C. LES EXPÉRIENCES ÉTRANGÈRES EN MATIÈRE DE FINANCEMENT DES ÉTUDES ET D'AIDE AUX ÉTUDIANTS

Cette partie reproduit de larges extraits des comparaisons internationales en matière de financement des études et d'aides aux étudiants établies par le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) dans son rapport d'avril 2003 intitulé « Education et redistribution », puis complétées par le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche à la demande de votre rapporteur spécial.

1. Le « modèle scandinave »

Selon le CERC , « dans les pays du Nord de l'Europe (Suède, Norvège, Danemark), les dépenses d'éducation dans le supérieur sont nettement plus élevées qu'en France et les droits d'inscriptions sont nuls. De plus, ces pays se sont dotés d'un système important d'aides aux étudiants pour leurs dépenses courantes. Et ce système d'aide est généralement indépendant des revenus des familles d'origine.

En Suède , il n'existe pas d'allocations familiales pour les étudiants ou d'aides fiscales, mais les étudiants peuvent bénéficier de logements étudiants ou d'aides à la couverture santé. Il n'existe pas de droits de scolarité.

En 1988, le système d'aide aux étudiants qui, depuis l'après-guerre, était fondé essentiellement sur un programme de prêts sans conditions de ressources, a été amendé pour renforcer le programme de bourses qui ne représentait que 5 % de l'aide. Désormais, des bourses non remboursables et des prêts à faible taux d'intérêt sont accessibles aux étudiants : 30 % de l'aide est accordée sous la forme d'une bourse (1.900 couronnes par mois, soit environ 210 euros, pendant neuf mois) et 70 % sous la forme d'un prêt (4.955 couronnes au maximum par mois, soit environ 545 euros, pendant neuf mois).

Les conditions de ressources portent sur celles propres aux étudiants et non sur celles de leurs parents ou conjoints. Les conditions d'éligibilité portent également sur la réussite des étudiants qui doivent valider au moins 75 % de leurs examens tous les semestres (75 % dans les universités, 100 % pour les programmes à orientation plus professionnelle). Les remboursements commencent généralement six mois après la fin des études et représentent 4 % des revenus fiscaux (décalage d'un an avec les revenus réels). La durée de remboursement n'est pas limitée, elle dépend des montants empruntés, des taux et des remboursements effectués.

Environ huit étudiants sur dix bénéficient d'une bourse et six sur dix, de prêts mais les prêts représentent 70 % des aides aux étudiants.

En Norvège , les droits d'inscription sont également nuls. Un système d'aide aux étudiants pour faire face à leurs besoins courants, s'est développé sous forme de prêts dès 1947. Les aides reposent actuellement sur une combinaison de bourses et de prêts. Les bourses ne sont accordées qu'aux étudiants ne vivant pas au domicile des parents. Les prêts sont accessibles à tous les étudiants, qu'ils vivent ou non au domicile familial. Le prêt maximum pour un étudiant vivant hors du domicile familial était de 5.778 euros par an en 1995 (5.072 euros en cas de cohabitation chez les parents). Une condition d'obtention des bourses et des prêts est le suivi d'un calendrier normal d'études.

Environ sept étudiants sur dix percevaient, en 1995, des bourses ou des prêts pour un montant moyen annuel de 6.693 euros et les prêts représentaient environ les trois-quarts des aides aux étudiants. Les prêts sont sans intérêts pendant la durée des études, le taux d'intérêt s'applique à partir de la fin des études. Les prêts sont remboursables en vingt ans, les remboursements peuvent être plafonnés à 6 % du revenu brut et annulés en cas d'incapacité permanente (ou de décès).

Au Danemark , où les droits d'inscription sont également nuls, les dépenses courantes peuvent donner lieu à des bourses et des prêts d'état à bas taux d'intérêt. Ces aides sont compatibles avec un certain niveau de ressources propres. Les étudiants poursuivant leurs études en occupant un emploi rémunéré sont éligibles. Le principe est de versements mensuels égaux (pour 70 mois) soit une durée normale d'études de cinq ans avec un retard accepté de 12 mois. Mais les étudiants peuvent l'utiliser sur des successions de formations plus courtes, consécutives ou non. Le paiement est suspendu en cas d'interruption du suivi d'une formation.

