITS PROPOSÉE POUR 2026 EST LOUABLE

Le budget proposé pour 2026 au titre de l'administration pénitentiaire s'élève à 5,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 5,5 milliards d'euros en crédits de paiement.

Hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », les crédits de paiement prévus pour 2026 s'élèvent à 4,3 milliards d'euros, soit une progression de près de 3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2025, et d'environ 20 % par rapport à l'exécution 2020.

Cette progression est d'autant plus louable que le projet de loi de finances s'inscrit dans un contexte de finances publiques extrêmement dégradé. À titre de comparaison, on peut relever que sur les 30 missions que compte le budget de l'État (hors engagements financiers), seules deux connaîtraient une progression des crédits hors CAS Pensions de 3 % ou plus (« Défense » et « Écologie, développement et mobilités durables »)3(*).

B. DANS LE DÉTAIL, CETTE HAUSSE NE PORTERAIT TOUTEFOIS QUE SUR LES DÉPENSES DE PERSONNEL, TIRÉES PAR DES CRÉATIONS DE POSTES QUI RESTENT EN DEÇÀ DES BESOINS

Dans le détail, toutefois, il convient de relever que cette hausse est uniquement imputable à la progression des dépenses de personnel (titre 2). Dans le même temps, en effet, les dépenses d'autres natures, notamment les dépenses de fonctionnement et d'investissements nécessaires à la gestion des établissements pénitentiaires, seraient stabilisées.

Ces dépenses de personnels sont principalement tirées par l'impact du schéma d'emplois prévu pour 2026 (+ 51 millions d'euros), qui autorise la création de 855 postes dans l'administration pénitentiaire.

Si ces créations sont évidemment bienvenues au regard du contexte de surpopulation pénale, force est de constater qu'elles sont nettement en deçà des besoins. En effet, la demande formulée par la direction de l'administration pénitentiaire lors de la phase de construction budgétaire pour 2026 était près de deux fois supérieure (1 609 ETP). Or, cette demande était elle-même modérée comparée aux quelque 6 000 postes estimés nécessaires pour faire face à la situation.

Le budget proposé intègre toutefois bien un financement à moyens constants (pour la partie « hors titre 2 ») :

- la poursuite du protocole de sécurisation dit « Incarville », doté d'une enveloppe de 20 millions d'euros pour 2026 (mise à niveau du parc de véhicule des pôles de rattachement des extractions judiciaires et des équipes de sécurité pénitentiaire, acquisitions d'armes et de matériels) ;

- la mise en oeuvre de la loi « Narcotrafic », autour de laquelle certaines incertitudes subsistent au plan budgétaire (voir encadré).

Les incertitudes budgétaires entourant la mise en oeuvre de
la loi n° 2025-532 du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic

Le principal enjeu de mise en oeuvre de la loi « Narcotrafic » pour l'administration pénitentiaire est celui de la création des quartiers de lutte contre la criminalité organisée (QLCO), dotés de dispositifs de sécurité significativement renforcés (isolement quasi-total, fouilles à nu, anonymisation du personnel).

L'ouverture des deux premiers QLCO, sur les sites de Vendin-le-Vieil et de Condé-sur-Sarthe, représente un coût estimé à 12 millions d'euros au titre de l'exercice 2025. Trois QLCO supplémentaires ont vocation à être créés en 2026 sur les sites d'Aix-Luynes, Valence et Réau. Toutefois, seuls 8,1 millions d'euros ont été budgétés dans le PLF 2026 au titre de ces créations, la direction de l'administration pénitentiaire ayant indiqué au rapporteur que le solde sera « financé en gestion par des choix budgétaires qui restent à déterminer ».

Le schéma d'emplois intègre bien la création de 60 emplois fléchés sur les trois nouveaux QLCO. Néanmoins, à nouveau, le coût de la prime qui aura vocation à être versée aux agents de ces structures, estimé à 3 millions d'euros, n'a pas été budgété. En revanche, le PLF intègre bien le coût en année pleine de la prime versée aux agents des deux premiers QLCO (1,2 million d'euros).

Au total, si l'on estime à 6 millions d'euros le coût de l'ouverture d'un QLCO, on peut estimer que près de 13 millions d'euros restent à trouver en cours de gestion pour permettre la mise en place des trois structures prévues.

III. LA POURSUITE DE LA RÉPONSE BÂTIMENTAIRE À LA SURPOPULATION CARCÉRALE EST NÉCESSAIRE, MAIS STRUCTURELLEMENT INSUFFISANTE

A. LES RETARDS DE MISE EN oeUVRE DU « PLAN 15 000 » CONTINUENT DE S'ACCUMULER, ALORS QUE CELUI-CI EST DÉJÀ OBSOLÈTE

La mise en oeuvre du plan de création de 15 000 nouvelles places de prisons en dix ans (dit « plan 15 000 »), lancé en 2018, se poursuit en 2026.

À deux ans de son terme, l'exécution du plan n'est qu'à mi-parcours. Fin octobre 2025, 25 établissements ont été livrés comportant 7 504 places brutes créées, soit 5 531 places « nettes » une fois prises en compte les fermetures d'établissement intervenues dans le même temps.

Le calendrier initial est désormais largement hors d'atteinte, et ce même si près de 6 500 places brutes sont en phase de travaux, en phase d'études de conceptions, ou bien prévues au sein de marchés de travaux en cours. Pendant que les retards s'accumulent, près de 14 opérations (sur la cinquantaine que le plan compte) sont aujourd'hui prêtes à être lancées par l'agence pour l'immobilier de la justice et n'attendent plus, pour être mises en oeuvre, qu'une signature que le ministère de l'économie et des finances se refuse à donner pour des raisons purement budgétaires.

En tout état de cause, le « plan 15 000 » paraît déjà obsolète compte tenu de la réalité de la situation. Au moment de sa conception en 2017, ce plan se donnait pour objectif d'atteindre les 75 000 places opérationnelles en 2027, soit un total déjà nettement inférieur au nombre actuel de détenus, qui avoisine les 85 000. Le nombre de places opérationnelles aujourd'hui « manquantes » ne serait-ce que pour ramener la densité carcérale à 100 % s'établit à 22 361, soit bien plus que la cible du plan.

À l'aune de ce constat, la réponse bâtimentaire qui a jusqu'alors été apportée au problème de la surpopulation carcérale, bien que nécessaire, est structurellement insuffisante. Eu égard à la dynamique des incarcérations, la politique de création de places, par ailleurs très coûteuse pour le budget de l'État, avec près de 500 millions d'euros de nouvelles autorisations d'engagement prévues à ce titre en 2026, ressemble de plus en plus à une tentative de vider l'océan à la petite cuillère.

B. LES NOUVEAUX PROJETS ANNONCÉS DE CRÉATIONS DE « PRISONS MODULAIRES » TÉMOIGNENT D'UN VOLONTARISME APPRÉCIABLE TOUT EN SOULEVANT CERTAINES INTERROGATIONS

Outre le plan 15 000, le garde des sceaux a annoncé le lancement d'un nouveau programme immobilier, tendant à la création de prisons dites « modulaires », dont la sécurisation est adaptée à des détenus peu dangereux. Dans le détail, seraient ainsi créées :

- 1 500 places au sein de quartiers semi-libertés (QSL) pour un coût total estimé à 300 millions d'euros, avec un objectif de finalisation en 2027 ;

- 1 500 places au sein de nouveaux « quartiers courtes peines » (QCP), pour un coût total, estimé, avec un fort degré d'incertitude à ce stade, à environ 450 millions d'euros.

Il convient de relever qu'outre le coût des opérations immobilières, l'ouverture de ces nouveaux établissements nécessitera également de créer les postes nécessaires à leur armement.

Le nouveau programme est digne d'intérêt à plusieurs titres.

S'agissant du volet « QSL », les sites ont déjà été identifiés, et les choix se sont prioritairement portés sur du foncier pénitentiaire, ce qui permettra de gagner un temps certain.

La philosophie du volet « QCP », qui vient d'être lancé, témoigne également d'un souci de rationalisation de l'immobilier pénitentiaire, avec la volonté d'adapter la sécurisation des établissements en fonction des profils de dangerosité des détenus qu'il a vocation à accueillir (et non plus uniquement du régime juridique de l'incarcération), ce qui paraît indéniablement source d'efficience. À cet égard, la création des QCP est complémentaire de la création des QLCO, et des importantes ressources qu'ils consomment pour leur sécurisation.

Néanmoins, la création des nouveaux QSL soulève certaines interrogations. Premièrement, force est de constater que les condamnés en semi-libertés (2 569 personnes au 1er octobre 2025) ne représentent aujourd'hui qu'une part marginale des écroués (2,5 %). Certes, le programme pourrait permettre de remédier à l'un des obstacles au développement de cette mesure identifiés par la direction de l'administration pénitentiaire, à savoir le caractère très disparate de l'offre, aujourd'hui très concentrée géographiquement et complètement absente de certains départements. S'il est opérationnellement pragmatique, le choix de prioriser le foncier pénitentiaire pourrait néanmoins s'avérer peu adapté au profil des détenus concernés, dans la mesure où ces sites sont bien souvent éloignés des bassins d'emplois, ce qui est susceptible de complexifier la conduite des activités au titre desquelles ils ont été admis à ce régime de détention, et donc de fragiliser leur réinsertion.

IV. L'EFFORT POUR ENDIGUER LE PHÉNOMÈNE DE SURPOPULATION CARCÉRALE RESTE INDISSOCIABLE DE LA POLITIQUE D'EXÉCUTION DES PEINES

A. LES LEVIERS D'AMÉLIORATION DE LA POLITIQUE D'EXÉCUTION DES PEINES IDENTIFIÉS PAR LA COMMISSION DES LOIS PASSENT NOTAMMENT PAR UN RENFORCEMENT DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Eu égard à l'insuffisance structurelle de la réponse bâtimentaire, les principaux leviers d'endiguement du phénomène de la surpopulation carcérale se situent au niveau de la politique d'exécution des peines. La commission des lois a récemment publié, au titre de ses travaux de contrôle, un rapport dédié à cette question4(*).

Or, ces travaux montrent que l'amélioration de la politique d'exécution des peines passe notamment par un renforcement de l'administration pénitentiaire, et en particulier des services pénitentiaires d'insertion et de probation.

Afin de favoriser la meilleure individualisation de la peine, grâce à un usage des aménagements de peine et des peines alternatives à la détention qui soit à la fois efficace, raisonné et de nature à mieux prévenir la récidive en améliorant la réinsertion, ce rapport recommande en particulier de renforcer le rôle exercé par l'administration pénitentiaire auprès du magistrat lors de la phase pré-sentencielle. Dans le cadre d'un « plateau technique » mis à la disposition de ce dernier, les agents des SPIP pourraient recueillir des informations sur la personnalité du prévenu et, fort de leur expertise criminologique, présenter les réponses pénales les plus adaptées à sa réinsertion. De même, des représentants du personnel de surveillance pourraient réaliser une enquête de faisabilité ou établir un dispositif de détention à domicile sous surveillance électronique. Le même rapport propose également de clarifier les rôles respectifs du juge de l'application des peines et des SPIP, considérant que certaines décisions pourraient plus efficacement être prises au niveau de l'administration pénitentiaire.

Un autre enjeu important est celui de la « crédibilisation » des peines alternatives à la détention aux yeux de la société comme des magistrats, que d'aucuns considèrent « méfiants » quant à l'effectivité du contrôle de ces peines.

Il en va en particulier des peines de travaux d'intérêt général (TIG), alors même qu'elles présentent un intérêt évident en termes de réinsertion pour certains profils de détenus. En effet, le stock de mesures de TIG prises en charge par les SPIP a connu une baisse importante au cours de la dernière décennie. Depuis 2021 celui-ci a chuté de 24 % pour atteindre un total de 23 179 au 1er janvier 2025.

Pour « crédibiliser » les peines alternatives, et en particulier les TIG, le même rapport propose soit de spécialiser certains agents des SPIP au contrôle de ces mesures, soit de créer une véritable « police de la probation ». Une telle piste paraît d'autant plus intéressante que les SPIP sont aujourd'hui chargés d'accomplir en même temps trois missions de nature hétérogène : l'expertise criminologique, l'accompagnement du détenu en vue de sa réinsertion, et le contrôle des mesures de probation.

Outre la politique d'exécution des peines stricto sensu, il convient également de souligner que certaines évolutions de la législation pénale ont eu une influence significative sur la croissance de la population carcérale. Tel est le cas de la réforme de 2019, qui a notamment prévu un aménagement ab initio obligatoire pour les peines d'emprisonnement de moins de six mois. Alors que cette mesure visait à endiguer la surpopulation carcérale, son effet a été rigoureusement inverse, puisqu'elle n'a fait qu'inciter les magistrats à prononcer des peines plus longues pour contourner ce seuil contraignant : le nombre de peines de six mois à un an prononcées a significativement augmenté entre 2019 et 2024, passant de 27 786 à 41 947, tandis que celui des peines de moins de six mois diminuait sur la même période, passant de 86 564 à 67 702. Pour cette raison, le même rapport a préconisé la suppression du caractère obligatoire des aménagements de peine ab initio.

