II. COMPTE RENDU INTÉGRAL DES AUDITIONS
DES MERCREDIS 10 ET 17 DÉCEMBRE 2003

M. Nicolas ABOUT, président - Mes chers collègues, nous sommes réunis pour assister aux auditions sur le projet de loi relatif à la politique de santé publique que le Sénat examinera à partir du 13 janvier 2004, après la réunion de la commission qui aura lieu le 7 janvier 2004. Il s'agit du premier texte relatif à la santé publique dont le Parlement est saisi depuis un siècle. C'est dire l'importance que nous y attachons. Nos rapporteurs, MM. Giraud et Lorrain, vont nous aider à conduire ces auditions.

Nous commençons par le président Jean-Marie Spaeth, que je suis heureux d'accueillir ce matin. Il nous donnera la position de la Caisse nationale d'assurance maladie. Monsieur le président, si vous voulez bien nous exposer votre sentiment, les rapporteurs et les commissaires vous interrogeront ensuite.

Audition de M. Jean-Marie SPAETH
président du conseil d'administration de la Caisse nationale
d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS)
(mercredi 10 décembre 2003)

M. Jean-Marie SPAETH - Je voudrais en préambule vous remercier de me donner l'occasion de refléter la position du conseil d'administration de la CNAMTS et donc des acteurs sociaux participant à la gestion de l'assurance maladie. Nous considérons ce projet de loi comme important.

Ce projet s'attache d'abord à délimiter le champ de responsabilité de l'État dans le choix des grandes orientations de la politique de santé publique. Il inscrit par ailleurs celles-ci dans un cadre législatif pluriannuel. En tant que tel, c'est donc un cadre de référence important pour l'ensemble des acteurs et opérateurs de la politique de la santé, dont les caisses d'assurance maladie.

L'État se situe à cet égard dans un positionnement dont bien peu remettent véritablement la légitimité en cause. En tout cas, personne au conseil d'administration de la CNAM ne s'interroge sur cette légitimité. Le projet de loi soulève toutefois de nombreuses interrogations sur la mise en oeuvre opérationnelle de ses choix. C'est en particulier le cas de l'articulation entre les priorités de santé publique pluriannuelles et les choix budgétaires contenus dans les lois de financement successives de la sécurité sociale.

On remarque ainsi l'absence de traduction budgétaire des objectifs de santé publique. Ces objectifs sont à notre avis en nombre trop important (une centaine de priorités dont vingt comprenant des objectifs quantitatifs), ce qui nuit à leur lisibilité, voire dans certains cas à leur crédibilité. Ceci rend leur évaluation correcte très improbable.

Il manque également ne serait-ce que l'ébauche d'une articulation avec les choix budgétaires résultant des priorités de santé publique. Nous savons que cela prendra du temps, mais il est tout de même nécessaire d'introduire une telle démarche.

Ce projet de loi soulève ensuite une série d'interrogations qui touchent au coeur de métier même des caisses d'assurance maladie. Avant d'entrer plus avant dans la discussion, nous pouvons décrire ces interrogations sur deux registres complémentaires.

Les incertitudes portent d'abord sur le champ d'intervention délimité par le projet de loi sur la politique de santé publique. Elles seront peut-être levées par le débat parlementaire. Existe-t-il une séparation hermétique entre la politique de santé publique et l'organisation, la distribution des soins et donc la régulation du système de santé ? Comment assurer la cohérence de l'ensemble ?

L'État souhaite-t-il prendre l'initiative dans l'ensemble des dynamiques contractuelles et partenariales intervenant dans la régulation du système de soins ?

Le caractère dirigiste de la régionalisation qui s'esquisse autour du préfet de région à travers les groupements régionaux de santé publique soulève d'autres interrogations complémentaires. Nous redoutons deux choses : la marginalisation de l'assurance maladie (ce n'est pas une question institutionnelle : nous nous adressons en effet au même public) et plus largement la démobilisation des acteurs de santé sur le terrain.

Si j'évoque ici un climat de crainte et d'incertitude, c'est de mon point de vue lié au manque de lisibilité globale de la politique gouvernementale quant à l'avenir de l'assurance maladie. Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie réunit en ce moment les principaux acteurs afin d'établir un diagnostic précis pour préparer des réformes dont les grandes lignes ne seront connues qu'à la fin du premier semestre 2004. De nombreux projets de lois sont pourtant en chantier et anticipent sur les conclusions de ces travaux, sans concertation préalable avec les acteurs sociaux.

Citons ainsi, outre le projet de loi relatif à la politique de santé publique, le projet de création d'une caisse nationale chargée du problème de la dépendance, celui relatif aux responsabilités locales, sans oublier la loi de simplification administrative qui refond complètement le cadre de la planification sanitaire. Des équilibres de pouvoirs sont modifiés par ces mesures qui se succèdent et des organisations déstabilisées, en l'absence d'une vision d'ensemble. La construction d'un système plus stable et plus performant n'est pas garantie. Notre système a besoin de réformes, mais ce climat se prête peu à un examen serein des évolutions nécessaires. Il encourage au contraire les critiques d'une réforme vidée de son contenu avant d'avoir vu le jour. Qui plus est, les acteurs de terrain qui font vivre le système de santé au quotidien se sentent absents du processus de décision et nous en informent.

Au sujet des groupements régionaux de santé publique (GRSP), des incertitudes pèsent sur la définition de leur périmètre, l'articulation avec le niveau national et le rôle que joueront en leur sein les caisses d'assurance maladie. Au-delà de ces questions, je souhaiterais vous signaler deux risques majeurs.

L'écheveau de la politique conventionnelle existant avec les professionnels de la santé ne doit pas être démantelé de manière plus ou moins volontaire en faveur des actions planifiées par les GRSP.

Reproduire simplement pour les GRSP le modèle des agences régionales d'hospitalisation (ARH) serait une illusion. Le principal dysfonctionnement réside aujourd'hui dans le cloisonnement des différents compartiments du système de soins. En effet, les synergies indispensables entre les différents segments du système de soins (ambulatoire et hospitalier, préventif, curatif et palliatif) ne se décrètent pas. Les ARH fonctionnent suivant une logique d'attribution de moyens sans réelle pertinence pour la médecine ambulatoire. La demande des patients et la prescription des professionnels y jouent en effet un rôle déterminant.

A minima , il m'apparaît essentiel d'établir certaines règles de fonctionnement pour les GRSP.

Tout d'abord, il est difficilement concevable pour les gestionnaires de l'assurance maladie de rester confinés à une fonction de « payeur aveugle » qui financera l'essentiel des engagements des GRSP. Il n'est ni possible ni souhaitable de suivre cette logique de financeur aveugle ; nous ne contestons pas le principe même du financement.

Pour les mêmes raisons, il n'est pas admissible pour l'assurance maladie de se voir dépossédée de toute initiative propre au profit des GRSP, a fortiori si leur champ d'intervention excède celui des actions de prévention et de santé publique et déborde sur celui de la régulation.

Il nous paraît par conséquent indispensable de permettre à l'assurance maladie d'être co-décisionnaire au sein des GRSP. Je pense que le principe du contrat sera la seule manière d'apporter dans chaque région une traduction opérationnelle des choix du Parlement.

Si le législateur devait s'écarter de ces principes ou, ce qui serait plus insidieux, laisser le gouvernement trancher par un acte réglementaire, je crois qu'un signe fort serait donné d'une étatisation de l'assurance maladie. Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie serait privé de toute raison d'être.

