Rapport n° 131 (2003-2004) de M. Jean-Guy BRANGER , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 7 janvier 2004

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N° 131

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 7 janvier 2004

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l' Ukraine relatif à la coopération policière (ensemble un échange de lettres),

Par M. Jean-Guy BRANGER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. André Dulait, président ; MM. Robert Del Picchia, Jean-Marie Poirier, Guy Penne, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Ernest Cartigny, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Paul Dubrule, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Jean Faure, Philippe François, Jean François-Poncet, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean Puech, Yves Rispat, Roger Romani, Henri Torre, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.

Voir le numéro :

Sénat : 424 (2002-2003)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Notre Haute assemblée est saisie d'un projet de loi portant autorisation de ratification d'un accord franco-ukrainien relatif à la coopération policière, et d'un échange de lettres des 7 mars et 2 août 2002 entre les ministres des affaires étrangères des deux pays. Cet accord a été signé à Kiev (Ukraine), lors de la visite d'État du Président de la République, M. Jacques Chirac. Il met ainsi en application l'une des dispositions du traité d'amitié franco-ukrainien du 16 juin 1992.

Cet accord a aussi pour objectif de coopérer plus étroitement avec un pays touché par une hausse très forte de la criminalité du fait des bouleversements provoqués par la dislocation de l'Union soviétique, et qui partagera dans les tous prochains mois une frontière commune avec l'Union européenne en raison de son élargissement à la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie. De tels accords de coopération policière ont d'ailleurs déjà été conclus avec d'autres États d'Europe centrale et orientale, tels que la Pologne en 1996, la Hongrie et la Roumanie en 1997, et la Slovaquie en 1998.

Votre rapporteur dressera un bref panorama de la situation intérieure de l'Ukraine, de ses forces de sécurité intérieure et de nos relations bilatérales avant de présenter les principales dispositions du présent accord.

I. LA SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE L'UKRAINE ET LES RELATIONS FRANCO-UKRAINIENNES

A. LA SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE L'UKRAINE

• La situation politique

Le régime politique ukrainien est marqué par la forte prépondérance de l'administration présidentielle. Le Président Koutchma exerce un pouvoir autoritaire, qui n'empêche pas une vie parlementaire dynamique même si le Parlement ne constitue pas un véritable contrepoids. Par ailleurs, il apparaît que la vie politique reste dominée par des groupes politico-financiers soutenant directement des partis politiques. Cette collusion s'est développée dans le cadre des privatisations du début des années 1990 où les actifs publics ont été cédés à bas prix à des intérêts économiques proches du pouvoir.

L'élection présidentielle d'octobre 2004 est aujourd'hui la principale échéance politique. Il n'est pas exclu qu'elle conduise à une alternance, l'exemple de la Géorgie étant présent dans les esprits. Le Président Koutchma, élu en 1994 et réélu en 1999, ne devrait pas se représenter en raison de la limitation à deux du nombre de mandats par la Constitution. La candidature du Premier ministre Yanoukovytch apparaît comme probable, mais une modification de la Constitution n'est pas non plus à exclure.

L'opposition continue d'être divisée, les communistes ne se ralliant pas aux forces « nationales-démocrates ». Celles-ci pourraient être rassemblées par l'ancien Premier ministre, M. Iouchtchenko, qui jouit d'une certaine popularité.

Cependant, les pressions exercées sur l'opposition et les conditions dans lesquelles se sont déroulées les élections législatives de mars 2002, font craindre que l'administration présidentielle ne respecte pas pleinement le jeu démocratique.

• La situation économique et sociale

L'Ukraine a été l'un des pays de l'ex-URSS qui a été le plus frappé par la désorganisation de l'économie communiste. Son PIB a chuté de 65 % entre 1990 et 1999. Depuis cette date toutefois, le pays a renoué avec la croissance économique, sans permettre de retrouver les niveaux antérieurs. En 2003, le PIB a progressé de 7 %. Les secteurs les plus dynamiques sont les industries manufacturières et l'agriculture, base de l'économie ukrainienne. La demande intérieure joue également un rôle important.

