2. Une gestion peu optimale de l'allocation

L'augmentation du nombre des bénéficiaires, qui n'avait pas été anticipée, a également mis en lumière les faiblesses du dispositif de gestion de l'allocation.

a) Un dispositif d'instruction débordé

La multiplicité des guichets, voulue par le législateur en 1988, a rapidement montré ses limites, non pas qu'elle soit par nature contraire à une gestion saine de l'allocation, mais parce que les organismes instructeurs se sont trouvés dépassés par la charge de travail représentée par l'instruction d'un nombre très élevé de demandes.

Aujourd'hui encore, alors que les nouvelles demandes d'allocation ne tournent plus qu'autour de 20.000 par an, les délais de traitement des dossiers sont souvent très longs : si le traitement interne aux CAF a aujourd'hui trouvé un rythme de croisière, permettant la mise en paiement de l'allocation en moins de 10 jours, la mauvaise qualité des dossiers qui leurs sont transmis entraîne des aller-retour entre les organismes instructeurs et les caisses qui peuvent entraîner des délais supérieurs à un mois. Comme l'observait la Cour des Comptes dans son rapport public pour 1995, les taux de rejet des dossiers présentés aux caisses sont souvent supérieurs à 10 %, ce qui témoigne sans aucun doute d'une défaillance des services instructeurs .

Il est vrai que les travailleurs sociaux, à qui il revenait d'assister les demandeurs dans l'établissement de leur dossier n'étaient pas formés pour gérer la complexité des règles relatives au RMI, notamment en matière de subsidiarité. Dans la plupart des cas, l'instruction a donc été déléguée à des services administratifs et le lien, voulu par le législateur entre instruction administrative et sociale est resté lettre morte .

b) La gestion de l'allocation par les CAF : une responsabilisation défaillante

La problématique des insuffisances de la gestion du RMI recouvre plusieurs dimensions et ne concerne pas uniquement les CAF. Ces dernières constituent toutefois un maillon essentiel de la chaîne de traitement de l'allocation et, en tant que telles, ont fait l'objet de critiques.

Il convient de rappeler que la gestion du RMI par les CAF a nécessité à bien des égards une évolution culturelle pour ces organismes qui ont été confrontés à l'obligation de payer très vite et de façon fiable, une prestation à des bénéficiaires d'un genre nouveau.

Certes, la pauvreté n'était pas inconnue des CAF dans la mesure où elles géraient déjà des prestations sous condition de ressources et consacraient une action sociale non négligeable en faveur des personnes démunies. Mais, une partie de la population bénéficiaire du RMI est caractérisée par un degré élevé de précarité, ce qui a rendu nécessaire d'apprendre à organiser l'accueil physique de ces personnes, à gérer l'urgence des situations et à mettre en place un nouveau mode de contact avec des personnes peu familiarisées au langage et aux procédures administratifs.

• La question récurrente des frais de gestion du RMI

Au coeur de la gestion du RMI par les CAF réside un paradoxe : en dépit de délégations de compétences très larges - et parfois à la limite de la légalité - en matière de décisions individuelles, l'Etat refuse de reconnaître à sa juste valeur, et donc de rémunérer, la responsabilité qui est ainsi confiée aux caisses.


La gestion par la CNAF des prestations pour le compte de tiers :
l'Etat « mauvais payeur »

La gestion des prestations versées pour le compte de l'Etat, dont le RMI est l'une des plus importantes, engendre des coûts pour la branche famille. A l'instar de l'Etat qui prélève une compensation sur le recouvrement des recettes, la CNAF devrait donc légitimement facturer le prix des services qu'elle rend. Or, en matière de prestations gérées pour compte de tiers, il n'est pas de règles uniformes.

Rémunération pour services rendus selon les organismes financeurs

Prestation

Organisme financeur

Rémunération des sommes versées

ALS et ALT (prestations logement)

FNAL

2 %

APL (prestation logement)

FNH

4 %

AAH

Etat

0 %

RMI

Etat

0 %

Allocation spécifique d'attente

Etat

0 %

Source : Cour des comptes

Comme le montre le tableau présenté ci-dessus, l'Etat est en quelque sorte le « mauvais payeur » de la branche famille puisqu'il ne lui rembourse par les frais occasionnés par les services qu'elle lui rend, notamment en ce qui concerne le RMI.

Pour l'Etat, l'absence de comptabilité analytique permettant de connaître précisément les coûts supportés par la branche famille est la raison qui l'empêche de rembourser à la CNAF ses frais de gestion.

On peut toutefois estimer que cette lacune ne saurait dédouaner l'État de ses responsabilités : en effet, c'est hors de toute comptabilité analytique que l'État facture, arbitrairement, le concours de ses services fiscaux pour le recouvrement des recettes de la sécurité sociale. La Cour des comptes constate également qu'« indépendamment d'une comptabilité analytique, les éléments dont dispose la CNAF devraient permettre, ne serait-ce qu'à titre provisoire, que l'État lui verse une rémunération approchée du service qu'elle rend ».

• Une mission de contrôle imparfaitement remplie

Le contrôle des bénéficiaires du RMI est une mission particulièrement lourde pour les CAF. Outre les contrôles sur pièces ou par échanges automatisés, cette tâche mobilise pratiquement un tiers des agents de contrôle de l'institution (564 au total), fréquemment sur demande des services du préfet, et notamment en raison d'une instruction défectueuse, de conditions d'attribution du RMI imprécises ou d'une absence de proposition de contrat d'insertion.

Les modalités de contrôle des allocataires du RMI ont fait l'objet de critiques, notamment par la Cour des comptes. Ainsi, cette dernière, dans son Rapport public 2001, faisait-elle le constat suivant : « s'agissant du contrôle des bénéficiaires du RMI, dont la Cour avait préconisé les renforcements, la délégation interministérielle faisait encore état en septembre 1999 d'objectifs de contrôle plus que de résultats mesurés. Après le contrôle effectué en 1999 dans quatre départements par l'Inspection générale des affaires sociales, le ministère estimait que la situation appelait une « réaction énergique ». La concertation entre l'Etat et les caisses d'allocations familiales était jugée quasi inexistante ; le taux de contrôle avait chuté de 22 % en 1997 à 15,5 % en 1998, depuis le début de l'implantation du logiciel Cristal ».

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