V. LA MISE EN oeUVRE DE LA LOI ORGANIQUE DU 1ER AOÛT 2001 RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES
Transversal à l'ensemble du ministère de la
jeunesse,
de l'éducation nationale et de la recherche, le dispositif de conduite
de projet destiné à préparer la mise en oeuvre de la loi
organique du 1
er
août 2001 relative aux lois de finances
(LOLF) est décrit par notre collègue Roger Karoutchi dans le
cadre de son rapport sur le projet de budget pour la jeunesse et
l'enseignement scolaire.
S'agissant plus particulièrement de l'enseignement supérieur,
le ministère envisage de créer une mission
interministérielle «
Enseignement supérieur et recherche
» dont le périmètre correspondrait à l'union des
deux ensembles que constituent aujourd'hui le budget coordonné de
l'enseignement supérieur (BCES) et le budget civil de recherche et de
développement technologique (BCRD), tout en s'ouvrant, plus largement
que le BCRD, à la recherche duale, civile et militaire, soutenue par le
ministère de la défense
.
Cette mission rassemblerait, en dépenses ordinaires et crédits
de paiement de la loi de finances pour 2003, 18,5 milliards d'euros de
crédits distribués sur 15 sections budgétaires, dont 9,2
milliards d'euros de crédits d'enseignement supérieur et 9,3
milliards d'euros de crédits de recherche
.
Votre rapporteur spécial approuve la création de cette mission
interministérielle,
qui correspond d'ailleurs à l'ambition
poursuivie cinq ans plus tôt par M. Claude Allègre, et dont ne
subsistaient à ce jour que les « jaunes
budgétaires » du BCES et du BCRD.
On peut d'ailleurs
également
souscrire au diagnostic du ministère selon
lequel :
«
La cohérence de la mission repose sur le constat que la
séparation de l'enseignement supérieur et de la recherche dans
deux missions distinctes méconnaîtrait la très forte
imbrication des politiques, des structures et des personnels des deux domaines.
La recherche universitaire est produite au sein d'équipes unissant
très fréquemment des enseignants-chercheurs et des chercheurs
d'organismes de recherche. Cette situation résulte d'une action
volontariste de l'Etat, menée au moyen de la politique contractuelle
proposée aux universités, en association avec le CNRS et, depuis
1997, avec d'autres établissements. Aujourd'hui, sur 3 300
équipes de recherche universitaires rassemblant 42 000
enseignants-chercheurs et 14 000 chercheurs, on compte 1 000
unités mixtes avec le CNRS (sur les 1 250 unités de
l'établissement, soit 80 % de celles-ci), 100 unités
mixtes avec l'INSERM, 50 unités mixtes avec l'INRA, une quinzaine avec
d'autres organismes (le CEA, l'IFREMER...) ou des établissements
dépendant de ministères tels que le ministère
chargé de l'agriculture.
Dans ce contexte, de nombreuses formules de coopération, comme les
instituts fédératifs de recherche (IFR) développées
par l'INSERM, ou encore les appels d'offres lancés par plusieurs
ministères du BCRD pour l'exécution de programmes financés
par des fonds incitatifs tels que le fonds national de la science (FNS),
permettent le rapprochement des équipes de recherche. Enfin, le
dispositif de formation à la recherche et par la recherche, qui conduit
à la délivrance du doctorat, atteste aussi de la
continuité qui existe entre les formations supérieures et la
recherche au travers des 300 écoles doctorales chargées
d'organiser la soutenance des thèses de 3ème cycle
préparées et encadrées dans les laboratoires de 160
établissements d'enseignement supérieur et 40
établissements de recherche. Au fond, dans un paysage dominé par
la diversité des acteurs, des structures et des procédures,
l'unité déjà accomplie doit être poursuivie et
approfondie. Une mission interministérielle «enseignement
supérieur et recherche» peut être à la fois le miroir
et le vecteur de cette unité
».