En outre, grâce à la dévaluation de la monnaie en 1998, le solde extérieur est devenu positif. En 2002, l'excédent s'élevait à 980 millions de dollars. Les grands équilibres économiques sont également assurés par une politique monétaire et budgétaire prudente. L'inflation est maîtrisée, alors qu'elle s'élevait encore à plus de 25 % en 2000. L'économie est remonétisée après une période de prédominance du troc dans le courant des années 1990. Enfin, l'État a la capacité de faire face à sa dette extérieure, en raison notamment du rééchelonnement décidé par le Club de Paris le 13 juin 2001.

Ces résultats économiques encourageants ne permettent cependant pas de combler l'immense besoin de rattrapage de la population. Selon les estimations officielles, plus du quart de la population vivrait en dessous du seuil de pauvreté. Le revenu par habitant est évalué à 935 $ et la répartition des richesses est très inégale. L'Ukraine souffre également de perspectives démographiques peu favorables, le déficit des naissances se conjuguant à l'émigration et à la surmortalité masculine.

• Les relations extérieures de l'Ukraine

L'Ukraine est un pays charnière entre la Russie et l'Occident. Depuis l'indépendance ses dirigeants ont fait de l'intégration à l'Union européenne et à l'OTAN, ainsi que de leurs relations avec les Etats-Unis, leurs priorités, tout en préservant des liens nécessairement étroits avec leur partenaire principal, la Russie.

Vis-à-vis de la Russie, l'Ukraine est parvenue au cours des années 1990 à conforter son indépendance et à régler pacifiquement plusieurs contentieux. On peut citer la signature d'un traité d'amitié et de coopération et la conclusion d'un accord sur le partage de la flotte de la mer Noire et sur le statut de la ville de Sébastopol. L'Ukraine a également renoncé, peu après son indépendance, à son armement nucléaire. Elle reste cependant fortement dépendante de Moscou pour son approvisionnement énergétique et son commerce extérieur (28 %), même si progressivement celui-ci se développe avec l'Union européenne (33 %). Par ailleurs, le Président Poutine cherche à renforcer l'influence russe en Ukraine par des prises de participations dans les grandes entreprises, à préserver son contrôle sur les voies d'évacuation des hydrocarbures à travers l'Ukraine. Enfin, récemment la Russie a relancé le contentieux sur la mer Noire par ses prétentions sur le détroit de Kertch.

L'Ukraine reste une priorité américaine, même si les Etats-Unis se sont montrés plus attentifs au respect des normes démocratiques. Ils disposent d'un budget annuel de coopération de 135 millions de dollars. L'Ukraine a de ce fait décidé d'envoyer un contingent de 1 600 hommes en Irak.

Avec l'Union européenne, les relations sont régies par l'accord de partenariat et de coopération, entré en vigueur le 1er mars 1998. Cet accord a instauré un dialogue politique régulier, a permis l'octroi de la clause de la nation la plus favorisée, a prévu une clause de rendez-vous pour la création d'une zone de libre-échange et organise la coopération. L'Union européenne reste le premier bailleur international de l'Ukraine avec plus d'un milliard d'euros depuis 1991. L'Ukraine souhaite progresser vers la position d'État associé puis de candidat, mais ne reçoit pas un accueil favorable par la partie européenne. Celle-ci favorise plutôt une amélioration des relations de voisinage avec les nouveaux entrants.

En matière de sécurité et de justice, la Commission européenne a récemment présenté à Kiev le programme BUMAD (Biélorussie, Ukraine et Moldavie) visant à réduire le trafic et la consommation de drogue en provenance d'Afghanistan. Ce programme sur deux ans est doté d'une enveloppe totale de 5 millions d'euros financés à hauteur de 90 % par l'Union européenne et de 10 % par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), qui en assure la mise en oeuvre. La France y participe à hauteur de 765 000 euros, soit 17 % de la part de l'UE. Ce programme complète des interventions similaires en Asie centrale (programme CDAP - Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Turkménistan et Ouzbékistan) et dans le Caucase (programme SCAD - Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie).

Pour l'Ukraine, ce programme s'articule autour de quatre composantes : assistance juridique (renforcement législatif, harmonisation régionale), contrôle des frontières (surveillance des ports et des frontières terrestres), renseignement et information (système harmonisé d'échange d'informations et création d'un observatoire régional), prévention en vue de réduire la demande (formation de policiers et soutien aux ONG).

