EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 71 ter (nouveau)

Taxes sur les demandes d'autorisations d'importation de médicaments et sur le chiffre d'affaires des médicaments importés

Commentaire : le présent article crée deux taxes, au profit de l'AFSSAPS, l'une sur les demandes d'autorisations d'importation de médicaments, l'autre sur le chiffre d'affaires de ces médicaments.

LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. UN CONTEXTE EN COURS D'ÉVOLUTION


Dans l'état actuel du droit, un médicament produit dans un autre pays que la France, même dans un État membre de l'Union européenne, doit, pour pouvoir être commercialisé en France, faire l'objet d'une autorisation d'importation, d'après l'article L. 5124-13 du code de la santé publique, et d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) d'après l'article L. 5121-8 du code de la santé publique. Celles-ci sont accordées par l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). Les deux autorisations sont actuellement confondues comme le permet le deuxième alinéa de l'article L. 5124-13. Lors du dépôt du dossier de demande d'AMM, l'agence perçoit un droit, progressif selon un barème fixé par décret, qui ne peut excéder 150.000 francs. Par ailleurs, le médicament ainsi importé et doté d'une AMM est frappé d'une taxe sur le chiffre d'affaires, dans les conditions fixées par l'article L. 5121-17.

Cependant, avec la création d'une agence européenne du médicament, et la création d'une autorisation européenne de mise sur le marché, la France doit revoir son dispositif qui apparaît contraire au droit communautaire et à la liberté de circulation des marchandises. Il faut ainsi prévoir le cas, aujourd'hui impossible, des importations de médicaments ayant bénéficié d'une autorisation de mise sur le marché dans un Etat membre de l'Union européenne, mais sans AMM française ni communautaire.

C'est pourquoi le gouvernement est en train de modifier le cadre juridique applicable à ces médicaments. Le 12° de l'article L. 5124-18 précise qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles l'AFSSAPS « autorise l'importation des médicaments ». Cette autorisation qui prend aujourd'hui la forme de l'AMM deviendrait alors, pour les médicaments ayant seulement une AMM d'un Etat membre de l'Union européenne, une simple autorisation donnée par le directeur de l'AFSSAPS au vu du dépôt non plus d'un dossier d'AMM mais d'une demande d'autorisation d'importation parallèle. Du même coup, l'AMM ne serait plus exigée pour ces médicaments et ne seraient plus exigibles le droit de demande d'AMM comme la taxe sur le chiffre d'affaires.

Le présent article vise ainsi à rétablir ces deux taxations pour des produits qui, du fait d'une modification actuellement en cours sur les autorisations, en seraient exonérés.

B. DEUX TAXES ET UNE RENUMÉROTATION

1. Une taxe sur les demandes d'importation de médicaments


Le II du présent article introduit un nouvel article L. 5124-18 (l'actuel article portant le même numéro, il changerait donc de numéro, voir infra ) dans le code de la santé publique qui crée une taxe en cas de dépôt d'une demande d'autorisation d'importation parallèle de médicament. Un décret en cours de signature définit ce qu'est une telle importation parallèle, mais dans l'état actuel du droit, et faute d'indications plus précises, votre rapporteur spécial est dans l'impossibilité d'indiquer quelle serait cette définition qui détermine l'assiette de la taxe.

L'assiette de la taxe serait en effet le dépôt de la demande d'autorisation d'importation parallèle. Le barème évoluerait dans des conditions fixées par décret, avec un plafond de taxation de 9.150 euros. Les modalités de recouvrement seraient celles qui régissent les autres taxes perçues par l'AFSSAPS, à savoir les « modalités prévues pour le recouvrement des créances des établissements publics administratifs de l'État ».

