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Rapport n° 402 (2002-2003) de M. Dominique LARIFLA , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 16 juillet 2003

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N° 402

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 17 juillet 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi, MODIFIÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes ,

Par M. Dominique LARIFLA,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Sénat : Première lecture : 77 , 168 et T.A. 66 (2002-2003)

Deuxième lecture : 394 (2002-2003)

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 609 , 827 et T.A. 167

Santé publique

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

« Cette proposition de loi de loi vient, en effet, en discussion juste au moment où le Gouvernement s'apprête à déclarer la guerre au tabac ». Ces propos tenus par M. Jean-François Mattei, le 11 février dernier 1 ( * ) , démontrent, si besoin était, l'intérêt et la pertinence de la proposition de loi visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes, déposée par M. Bernard Joly (Sénat - n° 77, 2002-2003).

Cette proposition de loi, inspirée d'une précédente initiative sénatoriale lors de l'examen en 1990 de la « loi Evin », s'inscrit dans un contexte de reprise de la politique de lutte contre le tabac, après une phase au cours de laquelle, selon le ministre 2 ( * ) de la santé, de la famille et des personnes handicapées, elle avait perdu en vigueur et en efficacité.

Aujourd'hui, les signes de cette vigueur renouvelée sont nombreux, et présents aussi bien au niveau international que national.

Au niveau international, les 192 pays membres de l'OMS viennent d'adopter le 21 mai dernier une convention-cadre de lutte contre le tabac. Le texte final de la déclaration souligne le consensus scientifique « irréfutable » autour des méfaits du tabac, dont la consommation « est cause de décès, de maladie et d'incapacité ».

Au sein de l'Union européenne, plusieurs législations nationales confortent la proposition de loi de notre collègue. Six Etats membres sur quinze interdisent ou restreignent la vente de tabac aux mineurs, notamment dans les pays nordiques. Par ailleurs, la majorité des régions autrichiennes refusent, en l'absence de législation nationale, la vente de tabac aux mineurs et, comme c'est le cas en Allemagne, des interdictions de fumer en public sont édictées à leur encontre.

En règle générale, seize ans est l'âge limite retenu pour l'application de ces restrictions ou de ces interdictions, seules la Finlande et la Suède ont fixé cet âge à dix-huit ans.

En France enfin, cette proposition de loi recoupe une part des propositions du Plan national de lutte contre le Cancer qui considère la lutte contre le tabagisme, y compris le tabagisme passif, comme un élément incontournable de toute politique visant à réduire la mortalité prématurée provoquée par le cancer.

L'un des objectifs du « plan Cancer » est de mettre en oeuvre une stratégie complète de lutte contre le tabac, de « déclarer la guerre au tabac » selon les termes employés dans le rapport de la commission d'orientation sur le cancer, dont une des recommandations est d'interdire la vente de tabac aux mineurs de moins de seize ans.

Le caractère indispensable de ces mesures est mis en lumière par les statistiques disponibles. Selon le bulletin épidémiologique hebdomadaire 3 ( * ) du 27 mai 2003, « le nombre de décès attribuable au tabac est égal à 66.000 dont 59.000 décès chez les hommes et 7.400 décès chez les femmes. Ceci représente 2 % de la mortalité masculine et 3 % de la mortalité féminine ».

Il ressort de cette même étude « qu'en France, le tabagisme a un effet plus important sur la mortalité prématurée que sur la mortalité dans la population âgée ».

Ainsi, cette proposition de loi participe du renforcement des moyens de la lutte contre le tabagisme et, comme le soulignait le ministre de la santé, de la famille, et des personnes handicapées, à l'occasion de l'examen de ce texte en première lecture au Sénat : « cette proposition de loi est hautement symbolique.(...) c'est un élément de plus qui contribue à « débanaliser » le tabac et à rendre la position des fumeurs chaque jour plus inconfortable ».

I. L'INTERDICTION DE VENTE AUX MINEURS : UNE MESURE DE NATURE À RENFORCER LA LUTTE CONTRE LE TABAGISME

Comme le soulignait votre rapporteur à l'occasion de la première lecture au Sénat, la proposition de loi soumise à votre examen « vise à interdire la vente de tabac aux mineurs. Elle a pour objet de diminuer la consommation tabagique des jeunes et d'éviter, dans la mesure du possible, l'expérimentation même du tabac, à un âge où l'acquisition des dépendances s'effectue de manière durable ».

Le texte de la proposition déposée par notre collègue, M. Bernard Joly, prévoyait l'interdiction de la vente de tabac aux mineurs de moins de dix-huit ans, la prise en charge des substituts nicotiniques, un gage fiscal et une sensibilisation au risque tabagique à l'école.

Les travaux de la commission des Affaires sociales et de son rapporteur avaient aménagé le texte initial, en choisissant notamment de ramener de dix-huit à seize ans, l'âge des mineurs visés par l'interdiction, et d'accompagner cette mesure de sanctions applicables aux buralistes qui contreviendraient à la loi.

A. LA PERTINENCE DE LA MESURE AU REGARD DE LA QUESTION DE L'ÂGE

Le dépôt de la proposition de loi et son inscription à l'ordre du jour du Sénat s'expliquent par le constat, préoccupant, du niveau élevé de la consommation de tabac dans notre jeunesse.

Selon les résultats d'une enquête réalisée en milieu scolaire dans une trentaine de pays européens, la consommation de tabac par les jeunes Français s'établissait, en 1999, au-dessus de la moyenne européenne. Deux jeunes Européens sur trois, âgés de seize ans, soit 69 % de cette classe d'âge, admettaient avoir fumé au moins une cigarette au cours de leur vie, et un sur trois, soit 37 % de l'ensemble, avait fumé au cours des trente jours ayant précédé l'entretien. En France, ces proportions étaient respectivement de 72 % et de 44 %.