Par ailleurs, dans le cadre du programme TACIS, un plan d'action en matière de justice et d'affaires intérieures (JAI) a été adopté en décembre 2001. En 2003, des projets d'assistance à la gestion des frontières (gestion des flux migratoires et lutte contre les trafics d'êtres humains) et d'aide judiciaire et législative. 60 millions d'euros sont programmés sur la période 2004-2006 pour poursuivre ces projets.

• Les forces de sécurité intérieure

Les forces de sécurité intérieure ont en Ukraine une organisation assez différente de celle de la France.

Le ministère de l'intérieur réunit 324 000 fonctionnaires, dont 272 000 pour la Milice, qui a des missions de sécurité publique (lutte anti-mafia, criminalité organisée, police judiciaire).

Les « troupes de l'intérieur » sont rattachées au ministère du même nom et chargées du maintien de l'ordre, de la garde des bâtiments publics et des points sensibles. Ce service représenterait 30 000 personnes. C'est avec lui que la mission militaire française a développé des programmes de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure.

Le SBU, comparable par certains aspects à la DST, est un service responsable de la lutte contre le terrorisme, contre la corruption et le crime organisé et plus généralement du recueil du renseignement.

Le Comité d'État de contrôle aux frontières rassemble toutes les unités ayant cette activité. C'est une création récente (2003). L'Ukraine est notamment confrontée à une immigration asiatique, à destination de l'Union européenne, mais qui pourrait rester sur place si elle était repoussée aux frontières de l'Union. Elle vient essentiellement de Chine (37 %), d'Inde (21 %), d'Afghanistan et du Vietnam.

Le Comité d'État des minorités ethniques et des migrations a la responsabilité de la gestion des centres de rétention et de la gestion des immigrés clandestins.

Les Douanes sont un ministère indépendant. Elles disposent de 18 000 fonctionnaires.

Le Parquet, au-delà de son rôle judiciaire, dispose de groupes d'enquêteurs chargés notamment de mener à bien les enquêtes à l'encontre des membres des services de sécurité. En 2002, 76 000 plaintes ont été déposées contre les agents de sécurité de l'État, 12 000 infractions auraient été découvertes contre les membres de la Milice, le plus souvent pour des motifs de corruption. 5 500 dossiers auraient abouti à des sanctions disciplinaires, dont 236 sanctions pénales.

B. LES RELATIONS FRANCO-UKRAINIENNES

• Le cadre juridique des relations franco-ukrainiennes, le traité du 16 juin 1992

Peu après la reconnaissance de l'Ukraine comme État indépendant et successeur de l'Union soviétique, la France et l'Ukraine ont signé, le 16 juin 1992, un traité d'entente et de coopération. Il est en vigueur depuis le 19 janvier 1997.

Ce traité d'entente et de coopération fixe le cadre général de la coopération franco-ukrainienne. Par l'article 1er, la France et l'Ukraine « s'engagent à développer entre elles, dans tous les domaines, des relations de coopération fondées sur la compréhension et la confiance réciproques [...]. Les deux Parties concluent, en tant que de besoin, d'autres accords et arrangements pour mettre en application les dispositions du présent Traité » .

Le traité prévoit également des consultations régulières aux niveaux appropriés et notamment, deux réunions par an des ministres des affaires étrangères (article 3).

S'engageant à développer leurs relations aussi bien dans un cadre bilatéral que multilatéral, le traité énumère l'ensemble des secteurs futurs de coopération et les thèmes d'intérêt commun, pouvant donner lieu à des accords ultérieurs.

Jusqu'à présent un seul accord avait été conclu : l'accord sur la coopération et les échanges dans le domaine du sport et de la jeunesse, signé à Paris le 16 juin 1992 et entré en vigueur le 3 mai 1994.

L'accord de coopération policière sera le second accord. Il découle de l'article 20 du traité de 1992 qui dispose : « La République française et l'Ukraine favorisent la coopération entre institutions judiciaires des États, en particulier en matière d'entraide judiciaire civile. Les Parties organisent une coopération entre organismes compétents chargés de la sécurité publique, notamment pour la lutte contre le crime organisé, le trafic illicite de stupéfiants et la contrebande, y compris le trafic illégal d'objets d'art. Elles s'efforcent de mettre en oeuvre une coopération appropriée dans le domaine de la lutte contre le terrorisme international ».

