Rapport n° 58 (2003-2004) de M. Alex TÜRK , fait au nom de la commission des lois, déposé le 12 novembre 2003

Disponible au format Acrobat (255 Koctets)

Tableau comparatif au format Acrobat (10 Koctets)

N° 58

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 12 novembre 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de résolution présentée par M. Hubert HAENEL au nom de la délégation pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du Règlement, sur le projet de protocole modifiant la Convention Europol proposé par le Danemark (E 2064),

Par M. Alex TÜRK,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. René Garrec, président ; M. Patrice Gélard, Mme Michèle André, MM. Pierre Fauchon, José Balarello, Robert Bret, Georges Othily, vice-présidents ; MM. Jean-Pierre Schosteck, Laurent Béteille, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Mme Nicole Borvo, MM. Charles Ceccaldi-Raynaud, Christian Cointat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Marcel Debarge, Michel Dreyfus-Schmidt, Gaston Flosse, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Daniel Hoeffel, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Jacques Larché, Jean-René Lecerf, Gérard Longuet, Jean Louis Masson, Mme Josiane Mathon, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Josselin de Rohan, Bernard Saugey, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich, Jean-Paul Virapoullé, François Zocchetto.

Voir le numéro :

Sénat : 49 (2003-2004)

Union européenne.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 12 novembre 2003, sous la présidence de M. René Garrec, la commission des Lois a examiné, sur le rapport de M. Alex Türk, la proposition de résolution n° 49 (2003-2004) présentée, en application de l'article 73 bis du Règlement, par M. Hubert Haenel au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur le projet de protocole modifiant la convention Europol proposé par le Danemark (E 2064) .

Le rapporteur a tout d'abord replacé cette proposition de résolution dans son contexte. Il a dénoncé l'insuffisance persistante des contrôles sur Europol, alors même que cette organisation se voit attribuer des compétences nouvelles et des moyens accrus. Il a, à cet égard, souligné le développement des capacités opérationnelles d'Europol et la multiplication de ses interlocuteurs étrangers ou nationaux.

Il a ensuite insisté sur le paradoxe de ce projet de protocole modifiant la convention Europol qui, dans sa dernière version datée du 4 novembre 2003, accroît encore les pouvoirs d'Europol sans améliorer concomitamment les mécanismes de contrôle, voire en les affaiblissant .

Il a indiqué que le projet initial prévoyait la possibilité pour le Parlement européen de créer une commission mixte parlementaire, composée de représentants du Parlement européen et des parlements nationaux , chargée d'examiner les questions liées à Europol et de procéder à la comparution de son directeur. Il a regretté que ces dispositions aient été supprimées sans qu'aucun argument de fond ne soit avancé et alors même qu'un certain consensus politique se dessinait en leur faveur.

Le rapporteur a ajouté que le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe prévoit l'association des parlements nationaux au contrôle d'Europol.

Il a indiqué que la délégation pour l'Union européenne avait déposé une proposition de résolution appelant le Gouvernement à s'opposer à l'adoption du projet de protocole tant que n'aurait pas été rétablie la disposition permettant la création de la commission mixte parlementaire précitée.

Le rapporteur a proposé à la commission d'approuver la proposition de résolution, sous réserve d'une modification rédactionnelle. Il a précisé que d'autres aspects de ce projet de protocole posaient des difficultés, mais qu'il convenait de ne pas élargir le champ de cette résolution dans un souci d'efficacité pour marquer symboliquement un coup d'arrêt au développement non contrôlé d'Europol .

A l'issue d'un débat auquel ont participé MM. Pierre Fauchon, Robert Badinter, Maurice Ulrich, Christian Cointat et Alex Türk, rapporteur, la commission a adopté la proposition de résolution dans le texte proposé par le rapporteur, sous réserve d'une précision rédactionnelle à l'initiative de M. Robert Badinter.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat a été saisi, le 30 juillet 2002, au titre de l'article 88-4 de la Constitution, d'un projet de protocole modifiant la Convention Europol à l'initiative du Royaume du Danemark.

Ce projet de protocole prévoyait initialement que le Parlement européen pourrait créer, en coopération avec les parlements nationaux, une commission mixte aux fins d'examiner les questions liées à Europol, cette commission pouvant procéder à la comparution de la présidence du Conseil ou de son représentant et du directeur d'Europol.