Le « baromètre santé », réalisé en 2000 par le Comité français d'éducation pour la santé permet, quant à lui, d'établir que 36,7 % des jeunes Français âgés de douze à vingt-cinq ans déclarent fumer, ne serait-ce qu'occasionnellement. Cette proportion passe de 8,5 % chez les 12-14 ans à 40,9 % chez les 15-19 ans, et atteint un maximum de 47,6 % chez les 20-25 ans. Les résultats de cette enquête font également apparaître que le tabagisme concerne, à l'heure actuelle, autant les filles que les garçons.

Selon une autre enquête, réalisée en 2002 par la Fédération française de cardiologie auprès de quatre cents adolescents, l'âge moyen auquel on fume la première cigarette se situerait, aujourd'hui, à onze ans et trois mois. Par ailleurs, plus d'un quart des jeunes « apprentis fumeurs » ont déclaré avoir fumé leur première cigarette dès l'âge de dix ans.

Plusieurs raisons ont conduit la commission à adopter la décision d'abaisser l'âge des mineurs concernés par l'interdiction et tout d'abord la conviction qu'une interdiction générale pourrait entraîner des réactions brutales de rejet ou de contestation et serait susceptible de compromettre ce type de mesure aux yeux de l'opinion publique.

L'âge de seize ans est généralement retenu en droit français comme celui d'une « première émancipation » des mineurs, à partir duquel ceux-ci sont autorisés à prendre, de manière relativement autonome, certaines décisions personnelles.

Enfin il est généralement plus facile d'identifier « du premier coup d'oeil » un mineur de moins de seize ans que de déterminer sans hésitation l'âge exact d'un grand adolescent.

Au total, cette interdiction, qui repose sur un constat sanitaire maintenant bien établi et s'inspire des règles régissant la vente d'alcool aux mineurs dont personne ne remet en cause le principe et la nécessité, renforce la cohérence de ces mesures sociales de protection des mineurs de moins de seize ans et devrait aider parents et éducateurs dans leurs missions quotidiennes.

B. LES MESURES D'ACCOMPAGNEMENT

Bien entendu, cette interdiction ne peut prétendre, à elle seule, résoudre le problème du tabagisme des jeunes. Son succès dépendra de nombreux autres facteurs, et notamment du comportement des adultes.

A cet égard, l'exemple fourni par les enseignants et le strict respect des dispositions de la « loi Evin » en milieu scolaire seront des éléments déterminants. Cette mesure devra également être complétée par une action de plus grande ampleur visant à renforcer la lutte contre le tabagisme, dans le cadre de la politique générale de santé publique.

La commission avait aussi proposé au Sénat de compléter l'interdiction de vente de tabac aux mineurs de moins de seize ans par un régime de sanctions, à l'encontre notamment des débitants de tabac contrevenants, afin d'en garantir l'effectivité. A défaut de sanctions, cette interdiction ne serait, en effet, qu'une mesure purement symbolique que notre jeunesse pourrait ne pas prendre au sérieux. Elle serait même en droit de dénoncer, dans ce domaine, l'« hypocrisie » des adultes.

Ce régime de sanctions gradué prévoyait une amende de 3.750 euros à l'encontre des contrevenants. Les sanctions étaient renforcées en cas de récidive puisque l'infraction était punie d'un an d'emprisonnement et de 7.500 euros d'amende et pouvait s'accompagner de la résiliation du traité de gérance. Ce dispositif s'inspirait directement des règles concernant, d'une part, la protection des mineurs contre l'alcoolisme, d'autre part, l'accès de ces derniers aux salles de cinéma.

Enfin, il n'avait pas paru possible à la commission de décider, sans réflexion plus approfondie, la prise en charge par l'assurance maladie des substituts nicotiniques pour les mineurs, comme cela était prévu par la rédaction initiale de la proposition de loi.

En effet, si personne n'est aujourd'hui en mesure d'évaluer le coût, pour l'assurance maladie, de cette prise en charge, chacun connaît l'ampleur de ses problèmes financiers.

Par ailleurs, les rares études scientifiques réalisées à ce sujet tendent à démontrer que ces substituts demeurent inopérants chez les adolescents, à la différence de ce que l'on constate chez les adultes. On ne peut, pour l'instant, expliquer un tel phénomène. Les experts soulignent l'inefficacité d'une prise en charge générale des substituts nicotiniques pour un ensemble indifférencié de fumeurs. Cette prise en charge doit être, selon eux, « ciblée » en fonction de certains critères sanitaires ou sociaux.

Afin que le Parlement puisse disposer, dans les meilleurs délais, des informations pertinentes nécessaires à une prise de décision ultérieure, il a été prévu qu'un rapport lui serait transmis, évaluant, d'une part, l'intérêt, en termes de santé publique, de la prise en charge des substituts nicotiniques pour les mineurs de moins de dix-huit ans, d'autre part, le coût de cette mesure.

*

* *

Avec l'adoption de ce texte, l'ambition de la commission des Affaires sociales est bien de contribuer à la lutte contre le tabagisme, mais tous ses membres, et le Président comme le rapporteur l'ont rappelé à l'occasion de l'examen du texte en séance publique, ont conscience du caractère ponctuel de la mesure qui n'épuise ni le sujet de la lutte contre le tabagisme, ni même celui de la lutte contre le tabagisme chez les jeunes.

L'appel au développement d'une stratégie globale de lutte contre le tabac a reçu un accueil très favorable de la part du ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Celui-ci a annoncé, à l'occasion de nos débats, la mise en oeuvre du Plan national de lutte contre le Cancer et l'adoption prochaine de la loi relative à la politique de santé publique qui permettront l'application d'une politique complète de lutte contre le tabac, dont la présente proposition de loi fera partie intégrante.

II. LES PROPOSITIONS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Examinée une première fois par la commission des Affaires culturelles, sociales et familiales de l'Assemblée nationale, la présente proposition de loi a fait l'objet d'un vote défavorable le 6 mai 2003.