B. À CET ÉGARD, FORCE EST DE CONSTATER QUE LES MOYENS QUI SERAIENT DÉVOLUS EN 2026 AUX SERVICES PÉNITENTIAIRES D'INSERTION ET DE PROBATION RESTERAIENT INSUFFISANTS

Face à l'ampleur des besoins ainsi identifiés dans le cadre des travaux de contrôle de la commission, force est de constater que les moyens qui seraient dévolus à l'administration pénitentiaire resteraient insuffisants.

Certes, sur les 855 créations de postes prévues dans le cadre du schéma d'emplois, 100 sont fléchées vers les SPIP. Si ce renfort est bienvenu, il est loin de suffire à combler les 856 vacances de postes décomptées par la direction de l'administration pénitentiaire, incluant 570 postes vacants dans le corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP). Début 2025, les effectifs de CPIP s'élevaient à un peu plus de 4 000 ETP, ce qui correspond à un ratio d'environ un conseiller pour 68 personnes placées sous main de justice, ce qui est loin de permettre un suivi efficace.

L'accompagnement des détenus aux fins de leur réinsertion dans la société constitue pourtant un levier déterminant de la lutte contre la récidive et, ce faisant, son utilité est avérée pour endiguer de manière structurelle le phénomène de surpopulation carcérale.

Le rapporteur estime qu'un tel investissement est à la fois budgétairement efficace et politiquement nécessaire.

Budgétairement efficace, car la croissance de la population pénale, et la nécessaire construction de places de prisons qui l'accompagne sont extrêmement coûteuses pour les finances publiques. En 2024, le coût global moyen de chaque journée de détention dans un établissement pénitentiaire était en effet évalué à 128 euros.

Politiquement nécessaire, parce qu'il est impératif d'assurer à notre administration pénitentiaire des conditions de travail sereines et sécurisées, comme de garantir aux détenus des conditions d'incarcération respectueuses de leurs droits et de nature à favoriser leur réinsertion.

*

* *

La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice » inscrits au projet de loi de finances pour 2026.

EXAMEN EN COMMISSION

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous passons à l'examen de l'avis de notre collègue Louis Vogel sur le programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice ».

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis du programme « Administration pénitentiaire ». - Pour l'administration pénitentiaire, l'exercice 2026 sera une nouvelle fois placé sous le signe de l'aggravation de la surpopulation carcérale, que j'illustrerai en donnant quelques chiffres. Au 1er octobre 2025, le nombre de détenus s'élevait à 84 862, ce qui représente une augmentation de 6,6 % par rapport à l'année dernière. Le taux d'augmentation du nombre de détenus, qui était d'environ 4 % en 2023, s'élevait à 5 % en 2024.

La densité carcérale, soit le rapport entre le nombre de détenus et le nombre de places opérationnelles, dépasse désormais 135 %. Dans les maisons d'arrêt et les quartiers maison d'arrêt, ce pourcentage dépasse même 165 %.

Il faut aller encore plus loin dans le constat. À l'aune des moyens actuels de l'administration pénitentiaire, nous n'avons plus seulement affaire à une surpopulation carcérale, mais aussi à une surpopulation pénale. En effet, le nombre de personnes placées sous main de justice, suivies en milieu ouvert, progresse aussi de façon continue.

Ces données montrent que la justice française n'est aucunement laxiste, contrairement à ce que prétendent certains. Il s'agit en fait d'une justice sévère, surtout si nous la comparons à celle d'autres pays européens. Selon un rapport de la Cour des comptes datant de 2023, la France fait partie des dix pays européens dont la population carcérale a augmenté au cours des vingt dernières années. Dans le même temps, au Royaume-Uni et en Allemagne, cette population a connu un recul significatif. Les moyens de faire autrement existent donc.

La surpopulation carcérale constitue un problème très grave. En effet, elle est à l'origine des dysfonctionnements structurels que connaît l'administration pénitentiaire malgré le professionnalisme de ses agents, qui n'est pas à remettre en cause.

D'abord, l'administration pénitentiaire se trouve mise en difficulté dans l'exercice de sa mission première : l'exécution pleine et entière des décisions de justice. Cette mission comprend la surveillance et la garde des détenus, la préservation de l'ordre public dans les prisons et la garantie de leur étanchéité vis-à-vis de l'extérieur.

Plus largement, la surpopulation carcérale affecte toutes les missions fondamentales de l'administration pénitentiaire. Celle-ci a de plus en plus de mal à garantir la sécurité et des conditions de travail correctes à ses agents. L'explosion des faits de violence physique ou verbale commis à l'encontre des agents de la pénitentiaire, qui ont plus que doublé en quatre ans, témoigne de cette réalité. Plus de 32 000 cas ont été recensés pour la seule année 2024, dont près de 5 400 agressions physiques. Cette situation est le produit direct de la surpopulation carcérale, même si elle correspond aussi à un durcissement du profil des détenus, comme le drame d'Incarville l'a montré.

Dans ces conditions, il est de plus en plus difficile pour l'administration pénitentiaire de préserver les droits et la dignité des détenus eux-mêmes. Le nombre de matelas au sol a plus que doublé en un an : au 1er octobre, on en comptait près de 6 000.

Enfin, la surpopulation carcérale empêche l'administration pénitentiaire de mener à bien sa mission de réinsertion, qui est essentielle, mais j'y reviendrai.

À l'aune de ces constats, que penser du budget proposé pour 2026 ?

Au titre de ce programme, le projet de loi de finances (PLF) prévoit d'inscrire 5,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 5,5 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Hors charges de pensions, le total des ouvertures proposées en CP s'élève à 4,3 milliards d'euros, ce qui représente une progression de 3 % par rapport à la loi de finances pour 2025.

Dans le détail, le tableau est plus nuancé, puisque la hausse des crédits ne porte que sur les dépenses de personnel. Les dépenses de fonctionnement et d'investissement sont seulement stabilisées.

Cette hausse des dépenses de personnel s'explique principalement par la création prévue de 855 équivalents temps plein (ETP). Ce total peut paraître élevé si on le compare à celui des autres administrations, mais il reste nettement en deçà des besoins exprimés par la direction de l'administration pénitentiaire (DAP). Lors de la phase d'élaboration du PLF, celle-ci avait demandé près du double de postes.

Les moyens ne seront pas à la hauteur des besoins. Pour autant, dans le contexte dégradé de nos finances publiques, l'augmentation des crédits proposée est assurément louable.

J'en viens au contenu de ce budget. L'un des principaux chantiers en cours est la mise en oeuvre du « plan 15 000 ». À cet égard, les retards continuent de s'accumuler. Alors que l'exécution du plan devait s'achever en 2027, seules 7 504 places ont été livrées. Si l'on déduit les suppressions intervenues dans le même temps, seules 5 531 places ont été créées depuis 2018.

Il faut le reconnaître, le calendrier initial est hors d'atteinte. Il l'est d'autant plus qu'une bonne dizaine d'opérations sont prêtes à être lancées et n'attendent plus qu'une signature de Bercy, qui tarde à venir.

En réalité, le « plan 15 000 » est obsolète. Lorsqu'il a été conçu en 2017, l'objectif était d'atteindre les 75 000 places de prison. À l'heure où nous parlons, le nombre de détenus tutoie la barre des 85 000.

La réponse bâtimentaire, bien que nécessaire, est structurellement insuffisante. De plus, cette politique est très coûteuse pour le budget de l'État. Ainsi, près de 500 millions d'euros d'AE sont prévus à ce titre en 2026. Pour tout dire, eu égard à la dynamique des incarcérations, qui continue de se renforcer, la politique de création de places s'est transformée avec le temps en une tentative désespérée de vider l'océan à la petite cuillère.

Au-delà du « plan 15 000 », le garde des sceaux a annoncé le lancement d'un nouveau programme immobilier, tendant à la création de prisons dites modulaires, dont la sécurisation sera adaptée à des détenus peu dangereux et donc moins coûteuse. À terme, 1 500 places doivent être créées au sein des quartiers de semi-liberté (QSL) et 1 500 au sein des nouveaux quartiers courtes peines (QCP).

La philosophie qui préside à la création de ces QCP me paraît intéressante. Elle témoigne du souci de rationaliser l'immobilier pénitentiaire, en s'écartant du modèle unique et en adaptant la sécurisation des établissements au profil de dangerosité des détenus qu'ils ont vocation à accueillir. À cet égard, la création des QCP complète celle des quartiers de lutte contre la criminalité organisée (QLCO), prévue par la loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic, qui consomme d'importantes ressources. Nous aurions ainsi une échelle comportant différents types de prisons, allant des plus sécurisées aux moins sécurisées, des plus chères aux moins chères, ce qui semble être une très bonne chose, en termes d'économies réalisées et de temps gagné.

S'agissant du volet QSL, les sites ont déjà été identifiés et les choix se sont prioritairement portés sur du foncier pénitentiaire existant, ce qui devrait permettre de réduire les temps des opérations.

Cependant, une telle orientation présente aussi un revers, car ces sites sont souvent éloignés des bassins d'emplois. Ainsi, la conduite d'activités pourrait être compliquée et la réinsertion fragilisée. Il faudrait prévoir des mesures spéciales pour rapprocher les détenus des lieux où se trouve le travail.

La réponse bâtimentaire étant, je l'ai dit, structurellement insuffisante, il faut en revenir aux fondamentaux. L'effort d'endiguement de la surpopulation carcérale est indissociablement lié à la politique pénale et à la politique d'exécution des peines. Ce constat a été rappelé avec force par Elsa Schalck, Dominique Vérien et Laurence Harribey dans leur récent rapport d'information sur l'exécution des peines. Je tiens à saluer leur travail, qui dessine des pistes et m'a servi de boussole pour l'analyse de ce budget.

Ce rapport montre bien que le renforcement du rôle de l'administration pénitentiaire est essentiel à l'amélioration de la politique d'exécution des peines. Ce renforcement est notamment recommandé en phase pré-sentencielle. Il faut mettre à la disposition des magistrats un véritable plateau technique, composé de représentants de l'administration pénitentiaire, d'agents des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) et de surveillants. Cela permettra d'accompagner le magistrat dans la recherche de la réponse pénale la plus adaptée, qui n'est pas nécessairement une peine d'incarcération.

La crédibilisation des peines alternatives à la détention aux yeux de la société et des magistrats constitue un autre enjeu important. Les magistrats se montrent méfiants quant à l'effectivité du contrôle de ces peines et n'y recourent pas.

Il en va ainsi en particulier des peines de travaux d'intérêt général (TIG), qui présentent pourtant un intérêt évident en termes de réinsertion pour certains profils de détenus. Le nombre de mesures de TIG a chuté au cours de la dernière décennie, malgré le contexte de surpopulation carcérale.

Pour crédibiliser les peines alternatives, le rapport d'information prévoit soit la spécialisation de certains agents des SPIP dans le contrôle de ces mesures, soit la création d'une véritable police de la probation. Cette dernière piste me paraît d'autant plus intéressante que les SPIP sont déjà chargés d'accomplir trois missions différentes : l'expertise criminologique, l'accompagnement des détenus en vue de leur réinsertion et le contrôle des mesures de probation.

Outre la politique d'exécution des peines stricto sensu, le rapport a rappelé que certaines évolutions de la législation pénale ont eu une influence significative sur la croissance de la population carcérale. Quelles ont été les conséquences de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui a notamment prévu un aménagement ab initio obligatoire pour les peines d'emprisonnement de moins de six mois ? Alors que cette mesure visait à endiguer la surpopulation carcérale, son effet a été rigoureusement inverse, puisqu'elle n'a fait qu'inciter les magistrats à prononcer des peines plus longues pour contourner le nouveau seuil.

C'est donc également au niveau de la politique pénale qu'il faut agir pour régler le problème de la surpopulation carcérale. En tant que législateurs, nous devrons nous montrer particulièrement vigilants sur ce sujet à l'avenir.

Force est de constater que les moyens qui seraient dévolus en 2026 aux services de l'administration pénitentiaire, et singulièrement aux SPIP, ne sont pas à la hauteur des ambitions.

Certes, sur les 855 créations de postes prévues par le PLF, 100 sont fléchées vers les SPIP. Ce renfort est bienvenu, mais il est loin de suffire à combler les 856 vacances de postes décomptées par la DAP.

Début 2025, les effectifs des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation s'élevaient à un peu plus de 4 000 ETP, ce qui correspond à un ratio d'environ un conseiller pour 68 personnes placées sous main de justice, ce qui est loin de permettre un suivi efficace.

