CHAPITRE II
L'ACCÈS A LA PROFESSION D'AVOCAT
Le
présent chapitre ouvre à l'avocat communautaire ayant
exercé durant
trois ans
en France sous le titre d'origine le
droit d'accéder à la profession d'avocat et d'être ainsi
véritablement
assimilé aux avocats français
.
Il vise à transposer l'
article 10 de la directive
98/5 du 16
février 1998.
Le présent chapitre crée une
voie d'accès nouvelle
à la profession qui vient s'ajouter à
la passerelle
déjà ouverte
par la directive 89/48 du
21 décembre 1988 relative à un système
général des diplômes et transposée par le
décret du 27 novembre 1991 (article 99), laquelle n'a pas produit
les effets escomptés
117(
*
)
.
Ainsi seraient désormais prévus deux accès à la
profession d'avocat en France au bénéfice des ressortissants
communautaires titulaires d'un titre équivalent obtenu dans un autre
Etat membre de l'Union européenne : une
première
voie
,
rapide mais difficile
à suivre
, par le biais de
la reconnaissance mutuelle des diplômes, et une
seconde
,
plus
longue mais plus sûre
, au terme de trois années d'exercice
effectif en France en application de la directive 98/5 du 16 février
1998
118(
*
)
. Il convient de
saluer cette avancée notable.
Là encore, tout comme le droit d'exercice permanent sous le titre
d'origine, la possibilité ouverte aux avocats communautaires de
s'assimiler à l'avocat de l'Etat d'accueil a donné lieu à
une vive controverse. En 1994, une version initiale du texte imposait une
assimilation automatique de l'avocat communautaire ayant exercé
plusieurs années sous le titre d'origine sans prévoir de
contrôle de connaissances portant sur le droit de l'Etat membre
d'accueil.
Les barreaux allemands et britanniques se sont opposés à une
intégration automatique du migrant à l'issue de plusieurs
années d'exercice et ont souhaité que cette
assimilation
puisse être librement choisie
. La rédaction actuelle de la
directive (paragraphe 3 de son article 10) est finalement allée en ce
sens.
Article additionnel avant l'article 8
Création d'un chapitre au sein
du titre IV
ajouté dans la loi n° 71-du 1130 du 31
décembre 1971
tendant à regrouper les dispositions relatives
à l'accès
des ressortissants communautaires à la
profession d'avocat
Par coordination avec les amendements précédents, votre commission des Lois vous propose, par un amendement , de créer un chapitre II au sein du titre IV afin de regrouper les dispositions relatives à l' accès des ressortissants communautaires à la profession d'avocat .
Article 8
Conditions d'intégration à la profession d'avocat
en France
de l'avocat ayant exercé sous le titre d'origine
Cet
article a pour objet d'énumérer
les conditions
d'intégration à la profession sous le titre d'avocat
français
d'un avocat migrant ayant exercé sous son titre
d'origine à titre permanent.
Il vise à transposer les
quatre premiers
paragraphes de
l'article 10 de la directive
.
Le
premier alinéa
soumet les avocats communautaires
exerçant sous le titre d'origine en France à une
double
condition
d'une durée de
trois ans d'exercice sur le
territoire
et d'une période d'activité
«
effective et régulière
».
Aux termes de la directive, cette obligation doit s'entendre comme
«
l'exercice réel de l'activité sans interruption
autre que celles résultant des évènements de la vie
courante
».
Lors de travaux préparatoires à l'adoption de la directive par le
Conseil, des discussions ont porté sur la question de savoir quelle
était la terminologie la plus appropriée pour qualifier
l'activité de l'avocat exerçant sous son titre d'origine. Dans
une version initiale, la directive visait la pratique d'une activité
« permanente ». Toutefois, sur la proposition du Parlement,
l'utilisation de l'adjectif qualificatif
«
régulier
» a été
jugée plus appropriée et surtout plus conforme à la
jurisprudence communautaire (arrêt Klopp du 12 juillet 1984) par laquelle
la Cour de justice de la Communauté européenne a consacré
la liberté de créer et de maintenir plus d'un centre
d'activité.
Il est proposé que l'intéressé qui remplit ces conditions
soit désormais dispensé de l'application des mesures correctrices
liées aux différences substantielles de formation entre les Etats
membres de la Communauté que la France est en droit d'imposer en vertu
de la directive 89/48 du 21 décembre 1988 instituant un système
général de reconnaissance des diplômes.
Ces dispositions ont été transposées à l'article 99
du décret du 27 novembre 1991 selon lequel, après avis du
Conseil national des barreaux, l'intéressé doit subir devant un
jury un examen d'aptitude dont le programme et les modalités sont
fixés par arrêté du garde des sceaux.
A un
contrôle de connaissances
est donc substitué un
contrôle de compétences professionnelles
opéré par le conseil de l'ordre auprès duquel l'avocat a
choisi de s'inscrire, qui varie en fonction de
l'expérience acquise
par le candidat
sur le territoire français :
- une
vérification simple
si l'avocat justifie d'une
activité d'une durée
égale à trois ans au
moins
en droit français et en droit communautaire
.