Ce rejet est d'autant plus surprenant que, comme le démontrent les éléments cités par votre rapporteur, les avis scientifiques et l'exemple de nos voisins européens établissent sans ambiguïté la pertinence de la mesure adoptée par le Sénat, en faveur de laquelle nos collègues députés avaient eux aussi déposé plusieurs propositions de loi au cours des législatures précédentes.

Les débats de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale laissent apparaître deux motivations principales à cette décision de rejet : d'une part, le caractère ponctuel de la mesure, alors que la lutte contre le tabac mériterait une action globale, d'autre part, une désapprobation des sanctions prévues à l'encontre des buralistes, considérées comme trop sévères et de nature à rendre la loi inapplicable.

A. L'AMÉNAGEMENT DES SANCTIONS SUSCEPTIBLES D'ÊTRE PRISES À L'ENCONTRE DES BURALISTES

Malgré cette première décision de rejet, le Président de la République et le Gouvernement ont jugé indispensable la poursuite de l'examen de la présente proposition de loi, qui figure dans le décret de convocation du Parlement en session extraordinaire.

La commission des Affaires familiales, culturelles et sociales de l'Assemblée nationale a donc inscrit une deuxième fois à son ordre du jour, la proposition de loi d'origine sénatoriale visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes. Organisée en application de l'article 88 4 ( * ) du règlement intérieur de l'Assemblée nationale, cette réunion a été l'occasion d'examiner les amendements déposés sur ce texte.

Pour corriger un dispositif de sanctions jugé excessif à l'égard des buralistes, l'Assemblée nationale, en accord avec le Gouvernement, l'a réduit à une contravention de deuxième classe, dont le montant maximal s'élève à 150 euros.

L'assouplissement des sanctions voulu par l'Assemblée nationale ne remet pas en cause leur caractère dissuasif et permet, tout en complétant le dispositif de lutte contre le tabac, de souligner, comme l'a fait le ministre de la santé devant l'Assemblée nationale que « la guerre contre le tabac n'est pas la guerre contre les buralistes. »

En outre, l'examen de ces mesures a été l'occasion d'évoquer la situation des débitants de tabac, régulièrement affectée par des politiques de lutte contre le tabac qui ont pour effet de réduire le nombre de consommateurs et donc, leur chiffre d'affaires. Il est établi, en effet, que le tabac est le meilleur produit d'appel des buralistes et que c'est, dans la plupart des cas, l'achat de tabac qui déclenche l'achat des autres produits disponibles chez les débitants. Les mesures contenues dans la présente proposition de loi risquent donc de se traduire par une moindre fréquentation des bureaux de tabac par les clients les plus jeunes et de produire des effets sur la vente de produits associés (briquets... ), de confiseries ou de jeux.

Le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées a, sur ce point, confirmé son souhait de poursuivre la concertation engagée avec les professionnels. Parmi les pistes évoquées, des dispositifs spécifiques pourraient compenser les pertes subies par ces buralistes. En particulier, il pourrait être envisagé d'augmenter le taux de remise, actuellement de 8 %, qui constitue la rémunération des débitants de tabac. Ce taux a été fixé par l'arrêté du 21 septembre 1976 (JO du 9 octobre) en application de l'article 570 du code général des impôts. La concertation doit se poursuivre avec l'ensemble des ministères concernés sur la diversification des activités qui leur sont confiées.

Par ailleurs, le Gouvernement a déjà engagé des réformes afin d'aider les buralistes. Ainsi, les sanctions applicables en cas de contrebande ont été renforcées par l'article 39 de la loi de finances rectificative pour 2002 n° 2002-1576 du 30 décembre 2002. Cette mesure permettra d'éviter que les effets indirects d'une politique de santé publique très légitime ne nuisent, de manière disproportionnée, aux débitants. La situation particulière des débitants de tabac installés aux frontières du pays appellerait d'autres types de mesures, et notamment l'harmonisation, dans l'Union européenne, du niveau des droits indirects pesant sur le tabac.

Enfin, les impératifs de la lutte contre le tabac ne doivent pas conduire à négliger le rôle des buralistes, qui sont souvent les seuls commerçants de proximité dans les zones rurales. Selon la confédération des débitants de tabac, 40 % des débitants sont établis dans des communes de moins de 2.000 habitants, et, à ce titre, méritent qu'une attention particulière leur soit portée.

B. LES AUTRES MESURES VISANT À RENFORCER L'EFFICACITÉ DU DISPOSITIF

L'examen du texte par l'Assemblée nationale a surtout été l'occasion de compléter la proposition de loi de notre collègue, M. Bernard Joly, pour en faire un texte plus diversifié qui comporte désormais des dispositions relatives au conditionnement des cigarettes, à l'alignement du statut du papier à rouler sur la législation relative aux cigarettes et des mesures fiscales.

Cet enrichissement du texte s'explique essentiellement pour des raisons conjoncturelles. Comme l'avait souligné le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées devant le Sénat, la proposition sénatoriale devait s'insérer dans un ensemble législatif plus large. Or, le retard pris par l'inscription, à l'ordre du jour du Parlement, de l'examen de la loi relative à la politique de santé publique a conduit le Gouvernement à modifier sa stratégie dans la guerre contre le tabac et la présente proposition est mise à contribution pour l'adoption des mesures considérées comme urgentes et indispensables :

Interdire la commercialisation des paquets de moins de dix-neuf cigarettes

Afin de rendre plus difficile l'accès au tabac pour les plus jeunes, le Gouvernement a interdit la vente des paquets de petite taille, aussi appelés par les fabricants « paquets enfants ». Ces petits paquets représentent une part minime du chiffre d'affaires des producteurs de cigarettes, environ 5,4 % selon les informations disponibles dans la revue du tabac du mois de mai 2003, mais ils visent une clientèle jeune, qui trouve, dans ces produits à coût moindre, un moyen d'approvisionnement plus accessible. Les fabricants ne se sont d'ailleurs pas trompés en ciblant, avec cette politique de conditionnement, une clientèle qu'ils espèrent ainsi fidéliser.