Au cours des négociations successives, cette disposition a disparu, sans qu'aucun argument de fond ne soit avancé. Lors de sa réunion du 5 février 2003 et à la suite d'une communication de M. Hubert Haenel et de votre rapporteur, la délégation pour l'Union européenne du Sénat a adopté des conclusions demandant notamment le rétablissement de la commission mixte parlementaire.

Ce projet de protocole devant être examiné prochainement par le Conseil « Justice et Affaires intérieures », la délégation a souhaité confirmer de façon plus solennelle son opposition à l'adoption de ce texte dans sa rédaction actuelle. A cette fin, elle a adopté, le 4 novembre 2003 et en application de l'article 73 bis du règlement, une proposition de résolution présentée par M. Hubert Haenel que votre commission des Lois a décidé d'examiner dans les plus brefs délais.

Après avoir souligné l'urgence d'un contrôle renforcé d'Europol, votre rapporteur présentera les dispositions du projet de protocole concernant ce contrôle avant d'exposer le contenu de la proposition de résolution et les propositions de votre commission.

I. EUROPOL : DES COMPÉTENCES ET DES MOYENS CROISSANTS, MAIS UN CONTRÔLE DÉMOCRATIQUE INSUFFISANT

A. LA MONTÉE EN PUISSANCE D'EUROPOL

1. Des moyens croissants

Les effectifs et le budget d'Europol ont connu une progression très forte depuis le démarrage effectif de la structure, le 1 er juillet 1999 1 ( * ) .

De 210 en 1999, les effectifs devraient passer à 496 personnes à la fin de l'année 2003. Quant au budget, il est passé de 19 millions d'euros en 1999 à 55,5 millions d'euros en 2003.

2. Des compétences renforcées

Les compétences matérielles d'Europol ont été progressivement étendues, jusqu'à couvrir l'ensemble de la criminalité transnationale organisée. Vingt-cinq types d'infractions sont couverts.

Les compétences opérationnelles d'Europol ont également été accrues, conformément aux objectifs visés par le traité d'Amsterdam 2 ( * ) .

Le Conseil a ainsi adopté, en novembre 2002, à la suite d'une initiative de la Belgique et de la Suède, un protocole modifiant la convention, visant à permettre la participation d'Europol à des équipes communes d'enquête et à leurs actions opérationnelles, ainsi qu'à autoriser l'Office à demander aux Etats membres d'ouvrir des enquêtes dans des affaires précises. La création d'équipes communes d'enquêtes, inscrite à l'article 13 de la convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale conclue le 29 mai 2000, a été rendue possible par l'adoption d'une décision-cadre, le 13 juin 2002.

3. Le développement des relations d'Europol avec des organisations et des pays tiers

Europol détient la capacité de conclure en son nom des accords internationaux. Certains accords, dits « stratégiques », ne prévoient pas d'échange de données personnelles. Les autres accords, qualifiés d'« opérationnels », entraînent en revanche des échanges de données personnelles et sont subordonnés à l'existence, dans les Etats signataires, d'une législation sur la protection de ces données conforme aux règles en vigueur dans l'Union européenne.

A cet égard, votre rapporteur, lors de la conclusion de l'accord entre les Etats-Unis et Europol relatif à l'échange de données à caractère personnel, en décembre 2002, a pu constater, en tant que président de l'Autorité de contrôle commune (ACC), l'étendue des pouvoirs d'Europol et les difficultés à garantir le respect des règles sur la protection des données.

B. UN CONTRÔLE DÉMOCRATIQUE DÉFAILLANT

L'accroissement des pouvoirs d'Europol n'est pas accompagné d'un perfectionnement concomitant des systèmes de contrôle.

1. Un conseil d'administration incapable de contrôler le directeur d'Europol

Théoriquement doté par la Convention Europol de pouvoirs importants, le conseil d'administration ne peut les exercer efficacement en raison de son trop grand nombre de membres (60 personnes en pratique, 100 environ après l'élargissement) et d'une présidence tournante. Il ne parvient pas à définir une ligne d'action cohérente.

