B. L'ÉROSION DE L'EFFORT FINANCIER CONSACRÉ À LA MÉDITERRANÉE AU SEIN DES ACTIONS EXTÉRIEURES DE L'UNION

Dans la perspective de la Conférence de Marseille, la réforme du principal instrument de coopération avec les pays méditerranéens -le programme MEDA- et l'évaluation de l'enveloppe financière qui lui était accordée, représentaient des moyens essentiels pour les Quinze de manifester la priorité qu'ils accordaient à leur politique méditerranéenne.

Le bilan du premier programme MEDA, destiné à couvrir la période 1996-1999 , a suscité de nombreuses critiques. En effet, sur la totalité des sommes engagées, soit 3,4 milliards d'euros, 26 % seulement de ces crédits ont fait l'objet de déboursements effectifs.

Ces dysfonctionnements s'expliquent, certes en partie, par certaines difficultés d'absorption de l'aide par les partenaires méditerranéens, mais aussi par la lourdeur des procédures de décision et de gestion de l'aide communautaire.

La répartition des enveloppes bilatérales pour chaque pays tient compte du poids démographique, du niveau de vie et de développement, ainsi que de l'importance des réformes économiques et sociales à entreprendre. A la différence du système antérieur fondé sur l'allocation d'un montant fixe à chaque pays, les engagements, dans le cadre de MEDA, dépendent des résultats de la mise en oeuvre du projet par les pays bénéficiaires. Toutefois, un pays dont la qualité de gestion lui aura valu une priorité en termes d'engagements pourra subir les aléas d'un faible niveau de décaissement.

Répartition géographique des fonds MEDA (1996-1999)
au 31/12/1999

Pays 2 ( * )

Engagements
(en millions d'euros)

Taux de déboursement
(en %)

Algérie

154

18

Egypte

686

22

Jordanie

254

42,5

Liban

182

0,5

Maroc

656

20

Syrie

99

0

Territoires palestiniens

111

48

Tunisie

428

40

Turquie

375

4

La coopération financée par les crédits MEDA prend la forme de dons . Sur une période de quatre ans, elle a principalement porté sur cinq domaines :

- soutien à l'ajustement structurel , en accompagnement de la mise en oeuvre de programmes généralement coordonnés avec les institutions de Bretton-Woods (600 millions d'euros, soit 20 % des engagements au titre de MEDA) ;

- coopération économique et au développement du secteur privé dans la perspective de la mise en place d'une zone de libre échange euro-méditerranéenne (1 035 millions d'euros, soit 30 % des engagements) ;

- activités dans le secteur social en accompagnement des réformes pendant la phase de transition économique (1 000 millions d'euros, soit 29 % des engagements) ;

- activité dans le domaine de l' environnement (aide directe -Maroc, Jordanie- ou sous la forme de bonification d'intérêts sur des prêts de la BEI, destinés à des projets liés à l'environnement : 235 millions d'euros, soit 7 % des engagements) ;

- programmes de développement rural : 155 millions d'euros (soit 4,5 % des engagements).

En outre, près de 10 % de l'enveloppe MEDA est attribuée à la coopération régionale (la moitié des fonds a été décaissée).

L'aide MEDA est complétée, pour un montant total comparable, par les prêts de la Banque Européenne d'Investissement, principalement consacrés au financement des grands projets d'infrastructures économiques.

. Le nouveau programme MEDA II

A l'échéance du programme MEDA (1999), une année s'est avérée nécessaire pour permettre à l'Union européenne de s'accorder sur un nouveau programme (MEDA II), prévu pour une durée de 7 ans. Les discussions, difficiles, ont porté, d'une part, sur les conditions de la mise en oeuvre de l'instrument financier et, d'autre part, sur l'effort financier qui serait consenti par les Quinze. Le premier point avait pour enjeu l'efficacité -très discutée- des procédures, le second, la priorité politique reconnue à la Méditerranée.

Le nouveau règlement financier MEDA réalise un compromis entre les demandes de la Commission européenne, soucieuse d'obtenir une plus grande souplesse de gestion et les positions des Etats-membres, désireux de maintenir un pouvoir de contrôle sur l'utilisation des fonds. Sans doute, la référence à un seuil financier au-delà duquel tout projet donnait automatiquement lieu, dans le cadre de MEDA I, à un examen individuel a-t-il été supprimé. Cependant, comme l'avait d'ailleurs vivement souhaité votre Commission des affaires étrangères dans le cadre d'une proposition de résolution adoptée en mai 2000 3 ( * ) , les Etats membres conservent la possibilité de recourir à un " droit d'évocation " afin de soumettre un projet à un examen individuel.

Les discussions relatives à l' enveloppe financière de MEDA II se sont révélées encore plus délicates.

Plusieurs pays -d'Europe septentrionale principalement (Royaume-Uni, Autriche, Suède, Allemagne)- mettaient en avant la faiblesse du taux d'exécution du premier règlement et l'ampleur du reliquat (de l'ordre de 2,5 milliards d'euros) pour limiter le montant d'aide à 4,2 milliards d'euros. Les pays de l'Union riverains de la Méditerranée (mais aussi le Portugal et la Belgique) plaidaient, pour leur part, pour la proposition plus ambitieuse avancée par la Commission, soit 6,7 milliards d'euros. Le montant finalement retenu s'établit au point d'équilibre entre ces positions contradictoires : il s'élève à 5,35 milliards d'euros . Il sera complété par des prêts de la BEI de 6,425 milliards d'euros (auxquels s'ajouteront, 1 milliard d'euros, prélevés sur les ressources propres de la Banque pour financer des projets liés à l'intégration régionale).

Sans doute, comme le ministre des affaires étrangères français l'a rappelé lors de la Conférence, les moyens dévolus à MEDA II représentent davantage que la " reconduction du montant antérieur ". Cependant, la part relative de la Méditerranée dans l'aide extérieure de l'Union, en particulier comparée avec les pays d'Europe Centrale et Orientale (PECO), connaît une évidente érosion. Aux termes des objectifs affichés à Barcelone, elle devait représenter 70 % de l'aide financière accordée aux PECO. Dans le cadre de MEDA II, elle ne dépassera pas 40 % de cette enveloppe. L'effort est-il à la mesure des besoins d'une zone forte de quelque 220 millions de riverains et des intérêts stratégiques de l'Europe dans les années à venir ? La question mérite sans doute d'être posée.

* 2 Chypre, Malte et Israël ne bénéficient pas de l'aide bilatérale MEDA en raison de leur niveau de développement et de revenu par habitant.

* 3 Mme Danielle Bidart-Reydet, rapport n° 322, 1999-2000.

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