Le montant maximum des bourses est plus élevé pour des étudiants vivant indépendamment de leur famille, celui des prêts est le même pour tous. Le montant des bourses ne dépend pas du niveau de revenu de la famille ni d'éventuels enfants à charge.

Le taux d'intérêt sur les prêts est de 4 % durant les études, après il est fonction du taux d'intérêt minimal de la banque centrale majoré ou réduit par décision annuelle du Parlement. Les intérêts sont déductibles des impôts. Les prêts commencent à être remboursés une année après la fin des études, sur une période de 7 à 15 ans.

Environ 90 % des étudiants sont couverts par les bourses et 40 % par les prêts, alors que la proportion des versements sous forme de prêt atteint environ les trois-quarts de l'aide totale (allouée sous forme de bourse ou de prêt).

2. Le « modèle australien »

Selon le CERC, « le cas de l' Australie est fréquemment mis en avant dans les analyses internationales portant sur le financement de l'enseignement universitaire. En effet, après avoir supprimé tout droit d'inscription entre 1974 et 1985, ceux-ci ont été progressivement rétablis, principalement en 1989 avec le « Higher education contribution scheme ». La réintroduction des droits d'inscription était motivée par la forte croissance des dépenses publiques d'éducation due à celle des effectifs : un triplement entre 1973 et 1997, dans un contexte où la concurrence d'autres utilisations de financement public était forte (retraite et assurance maladie) et où, par ailleurs, l'orientation politique allait dans le sens d'une réduction des prélèvements obligatoires.

Le niveau des dépenses par élève est plus élevé en Australie qu'en France (mais comparable sans la part des dépenses de recherche), mais, par contre, la part prise en charge directement par les pouvoirs publics est plus faible qu'en France.

Lors de leur réintroduction, les droits d'inscription étaient uniformes et correspondaient à une participation d'environ 20 % au coût moyen de la scolarité. Depuis 1997, ces droits ont été à nouveau augmentés et sont désormais différenciés selon trois niveaux, correspondant respectivement à 2.045, 2.913 et 3.409 euros (pour l'année 1999). La différenciation est en partie représentative des différences de coût mais aussi des différences de perspectives de gains futurs. Ainsi les études de droit, peu coûteuses, donnent lieu à des droits d'inscription élevés. Environ 20 % des étudiants sont exemptés de droits d'inscription, la plupart du temps sur des critères de type d'études.

Les étudiants ont le choix entre acquitter les droits d'inscription dès le début de l'année scolaire (avec une remise de 25 % dans ce cas) ou contracter un emprunt. 71 % des étudiants (en 1997) choisissent un paiement différé. Depuis 1998, des combinaisons de paiements partiels directs et d'emprunts sont également possibles.

Les prêts ont deux principales caractéristiques : ils sont à taux d'intérêt réel nul (les montants empruntés sont indexés sur l'inflation) et les remboursements sont soumis à conditions de revenus. Ce sont les services des impôts qui gèrent le remboursement des prêts, selon le principe de l'impôt progressif. Les paiements ne sont mis en recouvrement que si les bénéficiaires ont des revenus supérieurs à 13.400 euros annuels environ. Au-delà de ce seuil, les remboursements sont déterminés en fonction des revenus selon un barème progressif de tranches dont les taux vont d'un minimum de 3 % à un maximum de 6 %.

Pour faire face aux autres dépenses, liées à la scolarité (livres, etc.) ou de subsistance (logement, nourriture, transports, etc.), il existe des bourses ou allocations sous conditions de ressources de l'étudiant ou des parents, s'il n'est pas considéré indépendant. Une des particularités de ces bourses est que l'étudiant peut demander de transformer une partie des versements en un prêt sans intérêt d'un montant double, prêt remboursable selon les modalités des prêts pour les droits de scolarité. Le montant maximal de prêt annuel est de 3.800 euros.