2. Un contrôle financier et juridictionnel réduit

Europol étant essentiellement de nature intergouvernementale, son contrôle financier et juridictionnel est extrêmement réduit. Les mécanismes communautaires de contrôle ne s'appliquent que partiellement. Ainsi, la Cour de justice ne dispose que d'une compétence préjudicielle facultative et le recours en annulation n'est ouvert ni au Parlement européen, ni aux personnes physiques.

3. Une Autorité de contrôle commune (AAC) aux compétences limitées

Une autorité de contrôle indépendante, composée de représentants de chacune des autorités de contrôle nationales chargées de la protection des données personnelles, s'assure du respect par Europol des dispositions de la convention sur la protection des données.

Malheureusement, cette autorité souffre de trois faiblesses importantes. En premier lieu, son champ de compétence est limité à la protection des données. En deuxième lieu, l'Autorité est financée directement par Europol. Enfin, les administrations nationales et Europol ont tendance à développer des relations en dehors du cadre de la Convention. Ainsi, les services nationaux s'adressent parfois directement à Europol pour échanger des informations sans passer par l'intermédiaire des unités nationales auprès d'Europol. Il arrive également que, sous couvert de soutien technique, l'Office et les Etats membres mettent en place des fichiers préfigurant de possibles fichiers d'analyse 3 ( * ) , sans recourir à la procédure prévue par la Convention pour la création de tels fichiers. Cette pratique est désignée dans le jargon européen par le terme de « MSOPES » (« Member State Operationnal Projects With Europol Support » que l'on pourrait traduire par « organisation mutuelle de fichiers d'analyse entre le système central d'Europol et les autorités nationales »). L'ACC est ainsi contournée et mise devant le fait accompli. Il lui est plus difficile de contrôler ces échanges de données. Ses observations éventuelles ont également moins de chance d'être prises en considération.

Votre rapporteur, lorsqu'il présidait l'ACC, s'est élevé à plusieurs reprises contre ces pratiques qui, certes, offrent une plus grande souplesse opérationnelle, mais échappent à tout contrôle.

4. Un contrôle parlementaire réduit

Les compétences du Parlement européen sont limitées en raison de la nature intergouvernementale d'Europol. Un rapport annuel sur l'activité d'Europol lui est remis. Il est également consulté avant toute modification de la Convention Europol et pour l'adoption des actes prévus par le titre VI du Traité sur l'Union européenne (décisions-cadre, décisions et conventions) concernant Europol. Mais cet avis est non contraignant.

Quant aux parlements nationaux , leur pouvoir de contrôle est réduit. Dans le cas du Parlement français, il s'exprime de deux façons.

En amont, les deux assemblées peuvent chacune prendre position sur les projets de texte concernant Europol qui leur sont transmis en application de l'article 88-4 de la Constitution.

En outre, toute modification de la Convention Europol suppose l'adoption par le Parlement français d'un projet de loi de ratification, conformément à l'article 53 de la Constitution.

Mais un tel contrôle, « adapté tant qu'Europol ne dispose d'aucune compétence opérationnelle, devra nécessairement être renforcé si celles-ci sont augmentées et si la Convention Europol est remplacée par un instrument communautaire, comme le préconise le projet de traité établissant une constitution pour l'Europe » 4 ( * ) .

II. LE PROJET DE PROTOCOLE MODIFIANT LA CONVENTION EUROPOL : UN SYSTÈME DE CONTRÔLE TOUJOURS INSUFFISANT, EN PARTICULIER PAR LES PARLEMENTS NATIONAUX

A. UN NOUVEL ACCROISSEMENT DES POUVOIRS D'EUROPOL SANS UNE AMÉLIORATION ÉQUIVALENTE DES CONTRÔLES

1. Plus d'autonomie et de nouveaux pouvoirs

La dernière version, datée du 4 novembre 2003, du projet de protocole modifiant la Convention Europol entérinerait certaines pratiques aujourd'hui contraires à cette Convention. Elle améliore de la sorte les capacités opérationnelles de l'Office en apportant de la souplesse. Mais cela se fait au détriment du contrôle.

Ainsi, elle donne un fondement juridique à la pratique consistant, pour les services nationaux de police ou de gendarmerie compétents, à s'adresser directement à Europol pour échanger des informations sans passer par l'intermédiaire des unités nationales auprès d'Europol chargées d'orienter et de sélectionner ces demandes d'information.

