B. L'ÉVOLUTION DES INÉGALITÉS D'ACCÈS AUX TROISIÈMES CYCLES ET AUX GRANDES ÉCOLES

L'INSEE a publié dans le numéro de juin 2003 de sa revue « Economie et statistique » une étude 100 ( * ) relative à l'évolution des inégalités d'accès aux troisièmes cycles de l'université et aux grandes écoles en fonction de l'origine sociale mesurée au travers de la catégorie socio-professionnelle (CSP) pour les cinq générations nées entre 1919-1928 pour la première et 1959-1968 pour la dernière, c'est à dire entrées respectivement sur le marché du travail dans les années 1940 et dans les années 1980.

Les principales conclusions de cette étude sont les suivantes :

- l'accès aux troisièmes cycles universitaires 101 ( * ) s'est continûment démocratisé , l'écart de taux d'accès entre les CSP « supérieures » et les CSP « populaires » passant de 1 à 37 pour la génération 1919-1928 à 1 à 12 pour la génération 1959-1968 ;

- en revanche, après avoir connu une relative démocratisation, « la base sociale de recrutement des grandes écoles 102 ( * ) semble s'être resserrée au cours des années 1980 » . En effet, l'écart de taux d'accès entre les CSP « supérieures » et les CSP « populaires » a baissé de 1 à 24 pour la génération 1919-1928 à 1 à 14 pour la génération 1949-1958, avant de remonter à 1 à 16 pour la génération 1959-1968, de sorte que l'accès à une grande école est devenu socialement plus sélectif que l'accès en troisième cycle universitaire ;

- ce dernier phénomène est plus marqué encore pour les « très grandes écoles 103 ( * ) » , pour lesquelles l'écart de taux d'accès entre les CSP « supérieures » et les CSP « populaires », après avoir baissé de 1 à 52 pour la génération 1919-1928 à 1 à 24 pour la génération 19399-1948, est remonté à 1 à 40 pour la génération 1959-1968.

Les auteurs de l'étude expliquent notamment cette accentuation des inégalités d'accès aux grandes écoles par la tentative des jeunes issus des milieux les plus favorisés de fuir une université plus ouverte et plus professionnalisée et dont la valeur distinctive des diplômes était de ce fait plus réduite :

« Les élèves les mieux informés des mutations de l'université, souvent fils de cadre ou d'enseignant, ont pu se mettre a privilégier le secteur fermé et professionnalisant des grandes écoles, comme ils se sont mis à privilégier les formations scientifiques au niveau de l'enseignement secondaire... Dans un contexte de recrutement moins massif et de sélection accrue, il n'est [d'ailleurs] peut-être pas étonnant que les enfants des groupes sociaux les mieux informés de la valeur des titres scolaires, à savoir les enfants d'enseignants et de cadres, se soient repliés sur les grandes écoles ».

* 100 « Les inégalités sociales d'accès aux grandes écoles », Valérie Albouy et Thomas Wanecq.

* 101 DEA, DESS, Doctorat, mais aussi, pour cette étude, CAPES, CAPET et Agrégation.

* 102 Les diplômés des grandes écoles sont entendus pour cette étude comme les diplômés grandes écoles au sens de la nomenclature de l'éducation nationale + les avocats, les experts comptables, les titulaires du diplômes d'études comptables supérieures et les titulaires d'un deuxième cycle de notariat.

* 103 C'est à dire, pour cette étude, Centrale Paris, l'Ecole de l'Air, l'Ecole de la Magistrature, l'ESSEC, l'ENA, ENGREF, l'ENSAE, le Génie maritime, HEC, l'INA, l'Ecole des Mines, Navale, les ENS, Polytechnique, l'Ecole des ponts, Saint-Cyr, l'IEP de Paris, Sup'Aéro et Télécom Paris.

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