La mise en oeuvre de cette disposition prévoit une période transitoire de trois mois, au cours de laquelle les fabricants de tabac devront prendre les mesures nécessaires à l'arrêt de la commercialisation de ces paquets. Cette mesure transitoire peut s'apparenter à celle adoptée à l'occasion de l'adoption de la « loi Evin » pour les paquets de cigarettes devenus non-conformes. Il importe surtout, et nos collègues de l'Assemblée nationale y ont pris garde, que cette période soit brève afin de ne pas retarder l'application du texte.

Modifier la législation applicable au papier à rouler les cigarettes

A l'initiative de MM. Yves Bur et François Vannson, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs mesures destinées à aligner la réglementation relative au papier à rouler les cigarettes sur celle régissant les cigarettes.

Cette évolution est motivée par deux observations principales :

- d'une part, l'augmentation du prix des cigarettes se traduit par un transfert de consommation vers le tabac à rouler, dont le prix relatif par rapport aux cigarettes a diminué depuis une dizaine d'années ;

- d'autre part, pour accroître ce transfert, et plus particulièrement pour attirer les jeunes consommateurs qui, traditionnellement, fument moins de tabac à rouler, les services marketing des fabricants ont développé des campagnes publicitaires très axées sur leur univers et leurs valeurs.

Les dispositions proposées par nos collègues peuvent donc se justifier à double titre : elles participent, à la fois, à la mise en oeuvre d'une politique de santé publique, en proposant une égalité de traitement entre les cigarettes et les cigarettes roulées, et elles complètent le dispositif de protection des mineurs.

Ces mesures veulent combattre l'attitude des fumeurs qui consiste, au fur et à mesures des hausses de prix provoquées par l'augmentation de la fiscalité, à reporter leur consommation vers les tabacs à rouler dont le prix est moins élevé.

Accroître le poids de la fiscalité

Le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées avait fait part de son intention, à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, d'user régulièrement de la fiscalité comme d'une arme contre le tabac.

La mesure proposée vise à modifier le taux dit « normal » qui n'a pas été augmenté depuis le 1 er avril 2000 et que le Gouvernement souhaite porter de 58,99 % à 62 %.

Les députés ont complété cette mesure en augmentant simultanément les minima de perception applicables pour les droits de consommation sur les tabacs, les faisant passer de 106 à 108.

Ces mesures fiscales ont pour objectif d'inciter les producteurs qui, depuis 1994, déterminent librement les prix, à augmenter leur prix de vente.

En effet, accroître le prix du tabac est une mesure de santé publique efficace car, selon les études disponibles, il en résulte automatiquement une réduction de la consommation. Ce type de mesure constitue également une incitation à l'arrêt, pour un nombre important de fumeurs qui trouve dans la hausse des prix une motivation supplémentaire. Enfin, les jeunes, qui ne sont pas encore fumeurs, sont rebutés par la dépense qu'entraînerait un passage à consommation.

A l'évidence, des éléments conjoncturels ont conduit l'Assemblée nationale à élargir l'objet de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 11 février dernier. Mais, au-delà des impératifs généraux de santé publique qu'il promeut, ce texte conserve, comme objectif principal, la protection des mineurs au travers de plusieurs dispositions, dont la plus importante demeure l'interdiction de la vente de tabac aux mineurs de moins de seize ans.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier A (nouveau)
Interdiction de la commercialisation des paquets
de moins de dix-neuf cigarettes

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article a été introduit à l'Assemblée nationale par adoption d'un amendement présenté par le Gouvernement.

Il propose de compléter l'article L. 3511-2 du code de la santé publique qui définit les produits du tabac autorisés à la vente.

Ce texte reprend les dispositions prévues au I de l'article 16 du projet de loi relatif à la politique de santé publique déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale (n° 877 - XII e législature, 21 mai 2003).

Comme l'a rappelé M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à l'occasion du débat, cette disposition est conforme à la recommandation du Conseil 5 ( * ) de l'Union européenne du 2 décembre 2002 et la convention-cadre internationale de lutte contre le tabac, adoptée par l'Organisation mondiale de la santé, le 21 mai dernier.

Cette mesure a pour but de protéger les jeunes contre le tabagisme. En effet, les paquets de petite taille, aussi appelés « paquets enfants » relèvent d'une stratégie de commercialisation à l'intention des jeunes consommateurs, et à moindre pouvoir d'achat.

Interdire les paquets de moins de dix-neuf cigarettes permet de supprimer un accès au tabac, car à prix réduit pour les plus jeunes, à une période considérée comme critique pour la formation des comportements futurs. Cette disposition participe incontestablement de la lutte contre le tabagisme des mineurs.

II - La position de votre commission

Votre rapporteur souscrit au raisonnement qui conduit à l'adoption de cet article. Il rappelle qu'à l'occasion de l'examen de la présente proposition de loi au Sénat, votre commission et le Gouvernement avaient souligné la nécessité de mettre en place un dispositif global de lutte contre le tabac. Le ministre de la santé, de la famille et des personnes âgées avait alors indiqué qu'une telle stratégie serait présentée à l'occasion de la publication du plan national de lutte contre le cancer et trouverait sa traduction dans le projet de loi relatif à la politique de santé publique.

Votre commission constate que le retard pris dans l'examen de ce dernier texte a judicieusement conduit le Gouvernement à transférer certaines de ces dispositions dans la proposition de la loi, afin de permettre leur mise en application rapide.

Votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.

Article premier B (nouveau)
Dispositions transitoires pour l'application de l'article 1 A

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article a été introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de MM. André Santini et Yves Bur, avec l'avis favorable de la commission des Affaires culturelles, sociales et familiales et du Gouvernement.