Cette dernière version modifie également les modalités de création d'un fichier d'analyse. La procédure actuelle consiste, pour le directeur d'Europol, à soumettre à l'approbation du conseil d'administration une instruction de création d'un fichier d'analyse, à propos de laquelle l'Autorité de contrôle commune est appelée à faire part de ses observations préalables. La nouvelle procédure permettrait dorénavant au directeur d'Europol d'ouvrir un fichier d'analyse sans attendre l'accord du conseil d'administration et l'avis de l'ACC. On passerait donc d'un contrôle a priori à un contrôle a posteriori . Or, il n'est pas certain que cette procédure permette à l'ACC et au conseil d'administration de faire valoir leurs observations de manière efficace.

De plus, le projet de protocole autoriserait le traitement d' « autres données » par Europol, sans préciser davantage leur nature. Elles pourraient être enregistrées pour une durée inférieure à six mois, alors même qu'elles n'entreraient pas dans le champ de compétence d'Europol.

Au final, ces dispositions aboutiraient à affaiblir le contrôle par l'ACC, alors même qu'il s'agit du seul organisme de contrôle un peu efficace des activités d'Europol.

2. Des progrès peu sensibles en matière de contrôle

Le Parlement européen verrait ses droits légèrement renforcés, en particulier en matière d'information. Le projet de protocole prévoit que les rapports d'activité établis par l'ACC, le rapport annuel et le programme de travail établi par le conseil d'administration, ainsi que le plan financier quinquennal seraient communiqués au Parlement, de la même manière qu'au Conseil.

En outre, le Parlement européen pourrait procéder à des auditions de la présidence du Conseil de l'Union européenne ou de son représentant au sujet d'Europol, accompagné éventuellement de son directeur.

Rappelons que la version initiale de ce projet de protocole issue d'une initiative du Royaume du Danemark devait permettre également la comparution du directeur d'Europol, seul, devant le Parlement européen.

Les parlements nationaux , en revanche, ne sont plus concernés par ce protocole. La version initiale datée du 2 juillet 2002 autorisait la création d'une commission mixte composée de représentants du Parlement européen et des parlements nationaux. Il revenait au Parlement européen de prévoir ou non la création d'une telle commission chargée d'examiner les questions liées à Europol. Il s'agissait donc d'une simple possibilité. Cette commission pouvait procéder à la comparution de la présidence du Conseil ou de son représentant et du directeur d'Europol dans les mêmes conditions que le Parlement européen.

Toutefois, les négociations entre les représentants des Etats membres ont abouti à supprimer toute référence à l'idée d'une telle commission mixte.

B. LA SUPPRESSION DE LA POSSIBILITÉ DE CRÉER UNE COMMISSION MIXTE PARLEMENTAIRE : UNE DÉCISION CONTRAIRE AUX PERSPECTIVES OUVERTES PAR LA CONVENTION EUROPÉENNE ET AUX PRISES DE POSITION DE NOMBREUSES INSTITUTIONS EUROPÉENNES ET NATIONALES

1. Le contrôle par les parlements nationaux : une nécessité qui va dans le sens des évolutions à venir d'Europol

Comme il a été précédemment souligné, l'attribution de capacités opérationnelles à Europol requiert des mécanismes de contrôle accrus, notamment par les parlements nationaux.

Par ailleurs, le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe prévoit en son article III-177 la communautarisation d'Europol . Ceci répond aux souhaits du Parlement européen qui se verrait de cette façon associé au développement d'Europol. Sa structure, son fonctionnement, son domaine d'action et ses tâches seraient fixées par le Conseil et le Parlement européen en codécision.

La contrepartie de cette communautarisation serait la diminution des pouvoirs des parlements nationaux, puisqu'ils ne seraient plus associés à la ratification des protocoles modifiant la Convention Europol.

Consciente de cette difficulté, la Convention européenne a prévu que la loi européenne fixerait les modalités de contrôle des activités d'Europol par le Parlement européen auquel seraient associés les parlements nationaux des Etats membres.

Certes, ce projet de Constitution européenne n'a pas de valeur en droit positif. Mais il indique clairement les grandes orientations concernant Europol dans un avenir proche.