Voilà, mesdames et messieurs, ce que je souhaitais dire en introduction.

M. le PRÉSIDENT - Merci, monsieur le président, c'est une introduction déjà forte et précise. La parole est à M. le rapporteur, Francis Giraud.

M. Francis GIRAUD, rapporteur - Monsieur le président, dans votre exposé liminaire, vous avez déjà répondu à des questions que je souhaitais soulever en présentant les conclusions de la résolution adoptée par le conseil d'administration de la CNAMTS le 29 avril 2003.

Quelle est votre position sur le groupement régional de santé publique auquel vous avez fait allusion, et sur la question de sa présidence et de son directeur ? En effet, il est écrit dans le texte que le président serait le représentant de l'État. Le directeur serait en revanche une personnalité compétente qui serait nommée. Comment envisagez-vous ces deux points ?

Depuis 1988, le code de la sécurité sociale mentionne la mission de prévention confiée aux organismes d'assurance maladie. Cette contribution de l'assurance maladie à la politique de prévention revêt plusieurs formes. Pouvez-vous nous en indiquer les axes principaux ?

M. Jean-Marie SPAETH - A propos de la nomination du directeur au sein des GRSP, je pense avoir répondu à une partie de cette question tout à l'heure. Nous proposons une procédure de codécision et non de cogestion, car ce mot prête à confusion. Il est évident qu'une fois les missions fixées et les codécideurs désignés, la question de la direction se posera en d'autres termes. Pour l'instant je ne peux pas répondre à cette question, je n'ai pas encore matière à le faire.

Le second point soulevé concerne l'action de l'assurance maladie en matière de prévention. L'assurance maladie s'appuie d'abord sur un fonds national de prévention. Ce fonds agit dans de multiples domaines : le financement d'associations dédiées travaillant sur le terrain ou le dépistage de maladies infantiles (grippe, méningite...) par exemple. Nous veillons également à ce qu'il y ait une meilleure articulation entre professionnels des domaines du préventif et du curatif. Nous pensons que les professionnels de santé - ils ne sont pas les seuls - ont un rôle d'éducation sanitaire à jouer. Tout ce que nous faisons, à travers par exemple notre action sur les antibiotiques, n'a pas qu'une dimension économique. Certes, elle possède une dimension économique mais aussi éducative et de prévention.

Nous menons une action soutenue auprès des centres d'examen de santé que nous souhaitons faire évoluer. Ces centres ont une activité encore importante en faveur des populations précaires mais nous souhaitons progressivement les orienter sur le problème de « l'après travail ». Nous considérons en effet qu'il existe un vrai vide au moment où les salariés partent à la retraite. On peut bien sûr encore améliorer le suivi des salariés, via la médecine du travail par exemple, mais c'est lorsque le salarié quitte l'entreprise qu'il perd vraiment tout suivi préventif. Nous souhaitons donc encourager les centres à traiter ces questions. On peut penser au problème du cancer lié à l'amiante, qui nous a fait prendre conscience de la nécessité de mieux suivre les populations à risque. Nous sommes en train d'élaborer cela et de créer une méthodologie, pour traiter par exemple les anciens salariés des sociétés de peinture ou le suivi des personnes âgées.

Je citerai aussi l'initiative fondamentale, aujourd'hui fort heureusement généralisée, que nous avons prise au sujet du cancer du sein. Nous menons également des expérimentations concernant la prévention du tabagisme. Notre action est donc à la fois innovante et ciblée sur un public précis.

En conclusion, je vous propose de vous faire parvenir dans les meilleurs délais un document que nous établirons, détaillant chaque action et sa traduction financière. Je mentionnerai pour finir notre action de prévention des problèmes dentaires auprès des enfants de quatorze à dix-huit ans. Nous avons pris des mesures financières importantes dans ce sens car c'est une population très difficile à traiter. Les adolescents de cet âge sont difficiles à mobiliser et réclament le déploiement de toutes les énergies.

M. le PRÉSIDENT - Monsieur le président, en l'absence d'Alain Vasselle, qui est notre rapporteur des équilibres financiers et de l'assurance maladie, je voulais évoquer à sa place l'article 5 du projet de loi. Cet article évoque les ressources des GRSP, qui comprennent obligatoirement une subvention de l'État et une dotation de l'assurance maladie dont les modalités de fixation et de versement seront précisées par voie réglementaire. Estimez-vous que cette création se fait dans des conditions convenables au regard de la clarification des comptes ? Comment seront organisés les flux financiers versés par la CNAMTS et plus largement par l'assurance maladie ? Ne devrait-on pas les faire figurer dans l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) au moyen d'un amendement « miroir », afin de suivre clairement ce qui est mis à la charge de l'assurance maladie ?

M. Jean-Marie SPAETH - Tout d'abord, je crois qu'à partir du moment où les financements viennent abonder la politique publique de santé, il serait logique qu'ils n'échappent pas au contrôle des parlementaires, même s'ils ne ressortent pas au sens strict de l'ONDAM. Comment y parvenir ? La position du Conseil d'administration de la CNAM est de refuser qu'il y ait des financements de l'assurance maladie qui ne correspondent pas à des politiques. C'est une forme de gâchis. Encore une fois, le principe du financement par l'assurance maladie est très légitime, mais nous souhaitons que tout financement fasse l'objet d'un contrat. Le contrat ne répond pas qu'à une logique financière. Il permet d'articuler l'action des différents opérateurs, car il y aura toujours des opérateurs. Si nous n'avons que des circuits financiers sans un accompagnement politique traduit par des contrats, je crains que nous n'ayons jamais d'évaluation ni de coordination des actions multiples et diverses.

Je prendrai quelques exemples. Nous finançons l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES), ce que nous ne contestons en rien, mais par dotation globale. Or nous sommes opposés à tout système de financement global. Un financement global est une somme que l'on verse systématiquement à un moment donné. Au bout d'une décennie, personne ne se souvient de l'objet de ce financement. Si le financement fait l'objet d'un contrat passé entre l'ANAES et l'assurance maladie, les politiques menées par ces deux organismes seront nécessairement cohérentes. En tant qu'administrateur parmi d'autres, l'assurance maladie n'a pas toujours de véritable influence sur de tels organismes. L'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) est de la même façon financé de façon globale. Nous souhaitons sortir de la logique de financement global et passer à une logique de financement par contrat. De cette manière, les politiques nationales permettront de favoriser l'articulation territoriale et la coordination entre les différents opérateurs, qui seront toujours multiples. L'un des acteurs de ces contrats doit avoir une mission de service public, c'est le rôle dévolu à l'assurance maladie par le Parlement.

M. le PRÉSIDENT - Merci beaucoup. La parole est au président Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre FOURCADE - Monsieur le président, vous avez été très clair dans votre critique du texte de loi. Un aspect fondamental de ce texte est sa contradiction absolue avec l'effort de décentralisation que nous menons par ailleurs. Ce texte définit de manière intéressante le rôle de l'État à l'article premier, bien que l'on y mentionne de nombreux éléments sans grand rapport qui seront rectifiés. En revanche, l'article 2 semble en complet désaccord avec nos objectifs. Le véritable choix qui se pose à nous, monsieur le président, est de connaître les rôles respectifs du préfet de région, du Conseil régional et des Conseils généraux. Qui définira les objectifs, présidera la conférence, organisera les GRSP, surveillera la mise en place de la politique de santé et l'évaluera ? Qu'en pensez-vous ?

