C. APPROFONDIR LA RÉFORME DES RETRAITES DE LA FONCTION PUBLIQUE
Dans son
rapport public particulier d'avril 2003 consacré aux pensions des
fonctionnaires civils de l'État, la Cour des comptes avait
présenté les perspectives inquiétantes de financement
à long terme de ces régimes, les principales
caractéristiques et spécificités des règles
applicables et l'organisation éclatée et lourde de la gestion des
pensions, l'ensemble de cette analyse soulignant, une fois de plus, la
nécessité de la réforme.
Ces données ont été prises en compte dans le
titre III de la loi du 21 août 2003 qui est entièrement
consacré à la fonction publique.
a) Vers une meilleure connaissance des régimes de la fonction publique
Il
semble indispensable de progresser vers une meilleure connaissance des
régimes des pensions de la fonction publique. Le rapport
économique et financier annexé au projet de loi de finances pour
2004 reconnaît d'ailleurs ce besoin en ces termes :
«
Le caractère budgétaire du régime des
pensions des fonctionnaires ne permet pas d'appréhender directement les
équilibres de son financement : les charges (pensions,
compensation) et les recettes (retenues pour pension, contribution des
employeurs, transferts...) sont retracées à divers endroits du
budget de l'État. Les évolutions tendancielles, en particulier
les conditions de partage de l'effort contributif entre l'État et ses
agents, sont ainsi masquées et les comparaisons et rapprochements avec
les autres régimes de retraite sont rendues difficiles. Or,
l'évolution des charges du régime des fonctionnaires de
l'État constitue un enjeu majeur pour les finances
publiques
. »
Le tableau présenté ci-dessous reconstitue ce que serait
l'équilibre emplois-ressources du régime des fonctionnaires de
l'État, dans la perspective de la mise en place du compte d'affectation
spéciale qui retracera, à partir du 1
er
janvier
2006, les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires en
application de l'article 21 de la loi organique n° 2001-692 du
1
er
août 2001 relative aux lois de finances.
Compte simplifié du régime des fonctionnaires de l'État
|
2001 Exécution |
2002 Exécution |
2003 LFI |
2004 PLF |
2004/2003 |
Emploi |
32.117 |
34.122 |
34.958 |
36.423 |
4,2 % |
Masse des pensions |
29.620 |
31.011 |
32.383 |
33.844 |
4,5 % |
Transferts |
2.498 |
3.111 |
2.575 |
2.579 |
0,1 % |
Ressources |
9.330 |
9.347 |
9.706 |
9.637 |
- 0,7 % |
Cotisations salariales |
4.531 |
4.583 |
4.702 |
4.684 |
- 0,4 % |
Contributions des employeurs autres que l'État |
4.309 |
4.439 |
4.522 |
4.574 |
1,1 % |
Transferts |
490 |
326 |
482 |
379 |
- 21,3 % |
Contribution de l'Etat |
22.787 |
24.775 |
25.252 |
26.786 |
6,1 % |
Source : Projet de loi de finances pour 2004 - Rapport économique, social et financier - Tome I
Il
convient de souligner que la contribution de l'État, en forte hausse ces
dernières années, pourvoit à hauteur de
26,78 milliards d'euros, soit 73,6 % du total des dépenses
évaluées à 36,42 milliards d'euros (dont
33,84 milliards de pensions et 2,58 milliards de transferts). La part
des cotisations salariales se limite à 4,68 milliards d'euros,
c'est-à-dire moins de 13 % du total. Elle est néanmoins
complétée par les contributions équivalentes des autres
employeurs publics (La Poste et France Télécom, essentiellement).
Dans son rapport précité, la Cour des comptes a
procédé à une étude approfondie des régimes
de retraite de la fonction publique, qui a mis en lumière :
- un âge moyen de départ en retraite nettement
inférieur à 60 ans ;
- des agents privilégiant les départs précoces au
détriment de la poursuite de leur carrière ;
- une forte détérioration du rapport démographique
d'ici à 2040 ;
- un impact important du coût des bonifications
d'annuités ;
- les défauts de l'organisation actuelle du système des
pensions ;
- l'importance des dispositifs d'ouverture de droits à pension
avant soixante ans.