Il est donc difficile de discerner les raisons qui ont motivé la suppression par le Conseil de la commission mixte parlementaire initialement prévue par le projet de protocole modifiant la Convention Europol.

Comme l'indique l'exposé des motifs de la proposition de résolution, le représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne a déclaré, au cours de son audition devant la délégation pour l'Union européenne du Sénat le 23 octobre dernier, que cette suppression était intervenue au sein d'un groupe de travail du Conseil parce que le service juridique du Conseil avait déclaré qu'il n'existait pas de base juridique dans les traités actuels qui permettrait à un instrument de droit dérivé d'associer les parlements nationaux au contrôle d'Europol.

Or, cet argument n'est pas exact du point de vue juridique, car la Convention instituant Europol n'est pas aujourd'hui un instrument de droit dérivé, mais une convention de l'Union soumise à des ratifications nationales.

D'ailleurs, la Convention Europol a, dès l'origine, institué l'Autorité de contrôle commune. Cette instance est indépendante et n'est pas prévue par les traités actuels.

Rien n'interdit donc d'introduire dans cette convention un contrôle associant les parlements nationaux.

2. La création d'une commission mixte parlementaire : une idée qui fait l'objet d'un consensus politique

L'idée d'une commission mixte composée de représentants du Parlement européen et des parlements nationaux avait été proposée par la première conférence interparlementaire sur Europol , qui s'est tenue à La Haye en juin 2001. Dans une communication devant la délégation pour l'Union européenne du Sénat, le 26 juin 2001, sur cette conférence, M. Paul Masson avait rapporté les propos nettement favorables de M. Antonio Vitorino, commissaire européen chargé des affaires de justice et de sécurité intérieure, et de M. Jurgen Störbeck, directeur d'Europol, à l'égard de cette idée de commission mixte.

Elle a d'ailleurs été reprise par la Commission européenne dans sa communication du 26 février 2002 relative à l'exercice d'un contrôle démocratique sur Europol. La commission y formule la recommandation suivante :

« Une commission mixte, composée de membres des commissions des parlements nationaux et du Parlement européen compétentes en matière policière, pourrait être créée à cette fin. Cette commission pourrait se réunir deux fois par an pour échanger des informations et des expériences et traiter de questions se rapportant à Europol. Elle entretiendrait des contacts étroits avec Europol par l'intermédiaire d'un organe spécial composé d'environ cinq membres désignés par la commission mixte, à laquelle ils rendraient compte de leurs travaux. »

A cet égard, la Commission européenne s'appuie sur le précédent de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires et européennes des parlements de l'Union européenne (COSAC), qui a été créée en 1989 afin de renforcer le rôle des parlements nationaux au sein de la Communauté européenne.

Toujours dans le même sens, le Parlement européen , dans une recommandation au conseil des ministres sur le développement futur d'Europol datée du 10 avril 2003, déplore l'absence de contrôle parlementaire sur Europol et souhaite le rétablissement de la possibilité de créer une commission mixte telle que prévue initialement par le projet de protocole modifiant la Convention Europol. La veille, le Parlement européen avait adopté une résolution défavorable à ce texte pour l'ensemble de ces raisons.

Quant au Conseil de l'Union européenne, il n'oppose que l'argument juridique précité à la création d'une telle commission. Mais il n'exprime pas d'opposition de fond.

Au niveau national, l'Assemblée nationale a adopté la résolution du 15 juin 2003 sur l'avenir d'Europol demandant, notamment, le rétablissement de la commission mixte.

De plus, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, M. Nicolas Sarkozy , a déclaré, lors de son audition par la délégation pour l'Union européenne du Sénat le 13 mars 2003 que « les parlements nationaux devraient avoir leur mot à dire à propos du contrôle sur Europol ».

Enfin, le Parlement français n'est pas isolé sur cette question. A titre d'exemple, la chambre des Lords 5 ( * ) et la chambre des communes 6 ( * ) se sont prononcées en faveur du rétablissement de la commission mixte dans le texte du projet de protocole.

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION : APPROUVER CETTE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

A. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION : APPELER LE GOUVERNEMENT À S'OPPOSER À L'ADOPTION DU TEXTE TANT QUE LA POSSIBILITÉ DE CRÉER UNE COMMISSION MIXTE PARLEMENTAIRE N'AURA PAS ÉTÉ RÉTABLIE.