• Une présence française encore faible

Au niveau politique, les relations franco-ukrainiennes ne répondent pas aux attentes formulées après l'indépendance. Si les personnalités politiques ukrainiennes font de nombreux déplacements à Paris, l'inverse n'est pas vrai. Le Président Koutchma s'est rendu à Paris en 1997, 1999 et 2000, le Président Chirac à Kiev en 1998. En 2003, le Premier ministre ukrainien, le ministre des finances, le ministre de l'énergie, le ministre de l'agriculture et le ministre des affaires étrangères se sont rendus en France.

Par ailleurs, le budget de coopération français s'élevait en 2003 à 1,9 millions d'euros, soit un niveau inférieur à celui des autres pays occidentaux : Etats-Unis : 135, Canada : 10, Royaume-Uni : 9,2, Allemagne : 6,5, Suède : 6,2, Pays-Bas : 2. Notre réseau comprend l'Institut français d'Ukraine, cinq centres français de documentation et de formation (Kharkov, Dnipropetrovsk, Donetsk, Lviv, Odessa), dix alliances françaises, ainsi que l'école française de Kiev. S'y ajoutent 4,3 millions de dollars d'aide publique au développement (chiffres 2001).

Enfin, les échanges commerciaux entre la France et l'Ukraine sont en progression. La France se place au 8e rang avec 2,2 % de parts de marché. Les investissements français représentent 0,5 % du stock d'investissements directs étrangers, se plaçant au 20e rang.

II. LES DISPOSITIONS DE L'ACCORD DE COOPÉRATION POLICIÈRE

A. LE CHAMP D'APPLICATION ET LES DOMAINES DE COOPÉRATION

Par le présent accord, la France et l'Ukraine s'engagent à coopérer en vue de la prévention et de la lutte contre le terrorisme, le trafic illicite de drogues et d'autres formes graves de criminalité organisée.

Cette coopération peut prendre la forme d'une coopération technique ou opérationnelle . C'est plus particulièrement le cas lorsque tout ou partie de la préparation ou de la réalisation des faits délictueux a un lien avec le territoire de l'une des Parties.

. La lutte contre le terrorisme (article 2)

Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les Parties procèdent à des échanges d'informations relatifs aux actes, aux personnes impliquées, aux modes d'exécutions et aux techniques. Elles s'informent également mutuellement au sujet des groupes terroristes.

. La lutte contre le trafic de drogues (article 3)

Les Parties s'engagent à empêcher la production et le commerce des substances psychotropes et de leurs précurseurs. Elles procèdent également à des échanges d'informations relatives aux personnes impliquées, aux méthodes utilisées, aux réseaux, au trafic international.

Elles procèdent, en outre, à des échanges de résultats de recherches de criminologie, d'échantillons de drogues et de résultats d'expériences relatives au contrôle et au commerce légal de drogues et de précurseurs.

. La lutte contre les formes graves de criminalité internationale (article 4)

Les Parties coopèrent pour prévenir ce type de criminalité. Elles se communiquent des informations relatives aux personnes soupçonnées, aux organisations criminelles, aux crimes commis et aux mesures prises.

Chacun s'engage à prendre des mesures policières à la demande de l'autre État. Leur coopération peut également prendre la forme de mesures policières coordonnées et d'assistance réciproque en personnel et matériel .

Les parties échangent également les informations générales qu'elles peuvent recueillir sur l'évolution de la criminalité internationale, sur les résultats des recherches criminologiques et l'évolution de leurs méthodes policières.

L'accord prévoit de plus que chacune des Parties envoie à l'autre des spécialistes dans le but d'acquérir des connaissances professionnelles de haut niveau et de découvrir les moyens, méthodes et techniques modernes utilisées.

. Les autres domaines de coopération (article 5)

La coopération s'étend également à la législation , aux profits illégaux des entreprises criminelles, à la politique d'entrée et de séjour des étrangers et à la lutte contre les migrations clandestines et au trafic de main-d'oeuvre .