La Cour estime ainsi que «
l'âge moyen de départ en
retraite, tous motifs de liquidation confondus, a été, pour les
nouveaux retraités de 2001, de 57,35 ans. Cette moyenne a
été tirée vers le bas par le nombre très important
d'agents publics (20.056, soit 34,9 % du flux 2001) prenant une retraite au
titre des services dits « actifs » (54,85 ans en
moyenne
) ».
Les recommandations de la Cour des comptes pour
améliorer le cadre budgétaire et comptable des pensions des
fonctionnaires civils de l'État
La Cour
estime que « cette exigence de transparence, ainsi que la logique de
responsabilisation des administrations sur leurs coûts et leurs
résultats poursuivie par la nouvelle loi organique, doivent conduire
à abandonner la pratique actuelle consistant à imputer à
chaque ministère les dépenses de pension servies à ses
anciens fonctionnaires ; Aux lieu et place de cette imputation qui n'est
que la traduction des décisions passées en matière de
personnel, devrait être instituée une contribution de chaque
ministère aux charges du régime des pensions. Celle-ci devrait
correspondre à l'application aux traitements indiciaires servis par
chaque ministère à ses agents en activité d'un taux de
« contribution employeur » (l'équivalent d'une
cotisation patronale) unique fixé de manière à assurer
l'équilibre du régime dont relèveraient les agents
titulaires de tous les ministères. »
Elle estime également « souhaitable que soient
retracées, dès a mise en place du compte d'affectation
spéciale, non seulement les charges de pensions elles-mêmes mais
également les charges afférentes à la gestion des pensions
(préliquidation, concession, paiement, contrôle) actuellement
dispersées entre les ministères et souvent mal
identifiées. Ce recensement et cette imputation sont en effet
indispensables pour appréhender dans leur totalité les charges
afférentes aux pensions et mesurer les coûts de gestion du
régime. Ils pourraient s'opérer de façon progressive et
n'inclure au départ que tout ou partie des coûts des services
ministériels exclusivement dédiés à la gestion des
pensions (service des pensions rattaché au ministère des
finances, centres régionaux de paiement dépendant de la direction
générale de la comptabilité publique, services de pensions
des différents ministères).
C'est à ces conditions et à travers une lecture large de ce qu'il
faut entendre par « opérations relatives aux pensions et
avantages accessoires » que l'innovation introduite par la loi
organique du 1
er
août 2001 produira pleinement les effets
recherchés en termes de transparence.
A côté des modalités selon lesquelles doivent être
retracés à l'intérieur de chacune des lois de finances les
produits et les charges afférents au régime des pensions civiles
et militaires de retraite, la Cour a soulevé depuis plusieurs
années le problème du traitement dans la comptabilité
générale de l'État des engagements pris par ce dernier au
titre des retraites dues à ses fonctionnaires. La nouvelle loi organique
du 1
er
août 2001 n'a pas fourni d'indication
particulière quant à la manière de traiter au plan
comptable ces engagements de retraite. Trois types de solution sont
envisageables :
- la première consisterait à porter au passif du bilan les
engagements de retraite bruts (comme le font les Etats-Unis, l'Australie, le
Canada et la Nouvelle-Zélande), mais ce choix ne serait pas
cohérent avec la décision d'exclure la dette implicite de la
dette publique au sens du traité de Maastricht ;
- la deuxième solution viserait à décrire en annexe
au bilan les engagements bruts, préalablement validés par un
cabinet d'actuaires agréé par le ministère de
l'économie, en précisant la portée et les limites des
calculs ;
- la troisième solution tendrait à suivre en annexe au bilan
la dérive du besoin de financement additionnel calculé par
exemple sur les dix ou vingt exercices suivants.
La Cour souhaite que ces trois modalités fassent l'objet d'un examen
approfondi et qu'une solution soit retenue dès que les règles
applicables à la comptabilité de l'État à compter
de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi organique auront
été arrêtées après avis du comité des
normes de la comptabilité publique installé en mars
2002. »
Source : Cour des comptes rapport public particulier - Les pensions des
fonctionnaires de l'État - Avril 2003.