L'accompagnement des détenus aux fins de leur réinsertion dans la société constitue pourtant un levier essentiel de la lutte contre la récidive et représente le meilleur moyen d'endiguer de manière structurelle la surpopulation carcérale. Cet investissement est à la fois budgétairement efficace et politiquement nécessaire.

L'investissement dans la réinsertion est budgétairement efficace, car la croissance de la population pénale, comme la nécessaire construction de places de prisons qui l'accompagne, est extrêmement coûteuse pour les finances publiques. Je rappelle que le coût global moyen de chaque journée de détention dans un établissement pénitentiaire a été évalué en 2024 à 128 euros.

Cet investissement est aussi politiquement nécessaire. En effet, il est impératif d'assurer à notre administration pénitentiaire des conditions de travail sereines et sécurisées, et de garantir aux détenus des conditions d'incarcération respectueuses de leurs droits et favorisant leur réinsertion.

Malgré certaines réserves, je donne un avis favorable à l'adoption des crédits du programme, qui sont en augmentation.

Mme Laurence Harribey. - Nous soutenons les axes essentiels de votre rapport, mais je m'interroge. En effet, vous évoquez les limites de la réforme de 2019, expliquez que la surpopulation carcérale est contraire à la mission d'exécution des peines et à l'objectif de réinsertion, et affirmez que la justice française n'est pas laxiste et que l'enfermement ne devrait pas être une solution systématique. Nous sommes d'accord sur tous ces points. Pourtant, le travail législatif accompli par la majorité sénatoriale est animé par une frénésie sécuritaire. Lorsque nous travaillons ensemble, au sein d'une mission d'information par exemple, nous sommes capables de produire des choses constructives, mais dans l'hémicycle, tout devient différent.

Vous avez souligné d'autres éléments importants, comme la différenciation des établissements en fonction de la dangerosité des détenus, ce qui permettra de mener un travail plus intelligent en matière de réinsertion ainsi qu'une politique immobilière moins coûteuse et plus efficace. Nous souscrivons aussi à une augmentation des crédits bénéficiant à la sécurisation des établissements et à la protection des personnels. Si le personnel ne peut pas travailler dans de bonnes conditions, le respect de la dignité des détenus et le travail de réinsertion en sont affectés. Nous sommes d'accord aussi quant à la nécessité de revoir le système d'aménagement ab initio.

Nous souscrivons à ces éléments, mais il manque une réflexion de fond derrière ce budget. Nous nous abstiendrons, car nous avons des réserves sérieuses sur le fondement même de la politique carcérale actuelle.

Mme Lauriane Josende. - Si nous ne rappelons pas que c'est d'abord l'application d'une politique pénale qui nous a menés là où nous en sommes, nous oublions l'essentiel.

Dans le cadre de l'examen des crédits du programme « Justice judiciaire », nous avons découvert que certains projets immobiliers et bâtimentaires, en cours ou actés, étaient remis en question. Dans les Pyrénées orientales, où nous souffrons d'une surpopulation carcérale qui génère des incidents, un projet mis en oeuvre depuis dix ans pourrait être remis en cause, en raison de la priorisation choisie par le ministère.

Lors de son audition, le garde des sceaux a donné une réponse évasive sur la politique immobilière et bâtimentaire. Avez-vous obtenu des précisions supplémentaires ?

M. Marc-Philippe Daubresse. - Quand le garde des sceaux a pris ses fonctions, je l'ai rencontré pour évoquer la question de l'immobilier, sur laquelle j'ai beaucoup travaillé. Il faut différencier les établissements en fonction de la dangerosité des détenus accueillis. Surtout, il faut savoir qu'on ne réglera pas le problème en s'orientant vers le modulaire. Il y a quelques années, nous avons adopté cette approche pour le logement étudiant, mais nous avons compris rapidement la limite du logement modulaire, qui ne permet que de bricoler.

Pour mettre en place quelque chose de durable, rapide et efficace, il faut pouvoir avoir recours à une procédure spécifique. Jean-Louis Borloo a raison d'expliquer que nous n'aurions jamais reconstruit Notre-Dame de Paris en respectant les procédures actuelles. La procédure spécifique pourrait s'appliquer de façon générale à l'immobilier stratégique de l'État, dans les domaines de la défense, de l'intérieur et de la justice. Il s'agirait de mener à bien en trois ans des projets qu'on met normalement en oeuvre en sept ans, en simplifiant un grand nombre de procédures d'urbanisme.

Comme l'a dit le rapporteur pour avis, les SPIP doivent déjà assumer trois missions simultanément. Ils le font donc mal et ce n'est pas leur faute ; c'est le système qui est mauvais. Il faudrait revoir le fonctionnement de ces services et développer une politique dédiée à la réinsertion qui soit plus volontariste.

M. Michel Masset. - Notre groupe s'abstiendra, pour les raisons évoquées par Mme Harribey.

Nous avons rencontré des représentants des SPIP, qui nous ont fait part de leur inquiétude, notamment en matière de recrutement des agents. Ceux qui sont en place sont à bout de souffle et il faut entendre le cri de ces personnels essentiels. Les recrutements envisagés par le PLF restent en deçà des besoins.

Chaque mois, nous comptons environ 500 détenus supplémentaires, ce qui nécessiterait de construire une prison par mois !

Enfin, il ne faut pas oublier l'école nationale d'administration pénitentiaire (Enap) et les besoins de formation de ses personnels, qui sont en souffrance.

M. Francis Szpiner. - Il faudra adopter un jour une loi spéciale pour qu'on puisse construire plus rapidement les prisons.

Nous avons un angle mort : le contrôle des libérations conditionnelles et du contrôle judiciaire, qui est inexistant, comme le montrent régulièrement les faits divers. Il faut créer une véritable police pour prendre en charge ce contrôle et mettre en oeuvre des sanctions en cas de violation. À cet égard, nous sommes très en retard. On peut désengorger les prisons, mais à la condition d'assurer que celui qui est sous contrôle judiciaire ou en libération conditionnelle ne se trouve pas dans la nature, comme c'est le cas actuellement.

Mme Marie Mercier. - Avec Mme Harribey, nous avons produit un rapport d'information sur les SPIP, en 2023. Les agents de ces services accomplissent un travail remarquable. Ils ne sont pas assez nombreux, mais surtout, ils ne sont pas assez payés.

M. Guy Benarroche. - Nous ne sommes pas favorables à l'adoption des crédits du programme, pour une série de raisons, au premier rang desquelles l'insuffisance du budget proposé pour les SPIP. Sans volonté de créer un véritable service pénitentiaire consacré entièrement à la probation et à la réinsertion, je ne vois pas comment nous pourrons nous en sortir. La construction de nouvelles prisons n'est pas une solution ; il s'agit d'une course sans fin qui nous coûte cher et ne conduit à rien d'autre qu'à remplir de nouveaux établissements à mesure qu'ils sont construits.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Chaque année je ressens la même gêne. Louis Vogel fait un constat sincère, rigoureux et implacable. Il dit des choses importantes, comme le fait que la justice n'est pas laxiste. Cependant, j'aimerais que la majorité se positionne en cohérence, si elle partage ce point de vue. Nous avons la responsabilité de tenir un discours public qui soit cohérent avec ce que nous pensons. Pourtant, régulièrement, ici et dans l'hémicycle, les demandes pour une plus grande sévérité sont soutenues. À quel moment êtes-vous sincères ?

Vous faites le même constat que nous sur les SPIP, mais j'ai entendu des personnes de votre formation politique accuser ces services en réaction à certains faits divers. Je suis heureuse que nous partagions un même constat, mais j'aimerais que vous l'assumiez.

Nous ne sommes en désaccord que sur la question bâtimentaire. De votre côté, vous considérez que si l'on pouvait construire autant de prisons qu'on le voulait, le problème serait réglé. Du nôtre, nous constatons que cette politique ne marche pas et qu'il nous faut appréhender le sujet de façon différente. Nous plaidons depuis longtemps en faveur de la régulation carcérale.

J'aimerais que nous réussissions à mener une réflexion pragmatique qui soit dégagée de nos postures idéologiques. Dans une semaine sortira un livre dans lequel un ancien Président de la République va nous expliquer à quel point passer trois semaines en détention relève du cauchemar. Je suis curieuse de découvrir ce qui va nous être raconté.

Chaque année, j'écoute Louis Vogel avec plaisir, et puis chacun retourne à ses habitudes et rien n'avance. J'aimerais que nous arrivions à accomplir quelque chose de plus opérationnel, dans cette assemblée au sein de laquelle vous êtes majoritaires.

Mme Lana Tetuanui. - Je serais tentée de voter contre l'adoption de ces crédits, car on oublie les outre-mer, qui n'intéressent personne à Paris. Entre les annonces et les réalisations, rien n'advient. Je veux mentionner la réhabilitation prévue des centres pénitentiaires de Faa'a-Nuutania en Polynésie française, de Majicavo à Mayotte et de Camp Est à Nouméa, mais une fois de plus cela n'intéresse personne. Il s'agit d'un cri du coeur : n'oubliez pas les outre-mer !

Je voudrais aussi rendre hommage aux agents pénitentiaires du Pacifique. En effet, de très nombreux candidats aux concours pour devenir agents pénitentiaires viennent des outre-mer, en particulier de Wallis-et-Futuna, de Nouvelle-Calédonie et surtout de Polynésie française. Il faudra faciliter la venue de ces nouveaux agents, qui seront confrontés à des difficultés, notamment administratives, quand ils viendront en métropole pour suivre leur formation.

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. - Tout d'abord, Lana Tetuanui a raison de rappeler que le problème est démultiplié dans les outre-mer. La densité carcérale y est de 147 %, soit 11 points de plus que dans l'Hexagone. L'effort en faveur de ces territoires doit assurément être renforcé.

Nous sommes tous conscients du problème auquel nous sommes confrontés, qui dépasse les divisions entre majorité et opposition. Je crois néanmoins que c'est un problème que nous pouvons résoudre, en agissant sur tous les moyens qui sont à notre disposition.

À cet égard, le garde des sceaux actuel choisit une orientation qui me semble bien plus efficiente que la précédente. Avant, il s'agissait seulement de construire plus de prisons. Maintenant, nous convenons du fait qu'il ne faut pas construire partout les mêmes prisons. Nous sommes en train de faire des progrès.

Au Sénat, nous avons attiré l'attention sur le fait que le « plan 15 000 » était dépassé. Le premier garde des sceaux à qui nous l'avons dit n'a pas bougé, mais le suivant l'a fait. Par conséquent, il ne faut pas désespérer. C'est aussi le rôle du Parlement de tracer des perspectives à l'action de l'exécutif lorsqu'il constate que celle-ci n'est pas efficace.

Nous reconnaissons tous que la justice n'est pas laxiste. Pourquoi continue-t-on d'en appeler à la sévérité pénale? Parce que l'exécution des peines est encore trop inefficace.

Nous avons besoin d'une police qui contrôle l'exécution des peines, sinon les magistrats ne changeront pas d'approche quant aux peines alternatives à l'incarcération. Nous avons beaucoup de mal à avancer dans ce domaine parce que nous sommes confrontés à un problème d'opposition entre les magistrats et l'administration pénitentiaire, qui ne travaillent pas assez ensemble. À titre d'exemple, nous avons créé des tribunaux à l'intérieur des prisons, qui ont coûté très cher, mais que les magistrats n'utilisent pas, pour différentes raisons. Pourtant, nous en avons besoin, car nous n'avons pas assez de personnel pour encadrer les transferts. De la même manière, les magistrats ne consultent pas assez les surveillants, qui ont pourtant des informations importantes à partager avec eux sur les détenus. Les choses ne pourront pas évoluer sans une impulsion politique forte.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 107 « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice ».

COMPTE-RENDU DE L'AUDITION DE
M. GÉRALD DARMANIN, GARDE DES SCEAUX,
MINISTRE DE LA JUSTICE

MERCREDI 12 NOVEMBRE 2025

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous poursuivons nos auditions budgétaires en recevant le garde des sceaux, dans le cadre de l'examen des crédits de la mission « Justice ».

Cette mission, monsieur le garde des sceaux, fait figure de mission préservée au sein du projet de loi de finances., dans la mesure où les crédits demandés sont en augmentation par rapport à 2025, de façon à atteindre un total proche de l'objectif de 10,7 milliards d'euros hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « pensions » fixé par la loi du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice (LOPJ).

Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, nous ne pouvons que nous en féliciter, d'autant plus - je suis certaine, monsieur le garde des sceaux, que vous ne me démentirez pas sur ce point - que les enjeux qui sont devant nous sont de taille.

L'année 2026, dans la continuité de l'année 2025, doit être celle de la montée en puissance de nos moyens de lutte contre la criminalité organisée. Après la création des nouveaux quartiers pénitentiaires de lutte contre la criminalité organisée (QLCO), 2026 sera l'année d'institution du parquet national anti-criminalité organisée, le Pnaco.