. Conditions de refus de coopération

Conformément à l'échange de lettres des 7 mars et 2 août 2002, une demande de coopération technique ou opérationnelle peut être refusée si une des Parties estime qu'elle porterait atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité, à l'ordre public, aux règles d'organisation et de fonctionnement de l'autorité judiciaire ou à d'autres intérêts essentiels de l'État .

B. CONFIDENTIALITÉ ET PROTECTION DES DONNÉES PERSONNELLES

L'article 7 de l'accord définit les conditions dans lesquelles des données nominatives peuvent être transmises à l'autre partie. Cet article a été complété et précisé par l'échange de lettres.

Les conditions mentionnées par l'article 7 sont les suivantes :

- utilisation aux fins et conditions définies par la partie émettrice, y compris délai à l'issue duquel elles doivent être détruites,

- information de l'usage fait et des résultats obtenus,

- transmission aux seules autorités compétentes pour lesquelles les informations sont nécessaires,

- la partie émettrice garantit l'exactitude des informations et en assure la correction éventuelle,

- destruction des informations dès qu'elles n'ont plus d'usage pour la Partie destinataire,

- droit pour les personnes concernées par les informations transmises d'interroger les autorités compétentes,

- tenue à jour d'un registre des données communiquées et de leur destruction.

Les parties garantissent la protection des données contre tout accès non autorisé, toute modification et toute publication.

Par ailleurs, par l'échange de lettres des 7 mars 2002 et 2 août 2002, les ministres des affaires étrangères ont précisé les conditions dans lesquelles une demande peut être rejetée . Un État peut invoquer l'atteinte aux droits fondamentaux de la personne .

C. DISPOSITIONS FINALES

Selon l'accord, les autorités compétentes pour sa mise en oeuvre sont les ministères de l'intérieur des deux États (article 6).

Comme de coutume, il est précisé que le présent accord n'affecte pas les autres engagements internationaux souscrits par les Parties (article 9).

Enfin, cet accord entrera en vigueur le 1 er jour du mois suivant la réception de la seconde ratification. La partie ukrainienne a adressé sa notification de ratification le 9 novembre 1998.

Il est conclu pour une période de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction. Il peut être dénoncé à tout moment avec un préavis de six mois.

CONCLUSION

Le présent accord apparaît comme une urgente nécessité alors que l'Ukraine va se trouver, dès le printemps, aux frontières de l'Union européenne élargie et que la disparition de l'Union soviétique l'a fragilisée et rendue plus perméable aux trafics et à la criminalité organisée.

Il permettra en outre de donner du contenu à une coopération franco-ukrainienne encore en deçà du niveau espéré lors de la signature du traité d'amitié franco-ukrainien en 1992. Il importe en effet de renforcer les positions de la France dans ce pays, considéré à juste titre comme un acteur régional essentiel.

C'est pourquoi, sous le bénéfice de ces observations, votre rapporteur vous propose d'adopter le présent projet de loi .

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa séance du 7 janvier 2004.

A la suite de l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé avec les commissaires.

M. Xavier de Villepin, après avoir regretté l'insuffisante présence française dans de nombreux pays de l'est de l'Europe, notamment du point de vue commercial, s'est interrogé sur les moyens d'y remédier, évoquant l'action positive du Centre français du commerce extérieur (CFCE) ou des groupes interparlementaires. Il a noté que l'instabilité politique et juridique pouvait constituer un facteur dissuasif pour nos entreprises, notamment en Ukraine. Il a relevé que ce pays était très courtisé par les Etats-Unis et la Russie, mais aussi la Grande-Bretagne ou l'Allemagne, compte tenu notamment de son potentiel économique très élevé qui ne devait pas être masqué par la conjoncture actuelle.

M. André Dulait, président, s'est interrogé sur le suivi par notre pays des programmes de coopération avec l'Ukraine engagés après l'accident de Tchernobyl afin de soigner des enfants irradiés et de réhabiliter des centrales nucléaires vétustes.

M. Daniel Goulet, relevant la faiblesse de la présence française dans de nombreux pays pourtant demandeurs, a insisté sur le rôle encore insuffisant des parlementaires à cet égard et sur les potentialités considérables de la coopération décentralisée.

