Article 38 bis (nouveau)
(art. 132-40 et 132-48 du code pénal)
Sursis avec mise à l'épreuve

Cet article, issu d'un amendement adopté par les députés et présenté par M. Thierry Mariani au nom de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, a pour objet de modifier les articles 132-40 et 132-48 du code pénal afin de permettre d'infliger à un étranger à la fois une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve et une peine d'interdiction du territoire français.

Le groupe de travail sur la « double peine » avait déjà proposé qu'une telle combinaison des peines soit possible (proposition n°2). En effet, elle permettra de créer une forme d' « interdiction du territoire français conditionnée » , permettant à la fois de conserver le caractère dissuasif de l'interdiction du territoire et de laisser une chance à l'étranger, pouvant avoir certains liens avec la France, de s'amender et de voir sa peine ne pas s'appliquer à l'issue du sursis, en l'absence de nouvelle infraction au cours du délai d'épreuve.

I. Le régime du sursis avec mise à l'épreuve

Le sursis avec mise à l'épreuve est régi par les articles 132-40 à 132-53 du code pénal et par les articles 739 à 747 du code de procédure pénale. Il s'agit d'une « mesure de suspension, totale ou partielle, de l'exécution d'une peine d'emprisonnement de cinq ans au plus, combinée avec certaines obligations consistant pour le condamné à respecter diverses contraintes (contrôles, obligations particulières) tout en pouvant obtenir certaines aides destinées à favoriser son reclassement social. Le bénéfice de ce sursis est susceptible de révocation, tant en cas de nouvelles condamnations à certaines peines pendant le délai d'épreuve, qu'en cas de non respect des obligations imposées. » 345( * )

Le sursis avec mise à l'épreuve n'est exclu pour les crimes et délits politiques. Il peut être partiel, c'est-à-dire ordonné par la juridiction pour une partie uniquement de l'emprisonnement.

Au cours du délai de l'épreuve, la personne condamnée n'exécute pas la peine assortie d'un sursis. En revanche, l'article 746 du code de procédure pénale dispose que la suspension de la peine ne s'étend ni au paiement des dommages-intérêts ni « aux incapacités, interdictions et déchéances résultant de la condamnation ».

Le sursis avec mise à l'épreuve est accompagné de mesures de contrôle devant être respectées par le condamné et parfois par des obligations particulières.

En effet, la personne condamnée devra répondre aux convocations du juge de l'application des peines ou du travailleur social désigné, recevoir les visites de ce dernier et lui « communiquer les renseignements ou documents de nature à permettre le contrôle de ses moyens d'existence et de l'exécution de ses obligations », le prévenir de ses changements d'emploi et de résidence ou de tout déplacement dont la durée excèderait quinze jours, l'avertir ensuite de son retour et obtenir l'autorisation préalable du juge de l'application des peines pour tout déplacement à l'étranger et tout changement d'emploi ou de résidence qui l'empêcherait d'exécuter ses obligations (article 132-44 du code pénal).

La juridiction de condamnation ou le juge d'application des peines peut également imposer des obligations spéciales au condamné . Celles-ci sont limitativement énumérées à l'article 132-45 du code pénal. Peut ainsi être demandé au condamné d'exercer une activité professionnelle, d'établir sa résidence en un lieu déterminé, de justifier qu'il contribue aux charges familiales ou acquitte régulièrement les pensions alimentaires dont il est débiteur, de s'abstenir de paraître en tout lieu spécialement désigné ou d'entrer en relation avec certaines personnes, notamment la victime de l'infraction, ou encore de ne pas fréquenter les débits de boissons.

Une partie de ces obligations a pour objectif de favoriser la réinsertion du condamné , en lui imposant de trouver un lieu de résidence, un travail ou encore de suivre un enseignement ou une formation professionnelle. De plus, l'article 132-46 du code pénal prévoit que le service de probation met en oeuvre des mesures d'aide ayant pour objet de « seconder les efforts du condamné en vue de son reclassement social ». Ces mesures d'aide s'exercent sous la forme d'une aide sociale et, si nécessaire, d'une aide matérielle.

La durée de l'épreuve ne peut être inférieure à dix-huit mois ni supérieure à trois ans.

Dans le cas où le condamné ne respecte pas les obligations qui lui étaient imposées ou commet une nouvelle infraction au cours de l'épreuve, une révocation du sursis, totale ou partielle, peut être prononcée par la juridiction de jugement, après avis du juge de l'application des peines.

II. L'instauration d'une « interdiction du territoire français conditionnée »

Le présent article permettrait qu'un sursis avec mise à l'épreuve soit prononcé à l'égard une personne qui ferait également l'objet d'une peine complémentaire d'interdiction du territoire français . Il s'agit d'un article additionnel au projet de loi initial, issu d'un amendement proposé par M. Thierry Mariani, au nom de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, et adopté par cette dernière.

Afin que le sursis avec mise à l'épreuve et la peine complémentaire d'interdiction du territoire soient compatibles, il est apparu nécessaire de modifier deux articles du code pénal.

Tout d'abord, le I du présent article prévoit qu'à l'article 132-40 du code pénal , un alinéa préciserait désormais qu'il est sursis à exécution de la peine complémentaire d'interdiction du territoire français pendant le délai de la mise à l'épreuve. En effet, cette disposition est indispensable, dans la mesure où l'article 746 du code de procédure pénale indique que la suspension de peine ne s'étend pas en principe aux incapacités, interdictions et déchéances résultant de la condamnation.

Ensuite, le II du présent article du projet de loi propose la modification de l'article 132-48 du code pénal afin de prévoir que la mesure d'interdiction du territoire français serait exécutoire de plein droit en cas de révocation totale du sursis avec mise à l'épreuve. Par conséquent, après avoir effectué la peine d'emprisonnement pour laquelle il disposait d'un sursis avec mise à l'épreuve qui a été révoqué, il devrait également exécuter la peine d'interdiction du territoire français dont il fait l'objet.

Cette nouvelle procédure conduirait à l'instauration d'une « interdiction du territoire français conditionnée », donnant à l'étranger condamné la possibilité de s'amender et de se réinsérer en France . Elle repose sur la même logique que l' « expulsion avec sursis » qui serait permise avec la création d'une assignation à résidence « à titre probatoire et exceptionnel », prévue à l'article 26 du présent projet de loi. 346( * )

Ainsi, dans le cas où la condamnation serait réputée non avenue au terme du délai de l'épreuve, la peine d'interdiction du territoire français devrait également être réputée non avenue dans la mesure où il semble que les peines complémentaires suivent le même régime que la peine principale d'emprisonnement.

Comme l'indique le groupe de travail sur la double peine dans son rapport précité, « cette mesure permettrait de disposer de tous les avantages offerts par la technique du sursis avec mise à l'épreuve : interdire au condamné de revenir sur les lieux où les infractions ont été commises ou d'entrer en contact avec les victimes ; lui imposer des obligations de soins ou de travail ; assurer un suivi réel du condamné étranger par le juge de l'application des peines. »

Votre commission vous propose d'adopter l'article 38 bis sans modification.

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