L'expérience australienne peut être évaluée avec un certain recul, au moins pour l'impact de la réintroduction de droits de scolarité à la fin des années quatre-vingt. L'introduction de droits de scolarité assez élevés, combinée avec le développement d'un système de prêts dont les modalités de remboursement fournissent une assurance aux étudiants en cas d'insuccès professionnel, ne semble pas avoir eu d'effets sur les taux d'entrée : la croissance du taux de participation aux études supérieures est restée soutenue et, en particulier, pour les jeunes issus de catégories sociales peu favorisées. Par ailleurs, des craintes avaient été exprimées sur le fait que le taux de défaut de remboursement serait élevé, notamment pour les étudiants de disciplines conduisant à des perspectives de revenus moyens, conduisant à une charge pour les finances publiques. Il apparaît, en fait, que les taux de remboursement étaient très importants, au moins pour les emprunts contractés jusqu'à la hausse des droits en 1997 ».

3. Les réformes entreprises au Royaume-Uni

Selon le CERC : « Au Royaume-Uni 104 ( * ) , la dépense éducative par étudiant est (hors part recherche) assez proche du niveau français. En juillet 1997, suite à la publication du rapport Dearing, le gouvernement a annoncé des projets de réforme du financement de l'enseignement supérieur et de l'aide aux étudiants. Les étudiants ayant débuté leur cursus à partir de l'année académique 1998-1999 ont à payer une contribution au coût de leurs études.

Son montant dépend de leur revenu, de celui de leur famille ou de leur conjoint. Pour l'année 2001-2002, le droit maximum est de 1.100 £, soit environ 1.700 euros (à partir d'un revenu supérieur à 30.502 £, soit environ 47.000 euros). Un revenu inférieur à 20.480 £ (31 500 euros) exempte de droits. Environ 50 % des étudiants sont dispensés du paiement des droits.

[Par ailleurs], l'Angleterre a décidé en 1990 le gel des bourses et a mis en place progressivement un système de prêts qui est aujourd'hui le principal moyen de financement des étudiants : depuis l'année académique 1999-2000, les bourses sous conditions de ressources ont quasiment disparu en Angleterre, elles sont partiellement maintenues en Irlande du nord et au Pays de Galles.

Depuis septembre 1998, le montant maximum du prêt qui peut être consenti à un étudiant est déterminé par la « local education authority » dont il dépend, l'étudiant choisissant le montant qu'il désire sous ce plafond. Le montant maximal pour l'année 2002/2003 est de 3.905 £ (4.815 £ à Londres). Un quart des montants du prêt est soumis à conditions de ressources. Enfin, ces prêts sont à taux zéro et leur remboursement est modulé en fonction des revenus. Le remboursement annuel est de 9 % des revenus excédant 10.000 £ (16.000 euros) et plafonné à 833 £ par mois. Pour un revenu inférieur à 10.000 £, le remboursement est suspendu.

Le système anglais s'est [ainsi] très directement inspiré de l'expérience engagée en Australie depuis plus de dix ans ».

Après avoir précisé que les droits d'inscription à l'université en Angleterre se traduisent, pour les diplômés du second cycle, par un endettement moyen estimé à 16.000 £, le recours aux prêts bancaires pour étudiants s'étant en effet progressivement généralisé depuis cinq ans, le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche a apporté deux compléments sur la situation du Royaume-Uni en réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial :

En premier lieu, le ministère de l'éducation a présenté au printemps 2003 devant le Parlement un nouveau projet de réforme des droits d'inscription à l'université, dans la perspective de la rentrée universitaire 2006. Ce projet comporter comporte trois volets :

« - l'augmentation des droits d'inscription, fixés librement par les universités à concurrence de 3.000 £ par an et par étudiant (4.500 € environ). Diverses études indiquent que l'endettement bancaire des étudiants anglais pourrait augmenter jusqu'à un niveau supérieur à 22.000 £ (33.500 €), soit une hausse évaluée à 30 % environ ;

- la proposition d'un impôt spécifique pour les diplômés de l'enseignement supérieur, accolé à l'impôt sur le revenu, et applicable sur la tranche du revenu supérieure à 15.000 £ à un taux d'imposition de 9 % sur une période de 10 à 15 ans suivant l'entrée des diplômés dans la vie active ;

- en compensation, la mise en place entre 2004 et 2006 d'un système de bourses unifié pour l'Angleterre avec l'octroi d'une bourse annuelle d'un montant de 1.000 £ (1.500 € environ) aux étudiants dont la famille disposerait de revenus annuels inférieurs à 10.000 £. Selon une logique de redistribution, 30 % environ des étudiants anglais pourraient bénéficier d'une bourse à taux plein ».