M. le PRÉSIDENT - Je complèterai la question en vous demandant votre réaction quant à l'article premier. J'ai hésité à vous poser la question tout à l'heure.

M. Jean-Marie SPAETH - Je n'ai pas voulu commencer par là. L'article premier indique : « La détermination de ces objectifs, la conception des plans, des actions et des programmes de santé mis en oeuvre pour les atteindre ainsi que l'évaluation de cette politique relèvent de la responsabilité de l'État. » Cette formule implique l'étatisation la plus flagrante. Je suis un ardent partisan d'une politique de santé avec des priorités et des acteurs bien définis, mais je pense que définir une politique ne nécessite pas de créer une administration propre pour la mettre en oeuvre. C'est une vieille obsession française. Je conteste cette forme d'organisation de la société qui dévalorise l'État stratège.

L'État doit avoir l'intelligence de déléguer par l'intermédiaire du contrat, car le contrat implique un contenu précis et une évaluation régulière. C'est vrai au niveau national, mais également au niveau territorial, en réponse à votre question. J'étais il y a quelques jours dans un département et mes interlocuteurs se plaignaient de l'administration régionale et de son chef-lieu trop éloigné. Les mêmes critiques formulées à l'égard de la centralisation sont ainsi reprises au niveau régional. Je pense, monsieur le sénateur, que déplacer le problème ne permettra pas de le régler. La transition du niveau national au niveau régional ne résout rien, il faut s'emparer du véritable problème et le traiter.

M. Jean-Pierre FOURCADE - Je voulais aller plus loin. Mon département, les Hauts-de-Seine, a mis en place avec ses crédits une politique dans les collèges avec le groupement « Giga la Vie », telle que celle que l'assurance maladie a par ailleurs mise en place. Tous les enfants des collèges participent à des réunions d'information sur les relations sexuelles, à des programmes de détection des caries dentaires, des problèmes d'audition, de diététique... L'assurance maladie est associée à cette politique. Cette politique départementale est très utile car elle concerne une population qui ne participe pas fréquemment aux actions de prévention. Elle est aujourd'hui organisée par le conseil général. Le projet de loi prévoit-il de transférer l'organisation de ces activités par une espèce de conférence du GRSP ?

M. Jean-Marie SPAETH - En l'état actuel du texte, ce sera vraisemblablement le cas. En revanche, à travers les orientations données à nos caisses, régionales ou départementales, nous essayons de développer autant que possible les partenariats. Nous estimons que l'assurance maladie a un savoir-faire important dans certains domaines spécifiques. Notre organisme a la capacité d'être un opérateur très efficace. En effet, nous connaissons très bien l'ensemble des professionnels de santé. Nous nous efforçons donc de créer par contrat des partenariats avec d'autres acteurs. Ainsi nous soutenons tout à fait l'idée que les conseils généraux aient un rôle important à jouer, par exemple en ce qui concerne les personnes âgées. Néanmoins, des articulations sont à faire entre l'hébergement, l'aspect médico-social et les soins. La logique de contrat implique que nous puissions dans certains cas agir en tant qu'opérateur par convention avec un Conseil général. Cela nous convient parfaitement.

M. le PRÉSIDENT - Il ne fait pas de doute que cette belle opération, « Giga la Vie », devrait rester entre les mains du conseil général des Hauts-de-Seine. Elle appuie également les départements voisins.

La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - Monsieur le président, j'ai également eu l'occasion de réfléchir sur la régionalisation en matière de politique de santé. Je ne pas crois pas utile de revendiquer le fait de confier la santé publique aux élus régionaux ou départementaux. Je pense que c'est une nécessité. Je comprends difficilement que l'on ait des réticences vis-à-vis de la territorialité. La région me semble un cadre géographique adapté pour regrouper les acteurs du système de santé : les usagers, les professionnels, les unions régionales des caisses d'assurance maladie (URCAM)... L'approche uniquement contractuelle a de grands mérites, je comprends votre souci de coordination des politiques de santé à différentes échelles. Néanmoins cette approche de détail manque souvent de cohérence. Elle se résume fréquemment à des séries d'appels d'offres : sur les personnes âgées, les handicapés... Ne pensez-vous pas que l'échec des conférences de santé est patent ? Ces conférences nationales rebattent à chaque fois les mêmes idées, les mêmes constats et produisent les mêmes conclusions. Nous avons aujourd'hui besoin de proximité, de travailler dans la durée. Les acteurs ressentent le besoin de se retrouver localement. Le décideur financier reste bien sûr l'État. Mais je crois que la santé publique touche les gens dans leur proximité. Il ne s'agit pas de confier les personnes âgées au Conseil général, par exemple. En matière de prévention, il est difficile de coordonner les actions autour du cancer du sein, du cancer de l'utérus... Aujourd'hui les différentes initiatives sont indépendantes, il n'y a pas suffisamment de synergies. Il faut non seulement rassembler des moyens pour l'action mais également assurer sa cohérence, qui ne peut être que territoriale. Que pensez-vous de ces remarques ?

M. le PRÉSIDENT - Monsieur le président Guy Fischer, je vous prie de pardonner mon erreur, c'était à vous de poser une question. Vous le ferez dès que M. le président, Jean-Marie Spaeth, aura répondu. Monsieur Jean-Marie Spaeth, nous vous écoutons.

M. Jean-Marie SPAETH - Premièrement, en tant que caisse nationale nous n'avons aucune réticence sur la territorialité. Nous sommes conscients qu'il est nécessaire d'adapter le système de soins aux situations individuelles et collectives sur un territoire géographique donné. Pour une même législation, la réponse du système de soins de chaque territoire sera différente. Nous sommes sensibles à ce point et nous nous efforçons de déléguer autant que possible. Ce sont les acteurs qui montrent des réticences, pas l'assurance maladie. Je me heurte à des syndicats médicaux qui refusent toute différenciation territoriale. L'assurance maladie tente au contraire de promouvoir cette dimension. C'est pour cela que nous avons mis en place des commissions paritaires régionales dans les conventions les plus récentes. Nous ne trouvons cependant pas toujours d'interlocuteurs parmi les professionnels.

Deuxièmement, la CNAMTS est vice-présidente des ARH. Nous jouons donc pleinement notre rôle dans la régionalisation hospitalière. 60 % des moyens attribués aux ARH sont financés par l'assurance maladie. Nous concrétisons réellement notre discours sur la coordination territoriale. Nous mettons en place les URCAM et nous les mandatons pour négocier des adaptations concernant les visites, les expérimentations. Nous avons régionalisé ainsi 80 % de l'ensemble des dépenses que vous avez votées sur les expérimentations et le fonds qualité. Mais nous souhaitons que la régionalisation ne devienne pas une balkanisation du système de soins de notre pays. Le rôle d'une loi de ce type est de définir de grandes orientations. Il doit ensuite y avoir une place pour les initiatives afin que l'ensemble des acteurs se mobilise au service d'un même objectif.