Quoi qu'il en soit, le ministère de la jeunesse, de
l'éducation nationale et de la recherche prévoit de structurer
cette mission interministérielle en 14 programmes, tous
ministériels, conformément au texte de la loi organique
:
Architecture envisagée pour la mission interministérielle « Enseignement supérieur et recherche »
Ministères |
Programmes de la mission |
Montant des crédits correspondant en LFI 2003 (en DO+CP) |
|
Jeunesse,
|
1 |
Formations supérieures |
5 240 M€ |
2 |
Recherche universitaire |
1 930 M€ |
|
3 |
Aide aux étudiants et aux jeunes chercheurs |
1 960 M€ |
|
4 |
Recherche spatiale |
1 310 M€ |
|
5 |
Recherche et développement technologique |
5 170 M€ |
|
Culture |
6 |
Recherche et formations supérieures culturelles |
370 M€ |
Agriculture |
7 |
Recherche et formations supérieures en agriculture |
195 M€ |
Ecologie |
8 |
Recherche environnementale |
250 M€ |
Travail, santé |
9 |
Recherche et formations supérieures sanitaires et sociales |
30 M€ |
Justice |
10 |
Recherche et formations supérieures juridiques |
70 M€ |
Economie |
11 |
Recherche et formations supérieures industrielles |
870 M€ |
Equipement |
12 |
Recherche et formations supérieures en équipement et transports |
470 M€ |
Défense |
13 |
Recherche et formations supérieures duales |
450 M€ |
Affaires étrangères |
14 |
Coopération scientifique |
150 M€ |
|
|
TOTAL |
18 465 M€ |
Cette
architecture ne semble toutefois pas stabilisée
. Ainsi,
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation
nationale et de la recherche, s'est-il déclaré lors de son
audition par votre commission des finances en date du 29 octobre 2003,
favorable au regroupement de la recherche universitaire et des formations
universitaires au sein d'un même programme, ce qui correspond d'ailleurs
au souhait exprimé par les présidents d'université d'une
plus grande fongibilité de leurs moyens.
Sous ces réserves, le projet d'architecture ci-dessus appelle, en
matière d'enseignement supérieur, les remarques
suivantes :
- en premier lieu, ces programmes
ne donneraient qu'un reflet imparfait des
dépenses de l'Etat en faveur des formations de l'enseignement
supérieur, car demeurerait inscrits dans les crédits de la
mission «
Jeunesse et enseignement scolaire
»
la
charge des élèves des classes préparatoires aux grandes
écoles, ainsi que ceux des sections de techniciens supérieurs
situés dans les lycées. Le
ministère justifie ce
choix de la manière suivante : «
le post bac est ainsi
maintenu dans un programme scolaire dans la mesure où l'ensemble des
moyens qui y concourent ressortissent au budget actuel de l'enseignement
scolaire. Il eût été, en effet, particulièrement
malaisé d'identifier les moyens d'enseignement dédiés au
classes préparatoires aux grandes écoles et aux sections de
techniciens supérieurs dans la mesure où les enseignants
effectuent souvent un service partagé entre ces classes et sections et
celles des lycées. Difficile pour les enseignants, cette identification
s'avère, de plus, quasi impossible pour les personnels non enseignants
». Comme le relève notre collègue Roger Karoutchi
dans son rapport sur le budget de la jeunesse et de l'enseignement scolaire
pour 2004, «
Cette option se justifie sans doute à court
terme au nom du principe de réalité, mais elle ne doit pas
conduire à éluder la réflexion sur le positionnement et
l'articulation des premiers cycles de l'enseignement
supérieur
». Inversement, on peut d'ailleurs se demander
s'il ne serait pas plus logique de
rattacher la jeunesse à
l'enseignement supérieur
plutôt qu'à l'enseignement
scolaire ;
- en second lieu, il serait opportun que la mise en oeuvre de la loi organique
du 1
er
août 2001 relative aux lois de finances s'accompagne
d'une réflexion sur l'organisation et sur les finalités des
différentes aides aux étudiants
. La Cour des Comptes
observait ainsi dans son rapport particulier sur la gestion du système
éducatif d'avril 2003 que «
les aides versées sous
conditions de ressources sont toutefois minoritaires au sein du dispositif
d'aide sociale, même si les mesures du nouveau plan social
étudiant vont dans le sens d'un accroissement sensible du volume des
bourses. En effet, il n'existe pas un mais des dispositifs d'aide sociale aux
étudiants, gérés par des acteurs divers, dont les
préoccupations ne sont pas toujours convergentes. Seules les bourses et
les oeuvres universitaires sont en effet exclusivement dédiées au
public étudiant
,
les autres prestations relevant de la politique
familiale, fiscale,
ou sociale
au
sens large. Il en
résulte une absence de connaissance précise et synthétique
des masses financières consacrées au financement de ces
dispositifs, des incohérences dans la réglementation des
aides et une absence de coordination institutionnelle qui doivent
d'autant plus être soulignées que l'enjeu financier global - de
l'ordre de 6,4 milliards d'euros- est loin d'être négligeable.
