B. UNE COOPÉRATION ENCORE INACHEVÉE

La concertation porte sur des sujets précis pour ne pas dire pointus, et paraît décevante en revanche quand elle vise à une plus grande échelle à harmoniser et coordonner l'effort commun au service de la sécurité des biens et des personnes. C'est pourtant cet objectif que visaient à atteindre trois textes de nature différente : l'« accord » du 10 janvier 1990 entre la police et la gendarmerie, la circulaire interministérielle du 9 septembre 1993, la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995.

1. L'accord du 10 janvier 1990 entre la police et la gendarmerie n'enregistre aucune avance notable en 1995

Votre rapporteur ne peut que renouveler les constats présentés dans son avis budgétaire pour le projet de loi de finances pour 1995.

Ainsi, il n'existe toujours pas de cantonnements communs gendarmerie-mobile-CRS utilisables par l'une ou l'autre des deux forces.

Les modifications prévues du code de procédure pénale portant sur les articles D6 et D12 apparues nécessaires pour améliorer l'information réciproque des services qui concourent à la police judiciaire ne se sont pas concrétisées, faute d'une concertation interministérielle dont la chancellerie n'a pas encore pris l'initiative. D'après le ministère de la Défense, ces changements restent cependant "d'actualité". En revanche, la modification de l'article D4 relatif aux attributions des services spécialisés en police judiciaire a reçu l'assentiment des ministères de la Défense, de l'Intérieur et de la Justice et devrait figurer dans le projet de décret modifiant la portée réglementaire du code de procédure pénale.

Quant à la répartition des compétences territoriales respectives de la police et de la gendarmerie, aucune mesure nouvelle n'a été adoptée en 1995, même si, à l'heure actuelle, quatre étatisations et sept desétatisations sont l'objet d'arrêtés en instance de signature. D'après la Direction générale de la gendarmerie nationale, quinze autres opérations de ce genre font l'objet d'études techniques menées conjointement avec la Direction générale de la police nationale.

Toutefois, la loi du 21 janvier 1995 a relevé de 10 000 à 20 000 habitants le seuil décidant l'application du régime de police d'Etat sur la commune. Elle a ajouté cependant un critère au contenu plus imprécis : les besoins de la population en matière de sécurité. Ce nouveau cadre juridique risque de compliquer encore l'effort de répartition des compétences.

2. La coordination prévue par la circulaire interministérielle du 9 septembre 1993 reste encore à l'étude

La circulaire a permis la mise en place, sous la direction conjointe du préfet et de l'autorité judiciaire, des plans départementaux de sécurité (PDS).

Cette orientation impose une meilleure coordination des intervenants concernés par la politique de sécurité.

La mise en place d'un groupe de travail réunissant les représentants de la Direction générale de la gendarmerie nationale (service des opérations et de l'emploi) et la Direction générale de la police nationale (direction centrale de la sécurité publique) répond à cette préoccupation. En effet, il vise à harmoniser l'action quotidienne conduite dans le département par le commandant du groupement de gendarmerie et le directeur départemental de la sécurité publique. Cette concertation au sein du groupe de travail a eu pour premier résultat, à la suite de directives adoptées simultanément par la DGGN et la DCSP le 20 janvier 1995, la création dans chaque département d'une cellule technique de coordination opérationnelle.

3. Les difficultés de mise en oeuvre du principe de parité

La loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité présente, au regard des questions intéressant la gendarmerie, deux volets : le premier porte sur l'harmonisation de la politique de sécurité, le second sur la parité entre gendarmerie et police.

a) Une coordination indécise

Aucun décret d'application de loi concernant l'emploi des unités de la gendarmerie n'a été publié.