Nos inquiétudes ne concernent pas la régionalisation, mais les modalités de la coordination entre les acteurs du système de santé. A notre avis, cette coordination requiert un opérateur reconnu par l'ensemble des intervenants. Nous reconnaissons totalement et sans ambiguïté le rôle de l'État, nous avons d'ailleurs écrit que chaque contrat de plan entre État et régions devrait comprendre un volet santé. Certaines régions appliquent cette recommandation. Il s'agit d'une vraie mesure opérationnelle. Mais nous pensons que la Sécurité sociale peut agir en tant qu'opérateur au niveau national, régional ou départemental au titre de sa mission de service publique. Nous souhaitons une distinction claire entre les fonctions de décideur politique et d'opérateur sans confusion des genres et des rôles. Pour quelle raison ne pourrait-on pas conclure une convention avec un conseil général ou régional ?

M. le PRÉSIDENT - La parole est à M. le président Guy Fischer.

M. Guy FISCHER - Monsieur le président, j'ai ressenti dans votre exposé la description d'un climat fait de craintes et d'incertitudes. Pour ma part, je regrette vivement que ce texte de loi arrive avant les conclusions que le Haut Comité pour l'avenir de l'assurance maladie aurait pu nous présenter. Les GRSP semblent avoir pris une place prépondérante dans ce projet de loi. Mon interprétation est qu'il s'agit d'une étatisation, avec un rôle nouveau et amplifié des préfets de région. Au sujet des ARH, vous avez expliqué que vous vice-présidiez avec un financement majoritaire. C'est parfaitement vrai. Mais il n'empêche que la lisibilité de leur action reste problématique. Définir des objectifs partagés avec les directeurs des ARH est plus difficile que de convaincre le propre président de l'assurance maladie. On le constate tous les jours à travers le bilan des ARH.

Je me souviens que pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale, un amendement avait été déposé avec le président Zeller sur la création d'agences régionales de santé. Apparemment, faute de créer directement ces agences, on établit les GRSP. Cela conforte le manque de lisibilité de ce projet, ce que montreront peut-être les conclusions du Haut comité. Mais avant même la publication de ces conclusions, on constate que tout est déjà traité dans les textes de loi votés et les décisions prises récemment, à l'exception de l'ambulatoire.

Considérez-vous que cette étatisation va compliquer la réforme à venir, c'est-à-dire sa lisibilité, et conforter les craintes des Français ? Il existe des incertitudes sur les responsabilités respectives et le processus de prise de décision. Quel équilibre entre étatisation et proximité ?

Je suis l'élu d'un grand quartier populaire. Ce quartier s'est vidé de toute présence médicale et paramédicale. La maison médicale de garde mise en place n'est pas au coeur du quartier mais dans un voisinage bien plus tranquille. L'assurance maladie est-elle prête à réinvestir ces quartiers par l'intermédiaire des centres de santé ? C'est ma seconde question, plus précise.

M. Jean-Marie SPAETH - Premièrement je ne sais pas comment se terminera l'adaptation de la sécurité sociale en France. Je dis bien l'adaptation et non la réforme, reprenant en cela les termes du Président de la République. Mon interprétation est que cette adaptation ne remet pas en cause les fondements de l'assurance maladie en France. Elle consiste à modifier l'ensemble des organismes apportant une réponse sanitaire à notre population afin de les adapter aux réalités actuelles. Vous avez cité une de ces réalités : la désertification sanitaire des zones rurales et périurbaines. Je reviendrai sur votre second point.

Le système de soins doit s'adapter aux évolutions des sciences, des pratiques médicales et des aspirations de la population. Je ne sais pas quelles seront ses conclusions, mais le Haut Conseil n'a pas vocation à ce stade à définir ces adaptations mais à dresser l'état des lieux. Il doit faire émerger les bons thèmes et les bonnes questions, comme celle de la territorialité. De cette manière, les débats ne seront pas dispersés mais porteront sur une demi-douzaine de points clairement identifiés, sur lesquels des évolutions législatives pourront être envisagées. Cela concerne cependant la concertation et le débat parlementaire ; ce n'est pas au Haut Conseil d'apporter des réponses opérationnelles.

La seule chose que nous ayons mise en évidence au sein du conseil d'administration de la CNAMTS, c'est l'existence aujourd'hui de multiples textes de lois dont on ne perçoit ni la cohérence ni les objectifs. Ceci crée un climat de déstabilisation, y compris des professionnels de santé. Je participerai tout à l'heure à une réunion avec tous les syndicats de professionnels de santé. Ils ont signé un accord concernant les bonnes pratiques et l'utilisation du système de soins. Ils seront tous présents, au moins 80 personnes. Nous devons louer une salle pour pouvoir aborder ce genre de sujet.

Cela vous donne une idée de la complexité de notre système. Notre système est et restera complexe. On ne simplifiera pas le système en le centrant sur le préfet de région. En France, nous penchons toujours vers un modèle centralisé, avec l'illusion qu'il sera plus efficace. Il faut définir une stratégie commune.

A propos de la question précise des quartiers populaires, comment faire pour apporter une réponse médicale appropriée en tout lieu du territoire ? En effet, les droits de la population sont identiques qu'ils soient dans une banlieue ou dans un département de province. Nous mettons en place des centres d'examens de santé, et non des centres de santé, mais ils n'ont pas pour vocation de remplacer l'offre de soins. Hormis dans certains cas particuliers, nous ne souhaitons pas être producteurs de soins. Nous n'avons pas cette légitimité. Notre rôle est d'impulser une offre de soins de qualité sur l'ensemble du territoire. Les centres de santé, avec qui nous avons passé des accords globaux, doivent s'établir à l'initiative d'autres opérateurs. Nous agissons uniquement en tant que financeur dans ce domaine.

Nous souhaitons créer les conditions propices à ce qu'en tout lieu du territoire il y ait des médecins, des infirmières... Pour ce faire, il ne suffit pas de donner des primes à l'installation. Il faut donner des garanties à ces professionnels afin qu'ils aient un revenu correct. Exercer seul une activité médicale dans une zone rurale ou dans un quartier difficile soulève des problèmes particuliers. Le paiement à l'acte exclusif ne peut répondre à cette problématique. Il faut donc trouver des formes incitatives qui encouragent les professionnels à s'installer dans ces zones et surtout à y rester. Voilà un sujet sur lequel les collectivités locales et territoriales ont un rôle important à jouer. Nous cherchons d'ailleurs à établir des accords avec les villes sur ces thèmes. Malheureusement, les lois les mieux faites ne peuvent apporter une réponse définitive à la question que vous soulevez.

M. le PRÉSIDENT - Il reste deux dernières questions, après les commentaires du président Guy Fischer.

M. Guy FISCHER - Monsieur Spaeth, vous souhaitez participer à la création de centres de santé et à leur financement. Mais aujourd'hui, qui veut des centres de santé ? Ils disparaissent tous. Ceux qui étaient associés aux cliniques mutualistes ont été fermés pour ne pas concurrencer la médecine libérale. Il n'y a plus de volontaires.

M. le PRÉSIDENT - La parole est à M. Louis Souvet puis à M. Alain Gournac. M. Jean-Marie SPAETH leur répondra, puis ce sera la fin de l'audition.

M. Louis SOUVET - Merci monsieur le président. Je ne suis pas médecin, je ne suis pas spécialiste de la sécurité sociale mais bien plutôt du droit du travail. Je vais donc vous poser des questions qui vous surprendront peut-être. Lorsque j'ai lu le texte de ce projet de loi relatif à la politique de santé publique, je pensais mieux le comprendre en prenant connaissance de la résolution du 29 avril 2003 prise par votre Conseil d'administration. Or j'ai eu l'impression que vous évitiez de prendre position, et j'ai des difficultés à comprendre ce que vous préconisiez.