La principale difficulté à laquelle se heurte aujourd'hui tout
projet de réforme est l'absence d'option claire en matière de
finalités du système :
s'agit-il d'assurer un
rééquilibrage des situations au profit des familles
défavorisées qui ont un potentiel d'investissement limité
dans les études de leurs enfants ou de lier à la qualité
d'étudiant le bénéfice d'une allocation égalitaire
supposée garantir une autonomie suffisante ?
» ;
Les aides aux étudiants
Les
aides sociales dont bénéficient les étudiants, soit au
titre de politiques spécifiques, soit au titre de la protection sociale,
forment un ensemble très composite de prestations dont le financement
public constitue le seul dénominateur commun. Les chiffres
présentés ci-après sont ceux de l'année 2000, afin
d'en permettre l'agrégation.
«
Les crédits de bourses inscrits au budget du
ministère de l'éducation nationale ont été
multipliés par 2,5 durant la dernière décennie. Ils
atteignent 1,20 Md€ en 2000. Le système des bourses a
été diversifié : aux bourses sur critères
sociaux traditionnelles ont été ajoutées les allocations
d'études, destinées aux étudiants non boursiers en
situation de précarité ; des bourses sont en outre
octroyées sur critères universitaires : bourses de
troisième cycle, bourses d'agrégation, bourses de service public,
bourses de mérite. D'autres ministères participent à
l'aide sociale aux étudiants, notamment par l'allocation de bourses,
pour un montant de 152,85 M€ en 2000.
Le ministère de l'éducation nationale finance en outre les
interventions des centres régionaux des oeuvres universitaires et
scolaire (CROUS), principalement en matière d'hébergement et de
restauration, à hauteur de 275 M€.
Les aides au logement correspondent à deux prestations légales
bénéficiant notamment aux étudiants à hauteur de
780 M€ pour l'allocation de logement social (ALS) et de 780 M€
pour l'allocation personnalisée de logement (APL), cette dernière
étant financée à parts égales par l'Etat et par le
fonds national des prestations familiales.
Plusieurs aides fiscales concernent les étudiants. La poursuite
d'études ouvre droit à une réduction d'impôt pour
frais de scolarité dont le coût s'établit à 162,97
M€. La majoration du quotient familial jusqu'à 25 ans est
également liée à la poursuite d'études (sinon
l'âge limite du rattachement au foyer fiscal est 21 ans). Il existe
également une majoration du quotient familial pour enfant majeur et des
déductions pour pensions alimentaires qui peuvent concerner des
étudiants. Le coût de la majoration de quotient familial
concernant les étudiants est estimée à 1 Md€.
En matière de protection sociale, le déficit du régime de
sécurité sociale étudiant est pris en charge par le
régime général qui finance ainsi le solde constaté
entre les cotisations versées par les étudiants et les
prestations qui leur sont versées, soit 370 M€ en 2000. Enfin, les
prestations familiales peuvent concerner des enfants étudiants
dès lors qu'ils ont moins de 21 ans. Elles peuvent être
estimées à 1,83 Md€.
Les collectivités locales contribuent au financement de certaines
mesures, mais leur volume n'est pas connu. Les fonds d'aide à la vie
étudiante (FAVE) dans les universités contribuent à des
actions collectives, mais aussi à des aides individuelles d'urgence.
Le volume total des aides versées aux étudiants est donc
difficile à déterminer avec précision, faute
d'individualisation de cette catégorie de population dans certains
dispositifs, notamment d'aides à la famille. Il peut, sous ces
réserves, être estimé à 6,4 Md€ pour
l'année 2000
».
Source : Cour des Comptes, rapport particulier d'avril 2003 sur la
gestion du système éducatif
-
quoi qu'il en soit, votre rapporteur spécial s'inquiète de
ce qu'aucune expérimentation de mise en oeuvre de la loi organique ne
soit prévue à ce stade en matière d'enseignement
supérieur et rappelle la nécessité que les programmes
soient eux-mêmes découpés en actions et en sous-actions
suffisamment précises pour que le Parlement puisse identifier le
coût des différentes filières et des différents
niveaux d'enseignement.