2. Une taxe sur le chiffre d'affaires des médicaments importés

Le II du présent article introduit ensuite un article L. 5124-19 dans le code de la santé publique, qui crée une taxe annuelle. Celle-ci est calquée en tous points sur les modalités de l'actuelle taxe annuelle sur le chiffre d'affaires des médicaments et produits faisant l'objet d'une AMM, par référence aux articles du code de la santé publique réglementant cette dernière. L'assiette précise de la taxe concerne les médicaments bénéficiant d'une autorisation d'importation parallèle délivrée selon des modalités qui seront fixées dans un décret actuellement en cours d'élaboration.

La taxe sur le chiffre d'affaires des médicaments et produits bénéficiaires d'une AMM, française ou communautaire, est fixée par décret sans pouvoir excéder 20.000 francs par spécialité, et est due par le titulaire de l'autorisation. Elle n'est exigible qu'à partir d'un chiffre d'affaires hors taxe, réalisé l'année précédant celle de l'acquittement de la taxe, de 500.000 francs. Les redevables doivent adresser à l'AFSSAPS avant le 31 mars de l'année n une déclaration indiquant le chiffre d'affaires au titre de n-1 . Les médicaments et produits, faute de quoi l'agence peut procéder à une taxation d'office avec une pénalité de 10 % pour retard et de 50 % pour insuffisance ou absence de déclaration. Le recouvrement se fait « selon les modalités prévues pour les recouvrements des créances des établissements administratifs de l'Etat ». Les inspecteurs de l'agence ont le droit de communication des documents comptables nécessaires au contrôle.

3. Une renumérotation du code de la santé publique

Le I du présent article revoit la numérotation de l'article L. 5124-18 du code de la santé publique, qui deviendrait L. 5124-20, afin de faire de la place pour les deux articles additionnels précédents et de conserver une « numérotation parfaite » du code.

LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. UNE INSTITUTION DÉJÀ RICHE EN TAXES


L'AFSSAPS a été créée par la loi n° 98-535 du 1 er juillet 1998. Elle a la responsabilité de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme : médicaments, cosmétiques, etc. L'AFSSAPS avait en 2001 un budget total de 92,25 millions d'euros (sur lesquels 40,5 millions d'euros provenaient du produits des taxes et redevances institués à son profit et 27 millions d'euros d'une subvention de l'Etat) et employait 882 personnes. En 2000, elle avait délivré 13.000 décisions concernant des AMM, et 35.330 autorisations d'importation ou d'exportation.

L'AFSSAPS disposait en 2001 de pas moins de onze taxes et redevances, deux ayant été créées par la loi de finances pour 2001, parmi lesquelles le produit de droits d'auteurs et de reproductions, la taxe annuelle sur les spécialités pharmaceutiques, la taxe pour inscription d'un dispositif médical, le droit progressif sur les demandes d'AMM, la taxe sur le contrôle de qualité des réactifs, la taxe sur le contrôle de qualité des analyses de biologie médicale, la redevance sur les demandes de visas de publicité, et la redevance sur l'inscription de la modification d'inscription sur la liste des spécialités pharmaceutiques. En contrepartie de l'affectation de ces taxes, l'État diminue chaque année sa subvention budgétaire à l'agence.

B. DEUX FAUSSES NOUVELLES TAXES

1. L'adaptation au nouveau cadre régissant les médicaments importés


a) Le décalque presque parfait des taxes liées à l'AMM

La création des deux taxes proposée par le présent article ne doit pas s'analyser comme deux nouveaux prélèvements obligatoires. Ces taxes constituent en effet le moyen de préserver l'égalité dans le régime de taxation des différents médicaments : ceux qui ont une AMM communautaire ou française sont soumis au droit et à la taxe sur le chiffre d'affaires existants ; le présent article soumet à des prélèvements équivalents ceux qui ont une AMM d'un État membre. Votre rapporteur spécial n'a pu obtenir d'indications sur le produit attendu de ces deux taxes, mais il constate qu'il n'a pas été défalqué de la subvention budgétaire allouée par l'Etat à l'AFSSAPS alors que cela avait été le cas dans le précédent projet de loi de finances.

b) Des sources d'étonnement

Cependant, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale laisse subsister plusieurs sources d'étonnement pour votre rapporteur spécial.

