III. L'ORGANISATION ET LA GESTION DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

A. LA GESTION BUDGÉTAIRE DES UNIVERSITÉS

1. Les observations de la Cour des Comptes

Dans le cadre de son rapport public particulier d'avril 2003 relatif à la gestion du système éducatif, la Cour des Comptes a formulé les observations suivantes relatives « aux carences de la politique budgétaire et de la tenue des comptes » des établissements :

« La gestion financière constitue l'exemple le plus éclairant de la difficulté des universités à élaborer et à maîtriser les instruments de leur autonomie. L'insertion consacrée dans le rapport public de 1999 à l'autonomie des universités dans leur gestion budgétaire, financière et comptable avait relevé de nombreuses carences, souvent constitutives d'irrégularités : retards dans le vote du budget, absence de fiabilité des prévisions budgétaires, reports massifs de crédits, manquements fréquents au code des marchés publics, absence de signification du résultat, défaillance de la comptabilité patrimoniale, etc. Bien que les récents contrôles des juridictions financières aient permis de constater une amélioration générale, en partie consécutive aux observations formulées par la Cour en janvier 2000, d'importants progrès restent encore à accomplir.

a) « La politique budgétaire des universités »

Alors que le budget d'une université devrait traduire ses choix et fédérer ses projets, il ne constitue pas encore un instrument opérant. Il n'est que rarement ce qu'il devrait être : le document retraçant l'ensemble des recettes et des dépenses de l'année à venir, qui permet de définir des objectifs, de hiérarchiser les priorités et de suivre en exécution l'utilisation des crédits.

Dans certains cas extrêmes, le budget demeure un document formel sans influence aucune sur la gestion financière. A la suite du contrôle par la Cour d'une grande université du nord où des dépassements de crédits d'un montant de 31 M€ (soit les deux tiers du budget de l'établissement) avaient été constatés, le ministère de l'éducation nationale a encore été conduit en 2001 à rappeler aux universités que l'ordonnateur et le comptable ne pouvaient engager des dépenses sans que les crédits aient été préalablement ouverts selon les procédures prévues par la réglementation.

A l'inverse, dans de nombreuses universités, des crédits sont ouverts en cours d'exécution sous la forme de décisions budgétaires modificatives qui conduisent à doubler, voire à tripler le montant du budget initialement voté. La multiplication en cours d'année de telles décisions ne garantit pas pour autant une meilleure adéquation entre la prévision et l'exécution budgétaire. Trop souvent, les crédits ouverts demeurent en effet inutilisés, ce qui démontre l'absence de fiabilité, voire même de signification, des prévisions budgétaires...

Toutes ces carences contribuent à expliquer l'incapacité de la plupart des universités à utiliser leur budget comme un instrument stratégique au service de leur politique d'établissement. Ainsi, dans de trop nombreux cas, les modalités de répartition des moyens budgétaires entre composantes s'opèrent sans objectif spécifique. Faute de consensus autour d'un projet commun qui fonderait l'allocation interne des moyens, la plupart des universités se bornent à ventiler les crédits entre les UFR sur la base des critères nationaux que le ministère utilise pour répartir les dotations entre universités. Si une telle méthode permet, il est vrai, d'éviter les contestations internes ou d'apaiser d'éventuelles rivalités entre composantes, elle ne constitue qu'un mode mécanique et sommaire de calcul des dotations. Elle n'est en rien la traduction d'une analyse des besoins et d'une réflexion sur les priorités à financer.

Enfin, le plus souvent, les UFR refusent de mutualiser les réserves financières qu'elles accumulent au fil des ans, en proportion des crédits non utilisés qui sont reportés d'un exercice sur l'autre, le cas échéant en faisant fi de la réglementation qui régit une telle procédure. De ce fait, trop rares sont les universités qui ont réussi à mettre en oeuvre une politique d'utilisation de ces réserves, souvent massives, pour financer des projets communs et classés selon un ordre de priorité décidé par les instances centrales. Quelques initiatives peuvent toutefois être citées, même si elles concernent des montants somme toute limités : en mutualisant les réserves, une université du Nord-ouest a pu engager un programme de réhabilitation immobilière, une autre du Sud-Ouest financer du matériel scientifique mis à la disposition des composantes.

b) « Des comptes sans signification »

Les lacunes dans le respect de la réglementation comptable sont encore fréquentes : absence d'inventaire des biens mobiliers et immobiliers distinguant les biens propres de l'établissement et ceux qui lui sont affectés ou mis à disposition, absence générale, au moins jusqu'à une date récente, de tout amortissement de leurs immobilisations. Ces lacunes retirent toute signification aux bilans des universités en les privant notamment des informations indispensables à la conception et à la mise en oeuvre d'une politique patrimoniale.

Autre exemple d'errements comptables, la diversité, la confusion et les nombreuses irrégularités qui caractérisent la mise en réserve des crédits inutilisés en fin d'exercice, conduisent à brouiller la connaissance de la situation financière des universités. Cas extrême, certaines d'entre elles ne connaissent même pas le montant des crédits dont elles ont réellement la disponibilité. En outre, la fiabilité de la comptabilité d'engagement n'est pas toujours assurée. Dans certains cas, un déplacement dans le temps des procédures de clôture de l'exercice a compromis la sincérité même des comptes financiers...
».

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