Article 35
(art. 21-27 du code civil)
Relèvement de l'incapacité d'acquisition de la nationalité

Cet article tend à modifier l'article 21-27 du code civil en vue d'assouplir les règles relatives à l'incapacité d'acquisition de la nationalité française pour les personnes condamnées à certaines infractions.

1. Le droit en vigueur

L'article 21-27 actuel du code civil, issu de l'ancien article 79 du code de la nationalité, prévoit que nul ne peut acquérir la nationalité française ou être réintégré dans cette nationalité s'il a fait l'objet soit d'un arrêté d'expulsion non expressément rapporté ou abrogé, soit d'une interdiction du territoire français non encore exécutée .

En 1993, le Conseil constitutionnel 260( * ) avait considéré que « la perte du droit à l'acquisition de la nationalité française par l'effet de la naissance sur le sol français qui résulterait soit d'un arrêté de reconduite à la frontière, soit d'un arrêté d'assignation à résidence non expressément rapporté ou abrogé » apparaissait « comme une sanction manifestement disproportionnée par rapport aux faits susceptibles de motiver de telles mesures en méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 » 261( * ) .

Il avait simultanément reconnu la conformité à la Constitution d'une telle incapacité d'acquisition de la nationalité française résultant d'une interdiction du territoire français prononcée par l'autorité judiciaire non entièrement exécutée ou d'un arrêté d'expulsion dans le cas d'une menace grave pour l'ordre public.

La personne dont le séjour en France est irrégulier au regard des lois et conventions relatives au séjour des étrangers en France est également concernée par l'incapacité d'acquérir ou de réintégrer la nationalité française prévue à l'article 21-27 du code civil.

Enfin, cette incapacité s'applique aux personnes ayant fait l'objet soit d'une condamnation pour crimes ou délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation 262( * ) ou un acte de terrorisme 263( * ) , soit d'une condamnation à une peine égale ou supérieure à six mois d'emprisonnement non assortie d'une mesure de sursis .

Le régime de l'article 21-27 du code civil concerne aussi les condamnations prononcées à l'étranger 264( * ) .

A la différence de la grâce qui laisse subsister condamnations et incapacités afférentes, conformément à l'article 133-12 du code pénal, l'incapacité d'acquérir ou de réintégrer la nationalité française disparaît lors de la réhabilitation de la personne condamnée pour l'un des crimes précités.

L'inscription d'une condamnation peut également être retirée du bulletin n° 2 du casier judiciaire sur le fondement des articles 775-1 et 775-2 du code de procédure pénale , l'étranger souhaitant acquérir la nationalité française ne pouvant alors se voir opposer une condamnation qui n'est plus mentionnée par l'autorité compétente.

De plus, depuis la loi n° 98-170 du 16 mars 1998, les dispositions de l'article 21-27 du code civil ne sont pas applicables à l'enfant mineur susceptible d'acquérir la nationalité française en application des articles 21-7, 21-11, 21-12 et 22-1 du même code.

L'article 21-7 dispose que « tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à sa majorité si, à cette date, il a en France sa résidence et s'il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans depuis l'âge de onze ans... ».

L'article 21-11 prévoit une possibilité de réclamer la nationalité française par déclaration pour l'enfant mineur âgé de seize ans au moins répondant aux critères de l'article 21-7 ou au nom de l'enfant mineur âgé d'au moins treize ans né en France de parents étrangers, dont la résidence habituelle est en France depuis l'âge de huit ans, à condition d'avoir obtenu son consentement personnel.

L'article 21-12 265( * ) prévoit l'acquisition de la nationalité française par déclaration de nationalité, sous certaines conditions, pour les enfants recueillis en France.

Enfin, selon l'article 22-1, l'enfant mineur, légitime, naturel ou ayant fait l'objet d'une adoption plénière, dont l'un des deux parents acquiert la nationalité française, devient Français de plein droit s'il a la même résidence habituelle que ce parent ou s'il réside alternativement avec ce parent en cas de séparation ou de divorce.

2. Le texte soumis au Sénat

Le présent article tend à atténuer la rigueur de l'article 21-27 du code civil en prévoyant d'exclure explicitement deux catégories d'étrangers de l'incapacité d'acquisition de la nationalité française
.

En premier lieu, les personnes condamnées ayant bénéficié d'une réhabilitation de plein droit ou d'une réhabilitation judiciaire conformément aux dispositions de l'article 133-12 du code pénal seraient désormais exclues du champ des incapacités de l'article 21-27 du code précité.

L'article 133-12 du code pénal pose que toute personne frappée d'une peine criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle peut bénéficier soit d'une réhabilitation de plein droit, soit d'une réhabilitation judiciaire dans les conditions prévues par le code de procédure pénale . La réhabilitation de plein droit prend effet dans un délai variable en fonction de la gravité de l'infraction commise .