Cette audition est ainsi l'occasion d'évoquer les incidences budgétaires de la loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic, et plus généralement de faire le point sur son application. Il est inutile de vous rappeler combien notre commission est attentive à la bonne mise en oeuvre de cette loi.

L'année 2026 devrait également conduire le Parlement à être saisi d'une importante réforme portant sur l'utilisation dans les enquêtes pénales des données de connexion, en vue d'assurer la conformité du droit français aux règles européennes. Notre commission s'intéresse particulièrement à ce sujet, auquel elle a consacré un rapport d'information en 2023 ; j'espère que vous pourrez nous indiquer les projets du Gouvernement sur ce terrain, étant souligné que le contrôle préalable que nous devons mettre en place suppose, lui aussi, des moyens matériels et humains complémentaires.

Je vais vous laisser la parole, monsieur le garde des sceaux, pour nous présenter les grandes lignes du budget proposé pour l'année 2026. Je la donnerai ensuite à nos rapporteurs pour avis ainsi qu'au rapporteur spécial de la commission des finances, Antoine Lefèvre, qui vous demanderont certainement de nous apporter des précisions sur les différents programmes de la mission. Ensuite, l'ensemble des collègues pourront intervenir.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, ministre de la justice. - Je suis très heureux de vous présenter aujourd'hui les crédits du ministère de la justice, d'autant que je n'ai pu le faire à l'Assemblée nationale. Je me réjouis de constater que la haute assemblée s'intéresse à cette mission.

Le premier message que je souhaite adresser à votre commission - vous l'avez vous-même souligné, madame la présidente - concerne le respect, à l'euro près, de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice, adoptée par le Sénat dans des conditions budgétaires et politiques très différentes de celles qui prévalent aujourd'hui. Le ministère des armées et celui de la justice sont les deux seuls ministères intégralement protégés par les engagements adoptés par le Parlement.

Cela n'était pas gagné d'avance : le projet de loi de finances pour 2025, déposé avant mon arrivée à la Chancellerie, ne respectait ni les crédits ni les emplois décidés par le Parlement et beaucoup pensaient encore il y a quelques mois que 2026 serait une année blanche budgétaire, notamment pour les projets immobiliers de la justice, pénitentiaires ou judiciaires, comme pour les créations d'équivalents temps plein (ETP). La lettre de cadrage du Premier ministre d'alors ne comportait d'ailleurs aucune référence à la LOPJ, ce qui n'était pas de bon augure.

Toutefois, le choix fait par François Bayrou puis confirmé par Sébastien Lecornu, que je remercie, traduit la volonté du Gouvernement de soutenir résolument nos armées et notre justice, qui a bien besoin de moyens. Ainsi, le ministère de la justice disposera en 2026, si le Parlement adopte ce budget, de 10,7 milliards d'euros de crédits de paiement, hors pensions, soit 266 millions d'euros de plus qu'en 2025.

En outre, alors que 3 000 ETP sont supprimés dans l'ensemble de la fonction publique de l'État, nous en créons 1 600, soit la plus forte progression de tous les champs de l'action publique. Ces emplois et crédits nouveaux sont très importants pour notre justice. Je précise que ces 1 600 emplois ne sont pas des postes virtuels, ce sont des effectifs bien réels, il s'agit bien de créations nettes, après la compensation intégrale des départs en retraite. Ces 1 600 emplois se composent de 855 emplois dans l'administration pénitentiaire, de 660 emplois dans les juridictions, ce qui inclut les magistrats - nous respectons ainsi, au magistrat près, la promesse faite par Éric Dupond-Moretti il y a trois ans à Annecy concernant le nombre de créations de postes -, et de 70 postes supplémentaires pour la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Ces créations constituent un effort inédit pour le ministère de la justice.

Ce renforcement s'accompagne d'un enjeu majeur en matière de ressources humaines, avec la mise en application de tous les accords signés en 2023, 2024 et 2025 - notamment le protocole d'Incarville pour le personnel pénitentiaire -, portant sur la création d'un troisième grade, sur les directeurs de greffe et le personnel administratif et technique. Le personnel bénéficiera ainsi des avancées prévues par la loi organique du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire, que vous avez adoptée.

Mon deuxième message, après le respect intégral de la loi de programmation, concerne la culture de la responsabilité budgétaire que doit développer le ministère de la justice. Ce n'est pas son fort, depuis de nombreuses années, pour diverses raisons, peut-être d'abord en raison d'une confusion entre l'indépendance de l'utilisation des moyens et l'indépendance de la magistrature, laquelle, s'il faut la chérir, concerne l'acte juridictionnel et non la gestion des moyens du service public de la justice.

Le ministère doit rendre des comptes, conformément aux règles de l'État de droit : la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen prévoit bien que chaque citoyen peut demander des comptes à son administration et ce principe s'applique particulièrement au ministère de la justice, compte tenu des moyens considérables mis à sa disposition pour réduire les délais de jugement, améliorer l'efficacité de ses outils informatiques et accueillir les justiciables, les victimes et les professions juridiques. Nous devons donc instaurer une véritable culture de la responsabilité budgétaire et assumer d'employer le terme de performance, qui se justifie pleinement s'agissant d'argent public.

Jamais encore un garde des sceaux n'avait fixé des objectifs de gestion chiffrés à ses chefs de cour. Je l'ai fait, via une circulaire adressée aux chefs de siège et de parquet, afin d'améliorer la gestion des cours d'appel et des tribunaux. J'ai également organisé, place Vendôme, une réunion commune avec la ministre des comptes publics, ses chefs de programme budgétaire et les chefs de cour et de juridiction. Enfin, une lettre a été personnellement adressée à chacun de ces derniers pour connaître leurs délais de jugement, leurs frais de justice, ainsi que leur taux d'absentéisme.

En outre, je leur ai fixé un objectif de 100 millions d'euros de recettes supplémentaires, car la justice rapporte aussi. Cela rapporte d'abord grâce à l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), et je salue d'ailleurs les auteurs d'amendements relatifs à cette agence sur le projet de loi contre les fraudes sociales et fiscales. Toutefois, bien qu'elle accomplisse un travail important, elle pourrait recouvrer encore davantage : l'écart entre saisies et confiscations demeure trop important. Ensuite, les autres recettes perçues par le ministère pourraient aussi être plus importantes, notamment les amendes civiles ou pénales, insuffisamment prononcées et mal recouvrées.

Pour accroître ces recettes, et permettre ainsi d'alléger les charges affectées au ministère de la justice par le budget de l'État, plusieurs leviers sont possibles :

- d'abord, nous proposons l'introduction d'un droit de timbre modeste - 50 euros -qui ne s'appliquerait pas aux bénéficiaires de l'aide juridictionnelle ; ce droit de timbre existait jusqu'en 2013, avant d'être supprimé par Mme Taubira, mais il était alors versé au budget général de l'État ; nous proposons qu'il alimente directement le budget de l'aide juridictionnelle ;

- ensuite, nous envisageons d'accroître le recours aux commissaires de justice pour recouvrer plus efficacement les amendes pénales et civiles ; un article du projet de loi de finances traduit ainsi un accord passé avec la direction générale des finances publiques (DGFiP), afin que le produit des amendes soit recouvré non plus par les services des impôts mais par des huissiers rémunérés à cette fin ;

- nous souhaitons également relancer les ventes avant jugement ; celles-ci ont progressé de 47 % en un an, à la suite des instructions que j'ai données à l'Agrasc, mais on pourrait faire davantage ;

- enfin, on pourrait développer le recours aux jours-amendes, dont l'existence dans le code pénal et le code de procédure pénale est embryonnaire ; c'est l'objet du projet de loi pour une sanction utile, rapide et effective (Sure) que je présenterai au conseil des ministres en janvier prochain.

Mon troisième message concerne la rigueur comme levier d'efficacité. Nous devons mieux gérer l'argent public.

Pour la première fois, les frais de justice, qui explosaient, sont stabilisés en 2025 sous le niveau de l'inflation, avec une progression de 0,3 %, contre 10 % par an auparavant. Les chefs de cour et de juridiction ont oeuvré, en lien avec les services du ministre de l'intérieur qui vient de nous quitter, à la maîtrise de ces dépenses, notamment grâce à la plateforme nationale des interceptions judiciaires, qui permet d'éviter le recours à des prestataires privés bien plus coûteux. Nous avons ainsi pu enregistrer une économie de 30 millions d'euros cette année et nous espérons atteindre 45 millions à 50 millions d'euros en 2026.

La rigueur de la gestion passe par d'autres leviers, sans que l'indépendance de la justice soit jamais remise en cause. C'est le cas par exemple des véhicules placés en fourrière judiciaire ; nous avons actuellement en stock des milliers de véhicules - voitures, motos, quads, camions - saisis par les services d'enquête. Or, il ne s'agit pas toujours de la voiture de Jacques Mesrine, si bien qu'il n'est pas nécessaire de conserver ces véhicules cinq ou six ans jusqu'au jugement. L'an dernier, les fourrières comptaient encore 32 500 véhicules immobilisés, pour un coût annuel de 60 millions d'euros. En moins d'un an, nous avons réduit ce nombre à moins de 29 000, ce qui correspond à une baisse de 8 % des stocks, et avons obtenu une économie de 40 millions d'euros. Il faut poursuivre cet effort. J'affecterai des greffiers dans chaque cour d'appel pour mieux gérer ces fourrières, symboles d'une mauvaise gestion.

De la même manière, nous pourrions optimiser la gestion des objets déposés dans les tribunaux, comme les montres, les sacs et autres effets saisis ou confisqués. Beaucoup pourraient être vendus ou donnés à des associations, afin de réduire les coûts de gardiennage.

Grâce à la dématérialisation désormais complète des procédures correctionnelles, nous avons franchi un cap. Lorsque j'ai été nommé pour la première fois à la Chancellerie - j'ai été nommé trois fois garde des sceaux cette année, j'espère que la troisième sera la dernière ! -la première question que nous avions évoquée était celle du retard numérique du ministère de la justice ; on en était à la préhistoire, si j'ose dire. J'y ai consacré beaucoup d'énergie et de moyens. Ainsi, la procédure pénale numérique (PPN) est déployée sur l'ensemble du territoire national depuis plusieurs semaines ; c'est très positif. Il reste à mener à bien le projet Portalis, équivalent civil de la PPN.

J'annoncerai, le 2 décembre prochain, à l'occasion du vingtième anniversaire du secrétariat général du ministère, une réorganisation structurelle portant sur l'immobilier et le numérique au sein de mes services, parce que trop de gens s'occupent de trop de choses et qu'il n'existe pas de direction du numérique telle qu'il en existe dans les autres administrations. Ce chantier s'impose, surtout avec l'arrivée de l'intelligence artificielle.

Autre enjeu majeur pour la bonne gestion : la construction des palais de justice et des établissements pénitentiaires. Le plan « 15 000 places » n'a pas été tenu, pour diverses raisons, mais il connaît désormais une accélération, avec la construction de plus de 5 000 places en dix-huit mois. Nous aurons ouvert en 2025 quatre établissements pénitentiaires non prévus initialement, dont le nouveau bâtiment dit « Baumettes 3 », à Marseille, dans quinze jours.

J'ai également proposé la nomination d'un nouveau directeur pour l'agence publique pour l'immobilier de la justice (Apij), en la personne de Benoist Apparu, ancien ministre du logement, ancien promoteur immobilier et maire, qui mettra son expérience au service d'une vision pragmatique de la construction des prisons et des palais de justice. Il nous faut encore bâtir le palais de justice de Bobigny, celui de Marseille, celui de Cusset, et d'autres encore, et de nombreuses prisons doivent être rénovées. Nous devons mener une véritable révolution au sein du ministère pour que les constructions soient plus rapides et moins chères.

Par ailleurs, nous consacrons de nouveaux moyens budgétaires à une nouvelle stratégie pénitentiaire. Dans trois semaines, un décret important instaurera la première direction générale du ministère, la direction générale de l'administration pénitentiaire. Il y aura ainsi une structuration en deux pôles, insertion et probation d'une part, administration pénitentiaire d'autre part, afin de donner du muscle à une administration centrale qui en manque beaucoup.

En outre, a lieu aujourd'hui même l'ouverture de notre seconde prison de haute sécurité, celle de Condé-sur-Sarthe, permise par loi du 13 juin 2025 dite « Narcotrafic » ; le Parlement se réjouira de constater que l'on a su mettre en oeuvre très rapidement cette stratégie pénitentiaire, qui fonctionne, puisque pas un drone, pas une clef USB, pas un téléphone n'ont pénétré au sein de la prison de Vendin-le-Vieil. De plus, tous les recours engagés contre l'État - soixante-six au total - ont été gagnés par l'État, grâce à la solidité du travail parlementaire que nous avions accompli ensemble.