La proposition de résolution adoptée par la délégation pour l'Union européenne du Sénat n'aborde que la question de l'association des parlements nationaux au contrôle d'Europol par le biais d'une commission mixte parlementaire chargée d'examiner les questions liées à Europol et de procéder à la comparution du directeur d'Europol.

Sa communication du 5 février 2003 et les conclusions adoptées à sa suite soulevaient bien d'autres problèmes relatifs à ce projet de protocole.

Toutefois, l'urgence (ce texte pourrait être examiné prochainement par le Conseil « Justice et Affaires intérieures ») conduit à insister sur ce seul point, afin d'infléchir la position du Conseil.

On soulignera la constance de la position de la délégation sur ce thème, au point qu'elle en est devenue l'un des principaux promoteurs.

B. APPROUVER CETTE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Votre commission des Lois approuve la proposition de résolution.

Celle-ci fait d'ailleurs écho à certaines interrogations émises dans le rapport pour avis de M. Paul Masson au nom de la commission des Lois sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne portant création d'un Office européen de police 7 ( * ) .

Le rapporteur observait que « les mécanismes de contrôle institués par la convention, satisfaisants d'un point de vue théorique, pourraient en pratique se révéler assez inefficaces si les Etats ne font pas preuve de toute la vigilance nécessaire ».

*

* *

Sous réserve de simples modifications rédactionnelles, votre commission a adopté une proposition de résolution, dont le texte est reproduit ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

(texte adopté par la commission des Lois en application
de l'article 73 bis du règlement du Sénat)

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le projet de protocole modifiant la Convention Europol proposé par le Danemark (E 2064),

Appelle le Gouvernement à s'opposer à l'adoption du texte tant que n'aura pas été inscrite une disposition permettant la création d'une commission, composée en particulier de parlementaires nationaux, chargée d'examiner les questions liées à Europol et de procéder à la comparution du directeur d'Europol.

ANNEXE

TEXTE D'ORIGINE
DU PROJET DE PROTOCOLE
(DOCUMENT 10307/02 DU CONSEIL)

DERNIÈRE VERSION
EN DATE DU 4 NOVEMBRE 2003
DU PROJET DE PROTOCOLE
(DOCUMENT 13650/03 DU CONSEIL)

Article 34

Information du Parlement européen

1. Le Conseil consulte le Parlement européen avant d'adopter toute mesure visée aux articles 10, 18, 24, 26, 28, 29, 30, 31, 40, 41 et 42, ou sur toute modification éventuelle de la présente convention. Le Parlement européen rend son avis dans un délai qui peut être fixé par le Conseil mais ne peut être inférieur à trois mois. Si aucun avis n'est rendu dans ce délai, le Conseil peut statuer.

2. La présidence du Conseil ou son représentant et le directeur d'Europol peuvent comparaître devant le Parlement européen et devant toute commission mixte que le Parlement européen peut créer en coopération avec les parlements nationaux aux fins d'examiner les questions liées à Europol . Le conseil d'administration, statuant à l'unanimité, établit les règles régissant la comparution du directeur d'Europol devant le Parlement européen ou devant une commission telle que mentionnée dans le présent paragraphe . La présidence du Conseil ou son représentant et le directeur d'Europol tiennent compte, vis-à-vis du Parlement européen et des parlements nationaux, des obligations de réserve et de protection du secret.

3. Les obligations prévues au présent article s'entendent sans préjudice des droits des parlements nationaux et des principes généraux applicables aux relations avec le Parlement européen en vertu du titre VI du traité sur l'Union européenne.

Article 34

Information du Parlement européen

1. Le Conseil consulte le Parlement européen, conformément à la procédure de consultation prévue dans le traité sur l'Union européenne, sur toute initiative d'un État membre ou proposition de la Commission concernant l'adoption d'une mesure visée à l'article 10, paragraphes 1 et 4, à l'article 18, paragraphe 2, à l'article 24, paragraphe 7, à l'article 26, paragraphe 3, à l'article 30, paragraphe 3, à l'article 31, paragraphe 1, et à l'article 42, paragraphe 2, ou sur toute modification éventuelle de la convention ou de son annexe.