Vous écrivez par exemple : « Le Conseil souligne l'intérêt de la démarche engagée par le Gouvernement qui offre une affirmation claire des responsabilités du pouvoir public dans la définition des axes de la politique de santé. Il marque également le rôle ... ». A qui correspond le pronom « il » ? Ne serait-ce pas plutôt la démarche ? Vous paraissiez donc soutenir le texte. Cependant vous mentionnez plus loin vos réserves. Dans votre seconde réserve, vous écrivez : « il convient de s'interroger sur l'omniprésence de l'État ». Vous vous contredisez lorsque vous soutenez le rôle de l'État au début de votre résolution pour le désavouer quelques lignes plus loin.

Vous mentionnez également « l'amorce d'une régionalisation de la santé ». L'approuvez-vous ? Ce n'est pas clair. Vous dénoncez également « les risques pour la mobilisation d'une emprise exclusive des préfets ». Encore une fois, vous semblez redouter cette emprise de l'État, ici au niveau régional. Pourtant, même si tous les élus ne sont pas spécialistes en matière de sécurité sociale, il convient néanmoins qu'un préfet participe à la politique de santé de sa région.

Vous vous élevez ensuite contre l'exclusion de l'assurance maladie de la régulation du système de santé. Qu'entendez-vous par régulation ? Quel serait, selon vous, le rôle régulateur de l'assurance maladie ? Enfin, vous accusez le projet de loi d'empêcher l'assurance maladie de jouer « un rôle d'acteur du système de santé ». Pouvez-vous préciser en quoi consiste ce rôle ? Vous regrettez que la négociation se borne à la question de la rémunération des professionnels. Il serait pourtant déjà souhaitable d'obtenir un accord sur ce point. Vous mentionnez également « la gestion du risque efficace ». Qu'entendez-vous par ces termes, qui me paraissent un peu abscons ?

M. le PRÉSIDENT - La parole est à M. Alain Gournac.

M. Alain GOURNAC - Je vous remercie, monsieur le président. M. Louis Souvet vient d'aborder une partie des questions qui me préoccupent. J'essaie de mieux comprendre. D'après les conclusions qui nous ont été présentées, il est impossible de ne pas se poser la question de l'adéquation de la sécurité sociale, vénérable institution de notre pays, à la réalité d'aujourd'hui. Même si le travail de la sécurité sociale est remarquable, on ne peut pas souhaiter changer la politique de santé sans rien modifier au fonctionnement de la sécurité sociale. Je suis contre les changements brutaux dans nos organisations. Il faut régulièrement évaluer les origines, les réalisations et les perspectives de ces organismes.

Ma seconde réaction à vos affirmations concerne le fait que la perception des paroles et des actes compte davantage que les paroles et les actes eux-mêmes. La réalité du terrain est souvent délicate. En tant que vice-président du conseil général de mon département, chargé des affaires sanitaires et sociales, j'ai rencontré de grandes difficultés et de fortes résistances. La lutte contre le cancer du sein a progressé, mais nous n'avons toujours pas concrétisé notre action contre le cancer colorectal.

Nous devons être prudents, monsieur le président, car les affirmations avancées sur le plan national ne se traduisent pas fréquemment sur le terrain. J'ai d'excellentes relations avec la caisse d'assurance maladie de Versailles, mais ces relations ont dû être cultivées et n'allaient pas de soi. Il est aujourd'hui difficile de faire avancer les projets de santé, même pour un président de conseil général. On rencontre encore des obstacles à la mise en place de ces projets sur le terrain.

M. Jean-Marie SPAETH - Monsieur le sénateur, le rôle du conseil d'administration de la CNAMTS ne se limite pas à approuver ou désapprouver de telles mesures lorsqu'elles lui sont soumises. Nous émettons un avis explicite et non un vote. Nos propos auraient sans doute pu gagner en clarté ; les compléments d'explication que j'ai développés me semblent apporter quelques réponses à vos interrogations.

J'ai ressenti une pointe d'ironie lorsque vous avez déclaré que la rémunération des professionnels était déjà une tâche d'importance à mener à bien par la sécurité sociale. Nous nous occupons bien sûr de la rémunération, nous concluons des accords avec les professionnels, mais nous souhaitons aller au-delà de la négociation tarifaire. Si nous avons eu des problèmes dans les négociations avec ces derniers, c'est que nous souhaitons dépasser la logique tarifaire. Il est normal que nous soyons financeurs mais nous voulons évaluer correctement les résultats de nos actions. C'est cela la régulation du système de soins. Il faut fournir un service médical à la population qui ait un véritable contenu.

La régulation est aussi l'articulation entre généralistes et infirmiers en ce qui concerne les soins palliatifs. Nous avons un contrat de bonne pratique avec les médecins généralistes, les spécialistes et les ambulanciers. La régulation du système de santé passe par la construction de synergies entre acteurs des transports sanitaires et professionnels de santé. Nous contribuons également à l'harmonisation des politiques entre collectivités locales et hôpitaux à travers la gestion des ARH. Nous devons par ailleurs nous assurer que nos moyens servent réellement à satisfaire les besoins de la population, et non simplement au financement d'institutions.

Nous ne sommes pas dans une logique immobiliste, monsieur le sénateur. Au contraire, nous souhaitons que la Sécurité sociale s'adapte en permanence aux situations. C'est le sens des partenariats que nous mettons en place aussi rapidement que possible, y compris avec M. Phelippeau de la Caisse de Versailles et son prédécesseur. Au sujet du cancer colorectal, nous menons des expériences, mais la communauté scientifique ne s'accorde pas pour l'instant sur un test de dépistage fiable que nous puissions généraliser. Dès que la direction de la santé nous fournira un test fiable, nous serons très rapidement opérationnels. L'assurance maladie ne peut entrer en action que si l'État lui communique ses grandes orientations par contrat. C'est ainsi que l'on permettra à la sécurité sociale d'évoluer.

Au sujet de la réforme, il ne s'agit pas de revoir l'offre de biens et de services. Cette offre existe, il s'agit des traitements remboursés. Notre problématique n'est pas seulement de fournir ces biens et services, mais d'en expliciter la bonne utilisation aux médecins comme aux patients. Lorsque l'on met un médicament sur le marché pour une autorisation de mise en marché (AMM) donnée, il faut nous assurer de son utilisation correcte. Les références, les protocoles, les contrats de bonne pratique sont des outils très utiles : ils forment une base commune. L'adaptation de l'assurance maladie consiste à gérer le contenu médical, le périmètre et l'organisation médicale et le parcours des assurés, dans le cadre de contraintes financières qui existeront toujours. C'est une vraie réforme car elle prétend changer les mentalités.

M. le PRÉSIDENT - Je vous remercie, monsieur le président, pour votre discours très direct et concret.

Audition de M. Philippe LAMOUREUX
Directeur général de l'Institut national de prévention et
d'éducation pour la santé (INPES)
(mercredi 10 décembre 2003)

M. le PRÉSIDENT - Nous accueillons maintenant M. Philippe Lamoureux, directeur général de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES). Monsieur le directeur général, pourriez-vous nous dresser en quelques minutes votre perception de ce texte ? Les rapporteurs et les commissaires vous interrogeront ensuite.