Elle est acquise, pour la condamnation à l'amende ou à la peine de jours-amende, après un délai de trois ans à compter du jour du paiement de l'amende ou du montant global de jours-amende, de l'expiration de la contrainte par corps, du délai de l'incarcération ou de la prescription accomplie. Cette hypothèse n'est pas concernée par le régime de l'article 21-27 du code civil qui s'applique aux personnes condamnées à une peine égale ou supérieure à six mois d'emprisonnement.

La réhabilitation est par ailleurs acquise de plein droit après un délai de cinq ans à compter soit de l'exécution de la peine, soit de la prescription accomplie pour la condamnation unique, soit d'une peine autre que la réclusion criminelle, la détention criminelle, l'emprisonnement, l'amende ou le jour-amende 266( * ) , soit à un emprisonnement n'excédant pas un an. Dans ce dernier cas, le régime de l'article 21-27 du code civil n'intéresse que les personnes condamnées à une peine d'emprisonnement comprise entre six mois et un an.

Enfin, pour la condamnation unique à un emprisonnement n'excédant pas dix ans ou pour les condamnations multiples à l'emprisonnement dont l'ensemble ne dépasse pas cinq ans, la réhabilitation est acquise de plein droit après un délai de dix ans à compter soit de l'expiration de la peine subie, soit de la prescription accomplie.

Quant à la réhabilitation judiciaire , elle peut être obtenue par une personne condamnée ayant fait preuve de bonne conduite auprès du procureur de la République 267( * ) .

Le nombre de condamnations ne constitue pas un critère discriminant pour l'obtention de cette réhabilitation, qui ne peut être demandée qu'après un certain délai.

Ainsi, la demande en réhabilitation ne peut être formée qu'après un délai de cinq ans pour les condamnés à une peine criminelle, de trois ans pour les condamnés à une peine correctionnelle et d'un an pour les condamnés à une peine contraventionnelle 268( * ) .

La cour est saisie par le procureur général et statue dans les deux mois sur les conclusions de ce dernier. L'arrêt de la chambre d'instruction peut être déféré à la cour de Cassation 269( * ) .

La réhabilitation, de plein droit ou judiciaire, d'une personne condamnée a pour conséquence d'effacer l'ensemble des incapacités et déchéances résultant de la condamnation 270( * ) .

En second lieu, les personnes dont la mention de la condamnation a été effacée du bulletin n° 2 du casier judiciaire , conformément aux articles 775-1 et 775-2 du code de procédure pénale, se verraient aussi explicitement exclues de l'incapacité d'acquisition de la nationalité française définie à l'article 21-27 du code civil .

Selon l'article 775-1 du code précité, le tribunal prononçant une condamnation peut exclure expressément sa mention au bulletin n° 2, soit dans le jugement de condamnation, soit par jugement rendu postérieurement sur la requête du condamné. Cette exclusion emporte relèvement de toutes les interdictions, déchéances ou incapacités de quelque nature qu'elles soient résultant de la condamnation.

Par ailleurs, aux termes de l'article 775-2 du même code, sur simple requête, les condamnés à une peine ne pouvant donner lieu à réhabilitation de plein droit bénéficient de l'exclusion de la mention de leur condamnation au bulletin n° 2, à l'expiration d'un délai de vingt années à compter de leur libération définitive ou de leur libération conditionnelle non suivie de révocation, s'ils n'ont pas, depuis cette libération, été condamnés à une peine criminelle ou correctionnelle.

Sans remettre en cause le principe de l'incapacité d'acquisition de la nationalité française résultant de certaines condamnations graves soulignant l'absence de volonté de la personne concernée à s'intégrer dans la communauté nationale, le présent article en assouplirait la rigueur, par cohérence avec la réforme de la législation relative à l'expulsion et à l'interdiction judiciaire du territoire français. En effet, les fautes commises dans le passé par les étrangers précités pour lesquelles ceux-ci se sont depuis amendés en purgeant une peine de prison ne doivent pas les empêcher d'avoir accès à la nationalité française .

« Dès lors que les étrangers qui ont des liens très importants avec le territoire français ne pourront plus être éloignés, il est cohérent de leur permettre d'acquérir la nationalité française si leur comportement a changé, plutôt que de les maintenir durablement dans la situation d'être ni expulsables, ni éligibles à la nationalité française . » 271( * )

Simultanément, l'administration conserverait une marge d'interprétation nécessaire en ayant la possibilité de s'opposer à la demande d'un étranger conjoint de Français en vue d'obtenir la nationalité française par déclaration après un an de mariage 272( * ) en cas d'indignité 273( * ) .

De plus, « s'il n'est pas de bonnes vie et moeurs » 274( * ) , l'étranger visé pourra toujours se voir refuser l'acquisition de la nationalité française.

Il en ira de même s'il ne justifie pas de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance, selon sa condition, de la langue française ainsi que des droits et devoirs conférés par la nationalité française 275( * ) , comme n'importe quel candidat à la nationalité française.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 35 sans modification .

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