Il complète l'article L. 3511-2 du code de la santé publique afin d'organiser le régime transitoire applicable à l'interdiction des paquets contenant moins de dix-neuf cigarettes. Il accorde aux distributeurs un délai de trois mois permettant la commercialisation des produits déjà fabriqués avant leur interdiction formelle. Ce délai initialement fixé à un an a été volontairement réduit au cours des débats pour ne pas retarder à l'excès l'entrée en vigueur de cette disposition.

II - La position de votre commission

Votre commission constate que l'Assemblée nationale s'est attachée à mettre en oeuvre un dispositif transitoire inspiré par celui mis en oeuvre par la « loi Evin » pour les paquets de cigarettes devenus non conformes à ses nouvelles dispositions qui imposaient notamment de faire figurer des mentions à caractère sanitaire sur les unités de conditionnement.

Votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.

Article premier
Interdiction de la vente ou de l'offre à titre gratuit des produits du tabac à des mineurs de moins de seize ans

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En première lecture, le Sénat avait adopté cet article qui vise à interdire la vente, ou l'offre à titre gratuit, des produits du tabac aux mineurs de moins de seize ans, dans les débits de tabac, les commerces ou autres lieux publics.

L'interdiction de fournir du tabac aux mineurs paraît le moyen le plus radical de les dissuader de commencer à fumer et d'en prendre l'habitude, puisque les études disponibles montrent que les toutes premières années de l'adolescence sont une période déterminante pour la formation des comportements futurs.

Pour garantir l'applicabilité et la légitimité de ce dispositif, le Sénat l'avait assorti d'un régime de sanction à l'égard du fournisseur contrevenant. La commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale a reconnu le bien-fondé de cette analyse et approuvé le principe d'une sanction.

Toutefois, les peines proposées par le Sénat ont été jugées « excessivement rigoureuses », notamment lorsqu'elles se traduisaient pour un débitant de tabac récidiviste par une forte amende (7.500 euros), la résiliation du contrat de gérance et une peine de prison.

En conséquence, l'Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur, a réduit le régime des sanctions applicables aux buralistes contrevenants.

Par un second amendement, à l'initiative de M. Yves Bur, et malgré l'opposition de sa commission et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a souhaité élargir le champ d'application de l'interdiction de vente aux mineurs à d'autres produits que les cigarettes et notamment au papier à rouler qui peut leur être substitué sans difficulté excessive.

II - La position de votre commission

Les amendements adoptés par l'Assemblée nationale préservent l'inspiration générale du texte voté par le Sénat : même si le dispositif de sanctions a été considérablement allégé, son principe demeure et suppose toujours la collaboration active des débitants de tabac dans des conditions qui seront fixées par décret.

Par ailleurs, votre commission ne juge pas injustifiée l'introduction des dispositions relatives au papier à rouler par assimilation avec la règle applicable aux cigarettes.

Votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.

Article premier bis (nouveau)
Interdiction de la publicité pour le papier à rouler les cigarettes

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article a été introduit par l'Assemblée nationale par adoption d'un amendement présenté par MM. Yves Bur et François Vannson, avec l'avis favorable de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale et du Gouvernement.

Il apporte des modifications à l'article L. 3511-3 du code la santé publique qui interdit la publicité directe ou indirecte en faveur du tabac.

Ce nouveau texte vise à améliorer la cohérence du dispositif législatif de lutte contre le tabagisme qui prévoit l'interdiction de la publicité pour le tabac, mais ne dit rien de celle des produits comparables comme, par exemple, le papier à cigarettes.

Or, on a observé que l'augmentation du prix des cigarettes entraînait un transfert de consommation vers le tabac à rouler, dont le prix relatif a diminué depuis une dizaine d'années, transfert encouragé par des campagnes publicitaires très axées sur l'univers et les valeurs des jeunes consommateurs.

II - La position de votre commission

Votre commission approuve le souci de cohérence qui a conduit l'Assemblée nationale à étendre au papier à rouler les cigarettes, les dispositions que la « loi Evin » a imposées aux produits du tabac.

Votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.

Article 3
Sanctions applicables en cas de vente ou d'offre à titre gratuit de produits de tabac aux mineurs de moins de seize  ans

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Dans le texte adopté par le Sénat, le dispositif de sanction applicable en cas d'infraction à l'interdiction de vente de tabac aux mineurs figurait au présent article 3. L'Assemblée nationale a choisi d'intégrer ce dispositif modifié au sein de l'article premier et a donc supprimer par cohérence l'article 3.

II - La position de votre commission

Votre commission ayant approuvé l'adoption de l'article premier dans sa nouvelle rédaction, elle ne propose pas le rétablissement de l'article 3.

En conséquence, elle confirme la suppression de cet article.

Article 3 bis (nouveau)
Fiscalité du papier à rouler

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article a été introduit par l'Assemblée nationale par adoption d'un amendement présenté par MM. Yves Bur et François Vannson, avec l'avis favorable de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale et du Gouvernement.

Il vise à améliorer la cohérence du dispositif législatif de lutte contre le tabagisme en alignant le statut fiscal du papier à rouler sur celui des cigarettes.

Il conforte ainsi l'objectif visé par les articles premier et bis (nouveau) de limiter les transferts de consommation des cigarettes vers les cigarettes roulés et rejoint le souci de protection des adolescents qui était l'objet de la proposition de loi déposée par notre collègue, M. Bernard Joly.

II - La position de votre commission

Votre commission est sensible à la logique suivie, tendant à étendre au papier à rouler la législation fiscale applicable aux cigarettes.

Votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.

Article 3 ter (nouveau)
Messages sanitaires figurant sur les emballages de papier à rouler

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article a été introduit à l'Assemblée nationale par adoption d'un amendement présenté par MM. Yves Bur et François Vannson, avec l'avis favorable de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales et du Gouvernement.

Il a pour but de maintenir la cohérence du dispositif législatif de lutte contre le tabagisme en soumettant les unités de conditionnement du papier à rouler à l'obligation de faire figurer, sur les unités de conditionnement, un message d'information à caractère sanitaire.