M. Philippe LAMOUREUX - Merci, monsieur le président, messieurs les sénateurs. Ma vision de ce texte est assez simple. Il a plusieurs intérêts pour l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Deux axes forts sont notables dans ce projet. Il comporte la définition d'objectifs, certes ambitieux, mais clairement définis. C'est l'une des premières fois qu'un support législatif de cette ampleur vient à l'appui de tels objectifs de santé. C'est pour l'INPES un guide d'action particulièrement précis.

Vous m'aviez soumis par écrit une question portant sur la place réservée à l'INPES par ce projet. Nous travaillons aujourd'hui sur des programmes de préventions. Ces programmes seront revus cette année, et les objectifs introduits par cette loi nous permettrons de refondre complètement ces programmes. Ce premier point est particulièrement saillant et important pour nous.

Cette loi pose clairement la question de l'articulation des échelles locale, régionale et nationale. En particulier, elle pose le problème majeur de la capillarité. Comment transcender le niveau national ? Notre système de prévention peut-il se contenter de grandes campagnes médiatiques et de produire des outils sans veiller à leur application ? Je crois au contraire qu'une action de prévention pour la santé doit être menée sur le terrain, en articulation avec les opérateurs locaux. La circulation verticale de l'information doit se faire dans les deux sens. Nous avons, par exemple, anticipé l'esprit de cette loi en mettant cette année en place un appel à projet cancer bénéficiant d'une dotation de 4 millions d'euros. L'INPES soutient ainsi des projets de terrain dans le cadre de la lutte contre le cancer, en partenariat avec la Direction générale de la santé qui participe à ce financement.

Les deux intérêts majeurs de ce texte sont donc de poser la question de cette articulation au travers des groupements régionaux de santé publique (GRSP) et de définir de grands objectifs. Le texte ne remet pas en cause l'existence de l'INPES ni son positionnement au sein du ministère. Je le souligne car l'INPES n'a après tout que dix-huit mois d'existence. L'INPES, issu du Comité français d'éducation pour la santé (CFES), est en effet institué par la loi du 4 mars 2002. Le premier changement important apporté au fonctionnement du CFES devenu INPES par la loi de santé publique est la suppression de sa mission d'accréditation, effectivement délicate à coordonner avec ses missions d'appui. Le second changement a trait à la suppression de la mention de ses délégations régionales, aujourd'hui remplacées par la participation de l'INPES aux GRSP. Voilà les commentaires liminaires dont je souhaitais vous faire part.

M. le PRÉSIDENT - Merci, monsieur le directeur. La parole est à M. le rapporteur.

M. Francis GIRAUD, rapporteur - Votre institut a pris la suite du CFES. J'ai retenu de vos propos l'importance de la notion de capillarité. La prévention ne peut se résumer à de grandes campagnes nationales. Il s'agit d'éducation, ce qui implique avant tout d'atteindre dans leur proximité l'ensemble des enfants de notre pays. Comment comptez-vous collaborer avec l'Education nationale afin que la capillarité que vous mentionnez devienne une réalité ?

Le GRSP doit générer des initiatives. Vous nous avez exposé votre perception positive de ce système. L'INPES dispose-t-il des moyens humains indispensables pour être présent sur le plan régional au sein des GRSP ? Quel sera votre rôle au sein de ces groupements ?

Je vous demanderai également de nous présenter plus en détail les principales modifications survenues depuis 18 mois et les conséquences pour l'INPES de l'article 4 du projet de loi. Cet article dispose que votre établissement doit assurer le développement de l'éducation pour la santé mais également de l'éducation thérapeutique. Qu'est-ce que l'éducation thérapeutique ? S'agit-il de la formation des professionnels ? Cela semble être le rôle des facultés de médecine. Cela concerne-t-il le grand public, ce qui me paraîtrait légitime ? Pouvez-vous donc nous préciser votre définition de l'éducation thérapeutique ?

M. Philippe LAMOUREUX - Merci, monsieur le président. Je vais essayer de répondre à ces questions dans l'ordre. Citons quelques chiffres concernant les moyens dont dispose l'INPES afin d'éclairer les détails de sa collaboration avec l'Education nationale. Notre établissement est très particulier au sein du ministère de la santé, puisqu'il gère un budget important, s'élevant à 89 millions d'euros pour 2004, ce qui en fait le plus gros budget des établissements publics de santé avec l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). Mais seuls 13 % de ce budget sont consacrés au fonctionnement de l'INPES. La quasi-totalité des crédits de l'établissement sont des crédits d'intervention. Nous menons en effet de larges campagnes de communication à l'échelle nationale et dépensons beaucoup en achat d'espaces publicitaires ainsi qu'en honoraires d'agence. Nous finançons également depuis cette année l'ensemble des lignes de téléphonie sociale du ministère de la santé. Il s'agit notamment de la ligne Sida Info Service, de la ligne Fil Santé Jeune et de la ligne Tabac Info Service, dont la fréquentation a été multipliée par sept depuis un an. C'est un des premiers résultats de la politique publique de lutte contre le tabagisme.

Nous organisons nos activités sur la base de programmes. Nous utilisons deux approches. L'approche par les risques se consacre à six thèmes : les addictions (alcool, tabac et drogues), les maladies infectieuses (VIH, VHB, VHC, vaccinations, infections sexuellement transmissibles, bronchiolite depuis cette année), les maladies chroniques, la santé mentale, l'équilibre de vie (nutrition, activités et exercice physique) et enfin les risques de la vie courante (pratique des sports à risques, accidents domestiques, prévention des chutes chez les personnes âgées).

Le second type d'approche vient en réponse à votre question. Nous ciblons ainsi nos programmes selon les lieux d'exercice de l'éducation pour la santé. Il s'agit évidemment des lieux de soins, mais également du milieu scolaire. C'est une cible très importante puisque c'est au moment de l'enfance et de l'adolescence que les comportements à risques s'acquièrent ou non. C'est un programme prioritaire pour nous. Nous traitons également le milieu de travail, les réseaux, comme les collectivités locales et enfin les lieux d'accueil des populations en situation de précarité. Ces populations nécessitent en termes de prévention une approche particulière.

L'Education nationale est pour nous une préoccupation de premier ordre. Nous avons signé, l'année dernière, une convention de partenariat avec le ministère de l'éducation nationale comportant des objectifs variés. Deux d'entre eux méritent qu'on s'y attarde. Il s'agit tout d'abord de l'amélioration de la diffusion des outils réalisés par l'Institut dans les circuits de l'Education nationale. Nous disposons en effet d'une série d'outils destinés au système scolaire qui sont encore sous-utilisés. Le deuxième objectif est peut-être le plus important. Il concerne le projet de mise en place d'un module d'éducation de la santé étendu de la maternelle au lycée. C'est assez innovant.

Je trouve insuffisant de délivrer des messages différents à chaque classe d'âge sur un mode injonctif. Il ne s'agit pas seulement de faire de la prévention à douze ans sur le tabac, à quatorze ans sur l'alcool, à quinze ans sur les relations sexuelles... Nous respectons l'esprit éducatif et pédagogique de la Charte d'Ottawa : le développement des aptitudes. Nous devons permettre aux enfants et aux adolescents de gérer leur propre santé à travers les informations qu'on peut leur délivrer. C'est un travail de fond mis en place avec l'Education nationale. Nous débuterons par des expérimentations localisées, car les moyens de développer immédiatement un programme national nous font défaut et le dispositif a besoin d'être testé pour être mis au point.