La première concerne le barème. Le choix est fait pour le droit fixe d'un barème dans la limite de 9.150 euros. Or, pour les médicaments, le seuil est de 22.867 euros. Cette différence de seuil s'expliquerait par le fait que les contraintes auxquelles sont soumis les industriels du médicament pour une demande d'autorisation d'importation parallèle seraient bien moindre que celle d'une demande d'AMM. Votre rapporteur spécial n'a pu vérifier ce point sans parution du décret au Journal officiel . Si cet argument paraît recevable, il ne faudrait pas que la nouvelle taxe aboutisse à un paradoxe qui voudrait que les médicaments importés soient moins taxés que les français.

Par ailleurs, votre rapporteur spécial ne peut manquer de s'étonner de la célérité du gouvernement à faire légiférer sur le sujet alors que lui-même n'a pas encore pris les dispositions régimentaires instituant la procédure de la demande d'autorisation parallèle. Cela signifie que le gouvernement demande pour l'instant au Parlement de statuer sur une assiette - la demande d'autorisation - encore non déterminée...

Enfin, il est à espérer que le gouvernement et l'AFSSAPS mettront moins de temps à prendre le décret d'application nécessaire à l'élaboration du barème qu'ils n'en ont mis pour prendre les textes d'application des taxes, introduites dans l'urgence de la navette dans le projet de loi de finances pour 2001 et qui ont attendu plus de neuf mois pour voir leur modalité d'application paraître au Journal officiel . Il arrive ainsi au Parlement, habitué à légiférer dans l'urgence, de se mettre à penser à ce qui se passerait s'il prenait autant de temps que le gouvernement avant de délibérer.

Cependant, votre rapporteur spécial vous proposera d'adopter le principe des taxes, sous réserve d'une question de fond concernant la codification des articles introduits dans le code de la santé publique

2. Un problème de codification

Votre rapporteur spécial entend dénoncer avec la plus extrême fermeté le I de l'article qui propose de renuméroter le code de la santé publique pour en préserver une numérotation linéaire malgré l'introduction de deux articles supplémentaires.

Tout d'abord, il convient de relever que les taxes créées par le projet de loi de finances pour 2001 avaient pris la forme de deux articles non linéaires du code de la santé publique, les articles L. 5211-5-1 et L. 5211-5-2. Rien n'empêche donc de numéroter L. 5224-17-1 et L. 5224-17-2 les articles introduits par le présent article dans le code de la santé publique, plutôt que de dénuméroter l'actuel article L. 5124-18 pour « faire de la place ». L'ajout d'articles supplémentaires dans la Constitution ne se fait pas par renumérotation des autres articles !

Ensuite, il convient de rappeler les conséquences en termes d'intelligibilité de la législation et de sécurité juridique de telles pratiques de renumérotation, surtout dans le cadre d'une législation par renvoi comme c'est souvent le cas en France. Le gouvernement s'est-il seulement assuré qu'il existait actuellement nulle part un renvoi à l'article L. 5124-18 du code de la santé publique qui perdrait tout sens du fait du changement de numérotation ? Or il existe au moins un tel cas à l'article L. 5124-15 qui renvoie au 13° de l'article L. 5124-18 qui, du coup, disparaîtrait. Lorsque un seul article est concerné, comme dans le cas présent, on aurait pu penser que ces conséquences auraient été maîtrisées. On voit que ce n'est pas le cas. Que ce serait-il passé si le gouvernement avait placé les articles nouveaux au début d'un chapitre... Il ne faut pas succomber au « syndrome du pont de la rivière Kwaï ».

La doctrine « syndrome du pont de la rivière Kwaï »

Dans le cadre de l'examen de la proposition portant création de l'agence française de sécurité sanitaire environnementale, la commission des affaires sociales du Sénat avait, à l'occasion de l'exposé d'un de ses amendements, développé sur la question des numéros du code de la santé publique la doctrine du « syndrome du pont de la rivière Kwaï ».