Nous poursuivons également les rénovations de maisons d'arrêt particulièrement poreuses : la Santé, Arras, Douai, Corbas, Nanterre, etc. Je remercie d'ailleurs le Premier ministre d'avoir débloqué 30 millions d'euros dans les crédits de 2025, pour ce plan de renforcement. Les appels d'offres et les bons de commande sont lancés aujourd'hui.

Un projet de loi sur la justice pénale sera présenté, je le disais, en janvier prochain au conseil des ministres.

Parallèlement, d'importantes réformes civiles avancent, notamment sur la justice amiable, afin de désengorger une partie de nos tribunaux : désormais, 50 % des affaires passent par la conciliation et l'accord amiable entre les parties.

Je souhaite également réformer la justice économique, en particulier prud'homale, confrontée à des délais insupportables : jusqu'à six ans, appel compris, dans certains ressorts. Pour un chef de PME ou un salarié, attendre six ans une décision crée une insécurité juridique et financière inacceptable. S'ajoute à cela une grande incertitude, puisque 50 % des décisions prud'homales sont infirmées en appel, contre seulement 13 % dans l'ensemble du contentieux civil. Cette situation nuit à la confiance économique que nous voulons tous restaurer.

Je travaille également à la refonte de l'école nationale de la magistrature (ENM), dont la préfiguration est engagée. Cette réforme, de nature réglementaire, sera finalisée d'ici à la fin du premier trimestre 2026 pour entrer en vigueur à la rentrée suivante. Nos autres écoles sont concernées : l'école nationale d'administration pénitentiaire (Enap), l'école nationale des greffes et l'école nationale de la protection judiciaire de la jeunesse.

En somme, madame la présidente, vous recevez aujourd'hui un ministre qui, s'il n'est pas totalement satisfait de son budget, car il faudrait bien plus pour atteindre le niveau des standards européens, notamment de l'Allemagne, mieux dotée en magistrats, greffiers et agents pénitentiaires - les nôtres sont confrontés à la surpopulation carcérale, à la présence croissante de personnes souffrant de troubles psychiatriques et à un taux d'illettrisme dépassant 40 % -, ne peut pas se plaindre des arbitrages rendus.

D'ailleurs, lors de la réunion du président de la République avec le conseil supérieur de la magistrature, lundi dernier, j'ai constaté un fait inédit : pour la première fois, les propos introductifs et les questions du Conseil portaient non pas sur les moyens, mais sur d'autres sujets essentiels, notamment la défense de l'État de droit, que nous devons conforter, notamment en protégeant nos magistrats, victimes d'attaques personnelles, parfois d'origine étrangère. Je pense en particulier au juge Nicolas Guillou, membre de la cour pénale internationale (CPI), visé par un executive order de M. Trump. Bien sûr, nous avons besoin de moyens, mais la voix de la France, celle d'une justice indépendante, demeure une richesse inestimable qu'il nous faut préserver.

Mme Lauriane Josende, rapporteure pour avis de la mission « Justice » sur les programmes 166 « Justice judiciaire », 101 « Accès au droit et à la justice », 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et 335 « Conseil supérieur de la magistrature ». - Monsieur le garde des sceaux, je souhaite vous interroger sur deux thèmes que vous avez évoqués sans les développer : l'immobilier judiciaire et l'intelligence artificielle générative.

Tout d'abord, l'immobilier a souvent servi, avec le numérique, de variable d'ajustement budgétaire compte tenu des contraintes qui pèsent sur la Chancellerie. Nous le déplorons évidemment, mais nous craignons surtout que cette politique cruciale fasse l'objet d'un pilotage incertain. Vos services ont à cet égard été assez rassurants quant à la poursuite des chantiers qui doivent être livrés l'an prochain, qu'il s'agisse de Lille, de l'île de la Cité ou de Saint-Martin. Nous aimerions obtenir de votre part des précisions, notamment sur la participation que vous sollicitez auprès des collectivités territoriales pour financer certaines opérations.

Au-delà, nous constatons à chaque exercice budgétaire le mécontentement du personnel de votre ministère et des avocats quant à la conception même de ces différents projets immobiliers. Comment envisagez-vous d'améliorer la conception des projets à venir, qui conditionne largement leur qualité d'exécution ?

Ensuite, parmi les chantiers récemment lancés par votre ministère figure celui de l'intelligence artificielle générative, qui intéresse particulièrement le Sénat. Lorsque nos collègues Christophe-André Frassa et Marie-Pierre de La Gontrie ont présenté leur rapport d'information sur l'intelligence artificielle et les métiers du droit, il y a à peu près un an, vos services commençaient tout juste à identifier les cas d'usage potentiels de l'intelligence artificielle générative pour la Chancellerie, tandis que les cabinets d'avocats utilisaient déjà cette technologie. Quelles utilisations entendez-vous faire de l'intelligence artificielle générative et quand ces outils seront-ils disponibles pour vos agents ?

Outre ces cas d'application propres à la Chancellerie, cette technologie repose notamment sur l'exploitation des décisions de justice diffusées en données ouvertes. Quel est donc votre avis sur l'anonymisation des magistrats et greffiers concernés, qui semblent inquiets à ce sujet ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure pour avis de la mission « Justice » sur les programmes 166 « Justice judiciaire », 101 « Accès au droit et à la justice », 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et 335 « Conseil supérieur de la magistrature ». - Vous connaissez l'intérêt que le Sénat porte à la politique numérique de la Chancellerie. Ce sujet irrite singulièrement le personnel de votre ministère, alors que des crédits importants lui sont pourtant alloués depuis plusieurs exercices budgétaires.

On nous a parlé cette année de deux logiciels cruciaux, Portalis et Prisme, en cours de déploiement, et de mises à jour significatives de l'application Cassiopée. Sur ces sujets, je dois l'avouer, vos services se sont montrés rassurants et c'est la première fois en cinq ans que j'ai eu face à moi quelqu'un qui comprenait mes questions et dont je comprenais les réponses... Le chantier est pris à bras-le-corps et j'espère être là l'année prochaine pour voir si, effectivement, il y a eu une évolution.

Toutefois, dans les juridictions, on nous signale les problèmes de fiabilité de Prisme et de Cassiopée ; un greffier à Lyon nous a ainsi montré que la peine complémentaire d'un condamné apparaissait bien à l'écran, mais ne figurait pas sur le document une fois imprimé. Comment entendez-vous remédier à ces difficultés ?

Ensuite, vous l'avez dit, les cibles de la LOPJ sont encore loin des standards européens. Quel regard portez-vous sur cette loi ? Certes, on respecte sa trajectoire, mais sera-t-elle suffisante ? J'étais, avec Agnès Canayer, rapporteure sur ce texte, et nous avons d'emblée pensé que la trajectoire sur cinq ans devrait être prolongée. Qu'en pensez-vous ?

Enfin, vous connaissez mon engagement contre les violences intrafamiliales, qui sont systémiques ; on ne pourra pas les éliminer sans prendre en charge les victimes, mais aussi les auteurs. Les centres de prise en charge ne relèvent pas de cette mission ; selon moi, ils y auraient pourtant plus leur place que dans le petit programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes ». Toutefois, ma question porte moins sur l'aspect budgétaire que sur l'efficacité de nos politiques publiques. Le niveau d'efficacité de ces centres de prise en charge est très variable. Dans un contexte où l'argent public est compté, il serait intéressant d'évaluer cette politique publique, afin de savoir qui doit être aidé et ce qui doit être dupliqué. Menez-vous une telle évaluation ?

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Justice ». - Je vous remercie, madame la présidente, mes chers collègues, de m'avoir convié à cette audition en tant que rapporteur spécial sur la mission « Justice ».

Ce projet de loi de finances est le douzième sur lequel je suis chargé du rapport spécial sur cette mission « Justice », ayant pris mes fonctions lors de l'examen du PLF 2015. Depuis lors, les crédits de la mission ont augmenté de 37 % en autorisations d'engagement et de 64 % en crédits de paiement.

Au cours de ces douze années, six gardes des sceaux de bords différents se sont succédé, avec des visions parfois éloignées, mais tous animés par la volonté de doter l'autorité judiciaire des moyens correspondant à la noblesse de sa mission. J'ai eu plaisir à travailler avec chacun d'eux.

Monsieur le garde des sceaux, je dois souligner votre volontarisme et votre ténacité. Vos précédentes expériences de ministre de l'action et des comptes publics puis de l'intérieur vous dotent certainement d'une vision périphérique de l'action judiciaire. Depuis votre installation place Vendôme, j'ai le sentiment que les choses bougent et semblent aller dans le bon sens.

J'ai publié en octobre 2023 un rapport sur le plan de construction des 15 000 places de prison et la dramatique question de la surpopulation carcérale soulevait quelques interrogations majeures. Or, la teneur innovante et volontariste de vos premières décisions en matière pénitentiaire témoigne d'une véritable vision pour la justice de demain, et je m'en félicite. Les quartiers de haute sécurité de Vendin-le-Vieil et de Condé-sur-Sarthe récemment ouverts aux détenus les plus dangereux, les projets de prison modulaire ou encore la récente nomination de Benoist Apparu à la tête de l'Apij constituent autant de signaux encourageants pour une politique carcérale marquée par des enjeux de respect des droits de l'homme. Ces mesures démontrent une volonté concrète d'augmenter les places de prison.

Je me félicite également que le Gouvernement ait choisi de reprendre à son compte, dans ce PLF, plusieurs propositions que j'ai formulées dans mon récent rapport sur les frais de justice et les frais d'enquête, notamment, à l'article 30 du texte, la réintroduction d'un droit de timbre pour chaque introduction d'instance, mais aussi le recouvrement, à l'article 46, de certains frais d'enquête pénale auprès des personnes condamnées. Ces nouvelles recettes permettront de combler la légère sous-exécution de la LOPJ 2023-2027.

J'ai trois questions à vous adresser.

À côté de la réintroduction d'une contribution forfaitaire de 50 euros pour chaque introduction d'instance, avez-vous également des projets pour la contribution de 225 euros due pour toute procédure en appel, qui existe mais doit se terminer le 31 décembre 2026 ? Son produit est actuellement affecté à l'indemnisation des anciens avoués auprès des cours d'appel, dont les fonctions ont été supprimées en 2011.

Le recouvrement des frais d'enquête par les personnes condamnées dépendra de la mise en place de systèmes informatiques et de procédures de recouvrement. Quelles solutions doivent être mises en oeuvre de façon prioritaire pour améliorer le taux de recouvrement, notamment des amendes pénales et des frais de justice ?

Sous réserve des résultats de la prochaine élection présidentielle, quelles priorités devraient, selon vous, être mises à l'agenda de la prochaine loi de programmation pour la justice, qui devra être examinée par le Parlement courant 2027 ? Quels devraient en être les grands contours et la trajectoire actuellement observée par la mission « Justice » sera-t-elle poursuivie ?

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis de la mission « Justice » sur le programme 107 « Administration pénitentiaire ». - Je souhaite pour ma part évoquer les enjeux liés à la surpopulation carcérale. Depuis votre entrée en fonctions, vous vous êtes attaqué, monsieur le garde des sceaux, à ce problème ; il était temps.

Ma question aura trois volets.

Premièrement, le budget pour 2026 comporte un programme d'investissement pour créer de nouvelles places dans des prisons dites« modulaires ». Pourriez-vous nous détailler les raisons qui vous ont conduit à revoir certaines opérations du plan « 15 000 places » au profit de ces nouveaux programmes ? Pourriez-vous nous préciser le coût estimé de ces prisons modulaires ainsi que le calendrier de déploiement de ce nouveau plan ?

Deuxièmement, en ce qui concerne le plan « 15 000 places », de nombreux projets prêts à être mis en oeuvre sont bloqués faute de crédits. Envisagez-vous de prendre des mesures pour les débloquer ?

Troisièmement, la surpopulation carcérale ne peut pas se limiter à des mesures bâtimentaires, il faut changer la politique pénale. Un très intéressant rapport d'information de la commission des lois sur l'exécution des peines, rédigé par Dominique Vérien, Elsa Schalck et Laurence Harribey, propose de réintroduire les très courtes peines, de moins d'un mois, dont l'effet désocialisant serait moindre. En mai dernier, vous nous aviez indiqué ne pas disposer de structure adéquate pour recevoir des détenus sur de telles durées. Les quartiers pour courtes peines ne pourraient-ils pas remplir cette fonction ?

Mme Muriel Jourda, présidente. - Je me permets de vous poser la question que Laurence Harribey, rapporteure pour avis du programme « Protection judiciaire de la jeunesse », qui ne peut malheureusement être présente aujourd'hui aurait voulu vous poser.