Tout comme les amendements ayant introduit les articles premier, 1 bis et 3 bis dans la présente proposition de loi, cet amendement participe à la lutte contre le tabagisme en proposant que les contraintes législatives pesant sur le papier à cigarettes soient identiques à celles imposées aux cigarettes.

II - La position de votre commission

Votre commission est favorable à cette mesure pour appliquer au papier à rouler les obligations de mise en garde et d'information des consommateurs prévus par la « loi Evin ».

Votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.

Article 4
Rapport du Gouvernement au Parlement sur l'intérêt
et le coût de la prise en charge, par l'assurance maladie,
des substituts nicotiniques au bénéfice des mineurs

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Votre commission des Affaires sociales n'avait pas retenu, contrairement à la proposition de loi initiale, le principe d'une prise en charge, par l'assurance maladie, des substituts nicotiniques en faveur des jeunes de moins de dix-huit ans.

Cette position n'était pas un refus de principe mais elle était justifiée par le manque d'informations disponibles sur le coût d'une telle mesure pour l'assurance maladie. En outre, les informations recueillies par votre rapporteur à l'occasion des auditions auxquelles il avait procédé, avaient fait apparaître que les rares études réalisées sur ce sujet tendaient à démontrer que ces substituts demeuraient inopérants chez les adolescents.

En conséquence, et afin de ne pas se priver d'une arme dans la lutte contre le tabac, votre commission avait demandé au Gouvernement l'établissement d'un rapport sur l'utilité et le coût de cette mesure.

L'Assemblée nationale s'est inscrite dans une démarche similaire, tout en jugeant nécessaire de porter le délai de sa transmission au Parlement de trois à six mois.

II - La position de votre commission

Votre commission prend acte de cette mesure qui ne modifie pas l'économie générale de l'article.

Votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.

Article 5 (nouveau)
Fiscalité des produits du tabac, droit de consommation,
hausse du taux normal

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article additionnel introduit par l'Assemblée nationale résulte de l'adoption d'un amendement présenté par le Gouvernement tendant à modifier l'article 575 A du code général des impôts qui fixe les taux applicables aux différents produits du tabac.

La fiscalité sur les tabacs se décompose de la manière suivante :

La taxe à la valeur ajoutée (TVA), appliquée au taux normal de 19,6 % (également appelé taux « en dehors »), qui est assise sur le prix de vente au détail (art. 298 quaterdecies à 298 sexdecies du code général des impôts). La TVA est égale à 16,388 % du prix de vente du paquet de cigarettes (taux « en dedans »). La TVA sur les tabacs rapporte à l'Etat 2,3 milliards d'euros par an.

La taxe perçue au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA), au taux de 0,74 % (taux « en dehors »), qui est soumise à la TVA (art. 1609 unvicies du code général des impôts). Elle est égale à 0,6142 % du prix de vente (taux « en dedans ») et rapporte un peu plus de 76 millions d'euros par an.

Le droit de consommation sur les tabacs (art. 575 et  E bis du code général des impôts) qui est la principale taxe sur les tabacs, et dont le produit s'élève à 8 milliards d'euros par an.

Ce droit de consommation, dont le taux normal est de 58,99 % pour les cigarettes blondes, est inclus dans l'assiette servant au calcul de la TVA et de la taxe BAPSA. Il est constitué de deux éléments, à savoir :

- une part spécifique (ou fixe) par unité de produit, qui est égale à 5 % de la charge fiscale totale (droit de consommation + TVA + taxe BAPSA) afférente aux cigarettes de la « classe de prix la plus demandée » ;

- une part proportionnelle au prix de détail, qui est égale à 95 % de la charge fiscale totale pour les cigarettes de la classe de prix la plus demandée (droit de consommation - part spécifique).

Pour les produits autres que ceux de la classe de prix la plus demandée, la part spécifique est identique à celle calculée pour la classe de prix la plus vendue, et la part proportionnelle est calculée en appliquant le taux de base au prix de vente au détail.

En outre, et conformément aux termes des deux derniers alinéas de l'article 575 du code général des impôts, le montant du droit de consommation sur les tabacs ne peut être inférieur à un minimum de perception fixé par 1.000 unités ou par 1.000 grammes. Ce minimum de perception vise, d'une part, à instaurer une « sur-fiscalisation » des cigarettes vendues à bas prix et, d'autre part, à garantir les recettes perçues par l'Etat.

Au cours des débats à l'Assemblée nationale, le ministre a souligné que cette modification du taux « normal » du droit de consommation était une mesure conforme aux engagements que la France venait de souscrire à l'occasion de la signature de la convention cadre de l'OMS relative à la lutte antitabac, qui affirme, en son article 6, que « les mesures financières et fiscales sont un moyen efficace et important de réduire la consommation de tabac pour diverses catégories de la population en particulier les jeunes ».

La présence singulière d'une mesure fiscale relative au tabac, insérée dans un texte autre que la loi de financement de la sécurité sociale s'explique par l'écart constaté entre les prévisions faites à l'occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, et les résultats connus à la fin du premier semestre 2003.

L'augmentation du minimum de perception initié par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 devait, selon les estimations présentées par le Gouvernement, se traduire par une hausse de 17 % du prix des cigarettes et par un milliard d'euros de recettes supplémentaires. Les informations disponibles aujourd'hui laissent apparaître une hausse des prix évaluée aux alentours de 11 % et des recettes fiscales de l'ordre de 500 millions d'euros, les fabricants de tabac ayant choisi de réduire leur marge bénéficiaire pour ralentir l'augmentation du prix des cigarettes.

La mesure proposée par le présent article vise à modifier le taux dit « normal » qui n'a pas été modifié depuis le 1 er avril 2000, et que le Gouvernement souhaite porter de 58,99 % à 62 %.