« Votre commission propose d'adopter un amendement modifiant l'intitulé de cette division suite à l'entrée en vigueur du nouveau code de la santé publique.

Par analogie avec la solution retenue par le codificateur pour l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, il vous est proposé d'insérer l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale au sein du titre intitulé " prévention des risques sanitaires liés au milieu ".

Le chapitre V bis viendrait après les cinq chapitres relatifs aux mesures de prévention dans les différents milieux : salubrité des immeubles et des agglomérations (chapitre premier), piscines et baignades (chapitre II), rayonnements ionisants (chapitre III), lutte contre le saturnisme (chapitre IV), pollutions atmosphériques et déchets (chapitre V).

Il s'insérerait avant les dispositions pénales (chapitre VI) qui sont situés traditionnellement à la fin d'un titre.

Votre commission vous propose d'insérer un chapitre numéroté V
bis qui vient s'insérer entre le chapitre V et le chapitre VI. Ce chapitre additionnel est constitué d'articles additionnels numérotés, L. 1335-3-1 à L. 1335-3-5, faisant suite à l'article L. 1335-2 du nouveau code et précédant son article L. 1336-1.

Votre rapporteur avait envisagé un moment de numéroter ces articles additionnels L. 1335 bis-1 à L. 1335 bis-5 par cohérence avec la numérotation du chapitre (Vbis), le 4ème chiffre des articles du code se référant au chapitre auquel ils appartiennent (le 3ème chiffre au numéro du titre, le 2ème chiffre au numéro du livre et le 1er chiffre au numéro de la partie). Mais il y a renoncé dans un souci de lisibilité afin de ne pas multiplier les bis.

En revanche, il n'a pas envisagé un seul instant, comme d'aucuns pourraient le préconiser, de dénuméroter les chapitres et les articles du code. Il se serait agi, dans cette conception étonnante de l'élaboration de la loi, de numéroter VI le chapitre additionnel à insérer et ses articles, L. 1335-1 à L. 1335-5, puis de dénuméroter en conséquence l'actuel chapitre VI qui serait devenu chapitre VII et l'actuel chapitre VII qui serait devenu chapitre VIII etc., tandis que les actuels articles L. 1335-1 et L. 1335-2 seraient devenus respectivement L. 1336-1 et L. 1336-2 et les actuels articles L. 1336-1 à L. 1336-7, des articles L. 1337-1 à L. 1337-6.

L'opération -presque simple portant sur deux chapitres- serait naturellement plus amusante s'il s'agissait d'introduire un chapitre additionnel avant un chapitre premier, entraînant la dénumérotation de dizaine de chapitres et de centaines d'articles.

Naturellement, une telle démarche serait contraire à toute lisibilité de la loi et toute sécurité juridique pour ceux qui s'y réfèrent. Ainsi, il appartiendrait aux " usagers " de l'article L. 1335-1 du code de la santé publique de s'apercevoir que cet article n'est plus ce qu'il était mais qu'en revanche son contenu se dissimule désormais sous le L. 1336-1 qui lui-même n'est donc plus ce qu'il était.

En réalité, cette vision de la codification relève d'une sorte de " syndrome du pont de la rivière Kwaï " : la perfection formelle de l'ouvrage l'emporte sur l'usage qui en est fait.

Faisant primer, sans la moindre hésitation, la lisibilité et la sécurité juridique, c'est-à-dire le respect de " l'usager ", votre commission ne s'est pas engagée sur cette voie dangereuse. »


Source : Rapport de M. Claude Huriet, n° 476 (1999-2000), pages 50-51.

Votre rapporteur spécial, désireux de mettre fin à ces pratiques d'apprenti sorcier législatif vous proposera donc de revenir à une numérotation de l'article de peut-être moins bel ouvrage mais de certainement plus grande sécurité juridique.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter ainsi amendé.

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