Elle porte sur les centres éducatifs fermés. Un programme de construction de vingt-deux centres est prévu. La commission des lois émet des réserves depuis plusieurs années sur ce dispositif et un rapport de l'inspection générale de la justice pointe cette année de réelles lacunes dans le fonctionnement des centres existants. Quelles mesures seront mises en oeuvre pour garantir que les nouveaux centres répondent à un besoin avéré et que leur implantation s'appuie sur une cartographie rationnelle, ainsi que pour garantir une durée effective de placement de six mois, condition sine qua non de l'efficacité de ces centres ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Je commencerai par les questions immobilières.

En premier lieu, le problème du ministère de la justice est qu'il possède un parc immobilier important, réparti sur tout le territoire, constitué à la fois de grands paquebots, comme le tribunal de Paris ou la prison de Fresnes, et de très petits sites, tels que les centres éducatifs fermés, sans disposer pour autant d'une direction de l'immobilier ni - c'était d'ailleurs un défaut du ministère, qui explique sans doute ses difficultés, indépendamment du manque de moyens - d'un plan pluriannuel d'investissement.

Quand on gère une collectivité locale, on sait qu'il faut un programme d'investissement. Cela ne signifie pas que tout est budgétisé, mais il faut au moins évaluer ce dont on a besoin en autorisations d'engagement et ne pas changer de plan constamment ; on doit avoir une vision de son investissement liée à l'augmentation de sa population et à son plan local d'urbanisme.

Cette question est mal traitée au ministère de la justice ; c'est pourquoi je mets en place depuis un an un plan pluriannuel qui doit porter sur cinq, six ou sept ans, puisqu'il fallait jusqu'à présent sept ans pour construire une prison. D'ailleurs, ces changements de programme et de destination des projets expliquent entre 15 % et 20 % de l'augmentation du coût des projets immobiliers. Nous n'avons déjà pas beaucoup d'argent, les projets coûtent déjà très cher, donc, si, en plus, chaque ministre qui arrive change le modèle alors que l'architecte a été choisi ou que les appels d'offres sont lancés, le coût final est beaucoup plus élevé.

En deuxième lieu, comme pour le numérique, il n'y a pas de pilotage unique de l'immobilier au sein du ministère de la justice. La direction des services judiciaires (DSJ) s'occupe d'immobilier, mais l'Apij et la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) aussi. Par conséquent, lorsque je veux parler d'immobilier, je suis parfois obligé d'avoir trois ou quatre directeurs en face de moi. Ce matin encore, le président du tribunal d'Alençon me disait que la porte d'entrée de son tribunal ne fermait pas bien et qu'il avait de nombreux menus travaux à faire pour sécuriser ses locaux lors des extractions de détenus dangereux ; et il n'était pas évident, sur le moment, de savoir quel service ministériel était compétent pour commander les travaux, alors même que les études ont déjà été réalisées. Cela ne va pas... Je vais donc faire en sorte qu'une administration unique pilote l'immobilier, cela changera beaucoup de choses.

En troisième lieu, l'administration pénitentiaire dispose de bâtiments conçus en fonction du statut juridique du détenu et non de sa dangerosité. C'est absurde. Nous avons ainsi les maisons d'arrêt, pour les personnes condamnées à moins de deux ans de détention, à peu près identiques partout et qui sont surpeuplées, et les établissements pour peine, dont le taux d'occupation est de 97 %.

Or gérer des détenus, ce n'est pas gérer leur statut juridique ; ce qui compte, c'est leur dangerosité, leurs addictions, leur capacité de réinsertion, leurs difficultés, leur état psychiatrique, le fait qu'ils aient ou non vocation à rester sur le territoire national à l'issue de leur peine. Aussi, j'essaie de mettre en place depuis un an la catégorisation des détenus en fonction de leur dangerosité : les plus dangereux iront dans des prisons de haute sécurité, très carcérales, et les autres, qui n'ont pas les mêmes moyens de corruption ou d'évasion, auront besoin de moins de sécurité et iront dans des établissements moins carcéraux.

Aujourd'hui, quelle que soit la prison, le coût de la place est de 500 000 euros, mais toutes les prisons n'ont pas besoin de miradors. Par exemple, sur les 86 000 détenus de France, 16 000 sont en prison pour des délits routiers n'ayant pas entraîné de blessure ou de mort. Ces détenus n'ont pas vocation à être dans le même établissement que, disons, Mohamed Amra. Cela nuit au bon travail des agents pénitentiaires, à leur formation, mais aussi à la réinsertion et au suivi des addictions des détenus. La politique pénitentiaire que je porte vise donc la catégorisation des détenus, comme le font nos amis britanniques et allemands, ce qui permet de catégoriser les prisons.

Cela explique la construction des prisons de haute sécurité pour les détenus les plus dangereux. Quant aux détenus qui ne sont pas dangereux pour l'extérieur, car ils n'appartiennent pas à un réseau corruptif, ne commandent pas un point de deal et ne font pas partie d'une organisation terroriste, ils peuvent correspondre au profil des prisons modulaires.

La prison modulaire n'est pas une prison en kit, elle est bien en béton. Elle présente deux grands avantages. D'abord, elle est petite, elle ne compte que 100 à 150 places, contrairement à une maison d'arrêt, qui en compte 600 à 800, ce qui est très dur à faire accepter dans les territoires. Au total, 3 000 places seraient créées, pour 550 millions d'euros. Ensuite, elle est fabriquée en usine avant d'être assemblée, ce qui fait gagner deux ans sur les sept années de construction. Comme il n'y a besoin ni de miradors, ni de douves, ni de très hauts murs d'enceinte, le coût de la place baisse, de 500 000 euros à 200 000 euros, et ce, grâce à la catégorisation des détenus.

De son côté, la construction de la prison de haute sécurité de Saint-Laurent-du-Maroni durera quatre ans, parce qu'elle nécessite plus de « carcéralité ».

S'agissant des cités judiciaires, à ce jour, neuf projets dont été présélectionnés. À Marseille, le projet, d'un montant de 360 millions d'euros, regroupera cinq services actuellement répartis dans cinq endroits différents de la ville, ce qui pose des problèmes de lisibilité, de sécurité et d'accès. Le pôle correctionnel du tribunal de Marseille est vétuste ; la pluie coule à l'intérieur.

Le coût de la construction de la cité judiciaire de Bobigny s'élèvera à plus de 300 millions d'euros. À Meaux, le projet est évalué à 60 millions d'euros ; à Cusset, à 35 millions d'euros ; à Bonneville, à 20 millions d'euros ; à Chartres, à 50 millions d'euros ; à Dieppe, à 10 millions d'euros ; à Mâcon, à 10 millions d'euros ; à Valence, à 4 millions d'euros.

Le nouveau tribunal de Lille est un exemple typique de dysfonctionnement du ministère de la justice. On y a construit un nouveau tribunal, mais il est trop petit, il faudrait en construire un autre pour le pôle civil ! Évidemment, nous allons plutôt louer des locaux, mais c'est une démonstration de mauvaise organisation.

M. Vogel a tout à fait raison. Certains projets de prison n'attendent plus que la signature de la direction du budget. Tout est prêt, sauf l'argent. Quatre prisons sont ainsi en attente, la plus symbolique étant celle d'Angers. Pour l'instant, au conseil d'administration de l'Apij, la direction du budget refuse de signer. Nous menons une discussion en lien avec le Premier ministre, afin de débloquer ces projets.

En outre, certaines prisons ne sont pas construites en raison du refus des élus, comme à Magnanville dans les Yvelines, ou dans le Val-de-Marne. Pourtant, l'Île-de-France est la région où la surpopulation carcérale est la plus élevée. D'autres projets sont par ailleurs freinés par des recours, qui entraînent des difficultés juridiques, comme à Muret.

Bref, plusieurs raisons expliquent que des prisons ne sortent pas de terre.

Toutefois, cet été, nous avons inauguré celles de Villenauxe, de Nîmes et des Baumettes 3, soit 1 500 places créées en une année, alors que tout était bloqué depuis de nombreux mois.

Pour avoir été maire moi-même, je sais que, si quelqu'un vient demander de l'argent à une collectivité territoriale pour implanter une entreprise qui crée 400 ou 500 emplois, les élus sont prêts à participer ! Depuis neuf ans que je suis ministre, je décentralise l'État. Je suis celui qui a le plus oeuvré en faveur de l'aménagement du territoire, tant au ministère des comptes publics qu'au ministère de l'intérieur. Beaucoup d'entre vous ont obtenu l'implantation de sites de la direction générale des finances publiques qui étaient auparavant à Paris. À chaque fois, les collectivités territoriales m'ont accompagné, par la mise à disposition de places en crèche ou de logements, ou par des financements en espèces sonnantes et trébuchantes. Le ministère de la justice est le seul qui ne demandait aucune participation des collectivités territoriales. Cette participation peut revêtir des formes très diverses. Ainsi, le maire de Meaux paie l'intégralité des aménagements et parkings liés au futur tribunal. À Cusset, la municipalité vend le terrain pour un euro symbolique. À Marseille, les collectivités territoriales - métropole, région, ville - participent à hauteur de 20 % des 360 millions d'euros.

Que les collectivités territoriales participent, toutes strates confondues, à 10 % du montant d'un projet ne me paraît pas déraisonnable. L'argent ainsi économisé par le ministère pourra financer tous les projets en attente. Vous êtes nombreux à me demander le réaménagement de vos prisons ou de vos palais de justice. Cette participation des collectivités territoriales n'est pas obligatoire, mais fortement incitée. Elle est le fait de tous, sans préférence politique. Ainsi, la mairie communiste de Dieppe a été la première à me répondre favorablement tandis que des élus du bloc central s'y refusent. En conséquence, Dieppe a été priorisée.

J'ai peu de moyens à ma disposition, mais si les parlementaires souhaitent augmenter les crédits du ministère de la justice, je ne m'y opposerai pas dans le débat parlementaire.

J'en viens à l'intelligence artificielle. Il est compliqué de parler de ce sujet à des agents quand leurs logiciels actuels sont si lents. Je pense notamment au logiciel TUTI, relatif aux tutelles, qui prend 30 secondes à se charger chaque fois que le greffier change de page.

Je remercie le sénateur Lefèvre d'avoir rappelé mon expérience. En effet, j'ai mis en place l'impôt à la source au ministère des comptes publics, avec un certain succès, tout comme la plainte en ligne au ministère de l'intérieur. Depuis un an et demi, 50 % des plaintes sont déposées en ligne alors qu'auparavant, tout le monde se déplaçait au commissariat ou à la gendarmerie. Le permis de conduire est aussi totalement dématérialisé. Le fautif perd ses points directement sur son permis. Il n'est plus possible d'accuser sa grand-mère !

Ces projets numériques doivent être suivis politiquement. Il faut aussi que des directions « métier » s'en occupent, plutôt que de laisser simplement des personnes apporter un logiciel qui, si intéressant soit-il, ne correspond pas aux besoins quotidiens.

Vous ne m'avez pas parlé de la PPN, ce qui prouve que les choses ont progressé dans un continuum entre forces de l'ordre, parquet et siège. Le logiciel Portalis pose encore problème. Je pense raisonnablement que nous verrons le bout du tunnel en 2026. Nous étions mal partis. Je serai moins dur sur le logiciel d'exécution des peines Prisme, expérimenté dans les tribunaux judiciaires de Thionville et de Bordeaux. Nous prenons le temps ; il sera généralisé en 2026 si la conclusion est positive.

Tout cela n'est pas une question d'argent, c'est un problème d'organisation du ministère. Je pense que c'est au secrétariat général de mener les projets numériques. Actuellement, ils le sont un peu par la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), un peu par la DSJ. Il faut un copilotage entre les ingénieurs et la direction « métier ». Je vous demande de me faire confiance, au regard des projets numériques que j'ai menés précédemment. C'est toujours très long, surtout quand c'est mal parti, mais nous n'allons pas tarder à voir le bout du tunnel.

Toutes les données de ces logiciels serviront la politique d'intelligence artificielle du ministère de la justice. J'appelle votre attention sur deux éléments très importants relatifs à cet enjeu au ministère de la justice : c'est à la fois une question de souveraineté et d'efficacité.

Face à l'utilisation de l'IA par les notaires, les avocats et les citoyens, on ne peut pas répondre uniquement par la hausse du nombre de greffiers ou de magistrats. Désormais, l'IA est capable de trouver, en quelques instants, une trentaine de motifs de nullité dans un dossier de 600 pages. Nous devons, nous aussi, travailler avec l'IA. L'an dernier, il n'y avait pas d'IA au ministère de la justice. Nous avons confié la première mission à ce sujet au directeur adjoint de l'ENM, qui m'a rendu ses conclusions. Désormais, 15 ETP sont consacrés à ce sujet.

Les magistrats utilisaient tout de même l'IA, de façon sauvage, en transmettant des données relevant du secret de l'instruction ou du secret des affaires à des outils comme ChatGPT, avec des références anglo-saxonnes n'ayant rien à voir avec notre droit napoléonien. L'IA peut servir le fonctionnement classique de la justice, par exemple pour une retranscription immédiate dans le cabinet du juge d'instruction, pour la lecture rapide de pièces afin d'éviter l'absence des signatures nécessaires, pour la synthèse des très nombreux documents d'un dossier volumineux, ou encore pour la rédaction d'un réquisitoire. Elle peut aussi servir l'administration pénitentiaire, pour mieux lutter contre les drones ou mieux sélectionner les repas des détenus.