Cette mesure d'augmentation de la fiscalité a pour objectif d'inciter les producteurs à augmenter les prix de vente afin de réduire le nombre de fumeurs, conformément à la volonté exprimée dans le cadre du plan cancer. En effet, il apparaît que toute augmentation du prix du tabac se traduit mécaniquement par une réduction de la consommation de tabac.

II - La position de votre commission

Votre commission partage les préoccupations de santé publique que traduit cet article. Elle prend acte de l'évolution du taux normal du droit de consommation, mesure fiscale qui aurait trouvé sa place au sein de la loi de financement de la sécurité sociale.

Votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.

Article 6
Fiscalité des produits du tabac, droit de consommation,
hausse du minimum de perception

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article introduit par l'Assemblée nationale résulte de l'adoption d'un amendement présenté par M. Yves Bur, malgré l'avis défavorable de la commission des Affaires culturelles, sociales et familiales et du Gouvernement.

Les dispositions de cet article additionnel visent à modifier l'article 575 A du code général des impôts en portant de 106 à 108 les minima de perception applicables pour les droits de consommation sur les tabacs.

Comme l'article précédent, cet article souhaite renforcer la lutte contre le tabagisme par l'augmentation du droit de consommation sur le tabac.

Ce même dispositif avait déjà été retenu par l'Assemblée nationale lors de la première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, à l'initiative de la commission des Affaires culturelles familiales et sociales et contre l'avis du Gouvernement, puis en avait été retiré à l'occasion de la commission mixte paritaire.

Il a pour objectif de provoquer une hausse du prix des cigarettes, l'auteur de l'amendement ayant considéré que l'augmentation du seul droit proportionnel, précédemment prévu à l'article 5 (nouveau) restait insuffisant.

La hausse de la fiscalité obtenue par une action conjointe sur le droit proportionnel et les minima de perception doit, d'une part, réduire la possibilité offerte aux fabricants de tabac d'atténuer les effets de la fiscalité en jouant sur leurs marges bénéficiaires, d'autre part, éviter que la hausse des prix de certains produits du tabac incite les consommateurs à se reporter sur les produits les moins chers.

Cette hausse cumulée devait permettre une diminution de la consommation, objectif recherché conjointement par le Gouvernement et le Parlement.

II - La position de votre commission

Votre commission partage les préoccupations de santé publique que traduit cet article et soutient la hausse appliquée aux minima de perception.

Votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.

Article 7 (nouveau)
Rapport du Gouvernement au Parlement sur la situation des débitants de tabac au regard de la taxe professionnelle

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article a été introduit par l'Assemblée nationale par adoption d'un amendement présenté par M. Pierre-Christophe Baguet, avec l'avis favorable de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales et du Gouvernement. Il a pour objet de prévoir la possibilité, pour les débitants de tabac, d'un alignement sur le régime de droit commun des commerçants en matière de taxe professionnelle.

Il est incontestable que la situation des débitants de tabac est affectée par les politiques de lutte contre le tabac qui ont pour effet de réduire le nombre de consommateurs et, donc, leur chiffre d'affaires. En effet, il est établi que le tabac est le meilleur produit d'appel des buralistes et que c'est, dans la plupart des cas, l'achat de tabac qui déclenche l'achat des autres produits disponibles chez les débitants.

Le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a fait part, à plusieurs reprises, de son intention de poursuivre la concertation engagée avec les professionnels sur les mesures qui doivent accompagner les mutations de l'activité des débitants.

Parmi les pistes évoquées, des dispositifs spécifiques pourraient compenser les pertes subies par ces buralistes, comme par exemple l'augmentation du taux de remise qui s'élève actuellement à 8 % et qui constitue la rémunération des débitants de tabac. Ce taux a été fixé par l'arrêté du 21 septembre 1976 (JO du 9 octobre) en application de l'article 570 du code général des impôts.

L'article additionnel adopté par l'Assemblée nationale tend à s'inscrire dans cette démarche de concertation.

II - La position de votre commission

Votre commission ne peut qu'être favorable à l'engagement de cette concertation entre les débitants de tabac et les pouvoirs publics. Elle constate d'ailleurs que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, tout comme le ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a d'ores et déjà entamé ce processus.

Votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mardi 16 juillet 2003 , sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Dominique Larifla , sur la proposition de loi n° 394 (2002-2003), en deuxième lecture, visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes .

M. Dominique Larifla, rapporteur , a présenté les grandes lignes de son rapport (cf. exposé général ci-avant).

M. Louis Souvet s'est indigné de l'appellation « paquets enfants » attribuée aux paquets de moins de dix-neuf cigarettes. Il s'est interrogé sur la possibilité de développer les produits de substitution pour les fumeurs dépendants. Il a enfin insisté sur la nécessité, pour les enseignants, de donner l'exemple en matière de tabagisme et donc de faire respecter la « loi Evin » dans les établissements scolaires, y compris par les professeurs.

M. Francis Giraud a déploré l'absence de vision globale en matière de comportements à risques pendant l'enfance et l'adolescence et a souligné l'importance d'une éducation sanitaire dès le plus jeune âge.

M. Paul Blanc s'est dit choqué de la concentration des débats à l'Assemblée nationale sur la question du papier à rouler, estimant que ce mode de consommation du tabac était sans doute le moins toxique et que, pour aller au bout de leur logique, les députés auraient dû inclure le cigare dans les produits plus lourdement taxés.

Rappelant les cinq priorités de l'organisation mondiale de la santé (OMS) en matière de lutte contre le tabagisme que sont l'interdiction de la publicité, l'augmentation du prix du tabac, la lutte contre le tabagisme passif, l'aide au sevrage et l'éducation et l'information sur les risques liés au tabac, M. Gilbert Chabroux a observé que la proposition de loi ignorait trois de ces cinq priorités et qu'en conséquence, elle relevait d'un simple affichage politique.

Mme Nelly Olin a insisté sur la nécessité d'instaurer de véritables programmes de prévention dans les établissements scolaires et a estimé que cette prévention commençait par une application réelle de la « loi Evin » dans ces établissements.