En second lieu, « la sélectivité reste un trait marquant du système en vigueur ; elle alimente des critiques récurrentes concernant le faible taux d'accès à l'enseignement supérieur des étudiants issus des couches les plus modestes de la population. Le gouvernement anglais est favorable, sur ce point, à un système de quotas d'inscriptions établis sur la base des revenus parentaux pour encourager la mixité sociale dans l'enseignement supérieur.

La réticence croissante des étudiants anglais à s'endetter pour de nombreuses années semble expliquer l'essor des inscriptions dans les nouvelles formations universitaires professionnalisées en deux ans, les « Foundation degrees », moins onéreuses, au détriment des formations longues sur modèle du Bachelor, obtenu en trois ans, et du Master, obtenu en cinq ans.

La législation actuelle semble ne semble guère viable à terme : la situation financière dégradée de nombre d'universités (difficulté des établissements à financer des programmes de recherche, endettement croissant) rend inévitable une réforme du financement de l'enseignement supérieur anglais, et donc un réajustement du niveau de la contribution des étudiants et des familles.

En l'état actuel de la procédure législative, la réforme proposée pour 2006  a fait l'objet d'un avis défavorable de la commission en charge, à Westminster, du rapport sur le projet de loi (avis appuyé à la fois par des membres de la majorité et de l'opposition). Le projet semble susciter également de très vives réserves de la part de l'ensemble des acteurs de l'enseignement supérieur ».

4. La situation des Pays-Bas

Selon le CERC : « Aux Pays-Bas , le niveau des dépenses d'éducation par étudiant est comparable à celui de la France (hors dépenses de recherche). Les droits d'inscription sont uniformes pour les étudiants à temps plein suivant un cursus normal, quel que soit l'Université ou l'établissement d'enseignement professionnel et s'élèvent à 1.304 euros pour l'année 2000-2001. Ces droits représentent environ 20 % du coût direct de l'enseignement.

Le système d'aide aux étudiants repose, aux Pays-Bas, sur trois principaux programmes : un programme de bourses, un programme de prêts et un programme de prêts pouvant se transformer en bourses si les résultats de l'étudiant remplissent certaines conditions.

Tous les étudiants inscrits à plein temps reçoivent une aide de base pour la durée de leurs études supérieures (quatre ou cinq ans). Les étudiants la reçoivent sous la forme d'un prêt, ce prêt se transformant entièrement en bourse si les étudiants remplissent certaines conditions de progression dans leurs études. Ils devaient pour cela réussir 50 % des examens la première année et pour les autres années, ne pas prendre en tout plus de deux ans de retard. En 2001, le montant mensuel maximal de cette aide était de 67 euros par mois pour les étudiants habitant chez leurs parents et de 206 euros pour les étudiants ayant décohabité.

Les étudiants peuvent ne demander qu'une fraction de cette aide, de manière à réduire leur dette dans le cas où ils ne rempliraient pas les critères de performance. En raison de l'importance croissante du nombre d'étudiants combinant la poursuite d'études (parfois à temps partiel) et l'occupation d'un emploi (à temps partiel également), il a été décidé, à partir de l'année 2000-2001, de porter à dix ans (et non plus six) la période permettant à un étudiant d'achever son cursus en transformant le prêt en bourse.

Les étudiants peuvent bénéficier de bourses supplémentaires dont le niveau dépend des ressources parentales. Cette bourse est attribuée sous les mêmes conditions de performance que la précédente. Le montant maximal (attribué pour les étudiants dont les revenus parentaux sont inférieurs à 23.600 euros) est de 196 euros par mois pour les étudiants habitant chez leurs parents et de 212 euros pour les étudiants ayant dé-cohabité. Elle n'est attribuable que pour la durée normale des études.

Les étudiants peuvent, enfin, bénéficier d'un programme de prêt à intérêts pour un montant maximal de 229 euros par mois. Ce programme n'est pas sous conditions de ressources ; il existe, de plus, un programme de prêt particulier si les parents ne veulent pas contribuer au coût des études.