Nous avons lancé plusieurs appels d'offres. De grandes entreprises françaises d'édition de livres juridiques sont désormais capables d'éditer des logiciels conversationnels, qui répondent à des questions de jurisprudence.

Nous devons bâtir un modèle français qui garantira, dans un cloud français, que le secret de l'instruction et le secret des affaires sont respectés, sans recourir à un serveur américain, israélien ou chinois, qui serait ensuite utilisé contre notre souveraineté. L'extraterritorialité, l'ingérence, voire l'espionnage, peuvent concerner le parquet national financier (PNF) lorsqu'il enquête sur de grands industriels français en concurrence avec de grands industriels américains. Nous devons faire attention à nos données.

L'IA concerne aussi, très concrètement, l'interprétariat. Nous avons tous constaté, en garde à vue ou au tribunal, qu'il fallait attendre l'arrivée du traducteur pour commencer. L'IA pourrait se charger de la traduction instantanée.

J'en viens à la question sur la poursuite de la trajectoire de la LOPJ. Dans la prochaine LOPJ, il faudrait inscrire au moins 5 000 à 6 000 nouveaux magistrats et au moins 3 000 à 4 000 agents pénitentiaires supplémentaires, ce qui inclut les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP), en comptant sur les innovations technologiques. J'espère que le Parlement et le Gouvernement y consentiront.

Madame Vérien, nous consacrons beaucoup de moyens à la lutte contre les violences faites aux femmes et aux mineurs. Sans doute doit-on étudier davantage ce qui se fait ailleurs, notamment en Espagne. Mon anté-prédécesseur s'était opposé aux tribunaux spécialisés. Pour ma part, j'estime la question ouverte. Puisque ce n'est pas une criminalité organisée, il n'est sans doute pas nécessaire de créer un parquet national dédié, mais ce contentieux de masse pourrait être spécialisé. C'est déjà un peu le cas de la cour criminelle, puisque 85 % des affaires traitées sont des viols. Toutefois, les violences faites aux femmes sont plus diverses. Le 25 novembre, journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, Mme Joly-Coz et M. Corbaux me remettront le rapport que je leur ai commandé sur ce sujet. Il en ressortira sans doute des propositions sur lesquelles nous pourrons travailler ensemble.

Dans le projet de loi pour une sanction utile, rapide et effective (Sure), je proposerai la fin de l'obligation d'aménagement de peine, donc, par principe, la possibilité d'effectuer de courtes peines. Il faut aussi utiliser toutes les peines substitutives à la prison ; d'ailleurs, la courte peine n'est pas forcément effectuée en prison. On dénombre encore 1 500 placements extérieurs non occupés, 11 000 bracelets électroniques non utilisés et un nombre de peines de travaux d'intérêt général (Tig) réalisées en baisse alors que l'offre de Tig augmente. Les magistrats ne souhaitent pas la surpopulation carcérale, mais parfois, leur seule façon de s'assurer de l'exécution de la peine qu'ils prononcent est de l'assortir d'un mandat de dépôt. Il faudrait créer une forme de mandat de dépôt des peines substitutives, pour garantir au magistrat que l'administration pénitentiaire les applique, qu'il s'agisse du bracelet électronique, du placement extérieur ou du Tig. Nous en reparlerons lors de l'examen du projet de loi Sure. Je suis favorable à une expérimentation sur les courtes peines, en la ciblant dans des territoires équipés de l'immobilier adapté.

Nous reparlerons des 225 euros des avoués avec les avocats, monsieur Lefèvre. Je suis favorable à ce que cet argent aille à l'aide juridictionnelle.

J'ai moi-même déclaré que j'étais désormais dubitatif sur les centres éducatifs fermés. J'ai commandé un rapport d'inspection qui indique que peu d'enfants sont concernés, sur le nombre de mineurs délinquants, et que les CEF sont plus efficaces lorsqu'ils sont gérés par des associations que lorsqu'ils le sont par l'État lui-même. Le nouveau directeur de la PJJ, M. Lesueur, travaille à une proposition. Il pourrait s'agir d'y mettre fin et d'aller vers d'autres dispositifs, avec l'armée ou l'éducation nationale. Les enfants en CEF ont paradoxalement moins d'heures de cours que les autres - huit heures hebdomadaires en moyenne -, alors qu'ils en ont davantage besoin. Faute de statut spécifique de professeur en CEF, l'enfant doit attendre plusieurs mois avant d'en avoir un. La politique des CEF est peu efficace alors qu'elle reçoit beaucoup de moyens.

M. Guy Benarroche. - Nous accueillons tous favorablement l'augmentation du budget de la justice dans ce PLF, tout en étant conscients que c'est un rattrapage progressif, pour une fonction régalienne laissée trop longtemps à l'abandon. Il faut renforcer tous les corps de métier, qui sont en sous-effectif. Trop peu d'ajustements sont réalisés après évaluation et, de plus, les mécanismes d'évaluation sont trop superficiels ou trop imprécis. On a parfois du mal à s'assurer du bon emploi de nos ressources, sauf à mener des missions parlementaires.

Après mes visites régulières, que l'on peut qualifier, comme vous l'avez fait, monsieur le garde des sceaux, de voyeurisme carcéral, auprès du CEF de Marseille ou de l'établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) La Valentine, je dresse un constat clair : cela coûte cher pour des résultats mitigés. Vous le dites ; nous le disons ; la Cour des comptes et l'Assemblée nationale le disent. En commission, nos collègues députés socialistes ont fait adopter un amendement visant à suspendre le plan de construction des CEF afin d'en réorienter les moyens, en particulier vers la PJJ. Lors de l'examen de cette mesure au Sénat, la défendrez-vous ?

Lors d'une réunion du conseil de juridiction à laquelle j'ai assisté vendredi dernier à Marseille, a été abordée la question de la prise en compte des victimes. En commission, les députés ont adopté un amendement écologiste de soutien aux associations venant en aide aux femmes victimes d'infractions pénales. Quelle est la position du Gouvernement sur cette mesure qui abonde de 2 millions d'euros les crédits de l'aide aux victimes ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Louis Vogel a dressé un constat sur la surpopulation carcérale que nous partageons tous. Monsieur le garde des sceaux, j'ai l'impression que vous faites de la régulation carcérale sans le dire. Vous refusez de prononcer ce terme, pourtant, vous avez organisé des rencontres avec l'ensemble des acteurs de la chaîne pénale pour éviter que la surpopulation carcérale ne soit intenable pendant l'été dernier. Les parquetiers ont eu le sentiment que le Gouvernement, ne voulant pas assumer cette responsabilité, la leur faisait porter.

La course à la construction est assez vaine. Elle ne réduira pas la surpopulation.

La seule peine considérée comme certaine est la peine de prison avec mandat de dépôt. Pourtant, c'est aux parquetiers de s'assurer de l'exécution de la peine prononcée. Quelque chose ne fonctionne pas. Le pouvoir, quel qu'il soit, doit faire face à la réalité et assumer qu'il faut développer des alternatives : vous le dites vous-même.

Vos propos paraissent donc contradictoires ; je vous encourage à abandonner ce double discours. Cessez de bannir le terme de « régulation carcérale ». Lisez plutôt l'excellente proposition de loi visant à instaurer un mécanisme contraignant de régulation carcérale, que j'ai déposée avec Laurence Harribey.

On a évoqué le retour du droit de timbre en procédure civile - il est bien plus coûteux en appel : 225 euros. Monsieur le garde des sceaux, vous préparez un décret baptisé Rivage qui a vocation à réduire l'accès à la justice, à défaut de pouvoir répondre aux besoins. Vous voulez limiter, voire supprimer, la possibilité de faire appel et rendre la médiation obligatoire dans un nombre accru de procédures, ce qui n'est pas simple, car il faut des médiateurs, qui peuvent être payants. Ce décret traduit un état d'esprit selon lequel, quand on n'arrive pas à faire face au stock, on réduit le flux.

Enfin, je voudrais aborder la question de la suppression, par une décision du Conseil constitutionnel du 29 avril 2025, du droit de visite des parlementaires en prison. Je connais votre réponse, mais je veux vous l'entendre dire devant l'ensemble de mes collègues. Il est nécessaire, avant avril 2026, de réécrire l'article 719 du code de procédure pénale pour que ce droit soit maintenu. Vous m'avez affirmé en privé vouloir vous en assurer dans le projet de loi Sure, mais nous n'en connaissons pas le calendrier d'examen. Une de mes propositions de loi réglant ce problème pourrait être votée rapidement par tous mes collègues.

M. Pierre-Alain Roiron. - L'attractivité de la PJJ est faible. Le taux de vacance des postes d'éducateurs y atteint 7 %. La crise est grave. En moyenne, 20 % des agents qui travaillent à la PJJ sont contractuels. Que prévoyez-vous pour y remédier ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - S'il est défendu au Sénat, j'émettrai un avis favorable sur l'amendement socialiste imposant un moratoire sur les CEF. C'est l'objet même de ma réflexion et de l'inspection que j'ai demandée aux services. Il faudra savoir si ce moratoire inclut les CEF en chantier - je pense à ceux de Chalon-sur-Saône et La Rochelle -, qui doivent pouvoir être livrés.

Il faut des moyens pour la PJJ. Distinguons toutefois les EPM, comme La Valentine, des CEF. Il faut travailler, sur le modèle des établissements pour l'insertion dans l'emploi (Epide) ou des régiments du service militaire adapté (RSMA), entre éducation nationale, armées et ministère de la justice. La PJJ doit être mieux accompagnée et compter moins de contractuels. La réforme de l'école nationale de la PJJ est également un élément important. Je suis favorable au redéploiement des moyens des CEF auprès des agents de la jeunesse de notre ministère. La création actuelle de postes est un bon signe.

Certaines subventions aux associations de victimes relèvent d'autres ministères, dont celui de Mme Bergé. Dans le PLF pour 2026, le seul ministère de la justice consacre 17 millions d'euros aux associations de victimes de violences intrafamiliales, comme en 2025. Ce montant était de 16 millions d'euros l'année précédente. Il n'y a pas de baisse de crédits au ministère de la justice. Il se peut, en revanche, que les crédits aillent à des associations nouvelles.

Madame de La Gontrie, vous affirmez - accusation piquante - que j'aurais un double discours. Je m'étonne de votre changement de point de vue, selon que vous êtes ou non dans la majorité gouvernementale.

La surpopulation carcérale est un drame, tant pour les détenus que pour les agents. On dénombre 6 000 matelas au sol. Je ne m'en satisfais absolument pas. Une partie de cette surpopulation est liée à notre retard collectif dans la construction de prisons. Pendant le quinquennat de François Hollande, aucune construction n'a été décidée et les seuls établissements inaugurés à cette époque sont ceux qui avaient été lancés par son prédécesseur. En revanche, il y a eu 9 000 détenus supplémentaires sous son mandat. Il me semble même que Mme Taubira avait annulé la création de places voulues par ses prédécesseurs.

Ensuite, si le plan « 15 000 » n'a pas été à la hauteur, au moins, l'intention était là.

J'assume de mener la politique pénale du ministère de la justice. C'est même un pouvoir qui m'est garanti. Oui, j'ai donné des orientations ; ce sont les mêmes depuis un an. J'ai demandé aux parquets de requérir des peines de prison ferme dans trois domaines : le narcobanditisme ; les violences faites aux femmes et aux enfants ; les violences contre la République, qu'il s'agisse d'actes homophobes, antisémites, antireligieux ou attentatoires aux élus. Pour le reste, sauf cas individuel apprécié par le parquetier, je demande de ne pas requérir de peine de prison. L'été dernier, j'ai réuni, nationalement et localement, l'ensemble des branches du ministère. Je leur ai dit que je continuais à lire dans la presse locale, en l'occurrence dans La Voix du Nord, que des procureurs de la République requéraient des peines de prison ferme dans d'autres domaines que ceux que j'ai fixés. On me répond : « Fermeté ! ». Je trouve que la fermeté est formidable, mais ce n'est pas ce que j'ai demandé ! On ne peut pas me demander de régulation carcérale alors que l'on n'applique pas mes orientations. Je vous ai déjà parlé des bracelets électroniques et des placements extérieurs disponibles, mais en plus, cet été, la moitié des places de semi-liberté étaient vacantes ! Je me suis permis de dire à tous que je ne prendrais pas de mesure de régulation carcérale pour vider les prisons si les alternatives à l'incarcération n'étaient pas utilisées.