Cette rédaction transcrit en droit interne la directive, un peu moins
claire, qui impose la maîtrise du droit de l'Etat d'accueil,
«
y compris le droit communautaire
».
L'interprétation du projet de loi apparaît à cet
égard assez restrictive puisqu'elle exige une expérience
obligatoire
cumulativement
dans
ces deux domaines
.
Votre rapporteur s'est s'interrogé sur les intentions des instances
communautaires, notamment sur le point de savoir si la référence
au droit communautaire à titre incident n'était pas seulement
destinée à souligner que cette matière faisait
partie
intégrante de l'activité menée dans le droit national de
l'Etat d'accueil
en vue d'assurer la prise en compte de cette
expérience par l'autorité compétente pour l'accès
à la profession de l'Etat d'accueil. Selon une telle logique, il ne
paraîtrait pas conforme à l'esprit de la directive d'exiger
systématiquement une expérience en ce domaine et donc d'exclure
du bénéfice de l'intégration à la profession dans
l'Etat d'accueil un migrant n'ayant qu'une expérience dans le droit
national. Telle est la raison pour laquelle votre rapporteur,
considérant que le droit communautaire constitue
une
déclinaison particulière du droit national
qui ne doit pas
faire l'objet d'un traitement différencié de celui-ci, vous
soumet
un amendement tendant à supprimer la
référence
au «
droit
communautaire
», cette dernière étant susceptible
d'introduire plus d'ambiguïtés qu'elle n'en
résout
119(
*
)
.
La directive apporte des éléments d'information sur les
modalités de cette vérification : «
il incombe
à l'avocat intéressé d'apporter la preuve à
l'autorité compétente de l'Etat d'accueil de cette
activité effective et régulière
» en
fournissant «
toute information et tout document utiles, notamment
sur le nombre et la nature des dossiers traités par lui
».
Elle indique également que pour apprécier cette activité,
les barreaux peuvent inviter l'avocat communautaire à fournir oralement
ou par écrit des clarifications ou des précisions additionnelles
relatives aux informations et documents fournis.
Dans cette hypothèse, le barreau semble avoir une marge
d'appréciation assez faible ;
- une
vérification plus approfondie
120(
*
)
,
dans le cas où
l'intéressé, sous réserve d'avoir accompli la
période minimale de trois ans d'activité en France, justifie
auprès du conseil de l'ordre d'une durée d'activité
moindre
en droit français ou en droit communautaire
; bien
que, dans cette hypothèse, la directive ne réitère pas
d'exigence particulière relative au droit communautaire, le second
alinéa du présent article prévoit, par cohérence
avec le premier, de faire référence à ce domaine.
Dès lors que votre commission considère que le droit
communautaire constitue une branche particulière du droit
français qui doit être prise en compte automatiquement, par
coordination avec la suppression opérée au premier alinéa,
il ne parait pas opportun d'y faire référence en tant que tel.
Telle est la raison pour laquelle votre commission vous propose de supprimer
cette référence implicitement incluse dans la notion de droit
français.
Le projet de loi précise que le contrôle du barreau porte dans ce
cas non seulement sur
le caractère effectif et régulier de
l'activité exercée
, qui peut s'établir au vu des
documents fournis par l'intéressé, mais également sur
«
la capacité de l'intéressé à
poursuivre celle-ci
»
, qui s'appréhende de
façon plus subjective.
Le présent article ne détermine pas les modalités
concrètes de cette vérification approfondie. Néanmoins la
directive apporte des précisions utiles en indiquant, d'une part, que
peuvent être prises en considération «
toute
connaissance, toute expérience professionnelle en droit de l'Etat membre
d'accueil et toute participation à des cours ou des séminaires
portant sur le droit de l'Etat d'accueil, y compris le droit professionnel et
la déontologie
», d'autre part, que
l'intéressé doit se soumettre à un
«
entretien
» avec l'autorité
compétente de l'Etat membre. Selon les informations communiquées
à votre rapporteur, un décret en Conseil d'Etat devrait reprendre
ces dispositions.
La directive a évolué sur les modalités de cette
vérification approfondie. En effet, la version initiale du texte
communautaire présenté par la Commission proposait que
l'intéressé soit soumis à un test d'aptitude portant sur
la procédure et la déontologie. La commission juridique du
Parlement a souhaité supprimer ce contrôle de connaissances pour
lui substituer un entretien, faisant valoir qu'une telle mesure risquait
d'être perçue comme contraire au principe de confiance mutuelle,
d'être appliquée inégalement selon les Etats et
«
d'ouvrir une brèche à certains
protectionnismes
»
121(
*
)
.
La rédaction assez générale proposée par le
présent article laisse, de fait, une grande latitude au pouvoir
réglementaire chargé de la mise en oeuvre du mécanisme de
vérification. Il appartiendra donc au Gouvernement de mettre en place un
système
équilibré
conciliant
l'objectif
de
libre établissement
de la directive
et la nécessité
de prévenir des
intégrations hasardeuses
. En effet, il
paraît important d'éviter que cet entretien s'apparente à
un «
test d'aptitude bis
» bloquant l'assimilation
des avocats communautaires.