Les étudiants peuvent disposer d'un revenu personnel net de 8.850 euros ; au delà, le niveau des aides est réduit.

Le remboursement des prêts débute deux ans après la fin des études ; les intérêts courent à partir de l'ouverture des prêts et doivent être remboursés en quinze ans au maximum. Les personnes ne disposant que de bas revenus peuvent bénéficier d'arrangements calculés en fonction de leurs capacités financières.

5. La situation de l'Allemagne

Selon le CERC : « En Allemagne , la dépense d'éducation dans le supérieur est relativement peu élevée (de l'ordre de la moyenne française si l'on défalque la partie recherche). Elle est presque intégralement prise en charge par les pouvoirs publics : les droits d'inscription aux études sont nuls (sauf dans deux Länder) mais les étudiants ont à cotiser pour divers services d'aide, pour la couverture maladie et pour l'adhésion à un syndicat.

Le système allemand d'aide aux étudiants repose principalement sur le Bafög, qui comporte pour moitié une bourse et pour moitié un prêt. Le montant maximum varie de 342 euros par mois pour les étudiants vivant chez leurs parents à 462 euros pour ceux qui ont dé-cohabité. Les montants sont plus élevés dans les Länder de l'Ouest. Le Bäfog était jusqu'en 1974 uniquement constitué de bourses, il est devenu mixte à l'époque, puis constitué de prêts uniquement entre 1983 et 1989. L'attribution du Bäfog se fait sur critères universitaires (résultats de l'année précédente) et sous conditions de ressources des parents. Au cours des trente dernières années, le nombre d'étudiants a triplé et celui des bénéficiaires du Bäfog est resté sensiblement constant : moins de 20 % des étudiants en bénéficient actuellement.

Les prêts sont sans intérêts, le remboursement débute la cinquième année après la fin des études et peut s'étendre sur 15 ans ; un versement mensuel minimum est de 102 euros.

Les parents des étudiants peuvent également bénéficier d'allocations d'éducation (102 euros par mois pour les étudiants vivant chez leurs parents à 179 euros pour ceux qui ont dé-cohabité) ou d'aides fiscales ».

6. La situation de l'Italie

Le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche précise en réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial :

« Depuis l'entrée en vigueur de la loi sur l'autonomie universitaire en 1994, entraînant les premières expérimentations de privatisation de l'université et des oeuvres universitaires au service des étudiants, les droits d'inscription ont augmenté de manière importante en Italie . Cette augmentation est aussi la conséquence des réductions du budget de l'Etat consacrées à l'éducation en général.

Les frais de scolarité pour une année universitaire vont [ainsi] dans l'enseignement supérieur public, d'un minimum de 1.000 € à un maximum de 2.500 €, et de 4.500 à 8.000 € dans l'enseignement privé, frais à décomposer en trois parties : frais d'inscription, frais de matériel et taxe régionale (pour les oeuvres universitaires), payables en plusieurs fois (3-4 versements échelonnées au cours de l'année).

Ces frais élevés sont en partie compensés :

- d'une part, par un système de calcul du montant des droits extrêmement complexe et personnalisé, prenant en compte et les revenus de l'étudiant ou de la famille de l'étudiant, calculés sur la base de 5 tranches de revenus selon deux indicateurs : ICE (Indicateur Situation Economique) et ICP (Indicateur Situation Patrimoniale), et l'origine du domicile de l'étudiant (aide différenciée, moins importante si la famille est résidente dans la ville universitaire, plus conséquente si la famille réside en province) ;

- d'autre part, par l'octroi d'aides pour les transports, le logement, les restaurants universitaires ; par l'existence de nombreux emplois à temps partiel (150 heures au maximum) offerts aux étudiants (sur concours) au sein de l'université (aide aux étudiants handicapés, bibliothèque, oeuvres universitaires, relations internationales, tutorat...) ; par la délivrance de prêts d'honneur par les banques ; enfin par l'attribution de bourses proposées par les Régions (qui gèrent les oeuvres universitaires) et par les universités elles-mêmes : soit sur critères sociaux, soit au mérite (par exemple, exemption des droits d'inscription en 1 ère année pour les élèves ayant obtenu d'excellentes notes au baccalauréat, et ensuite pour les meilleurs étudiants) soit, également, pour relancer les inscriptions dans certaines universités peu fréquentées, parce que géographiquement excentrées ou de création récente, et donc peu connues.