Plusieurs groupes de travail réunissant policiers et gendarmes ont réfléchi sur la mise en oeuvre des principes posés par l'annexe 1 de la loi sur la répartition des responsabilités territoriales et des attributions entre la police et la gendarmerie, l'organisation de la coopération en matière d'équipement, de police technique et scientifique, de création et d'utilisation de fichiers d'échange de l'information. Les textes préparés n'ont pas encore été soumis aux ministres concernés. La signature du ministre de la défense, requise pour les décrets d'application de la loi, offre cependant la garantie que le dispositif préparé tiendra compte des intérêts de la gendarmerie.

b) Le principe de parité

La loi relative à la sécurité visait à améliorer significativement le statut des policiers. En effet, elle pose d'une part les bases d'un nouveau régime de rémunérations qui ne dépend plus de la grille de la fonction publique, et améliore d'autre part des perspectives de carrière avec la définition de trois nouveaux corps (conception et direction, commandement et encadrement, maîtrise et application).

A cette occasion, votre rapporteur, tout en se félicitant de l'attention portée par le ministre de l'Intérieur aux personnels, avait insisté pour que l'équilibre entre la police et la gendarmerie ne soit pas remis en cause.

Le principe de parité a pu être rappelé dans l'annexe 1 de la loi dont les orientations en matière de politique de sécurité sont approuvées dans le corps même du texte de loi (art. 2). L'annexe indique en effet qu' « il serait inconcevable que la mise en oeuvre des dispositions relatives à la modernisation du statut spécial des personnels de police et à l'instauration d'indemnités exceptionnelles conduise à un abandon du principe fondamental de parité entre la police et la gendarmerie ».

Ces préoccupations ont conduit le ministre de la Défense à confier en juin 1995 à un contrôleur général des armées la mission de présider les travaux d'un groupe de réflexion destiné à préciser les conséquences pour la gendarmerie de la loi du 21 janvier 1995. Les conclusions de ce groupe ont été rendues en septembre et doivent faire l'objet d'un arbitrage ministériel.

L'application du principe de parité demeure limitée. Ces difficultés trouvent leur origine dans deux facteurs essentiels.

En premier lieu, les corps militaires se caractérisent par l'hétérogénéité de leurs niveaux de recrutement : ils n'entrent pas dans les trois catégories A, B, C applicables aux fonctionnaires civils (ainsi les officiers peuvent être assimilés en fonction de leur grade à la catégorie A ou B). Aussi les gendarmes ont-ils été pénalisés par une évolution indiciaire qui prend en compte principalement le niveau de recrutement de chaque corps.

En second lieu, l'application de la parité se heurte au souci d'éviter l'effet de contagion interarmées. Ainsi, dans le cadre de la transposition aux militaires du protocole Durafour, la parité s'est appliquée au seul grade de gendarme qui n'a pas de correspondant dans les trois armées. Les gradés n'ont pas pour leur part bénéficié de l'alignement sur les indices de brigadier chef ou de brigadier de la police nationale. Cette situation a eu pour effet paradoxal de placer par exemple l'indice terminal de gendarme classé à l'échelon exceptionnel au-dessus de celui de maréchal des logis-chef.

c) La regrettable confusion des grades

Au-delà des questions indiciaires, les rapports entre police et gendarmerie sont compliqués par les dénominations des grades au sein de la police. En effet ces grades, dans le cadre de la refonte des corps de la police, s'inspirent directement de ceux qui prévalent dans la hiérarchie militaire.

Aussi la gendarmerie éprouve-t-elle un malaise lié à la remise en cause de sa spécificité comme force militaire chargée de la sécurité intérieure.

En outre l'exercice d'une même responsabilité s'accompagne en général pour le policier, d'un grade supérieur à celui du gendarme : l'identité des désignations ne recouvre donc pas la même échelle de fonctions dans les deux forces. La hiérarchie au sein de la gendarmerie s'en trouve dévalorisée.

Il ne faut pas se méprendre sur la portée symbolique de ce débat : il recouvre en effet des enjeux essentiels quant à l'image de la gendarmerie, la conscience de son identité et le moral de ses hommes.

Aussi, votre rapporteur, sans revenir sur la légitimité des grades accordée au sein de la police, souhaite que ces appellations, conformément d'ailleurs à la lettre même de la réforme, soient réservées à l'usage interne de la police et ne passe pas dans le « domaine public ».

Pour votre rapporteur, le choix de l'expression " dualisme équitable " retenue par le groupe de travail lui paraît en définitive plus approprié que le terme de « parité » pour rendre justice à la spécificité de la gendarmerie.

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