II. LA SITUATION DU FONCTIONNAIRE INTERROMPANT SON ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE POUR L'EXERCICE D'UNE FONCTION ÉLECTIVE OU D'UN MANDAT ÉLECTORAL

Les dispositions proposées, destinées à aménager les conditions dans lesquelles les fonctionnaires devraient ou pourraient, suivant les cas, interrompre leur activité professionnelle pour l'exercice de leurs fonctions électives ou de leurs mandats électoraux, n'ont pas pour finalité de remettre en cause le droit des élus à réintégrer leur emploi au terme de leur mandat ou fonction.

Les aménagements proposés ont pour objet principal de remédier à quelques situations qui ont pu apparaître choquantes sans pour autant mettre en cause le droit du fonctionnaire à être élu, ce droit étant constitutionnellement acquis pour tous les citoyens.

Avant d'analyser les propositions en la matière, votre rapporteur rappellera brièvement la situation actuelle des fonctionnaire élus.

A. LE RAPPEL DU RÉGIME EN VIGUEUR

Les fonctionnaires (de l'Etat, territoriaux ou hospitaliers) qui acquièrent un mandat électif peuvent être placés, soit en détachement, soit en disponibilité.

Les fonctionnaires élus au Parlement français ou au Parlement européen sont de plein droit placés en position de détachement.

Le fonctionnaire élu maire, maire-adjoint d'une commune de plus de 20.000 habitants, président ou vice-président d'un conseil général ou régional est, sur sa demande , placé en position de détachement (articles L. 2123-11, L.3123-9 et L.4135-9 du code général des collectivités territoriales).

Les fonctionnaires élus à d'autres fonctions ou mandats locaux peuvent aussi, sur leur demande, être placés en détachement , l'autorité administrative gardant toutefois un pouvoir d'appréciation en la matière, même si, dans les faits une telle requête n'est généralement pas refusée.

La mise en disponibilité est, en revanche, accordée de droit à l'élu local, sur sa demande

La position du détachement, contrairement à celle de la disponibilité, permet, en principe, de continuer à bénéficier des droits à l'avancement et à la retraite.

Toutefois, le principe de l'indépendance des membres du Parlement (national ou européen) à l'égard du Gouvernement s'oppose à ce qu'ils bénéficient d'un avancement au choix pendant leur mandat ou d'une reconstitution de leur carrière à l'issue de leur mandat.

Dans un avis n° 283-765 du 29 novembre 1961, le Conseil d'Etat a, en effet, décidé que les parlementaires nationaux ne peuvent, durant leur mandat, bénéficier « d'aucun avancement de grade ou de classe et ne peuvent faire l'objet d'un avancement d'échelon que si celui-ci est, soit conforme à l'avancement moyen à l'ancienneté prévu par leur statut particulier, soit, à défaut, le moins favorable ».

L'avis du Conseil d'Etat n° 301-190 du 13 novembre 1969 précise, pour sa part, que « l'autorité administrative n'est pas en droit de procéder, au moment de la réintégration (des parlementaires nationaux) dans leur cadre d'origine, par comparaison avec la situation de leurs collègues restés en fonctions, à une reconstitution de leur carrière dans les conditions où elle aurait dû normalement se poursuivre s'il y étaient demeurés ».

Ces principes ont été étendus aux parlementaires européens dans un avis du Conseil d'Etat n° 342-578 du 29 septembre 1987.

Les fonctionnaires détachés pour exercer une fonction ou un mandat local se trouvent, en revanche, dans la même situation au regard de l'avancement, que les autres fonctionnaires placés dans cette position. Ils continuent à bénéficier, pendant la durée de leur détachement, des droits à l'avancement (et à la retraite) dans les mêmes conditions que leurs collègues.

En revanche, le fonctionnaire en disponibilité cesse de bénéficier, pendant la période qu'il passe hors de son administration d'origine, de ses droits à l'avancement et à la retraite.

Les conditions de réintégration du fonctionnaire détaché sont aussi plus favorables que celles d'un fonctionnaire placé en disponibilité.

A l'issue d'un détachement, la réintégration est de droit à la première vacance, tandis qu'au terme d'une disponibilité de plus de trois ans la réintégration est de droit « à l'issue d'un délai raisonnable ».

Le principe du « délai raisonnable » à l'issue duquel le fonctionnaire placé en disponibilité doit être réintégré n'a pas été fixé par un texte législatif ou réglementaire mais par la jurisprudence.

Ce principe du « délai raisonnable » a été posé par un arrêt du Conseil d'Etat du 11 juillet 1975 (ministre de l'Education nationale c/Dame Saïd). La Haute juridiction, constatant que le fonctionnaire placé en disponibilité n'avait pas rompu le lien qui l'unit à son corps, en a déduit que celui-ci avait droit, à l'issue de sa disponibilité à être réintégré « dans un délai raisonnable ».

Dans un arrêt du 8 janvier 1997, le Conseil d'Etat (commune de Maubeuge) a jugé « déraisonnable » un délai de quatre mois entre la fin d'une période de disponibilité et la réintégration d'un agent, alors que sept emplois du niveau concerné étaient vacants au moment où la disponibilité avait pris fin.

Ce « délai raisonnable » a été, plus récemment, précisé dans un arrêt du 16 janvier 1998 de la Cour administrative d'appel de Lyon (commune d'Avignon), selon lequel, le « fonctionnaire (...) mis en disponibilité sur sa demande a le droit, sous réserve de la vacance d'un emploi correspondant à son grade, d'obtenir sa réintégration à l'issue d'une période de disponibilité ; que si les textes susmentionnés n'imposent pas à l'autorité dont relève le fonctionnaire de délai pour procéder à cette réintégration , celle-ci doit intervenir, en fonction des vacances d'emplois qui se produisent, dans un délai raisonnable ».

Selon les circonstances, le « délai raisonnable » avant une réintégration consécutive à une disponibilité peut donc s'avérer plus ou moins long et, demeure, en tout état, de cause indéterminé.

Selon des informations recueillies par votre rapporteur auprès du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, ce délai d'attente dépasse très souvent une année. Par ailleurs, un décret en préparation prévoirait que la réintégration du fonctionnaire après une disponibilité supérieure à trois ans serait de droit à l'issue de l'une des trois premières vacances, ce qui laisserait néanmoins subsister un délai incertain.

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