ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 26

La comptabilité générale de l'Etat

Commentaire : Le présent article additionnel présente les obligations comptables de l'Etat.

Compte tenu de sa volonté de regrouper les articles relatifs aux comptes de l'Etat dans un chapitre spécifique de la présente proposition de loi organique, votre rapporteur propose de faire figurer dans cet article additionnel une partie des dispositions de l'article 29 du texte adopté par l'Assemblée nationale, dont la suppression vous sera proposée. Il s'agit des deux derniers alinéas de cet article, qui énoncent les principes régissant la comptabilité générale de l'Etat.

I. LES PRINCIPES APPLICABLES A LA COMPTABILITÉ GÉNÉRALE DE L'ÉTAT

Votre rapporteur souhaite, sous la réserve de quelques modifications rédactionnelles, reprendre l'énoncé des principes de la comptabilité générale de l'Etat, dont la mise en place constitue un élément essentiel de la modernisation des systèmes d'information comptables et du renforcement de la qualité de l'information délivrée au Parlement pour lui permettre, à l'occasion de l'examen de la loi de règlement, d'apprécier pleinement le montant des ressources et des charges de l'Etat.

Les modifications rédactionnelles, s'agissant des deux premiers alinéas du présent article, par rapport à l'article 29 du texte transmis par l'Assemblée nationale concernent, pour l'essentiel, l'alinéa prévoyant un rapprochement des règles comptables appliquées à l'Etat avec celles en vigueur dans le secteur privé : la mention des règles applicables à la comptabilité de l'Etat a été préférée à la mention des principes généraux, par souci de symétrie avec la suite de la phrase, qui porte sur les règles applicables aux entreprises, mais surtout pour affirmer pleinement la nécessaire modernisation du système de comptabilité publique. Par ailleurs, votre rapporteur préfère indiquer que les règles de la comptabilité générale de l'Etat ne se distinguent de celles applicables aux entreprises « qu'en raison des spécificités de son action », plutôt « qu'à raison » de celles-ci. En effet, la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale fait dépendre les dérogations aux règles de la comptabilité applicable aux entreprises d'une proportionnalité stricte de ces dérogations aux spécificités de l'action de l'Etat, ce qui peut sembler à la fois excessif et difficilement mesurable.

II. LE RÉFÉRENTIEL COMPTABLE DE L'ÉTAT

Votre rapporteur considère que l'établissement du référentiel comptable de l'Etat constitue un élément essentiel de la mise à niveau de la comptabilité de l'Etat, et que les conditions de son élaboration méritent donc d'être encadrées et précisées dans la présente proposition de loi organique. Il vous propose donc d'introduire un alinéa indiquant que les règles applicables à la comptabilité de l'Etat « sont déterminées au terme d'une procédure publique d'examen contradictoire des meilleures pratiques, dans les conditions prévues par une loi de finances ». Il serait excessif de prévoir qu'il revient aux lois de finances de fixer le référentiel comptable de l'Etat . En effet, des modifications fréquentes des normes appliquées aux comptes de l'Etat peuvent se révéler nécessaires pour tenir compte des meilleures pratiques en la matière, à l'instar de ce que font les entreprises. En revanche, le référentiel comptable de l'Etat doit être élaboré au terme d'une procédure qui en garantisse la transparence, et lui permette de s'aligner sur les meilleures pratiques nationales et internationales en la matière 74 ( * ) .

Il ne revient ni au « contrôlé » (le gouvernement), ni au « contrôleur » (la Cour des comptes, à qui la présente loi organique prévoit de confier la certification des comptes de l'Etat), mais à une instance indépendante, d'élaborer ce « référentiel comptable ». Une loi de finances devra donc expliciter une procédure qui pourrait, par exemple, revêtir la forme de la création d'un organisme consultatif (ou l'extension du champ de compétence d'un organisme existant et extérieur à l'Etat) chargé d'examiner les propositions de réforme du référentiel comptable de l'Etat élaborées par la direction générale de la comptabilité publique du ministère de l'économie et des finances et, le cas échéant, de proposer des aménagements à ce référentiel. Après consultation de cet organisme, les modifications du référentiel comptable de l'Etat pourraient entrer en vigueur par voie réglementaire, comme c'est le cas actuellement.

La composition d'un tel organisme devrait garantir le caractère public et contradictoire du débat. Il reviendrait à une disposition de loi de finances de fixer précisément sa composition. Votre rapporteur estime qu'il est souhaitable que la procédure qui sera retenue associe des représentants de l'administration (du ministère de l'économie et des finances, mais également d'autres ministères), des membres du Parlement, des membres de la Cour des comptes, qui sera appelée à certifier les comptes de l'Etat au regard des normes comptables qui seront débattues, et, dès lors, sera susceptible d'en apprécier pleinement la pertinence, et des experts-comptables du secteur privé, puisque les règles applicables à la comptabilité de l'Etat ne doivent s'écarter que de manière exceptionnelle de celles des entreprises.