En outre, la directive impose aux barreaux, dans le cadre de leur mission de
vérification, une obligation générale de motiver toute
décision de refus et de prévoir une voie de recours. Si cette
dernière indication figure déjà à
l'article 102 du décret du 27 novembre 1991, en revanche, ne
figure nulle mention relative à la motivation. Une telle mention
mérite pourtant d'être expressément prévue compte
tenu des garanties qu'elle apporte au candidat débouté. Votre
rapporteur tient donc à attirer l'attention du ministère de la
justice qui devra veiller à prévoir cette obligation dans le
décret de 1991, qui ne relève actuellement que des usages ou de
la jurisprudence.
Votre commission vous soumet
un amendement de forme
tendant à
faire figurer
le présent article
au sein du
chapitre
II
du
titre IV
de la
loi du 31 décembre 1971
plutôt que
dans un dispositif autonome
.
Elle vous propose d'adopter l'article 8
ainsi modifié
.
Article 9
Modalités d'inscription sous le titre français
d'avocat
des avocats communautaires ayant exercé trois ans sous un
titre d'origine
Transposant les paragraphes 4, 5 et 6 de l'article 10 de la
directive 98/5, cet article a pour objet de définir les
modalités d'inscription sous le titre français d'avocat
d'un professionnel portant un titre équivalent délivré
par un des pays membres de la Communauté européenne et ayant
justifié de l'exercice en France d'une activité
régulière et effective durant trois années sous son titre
d'origine.
Le
premier alinéa
du présent article, reprenant
strictement le paragraphe 5 de la directive, impose au conseil de l'ordre, lors
de l'instruction de la demande d'inscription, une obligation de
confidentialité
quant aux informations reçues.
Le
deuxième alinéa
énumère les cas dans
lesquels le barreau peut opposer un
refus d'inscrire
au tableau un
avocat communautaire
qui remplit néanmoins les conditions
prévues à l'article 8 du projet de loi.
Cette décision de refus peut résulter :
- soit de
condamnations
prononcées à
l'égard du candidat :
pénale
(pour agissements
contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs)
en vertu du 4° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971,
disciplinaire
ou
administrative
en vertu du 5° de ce
même article ou encore
civile
(faillite personnelle par exemple)
en vertu du 6° du même article ; il s'agit de vérifier
le respect par l'intéressé des
conditions de
moralité
exigées pour l'inscription d'un avocat sous un titre
français ;
- de l'une des
incompatibilités
relatives notamment à
toute activité à caractère commercial, aux fonctions
d'associé dans certaines sociétés, de gérant, de
président de conseil d'administration (énoncées
à l'article 111 du décret du 27 novembre 1991) ;
- d'une
atteinte à l'ordre public
.
Les deux premières hypothèses ne font que reprendre les
règles applicables à tous les avocats français. Selon les
informations fournies à votre rapporteur, elles s'appliquent
déjà pour les ressortissants communautaires
intégrés à la profession d'avocat en France au titre de la
directive 89/48 du 21 décembre 1988.
Le troisième cas reproduit une faculté laissée aux Etats
membres par la directive (paragraphe 4 de l'article 10 de la directive 98/5).
Le
troisième alinéa
du présent article indique
qu'avant d'être inscrit, l'avocat communautaire intégré au
barreau prête le serment prévu à l'article 3 de la loi
du 31 décembre 1971
122(
*
)
, à l'instar de ses homologues
nationaux. Tout manquement aux obligations morales énoncées dans
le serment est susceptible de donner lieu à des sanctions
disciplinaires.
Le
dernier alinéa
de cet article précise que l'avocat
communautaire intégré à un barreau français est
soumis
aux règles statutaires de droit commun
. Une telle
précision paraît redondante. Dès lors qu'il est inscrit et
qu'il a prêté serment, il exerce sous le titre d'avocat
français et devient membre de la profession en France. Votre commission
des Lois vous soumet donc
un amendement de suppression
de cette mention
inutile.
Dans le souci de tenir compte de
l'origine et de la double appartenance
de l'intéressé, la possibilité lui est laissée de
faire suivre son titre d'avocat de son titre d'origine
selon les
modalités particulières énoncées au premier
alinéa de l'article 3 du projet de loi selon lesquelles ce titre doit
être exprimé dans la ou l'une des langues officielles de l'Etat
membre où il a été acquis.
Votre commission des Lois vous soumet
un amendement de forme
tendant
à
faire figurer
le présent article
au sein du
chapitre II
du
titre IV
de la
loi du 31 décembre
1971
plutôt que
dans un dispositif autonome, à supprimer
toute référence à la loi de 1971
dans laquelle les
dispositions seraient appelées à s'inscrire et à
procéder aux coordinations rendues nécessaires par l'insertion de
la loi de 1971 des dispositions du présent projet de loi.
Elle vous propose d'adopter l'article 9
ainsi modifié
.