2. La présidence du Conseil ou son représentant peuvent comparaître devant le Parlement européen aux fins d'examiner les questions générales liées à Europol. La présidence du Conseil ou son représentant peuvent être assistés par le directeur d'Europol. La présidence du Conseil ou son représentant tiennent compte, vis-à-vis du Parlement européen, des obligations de réserve et de protection du secret.

3. Les obligations prévues au présent article s'entendent sans préjudice des droits des parlements nationaux et des principes généraux applicables aux relations avec le Parlement européen en vertu du traité sur l'Union européenne.

Annexe à la proposition de résolution n° 49 (2003-2004)

TEXTE D'ORIGINE
(DOCUMENT 10307/02 DU CONSEIL)

DERNIER TEXTE DISPONIBLE
(DOCUMENT 13540/03 DU CONSEIL)

Article 34

Information du Parlement européen

1. Le Conseil consulte le Parlement européen avant d'adopter toute mesure visée aux articles 10, 18, 24, 26, 28, 29, 30, 31, 40,41 et 42, ou sur toute modification éventuelle de la présente convention. Le Parlement européen rend son avis dans un délai qui peut être fixé par le Conseil mais ne peut être inférieur à trois mois. Si aucun avis n'est rendu dans ce délai, le Conseil peut statuer.

2. La présidence du Conseil ou son représentant et le directeur d'Europol peuvent comparaître devant le Parlement européen et devant toute commission mixte que le Parlement européen peut créer en coopération avec les parlements nationaux aux fins d'examiner les questions liées à Europol . Le conseil d'administration, statuant à l'unanimité, établit les règles régissant la comparution du directeur d'Europol devant le Parlement européen ou devant une commission telle que mentionnée dans le présent paragraphe . La présidence du Conseil ou son représentant et le directeur d'Europol tiennent compte, vis-à-vis du Parlement européen et des parlements nationaux, des obligations de réserve et de protection du secret.

3. Les obligations prévues au présent article s'entendent sans préjudice des droits des parlements nationaux et des principes généraux applicables aux relations avec le Parlement européen en vertu du titre VI du traité sur l'Union européenne.

Article 34

Information du Parlement européen

1. Le Conseil consulte le Parlement européen, conformément à la procédure de consultation prévue dans le traité sur l'Union européenne, sur toute initiative d'un État membre ou proposition de la Commission concernant l'adoption d'une mesure visée à l'article 10, paragraphes 1 et 4, à l'article 18, paragraphe 2, à l'article 24, paragraphe 7, à l'article 26, paragraphe 3, à l'article 30, paragraphe 3, à l'article 31, paragraphe 1, et à l'article 42, paragraphe 2, ou sur toute modification éventuelle de la convention ou de son annexe.

2. La présidence du Conseil ou son représentant peuvent comparaître devant le Parlement européen aux fins d'examiner les questions générales liées à Europol. La présidence du Conseil ou son représentant peuvent être assistés par le directeur d'Europol. La présidence du Conseil ou son représentant tiennent compte, vis-à-vis du Parlement européen, des obligations de réserve et de protection du secret.

3. Les obligations prévues au présent article s'entendent sans préjudice des droits des parlements nationaux et des principes généraux applicables aux relations avec le Parlement européen en vertu du traité sur l'Union européenne.

* 1 La Convention Europol a été adoptée le 26 juillet 1995 et est entrée en vigueur le 1 er octobre 1998.

* 2 Voir le titre VI du Traité sur l'Union européenne, et en particulier l'article 30.

* 3 Les fichiers d'analyse sont créés sur un thème précis relatif à la criminalité internationale. Ils permettent aux Etats membres de mettre en commun les informations et renseignements recueillis par leurs services nationaux.

* 4 Voir le rapport d'information n° 819 sur l'avenir d'Europol de M. Jacques Floch, député, au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, p. 25.

* 5 5 ème rapport de la session 2002-2003 du Select committee on the European Union intitulé « Europol role in fighting crime ».

* 6 Avis du European Scrutiny Committee (9 ème rapport de la session 2002-2003). Ce comité n'a pas levé la réserve sur le projet de protocole dans l'attente de plus amples explications de son gouvernement.

* 7 Rapport pour avis n° 24 - session ordinaire de 1997-1998.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page