M. André Dulait, président, a à son tour souligné la réactivité de cette coopération décentralisée et ses résultats très significatifs.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a enfin estimé que la France devrait entretenir un dialogue plus nourri avec les autorités ukrainiennes, afin d'accompagner l'évolution de ce pays vers l'état de droit et d'y conforter sa position commerciale.

La commission a adopté à l'unanimité le présent projet de loi .

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Ukraine relatif à la coopération policière, signé à Kiev le 3 septembre 1998 (ensemble un échange de lettres signées à Paris et à Kiev le 7 mars et le 2 août 2002), et dont le texte est annexé à la présente loi. 1 ( * )

ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT2 ( * )

- Etat de droit et situation de faits existants et leurs insuffisances.

La France et l'Ukraine ont signé à Paris, le 16 juin 1992, un traité d'entente et de coopération, entré en vigueur le 19 janvier 1997. L'article 20 de ce traité prévoit que « les Parties organisent une coopération entre organismes compétents chargés de la sécurité publique, notamment pour la lutte contre le crime organisé, le trafic illicite de stupéfiants ».

C'est donc dans ce cadre que des actions ponctuelles de coopération son menées avec l'Ukraine depuis 1995. Cette coopération, dite technique, a été menée jusqu'à ce jour selon deux grands axes :

- la lutte contre les formes transnationales de criminalité et délinquance (stupéfiants, immigration, criminalité organisée, terrorisme) ;

- la modernisation des services de police.

Les rapports actuels au niveau d'Interpol entre le BCN-France et le BCN-Ukraine ne permettent pas une collaboration entière pour ce qui relève de l'opérationnel. L'accord franco-ukrainien constitue un instrument plus contraignant, dont la mise en oeuvre repose sur la responsabilisation de chaque partie.

Enfin, il a été jugé important de part et d'autre de signer un tel accord afin d'asseoir cette coopération dans un cadre juridique précis.

- Bénéfices escomptés en matière :

* d'emploi

La coopération policière s'effectuera par l'entremise des directions et services concernés de la direction générale de la police nationale sans que, pour autant, des créations d'emploi soient prévues à ce jour. Cependant, il n'est pas exclu qu'à l'avenir, et en cas de nécessité, la création d'un poste d'attaché de police ou d'officier de liaison puisse être envisagée.

* d'intérêt général

Cet accord, dont l'objectif est de renforcer la coopération en matière de police, est une de réponses apportées sur le plan bilatéral pour lutter plus efficacement contre la criminalité organisée en permettant notamment aux services de police de procéder à des échanges d'informations pouvant porter sur des données à caractère personnel. Il devrait donc permettre à la police française de mieux lutter contre les réseaux organisés ukrainiens opérant sur le territoire national.

En outre, l'intérêt de cet accord provient du fait que l'Ukraine a des frontières communes avec la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie et la Roumanie, Etats qui sont de futurs membres de l'Union européenne. A ce titre, l'accord est de nature à contribuer efficacement à la sécurité de ces Etats lors de leur adhésion respective à l'Union européenne, ainsi qu'à celle de la frontière extérieure de l'Union européenne.

*financière

La coopération avec l'Ukraine reste à ce jour modeste, mais devrait être développée. Son coût financier représente une dépense d'environ 76 000 € par an. La mise en oeuvre des dispositions de l'accord pourrait nécessiter l'ouverture d'un poste d'attaché de police et d'un collaborateur près l'ambassade de France à Kiev, ce qui représenterait alors une dépense supplémentaire annuelle de l'ordre de 150 000 €.

Ce montant financier doit être considéré comme minime en regard des résultats potentiels dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue, la prostitution, le blanchiment et les autres formes de criminalité.

* de simplification des formalités administratives

L'accord organise, dans un cadre juridique précisé, des échanges d'informations et la communication de données entre les deux parties. Ces dispositions pourraient rendre plus aisées les demandes françaises en la matière et permettre de les voir traitées et satisfaites dans un délai écourté.

* de complexité de l'ordonnancement juridique

L'accord du 3 septembre 1998 ne fait que compléter le dispositif contractuel établi par la France avec un certain nombre d'Etats pour mieux lutter contre la criminalité organisée internationale.

* 1 Voir le texte annexé au document Sénat n° 424 (2002-2003).

* 2 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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