7. Les conclusions et préconisations du CERC pour la France

Au terme de son panorama des situations étrangères, le CERC concluait :

« L'analyse des expériences étrangères en matière de partage du financement des dépenses d'éducation entre les fonds publics et les droits de scolarité montre, ainsi, une grande diversité de situations. Il en est de même de l'aide apportée aux étudiants pour faire face à ces droits de scolarité, comme aux dépenses de vie courante .

Sans qu'il y ait de relation mécanique, il apparaît que dans les éléments pouvant jouer dans cet arbitrage figure l'espérance de gain supplémentaire apporté par la poursuite des études. Cette espérance de gain est d'autant plus grande que les inégalités de salaires sont fortes et liées au niveau de diplôme (ou de qualification) et que le risque de chômage est également très différent selon les même paramètres. Dans de telles configurations que l'on trouve par exemple aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou en Australie, l'existence ou la mise en place de droits de scolarité élevés est moins un frein à la poursuite d'études supérieures : en effet, le taux de rendement privé y reste élevé malgré ces droits importants. Pour des pays où les inégalités de revenu sont plus faibles, il pourrait ne pas en être de même et ceci peut contribuer à expliquer l'absence de droits de scolarité dans beaucoup de pays du nord de l'Europe.

La situation française apparaît quelque peu singulière : l'espérance de gains liés aux études supérieures y est assez forte, mais les droits de scolarité sont faibles ... Ceci résulte à la fois des différences fortes de salaires comme de risques de chômage selon le niveau d'étude et de la faible contribution des étudiants ou de leur famille au financement des dépenses directes d'éducation. Le rendement social est également élevé, ce qui souligne que permettre une ouverture plus grande de l'enseignement supérieur serait bénéfique à la société dans son ensemble.

Cela pourrait passer par une aide aux revenus des étudiants s'appuyant davantage sur un système de prêt aux étudiants remboursable en fonction des revenus futurs . Les expériences étrangères sont, à cet égard, instructives : ce type de politique existe ou se développe assez fréquemment à l'étranger, alors que la France ne la mobilise pratiquement pas, [cependant que] le niveau des aides aux étudiants est relativement modeste : absences quasi générale de prêts aux étudiants, bourses sous conditions de ressources, cotisations de sécurité sociale modérées, allocation logement si l'étudiant ne vit pas chez ses parents. Au moins pendant les premiers cycles du supérieur, l'étudiant est moins considéré comme un adulte indépendant investissant dans ses études que comme un jeune dépendant de sa famille : la conditionnalité des bourses au revenu parental, l'usage de l'instrument des réductions fiscales pour les familles traduisent cette orientation, commune à nombre de pays de l'Europe du Sud...

[Concrètement], un système de prêts publics, à taux d'intérêt faible ou nul, est plus adapté à la nature de l'investissement éducatif qu'un système de prêts bancaires ordinaires pour deux raisons. En premier lieu, le résultat des études est incertain. Ceci conduit à limiter l'offre de prêts bancaires et majore à l'excès les taux d'intérêts du fait de l'absence de garanties par des collatéraux. Ceci conduit aussi à faire hésiter nombre d'étudiants à y recourir dans la mesure où la charge de remboursement peut être excessive en cas d'insuccès scolaire et professionnel. En second lieu, l'intérêt pour la collectivité du développement de l'enseignement supérieur peut justifier que les taux d'intérêts soient inférieurs aux taux du marché.

Une formule intéressante se développant dans de nombreux pays (que ce soit pour financer les droits de scolarité ou les dépenses de vie courante) est de moduler les remboursements en fonction du niveau de revenu des étudiants une fois ceux-ci entrés dans la vie active avec un seuil de celui-ci en dessous duquel les remboursements sont suspendus. Ceci permet de fournir à l'étudiant une assurance en cas d'échec ».

* 104 Les modalités différent entre l'Angleterre, l'Ecosse, le Pays de Galles et l'Irlande du Nord.

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