L'échelon régional est essentiel à notre collaboration avec l'Education nationale. Nos interlocuteurs au sein du ministère de l'Education nationale sont extrêmement ouverts et motivés, mais il faut également convaincre les rectorats, les établissements et enfin les enseignants de soutenir ces projets. C'est l'esprit de capillarité. Les GRSP peuvent nous aider sur ces questions.

Par exemple, l'un des obstacles à la lutte contre le tabagisme est le fort taux de tabagisme parmi les enseignants eux-mêmes. Cela concerne également le milieu médical malgré certaines améliorations. Au Royaume-Uni, on a d'ailleurs commencé la campagne de lutte contre le tabagisme par la sensibilisation des médecins.

Concernant ses ressources au niveau régional, l'INPES n'a clairement pas les moyens humains d'être présent aujourd'hui au sein des GRSP. L'Institut comprend 117,5 personnes en équivalent temps plein, avec un budget fonctionnel de 13 %. Dès lors que l'institut participerait à des délégations régionales au sein de ces groupements, il faudrait augmenter très sensiblement ses effectifs. Le budget est alimenté à environ 30 % par l'État et à 70 % par l'assurance maladie, financé sur le risque et non sur le Fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaire (FNPEIS). Il existe des pistes exploitables : il ne serait par exemple ni illogique ni illégitime qu'une partie de la taxe sur les alcools et tabacs vienne financer le budget de la prévention.

Notre rôle dans les GRSP est assez facile à définir. Je mentionnais tout à l'heure la nécessité de capillarité. Or les régions génèrent beaucoup d'initiatives très innovantes. Chacun de mes déplacements en région me permet de le vérifier. Je me refuse à tenir ce discours misérabiliste que l'on entend souvent sur l'état de la prévention en France. Dans certaines régions, le dispositif de prévention fonctionne et peut servir de modèle. Je pense aux régions du Nord-Pas-de-Calais et de Provence-Alpes-Côte-d'Azur. La maison régionale de promotion de la santé dans le Nord-Pas-de-Calais rassemble ainsi le conseil régional, les deux conseils généraux, la Direction régionale des affaires sociales et sanitaires (DRASS), l'Union régionale des caisses d'assurance maladie (URCAM) et l'ensemble des associations. Ces organismes se regroupent dans un pôle unique en charge de la politique régionale de prévention. Ce système est particulièrement opérationnel.

Dans d'autres régions, la politique de prévention fonctionne de manière moins satisfaisante, du fait d'un tissu associatif insuffisant, du manque d'implication des collectivités territoriales ou de multiples vacances de postes au sein des services de l'État. Les GRSP sont censés résoudre ce problème. Notre rôle serait de faire le lien entre programmes de prévention aux niveaux national et local. Dans le cas du message contre le tabagisme diffusé il y a 18 mois, nous avions mis en place un standard correspondant à la capacité maximale de traitement que nous proposait France Télécom, c'est-à-dire 50.000 appels par heure. Un quart d'heure après la diffusion du spot publicitaire, nous avions reçu 421.000 appels. Il y a eu une prise de conscience brutale du problème. Mais cet effort sera vain si cette action n'est pas suivie dans les écoles, les entreprises, les hôpitaux ou s'il est impossible d'obtenir un rendez-vous dans un service de tabacologie avant 6 mois. C'est le travail du GRSP, et le rôle de l'INPES est d'articuler ces deux niveaux.

Il existe par ailleurs un besoin de professionnalisation des métiers d'éducation pour la santé et d'appui méthodologique. Nous collaborons avec des associations de bénévoles très motivés, bien qu'encore fortement cloisonnées entre les réseaux de l'alcool, de la toxicomanie... Seul le réseau des comités régionaux et départementaux d'éducation pour la santé (CRES) et des comités départementaux et régionaux d'éducation pour la santé publique (CODES) intervient de façon générale sur l'ensemble du territoire. Dans le cas de l'appel à projets contre le cancer que nous menons, certains partenaires sont capables de créer des propositions extrêmement robustes sans notre appui. Cependant, on ressent chez de nombreux autres une vraie demande d'appui et d'aide méthodologique. La présence régionale de l'INPES pourrait également répondre à cette demande.

Un de nos axes prioritaires en matière de lutte contre le VIH est le problème des migrants. Aujourd'hui, une contamination sur deux a pour origine les populations migrantes d'Afrique sub-saharienne, comme le montre le dernier rapport de l'InVS. Lorsque l'on travaille sur le problème des migrants, il est nécessaire de coopérer avec les associations. Le vecteur de l'information parmi cette population est en effet bien plus le père et la communauté que le médecin, le directeur régional des affaires sociales ou le journaliste de santé. Ces associations très impliquées ressentent un gigantesque besoin d'appui méthodologique. Il est nécessaire de leur expliquer comment communiquer, bâtir un projet et l'évaluer. Nous pourrions faire un tel travail à travers les GRSP.

Je terminerai sur les modifications apportées par la transformation du CFES en INPES. Un changement fondamental est en cours entre l'époque du CFES et l'époque de l'INPES. Le CFES était une association tributaire de ses financeurs et en particulier de l'assurance maladie. L'assurance maladie décidait du lancement d'actions de prévention sur des thèmes variés par l'intermédiaire du CFES. Le CFES n'avait pas assez de perspective en matière de politique de prévention et ne participait pas à la prise de décision. Il était éloigné dans son fonctionnement du ministère de la santé. La création d'un établissement public nous garantit un budget stable, visible et structuré. Nous ne travaillons plus sur des actions mais sur des programmes, en articulation avec les plans de santé publique que le ministère met en place.

Au sujet de notre définition de l'éducation thérapeutique, elle ne concerne effectivement pas les médecins. Je déplore pourtant au passage la faible place accordée aux méthodes d'éducation pour la santé dans leur formation initiale et continue. Ce problème est d'ailleurs en cours de discussion avec l'appui du professeur San Marco, président du Conseil d'administration de l'INPES. Il conviendrait aussi de reconnaître l'existence des métiers d'éducation de la santé. Il n'y a pas aujourd'hui de formation reconnue dans ce domaine.

L'éducation thérapeutique elle-même consiste à apprendre au patient et à son entourage à vivre avec la maladie. Le médecin intervient dans le diagnostic et la prescription d'un traitement, parfois mais encore insuffisamment dans la prévention. Le reste du traitement repose sur le patient. L'éducation thérapeutique aborde les thèmes de l'observance des prescriptions, de la connaissance de son état de santé et de ses symptômes. A propos de l'insuffisance rénale chronique, par exemple, un patient ayant reçu une éducation thérapeutique approfondie se comportera différemment : il pourra être autodyalisé, et aura recours aux systèmes d'urgence à meilleur escient. C'est à mon avis l'un des secteurs qui permettra à la Sécurité sociale d'éviter des dépenses inutiles. Des patients mieux informés qui s'approprient l'information médicale feront une meilleure utilisation du système de santé et en accroîtront l'efficacité.

M. le PRÉSIDENT - Merci beaucoup. Monsieur le rapporteur, si vous n'avez pas d'autres questions, la parole est à Mme Annick Bocandé.