Le directeur général de la comptabilité publique, Jean Bassères, indiquait dans une intervention en date du 18 décembre 2000 75 ( * ) , que « p ersonne ne doute que ce référentiel doive s'inspirer des principes comptables fondamentaux appliqués par les entreprises, qu'il s'agisse de la permanence des méthodes, de l'indépendance des exercices, des principes de prudence, régularité et sincérité.

Toutefois, si la référence aux principes généraux du plan comptable général va de soi, elle ne sera pas suffisante. Des solutions spécifiques au secteur public, intégrant les recommandations internationales élaborées notamment au sein de l'IFAC, devront être recherchés. Certains thèmes devront faire l'objet d'approfondissement, je pense en particulier, et sans souci d'exhaustivité :

- au traitement des dépenses de transfert, notamment les subventions d'investissement que le plan comptable général appréhende peu sous l'angle de l'actif ;

- au traitement des ressources fiscales qui sont principalement abordées par les entreprises en tant que charges, ce qui ne correspond pas à la situation de l'Etat ;

- une attention particulière devant être également portée au mode de valorisation de l'actif, notamment les biens hors commerce et les droits d'occupation du domaine public ;

- ou encore au champ des engagements futurs de l'Etat, décrits par son système comptable, question qui ne saurait être abordée sans tenir compte des pratiques des autres Etats.

L'Etat devra donc mettre en place un dispositif ouvert,transparent, mais également permanent, d'élaboration de ce référentiel comptable. Dans cette perspective, je suis convaincu qu'une place éminente devra être réservée au « comité des normes », instance spécifique aux comptes de l'Etat créée en 1997 et présidée par M. Prada. »

Il convient de rappeler également ici l'existence du Conseil national de la comptabilité dont les missions, définies par l'article 2 du décret n° 96-749 du 26 août 1996, pourraient inspirer la création d'un organisme nouveau. Ce conseil pourrait également prendre part à la validation des normes comptables retenues, préalablement à leur édiction par arrêté du ministre de l'économie et des finances. Ses missions sont :

- de donner un avis préalable sur toutes les dispositions d'ordre comptable, qu'elles soient d'origine nationale ou communautaire, étudiées par les administrations ou les services publics, les commissions ou comités créés à l'initiative des pouvoirs publics ;

- de donner un avis sur les normes élaborées par les organismes internationaux ou étrangers de normalisation comptable ;

- de proposer toutes mesures relatives à l'exploitation des comptes, soit dans l'intérêt des entreprises et des groupements professionnels d'entreprises soit en vue de l'établissement des statistiques nationales ou des budgets et comptes économiques de la Nation ;

- d'assurer la coordination et la synthèse des recherches théoriques et méthodologiques, de réunir toutes informations, de procéder à toutes études, de diffuser toute documentation relatives à l'enseignement comptable, à l'organisation, à la tenue et à l'exploitation des comptes.

Dans le cadre de ses missions, il peut consulter les organismes, sociétés ou personnes intéressées par ses travaux, et être consulté par eux.

Votre rapporteur rappelle enfin que la certification des comptes de l'Etat sera accompagnée d'une présentation des changements des méthodes et des règles comptables appliquées au cours de l'exercice. La commission des finances du Sénat avait, lors de son enquête sur le fonctionnement des services de l'Etat dans l'élaboration des projets de loi de finances et l'exécution des lois de finances 76 ( * ) , déploré l'existence de changements de méthodes comptables aux fins de reports : « ...d'importants reports de recettes fiscales ont eu lieu en 1998. Ces reports ont été rendus possibles par d'importantes modifications comptables. (...) Toutes les remarques de la direction de la prévision, et notamment, l'hypothèse selon laquelle les modes de comptabilisation des droits seraient modifiés deux années de suite en sens inverse, confirment l'utilisation des règles comptables à des fins de pure opportunité politique, et non pour des raisons d'orthodoxie budgétaire. »

La mention des principes de la comptabilité générale de l'Etat et la certification des comptes de l'Etat au regard de règles comptables élaborées dans des conditions qui garantissent leur qualité et leur permanence doivent permettre, à l'avenir, d'empêcher l'utilisation des règles comptables à des fins de pure opportunité politique.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

* 74 De ce point de vue il convient de souligner que l'IFAC travaille à la rédaction d'un référentiel d'une vingtaine de normes visant à définir dans les grandes lignes ce que devraient être les comptabilités publiques. Il va de soi que ces normes devront être prises en considération lors de l'élaboration du référentiel comptable de l'Etat.

* 75 Intervention au 2 ème Forum international de la gestion publique, publiée dans la Revue du Trésor n° 3-4, mars-avril 2001.

* 76 Rapport n°485, 1999-2000.

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