Le nombre de détenus augmente parce que le quantum moyen des peines prononcées par les juges a augmenté. En 1981, quand M. Mitterrand a été élu président de la République, il était de quatre mois. En 1995, à son départ, il était de neuf mois. En 2017, lorsque M. Macron a été élu, il était de onze mois. L'an dernier, il approchait les quatorze mois.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Et on dit que la justice est laxiste !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - La justice n'est pas laxiste. Sous la présidence d'Emmanuel Macron, le nombre d'années de prison prononcées par an est passé de 94 000 à 122 000. Mais une peine de prison sur deux n'est jamais effectuée, contre une sur cinq quand M. Mitterrand était président de la République. M. Perben, Mme Dati, Mme Taubira, Mme Belloubet, M. Dupond-Moretti : chacun a renforcé les aménagements de peine. Or, plus ceux-ci étaient rendus obligatoires, plus les magistrats augmentaient les quantums de peine. Je suis très solidaire de mes prédécesseurs, mais l'aménagement de peine obligatoire ne fonctionne pas. Supprimons-le ! Cette obligation va profondément à l'encontre de l'indépendance du magistrat. Le code pénal dispose à la fois que l'auteur de telle ou telle infraction encourt une peine de six mois de prison et que pour une telle peine, nul ne va en prison ! C'est objectivement très difficile à comprendre.

Il ne faut pas réduire le nombre de personnes qui entrent en prison, mais le nombre de jours qu'elles y passent. Beccaria l'a dit : « Ce n'est point par la rigueur des supplices qu'on prévient le plus sûrement les crimes, c'est par la certitude de la punition ».

En revanche, la régulation carcérale, ce n'est pas demander au procureur de la République ou, le cas échéant, au juge de l'application des peines, de requérir une peine substitutive ou de laisser les gens en prison. La régulation carcérale, c'est ce que l'on a fait, par exemple, pendant la pandémie de covid-19. Cela répondait à des difficultés propres à la crise sanitaire, mais le fait de remettre en liberté un sixième, un cinquième, voire un quart des détenus a-t-il amélioré la situation ? Pas du tout, car il s'agissait de sorties sèches !

La régulation carcérale telle que vous la demandez et telle que l'a proposée le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, qui est un ami mais dont je ne partage pas les conclusions, n'est rien de moins qu'une sortie sèche ! Or, nous savons tous que les sorties sèches encouragent la récidive.

Je suis bien sûr très favorable à ce que des peines alternatives soient prononcées lorsque le cas s'y prête, qu'il s'agisse de Tig, s'ils sont bien encadrés, du port d'un bracelet électronique si son porteur n'est pas susceptible de frapper sa femme en rentrant chez lui, ou encore d'un placement extérieur si les associations font bien leur travail. La peine de prison ne doit pas être systématique. En revanche, lorsque le juge prononce une peine de prison, celle-ci doit être effectuée sans qu'il soit obligé d'augmenter le quantum de peines pour s'en assurer.

Nous ne sommes pas très loin d'être d'accord, madame de La Gontrie. Nous aurons l'occasion d'en discuter lors de l'examen de la loi Sure. Vous verrez alors que la philosophie que je porte, c'est surtout de redonner de la latitude aux magistrats pour qu'ils fassent baisser le quantum de peine. Je ne proposerai pas de toucher aux infractions du code pénal.

Enfin, je prendrai le temps de vous répondre sur le projet de décret Rivage, car peu de gens parlent de la politique civile, qui est pourtant essentielle pour nos concitoyens. J'ai publié l'été dernier deux décrets très importants consistant à placer l'amiable au premier rang lors d'un procès civil et qui ont été correctement accueillis par la profession d'avocat. La culture française veut qu'il y ait un perdant et un gagnant et donc un procès, alors que tous nos voisins cherchent à trouver un compromis. Cela vaut tant en matière correctionnelle qu'en matière civile.

Du reste, le divorce par consentement mutuel est une forme de règlement amiable que nous avons mis à la disposition des avocats. Peut-on pratiquer des formes de règlements à l'amiable dans d'autres domaines que les affaires familiales ? Sans doute : comme je l'ai mentionné précédemment, 50 % des affaires civiles concernées par les décrets que j'ai pris aboutissent à un accord sans avoir besoin d'être présentées devant le juge. C'est une question non pas de moyens, mais de procédure : comme le dit le dicton populaire, un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès.

Le projet de décret Rivage porte sur un autre sujet. L'un de ses objets est en effet de favoriser l'amiable et la conciliation, mais ce n'est pas le seul. Là encore, ce n'est pas une question de moyens : ce décret concerne 12 500 dossiers par an sur des centaines de milliers d'affaires civiles. Je précise d'ailleurs qu'il doit faire l'objet d'une concertation avec la profession d'avocat et n'a pas encore été envoyé au Conseil d'État.

Actuellement, le droit civil oblige le magistrat en appel à instruire un recours, avec le concours d'un avocat - peut-être est-ce là le problème -, même si l'appel a été déposé hors délai. Tout le monde sait qu'il sera donné tort au requérant in fine, mais on continue malgré tout d'emboliser les cours d'appel. Le projet de décret Rivage prévoit que, dans 12 500 dossiers par an, le magistrat peut refuser un recours s'il est manifestement irrecevable.

Il n'est en aucun cas question de priver le requérant de l'appel en matière civile. D'ailleurs, si je puis me permettre, madame de La Gontrie, le droit d'appel ne figure pas dans le code civil. Il est un droit en matière pénale, mais il n'est qu'une option, certes nécessaire, en matière civile, et non un principe général du droit. Le législateur ne l'a jamais souhaité ainsi.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je n'ai pas dit cela...

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Le périmètre du projet de décret Rivage exclut la quasi-intégralité des contentieux qui ont, si je puis dire, une portée sentimentale. Je pense bien sûr aux affaires familiales, mais aussi, par exemple, aux problèmes avec des locataires dans le domaine de l'immobilier. Il ne concerne que très peu de cas du champ du droit civil.

Prenons l'exemple d'un contentieux qui embolise les tribunaux et représente 30 % des contentieux d'une cour d'appel comme celle de Lyon : le contentieux entre la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et l'État pour savoir si un enfant doit être ou non accompagné par un accompagnant d'élèves en situation de handicap (AESH). Si la MDPH dit non et que l'État fait appel, il faut, en moyenne, quatre ans pour qu'un jugement soit prononcé en appel. Autant dire que l'enfant a alors quitté l'établissement où il aurait eu besoin d'un AESH... Voilà le genre de situations un peu absurdes qui mériteraient qu'un appel formulé hors délai ne soit pas examiné.

Ceci étant dit, vous avez parfaitement raison, des interrogations, des doutes ont été formulés que je veux écarter. Nous allons donc nous concerter avec la profession d'avocat, qui a l'impression que les réformes des dernières années n'ont pas donné les résultats qu'avait promis la Chancellerie, notamment les décrets du 3 juillet 2024 portant diverses mesures de simplification de la procédure civile et relatif aux professions réglementées et du 8 juillet 2025 portant diverses mesures de simplification de la procédure civile, dits décrets Magicobus. Je suis prêt à en discuter.

Toutefois, entre nous, madame de La Gontrie, la protection du justiciable ne consiste pas à lui promettre qu'il obtiendra un appel s'il prend un avocat, puisque dans 97 % des cas que j'ai évoqués, au moment où le juge statue, il rejette l'appel qui n'a plus de pertinence. Le projet de décret Rivage ne va donc pas révolutionner le monde. Vous me demandez combien de temps il nous fera gagner ; il nous fera gagner l'équivalent de quarante magistrats, ce qui est à la fois beaucoup et peu. Encore une fois, si ce projet de décret n'obtient pas le soutien de la profession d'avocat - notamment pour des raisons compréhensibles de modèle économique, car il est aussi question de cela -, je ne le déposerai pas en l'état.

Oui, je serai favorable à votre proposition de loi visant à garantir le droit de visite des lieux de privation de liberté des parlementaires et des bâtonniers si elle est inscrite à l'ordre du jour du Sénat, mais ce n'est pas moi qui en décide. Si ce n'est pas le cas, je l'intégrerai, en citant bien sûr ses auteurs, au projet de loi Sure.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Chiche !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Cela figure déjà dans le projet de loi.

Du reste, l'article L. 111-1 du code pénitentiaire autorise le garde des sceaux à visiter quand il le souhaite n'importe quel lieu dépendant de son administration, mais j'ai cru comprendre que vous lui refusiez ce droit.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - J'ai eu peur !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. - Enfin, je partage la grande détresse des agents de la protection judiciaire de la jeunesse, qui rencontrent des difficultés à exercer leur métier face à une jeunesse à la fois plus violente et plus souvent victime, malgré un manque de moyens et de reconnaissance. Sans doute est-ce celle des administrations dont j'ai la charge qui est le plus en difficulté. C'est pourquoi j'ai nommé un nouveau directeur et je prendrai des dispositions très fortes en début d'année prochaine.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Je vous remercie, monsieur le garde des sceaux, d'avoir bien voulu répondre à nos questions.

Ces débats évoquant de nombreux souvenirs chez les vieux avocats qui siègent dans cette commission, je me permettrai de formuler quelques observations.

Tout d'abord, je rappelle qu'il fut un temps où, lorsque l'on assignait devant le tribunal d'instance - qui n'existe plus -, on assignait aux fins de conciliation, puis de jugement. Je vois d'anciens confrères opiner du chef. Il existe toujours des conciliateurs, devant lesquels le juge renvoie souvent les parties avant de les entendre en vue de trouver un accord à l'amiable. Les procédures à l'amiable ont toujours existé.

Ensuite, si l'appel n'est pas un droit en tant que tel, le double degré de juridiction est un acquis de longue date. Il me semble que c'est à cela qu'il était fait allusion, plutôt qu'à un droit de faire appel à proprement parler.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Direction de l'administration pénitentiaire (DAP)

Mme Laurence Venet-Lopez, cheffe de service de l'administration et du sous-directeur du pilotage et du soutien des services

M. Philippe Gicquel, sous-directeur du pilotage et du soutien des services à l'administration pénitentiaire

Agence publique pour l'immobilier de la justice (Apij)

M. David Barjon, directeur général

M. Jonathan Arends , directeur des finances et du contrôle de gestion opérationnel

Agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle (Atigip)

M. Bruno Clément-Petremann, directeur

Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL)

Mme Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté

M. André Ferragne, secrétaire général

Syndicat FO Justice

M. Emmanuel Baudin, secrétaire général

M. Yoan Karar, secrétaire général adjoint

Mme Valérie Vaissié, déléguée nationale chargée des relations extérieures

Mme Odette Jezequel, déléguée nationale CPIP

Mme Mounia Vermes, déléguée nationale DPIP

M. Arnaud Schade, secrétaire général adjoint corps de commandement

UFAP-UNSA Justice

M. Thomas Jacquot, secrétaire national

M. Alain Bassuel, secrétaire général adjoint

M. Simon Pierre Lagouche, secrétaire national

CGT Pénitentiaire 

M. Samuel Gauthier, secrétaire général

M. Cyril Holin, secrétaire national

Syndicat Pénitentiaire des Surveillant(e)s (SPS)

M. Philippe Kuhn, surveillant de la MA de Villepinte

M. Julien Ricart, surveillant du CD de Melun

Syndicat National de l'Ensemble des Personnels de l'Administration Pénitentiaire (Snepap-FSU)

Mme Annabelle Bouchet, secrétaire générale adjointe, conseillère pénitentiaire d'insertion et de probation

Mme Maité Galopin, secrétaire nationale, conseillère pénitentiaire d'insertion et de probation

Syndicat national pénitentiaire - FO Direction 

M. Ivan Gombert, secrétaire national

Syndicat national des directeurs pénitentiaire - CFDT

M. Jean-François Fogliarino, secrétaire général adjoint

Mme Bérangère Cusanno, directrice adjointe du centre pénitentiaire de Grenoble Varces, secrétaire générale adjointe

Mme Virginie Nouaille, directrice fonctionnelle du SPIP des Hauts-de-Seine, secrétaire nationale

Mme Lou-Andréa Imbert, cheffe de section de la surveillance électronique au département des parcours d'exécution des peines

Observatoire international des prisons - section française

M. Matthieu Quinquis, président

Mme Albane Lefebvre, assistante

CONTRIBUTION ÉCRITE

CFDT Pénitentiaire


* 1 Council of Europe, Prisons and Prisoners in Europe 2024, Key Findings of the SPACE I survey. 2025.

* 2 Cour des comptes, « Une surpopulation carcérale persistante, une politique d'exécution des peines en question », Rapport public thématique, octobre 2023.

* 3 Commission des finances du Sénat, Rapport général provisoire relatif au projet de lois de finances pour 2026, Tome I.

* 4  Rapport d'information n° 2 (2025-2026) sur l'exécution des peines, fait par Elsa Schalck, Laurence Harribey et Dominique Vérien au nom de la commission des lois du Sénat, 1er octobre 2025

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