M. Nicolas About, président, a tenu à rappeler que la proposition de loi de M. Bernard Joly avait, dès l'origine, un objet limité et qu'elle serait complétée par deux textes à venir : le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi relatif à la santé publique.

M. André Lardeux a dénoncé l'absence d'application de la « loi Evin » par l'éducation nationale et a soutenu une plus grande implication de la médecine scolaire dans la prévention du tabagisme. Il a rappelé les risques liés aux phénomènes de prohibition et estimé que la proposition de loi constituait un signal qui devrait nécessairement être complété.

M. Serge Franchis a rappelé que tout interdit constituait pour les adolescents un attrait. Il a insisté sur la nécessité d'améliorer l'aide au sevrage pour les fumeurs dépendants.

M. Jean-Louis Lorrain a regretté l'approche trop partielle de la proposition de loi et a plaidé pour un texte général sur les conduites à risques des adolescents. Il a estimé que les travaux de la commission d'évaluation de la « loi Evin » avaient été trop peu exploités.

M. Alain Vasselle a estimé que les interventions des différents commissaires préfiguraient le débat qui aurait lieu à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la santé publique et il a regretté que la prévention du tabagisme chez les jeunes soit séparée du reste de la politique de santé publique. Il a insisté pour qu'un accent plus important soit mis sur la prévention du tabagisme. Il a également souligné la nécessité de mieux évaluer le coût du tabagisme pour la sécurité sociale et de ne pas se concentrer uniquement sur les recettes issues des droits sur le tabac.

S'agissant de la prévention, M. Michel Esneu a plaidé pour la nécessaire réhabilitation de la visite médicale dans les collèges, estimant qu'une confrontation individuelle avec un médecin avait plus d'impact sur les adolescents que les réunions d'information collectives.

M. Jean Chérioux a souligné l'importance de l'exemplarité et du témoignage de la part des adultes en matière de lutte contre le tabagisme. Il s'est notamment inquiété de l'influence négative du cinéma et de la télévision. Il a estimé que l'interdiction de la vente de tabac aux mineurs ne pouvait être qu'une mesure secondaire.

Mme Annick Bocandé a tenu à distinguer les motivations des enfants et des adolescents face au tabac : alors que, dans l'enfance, la cigarette est un moyen d'imiter les adultes, elle s'inscrit, pendant l'adolescence, dans un ensemble de conduites à risques qui doivent être considérées de manière globale. Elle a également insisté sur la nécessité d'une prévention spécifique en direction des femmes qui tienne compte de l'impact du tabagisme sur leurs futurs enfants.

M. Alain Gournac a observé que les buralistes avaient d'ores et déjà annoncé qu'ils refuseraient de contrôler l'âge de leurs jeunes clients et que, par conséquent, l'interdiction de vente de tabac aux mineurs de seize ans ne serait efficace que complétée par des mesures de prévention appropriées.

M. Guy Fischer a souligné l'incapacité de la France à mettre en oeuvre une véritable politique de prévention. S'agissant de la hausse des prix du tabac, il a noté que celle-ci nourrissait la contrebande et que les principaux distributeurs avaient détourné cette mesure de son objet et préféré réduire leur marge.

Mme Sylvie Desmarescaux a estimé que la priorité en matière de lutte contre le tabac devait être de faire respecter la « loi Evin » et de mettre en place une prévention spécifique vis-à-vis des jeunes.

M. Louis Souvet a rappelé qu'il existait toute une filière économique autour du tabac et qu'il convenait d'évaluer l'impact des différentes mesures de lutte contre le tabagisme sur les producteurs primaires.

M. Nicolas About, président, a observé que la consommation de tabac avait longtemps été encouragée, notamment dans le cadre du service militaire où le tabac était distribué gratuitement aux appelés, et que l'on était passé d'une consommation de tabac de type initiatique à une véritable drogue. Il a également rappelé qu'aucune étude scientifique, à ce jour, n'avait pu réellement démontrer les effets nocifs du tabagisme passif, même s'il fallait faire preuve de prudence dans l'analyse de ce phénomène. C'est la raison pour laquelle il a estimé que, dans le cadre de la préparation du projet de loi relatif à la santé publique, un effort de recherche et de clarification devrait être mené afin que le débat puisse s'appuyer sur des données incontestables partagées par tous. A cet égard, il a insisté pour qu'une comparaison soit faite entre les coûts et les recettes liés au tabac dans les comptes de la sécurité sociale.

S'agissant de la hausse des prix du tabac, il a estimé que la réduction des marges des distributeurs était prévisible. Il a enfin observé que l'interdiction de la vente du tabac aux mineurs aurait au moins pour effet de faire prendre conscience aux parents de la nécessité d'éviter de mettre leurs enfants en contact avec le tabac.

Répondant à l'ensemble des intervenants, M. Dominique Larifla, rapporteur, a rappelé que la proposition de loi de M. Bernard Joly avait d'emblée affiché une ambition limitée : celle d'un signal qui devrait nécessairement être complété par le projet de loi relatif à la santé publique. Il a enfin estimé que ce futur projet de loi devrait mieux prendre en compte les enseignements de la commission d'évaluation de la « loi Evin ».

La commission a alors adopté la proposition de loi

* 1 Sénat, séance publique du 11 février 2003.

* 2 Idem.

* 3 BEH publié sous l'égide de l'Institut de veille sanitaire. Tabagisme et mortalité : aspects épidémiologiques, Mmes Hill et Laplanche.

* 4 « La veille éventuellement et, en tout état de cause, le jour de la séance à laquelle est inscrit l'examen d'un projet ou d'une proposition, la commission saisie au fond tient une ou plusieurs réunions pour examiner les amendements déposés.(...). » Règlement de l'Assemblée nationale, art. 88 alinéa 1.

* 5 Conseil « Emploi, politique sociale, santé et consommateurs ».

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