C. ADAPTER LES COMPÉTENCES DES PROFESSIONNELS DE LA SANTÉ

1. Moderniser la profession de sage-femme

A l'occasion de son examen par l'Assemblée nationale, le présent projet a été complété, sur proposition du Gouvernement, par diverses dispositions relatives aux professions de santé. Outre la création d'un ordre national des masseurs-kinésithérapeutes, le ministre de la santé a souhaité contribuer à la modernisation de l'exercice de la profession de sage-femme, leur haut niveau de formation justifiant de leur ouvrir désormais la possibilité d'effectuer certains actes au-delà de ce qui est autorisé jusqu'à présent.

Les sages-femmes sont d'ailleurs demandeuses de ces mesures, qui marquent un premier pas dans la reconnaissance de l'exercice professionnel de leur profession et sont de nature à mettre en conformité la pratique et le droit. Elles considèrent même que la loi pourrait également autoriser à effectuer le premier examen prénatal et à prescrire une contraception aux parturientes qui quittent les services de maternité.

2. Mieux répartir les compétences

Ces mesures s'inscrivent à la fois dans un mouvement de modernisation de la profession de sage-femme, mais également dans la perspective d'un autre chantier ouvert par le ministre de la santé, celui de la coopération et du transfert de tâches entre les professions de santé.

Pour ce faire, il a confié, le 25 avril 2003, une mission sur « les transferts des tâches et des compétences, notamment en vue d'une coopération accrue entre les professionnels de santé » , au Doyen Yvon Berland.

Ce dernier, qui assure la présidence de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé, lui a remis, le 17 octobre dernier, un rapport intermédiaire qui comporte une analyse des transferts et délégations d'actes et de compétences existant déjà dans plusieurs pays, notamment anglo-saxons. Il y souligne « que la proposition de délégation de compétences n'a pas pour seul objectif de résoudre à terme des problèmes de densité médicale. Elle est également sous-tendue, d'une part, par le souci de conserver une qualité de soins dans notre pays et certainement de l'améliorer par une plus grande disponibilité des médecins pour les tâches et activités qui le nécessitent et, d'autre part, par la volonté d'assurer une meilleure adéquation entre formation et exercice professionnel . »

Ce rapport fait également état de plusieurs expériences françaises au cours des dernières années. Il enregistre la volonté des acteurs médicaux et paramédicaux d'organiser les conditions dans lesquelles de nouveaux transferts de compétences pourraient se produire à l'avenir.

A cette fin, plusieurs équipes soignantes conduiront, au cours des prochains mois, des expérimentations de transferts de tâches et de compétences. Ces expérimentations feront l'objet d'évaluations rigoureuses, qui constitueront le rapport final de la mission. De la teneur de ces évaluations dépendra ensuite l'importance des transferts, qui pourront être institués en accord avec l'ensemble des partenaires professionnels et des responsables de formation.

Ces transferts de compétences, associés à la hausse régulière du numerus clausus des professions de santé et aux différentes mesures visant à une meilleure répartition des professions de santé sur le territoire, complèteront la politique de régulation de l'offre de soins mise en oeuvre par le Gouvernement.

Cette réflexion pourra être utilement étendue aux dispositions du présent projet de loi car « comme la santé publique requiert l'apport des sciences humaines, la prévention requiert la coopération du sanitaire et du social, la collaboration du médical et du paramédical ». 5 ( * )

L'analyse des forces et faiblesses structurelles de la politique de prévention met, à cet égard, en évidence deux constats principaux qui, à la lumière des expériences étrangères étudiées notamment par l'IGAS, semblent aujourd'hui prendre un relief singulier : ni leur formation, ni leurs conditions d'exercice ne permettent aux médecins de s'investir pleinement dans une démarche de prévention. La complexité des actions préventives requiert des stratégies globales qui ne sont possibles qu'avec le concours d'un grand nombre d'acteurs et de professionnels différents.

Comme le montre l'exemple du Royaume-Uni, ou du Québec, le rôle du médecin généraliste doit être renforcé par l'intervention d'autres professionnels, comme les infirmières, considération qui est de nature à apporter un éclairage nouveau sur la mission confiée au Doyen Yvon Berland.

Ainsi, une enquête du ministère de la santé britannique souligne, dès 1993, le rôle déterminant pris par les infirmières dans le dépistage, la vaccination et les autres actions de promotion de santé, tandis qu'au Québec, une loi du 21 juin 2002 a modifié la répartition des compétences entre médecins et infirmières pour accroître le rôle de ces dernières dans la prévention tertiaire.

En France, l'implication des médecins libéraux dans la prévention nécessitera donc probablement des mesures conventionnelles telles que le recours à des contrats de santé publique accompagnés de mesures de rémunérations complémentaires, mais la voie de la coopération entre les différents professionnels de santé, voire le transfert de certaines compétences, pourra également être explorée avec intérêt.


Le rôle des médecins généralistes dans la prévention en Europe :
quelques repères

Au Danemark , les médecins généralistes, libéraux dans la plupart des cas, et financés par les comtés, peuvent facturer des « consultations générales de promotion de la santé » à raison d'une par an et par patient. Elles sont cependant rémunérées au même tarif que les autres consultations alors qu'elles durent sensiblement plus longtemps (environ 45 minutes par rapport à 10 minutes et 15 minutes avec l'infirmière) ; cette pratique reste donc assez limitée.

En Allemagne , le Gouvernement envisage de sensibiliser davantage les médecins à l'importance de la prévention en inscrivant dans la formation des futurs médecins des cours obligatoires sur la prévention. En outre, une nouvelle dénomination professionnelle devrait être créée pour mettre en évidence l'aspect de médecine préventive.

En Norvège , les généralistes sont rémunérés depuis 2001 à la capitation et peuvent obtenir une prime additionnelle pour des actions de prévention consommatrices de temps telles que le soutien à la cessation du tabagisme. La prévention ne repose cependant pas essentiellement sur les médecins dans la mesure où leur formation initiale est peu adaptée à cette mission. Les infirmières de santé publique sont notamment responsables de la santé scolaire et des cliniques maternelles et infantiles ; plusieurs associations interviennent dans la promotion de la santé.

En Suède , les médecins de famille recevaient une rémunération à la capitation avec une part réservée aux actions de prévention ; ce mode de rémunération a été abandonné et, si la prévention doit être intégrée dans les consultations des professionnels de santé, il n'existe pas d'incitation financière directe. Les autorités locales peuvent éventuellement instaurer ce mode de paiement. Une part importante des actions de prévention est menée, au niveau local, par les coordonnateurs en prévention et promotion de la santé, par les conseils locaux de santé : ce sont souvent des infirmières mais aussi d'autres professionnels, spécialistes en communication... Leur nombre n'est pas évalué sur le plan national.

En Italie, les médecins généralistes jouent un rôle essentiel en matière de prévention dans le cadre des agences sanitaires locales où ils sont inscrits. Les patients doivent s'affilier auprès d'un généraliste et passer par lui pour consulter un spécialiste (autre que les pédiatres, ophtalmologues, gynécologues, psychiatres, dentistes). La rémunération des généralistes du secteur public, à la capitation, inclut des compensations pour les programmes de prévention, la prescription de génériques, la coopération en réseaux.

Source : Inspection générale des Affaires sociales (IGAS) - Rapport annuel 2003.

* 5 IGAS, rapport annuel 2003.

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