Mme Annick BOCANDÉ - Vous avez insisté sur la notion de capillarité qui me semble tout à fait nécessaire. Dans le cadre de l'actuel débat sur la réforme de l'Education nationale, j'ai participé comme beaucoup de mes collègues aux discussions en cours dans les établissements. Samedi dernier, les enseignants se plaignaient de la transversalité omniprésente dans les programmes. Il s'agissait de la prévention routière, mais cela s'applique sans doute aux programmes de prévention sanitaire que vous mettez en place.

Cette transversalité complique la distribution des rôles et alourdit encore les programmes déjà chargés, de sorte que cette problématique finit par être purement et simplement omise. Comment allez-vous descendre à l'échelon des rectorats et des établissements ? Comment organiser et intégrer vos objectifs de prévention dans une logique de proximité maximale, pour que la capillarité ne soit pas un vain mot ?

M. le PRÉSIDENT - La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur.

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - J'aimerais connaître vos relations exactes avec le secteur associatif. Il ne s'agit plus là de prévention primaire mais d'une véritable collaboration avec les usagers qui deviennent des interlocuteurs à part entière. Quelle est votre politique vis-à-vis de ce secteur qui participe de la prévention voire de la non-aggravation des maladies ?

M. le PRÉSIDENT - Monsieur Michel Esneu, je vous cède la parole.

M. Michel ESNEU - Merci, monsieur le président, monsieur le directeur général, mes chers collègues. Vous avez mis en avant le problème de l'éducation sanitaire des jeunes et notamment un programme intégré d'éducation de la santé de la maternelle au lycée. Ce projet très intéressant sera-t-il intégré dans les programmes ou consistera-t-il en actions ponctuelles, ce qui serait beaucoup plus pauvre en résultats ? Comment suivre l'évolution de cette action dans les programmes ?

M. le PRÉSIDENT - Monsieur le président Guy Fischer, vous pouvez intervenir.

M. Guy FISCHER - Monsieur le directeur, vous avez fait allusion aux critiques formulées à l'égard de la prévention sanitaire en France et de son inexistence ou de son insuffisance. Ces critiques ont présidé à la transformation du CFES. A travers vos propos, je n'ai pas su déterminer si vous étiez chargé de mettre en oeuvre la politique de prévention ou de santé publique mise en place par le ministère. Agissez-vous véritablement à plusieurs niveaux dans le suivi de ces politiques, comme le sous-entend la notion de capillarité ?

Vous mentionnez l'action de l'INPES concernant l'appel à projets contre le cancer. Comment s'articulera votre action avec celle de l'Institut national du cancer en création ?

M. le PRÉSIDENT - Monsieur le président Jean-Pierre Fourcade, souhaitez-vous prendre la parole ?

M. Jean-Pierre FOURCADE - Monsieur le directeur, vos propos m'ont fortement intéressé. Ma première question concerne vos 117 collaborateurs : de quels profils disposez-vous (médecins, sociologues, psychologues, publicitaires...) ?

Lors de ma participation la semaine dernière à un colloque sur la santé à l'Assemblée nationale, on a attiré mon attention sur ce que l'on m'a dit être le problème actuel majeur des jeunes, l'obésité. Allez-vous traiter ce thème dans l'une de vos campagnes nationales ?

M. le PRÉSIDENT - Nous écouterons enfin M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre GODEFROY - Je poserai deux questions. Comment envisagez-vous l'harmonisation de ce projet de loi relatif à la politique de santé publique avec celui relatif aux responsabilités locales ? Ce projet va en effet à l'encontre du travail de terrain que vous préconisiez en redonnant à l'État le rôle principal dans la lutte contre le cancer. Comment assurer l'articulation de ces deux textes ?

Mon autre question porte sur la médecine du travail. Ma région a beaucoup souffert des conséquences du cancer lié à l'amiante. De nouvelles maladies professionnelles émergent actuellement, je pense aux travailleurs du nucléaire qui subissent des arrêts de travail prolongés et subiront sans doute de lourdes conséquences sanitaires. Quelle est la politique de prévention des risques de maladie liés au travail ?

M. Philippe LAMOUREUX - Merci. Je vais m'efforcer de répondre à toutes ces questions.

Au sujet de la coopération avec l'Education nationale, il existe déjà une circulaire de 1998 sur l'éducation à la santé en milieu scolaire qui me paraît très bien rédigée. Son application est encore malheureusement problématique. Nous possédons d'ores et déjà dans les textes un grand nombre d'outils, que je signalais récemment à la mission de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale de l'éducation nationale chargée de réfléchir actuellement à ces sujets et qui doit formuler des propositions. Notre constat en tant qu'établissement public national est que les difficultés principales surviennent à partir du collège. Au sein des collèges, ce sont aujourd'hui surtout les professeurs de sciences de la vie et les professeurs d'éducation physique et sportive qui relaient les messages de prévention et d'éducation pour la santé. Nous souhaiterions intégrer ces messages à l'ensemble des programmes, comme le proposait M. Michel Esneu. L'éducation pour la santé doit être partie intégrante du projet d'établissement et procéder d'une volonté collective. C'est l'esprit de notre rapprochement avec l'Education nationale : nous observions une certaine dispersion dans les initiatives en cours, indépendamment de leur intérêt. Je suis cependant bien sûr conscient que la seule volonté politique ne suffit pas toujours à concrétiser l'action.

Nous avons d'étroites relations avec les associations pour au moins trois raisons. Tout d'abord, la particularité du conseil d'administration de l'INPES est que l'État y est minoritaire. Six grandes associations siègent au sein de ce Conseil (la Ligue contre le cancer, AIDES, la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, l'Union nationale des associations familiales...). Cette sensibilité associative est encore renforcée par la culture de notre organisme qui était lui-même une association il y a seulement dix-huit mois. Ensuite, nous finançons également de nombreuses associations. Nous finançons par exemple le réseau des comités d'éducation pour la santé, impliqué dans la prévention, ainsi que les associations contre le SIDA. J'ai également obtenu cette année un financement, encore trop modeste, destiné aux actions d'éducation pour la santé, qui pourront, je l'espère, se mettre en place en partenariat avec l'assurance maladie ou d'autres financeurs. Ce levier financier permettra d'engager des partenariats. Le troisième point concerne les groupes d'experts participant à l'élaboration des programmes et des outils de l'INPES. Ceux-ci incluent bien sûr les associations qui participent activement à ces groupes. Ainsi, lors de notre appel d'offre concernant notre programme de lutte contre l'alcoolisme, l'Association nationale de prévention de l'alcoolisme était membre de la commission d'appel d'offres et a participé à l'expertise avec l'INPES. Les associations sont donc des partenaires importants et incontournables et nous tenons à préserver cette ouverture. Nous sommes encore peu impliqués dans le domaine de la prévention des maladies rares. En effet, nous traitons en priorité les causes de mortalité principales avant soixante-cinq ans. Nous manquons de moyens pour traiter ces maladies. Nous travaillons donc surtout avec les grandes associations nationales qui couvrent les principales pathologies. Ce sont des partenaires très habituels et très impliqués.

Concernant notre rôle, nous sommes un opérateur mais aussi une force de proposition. Certains travaux de la commission nationale d'orientation contre le cancer sont ainsi en large partie inspirés de nos recommandations en matière de consommation d'alcool et de tabac, ainsi que de nutrition. Nous avons donc de plus en plus un rôle d'expertise qui vient seconder notre rôle d'opérateur.

Au sujet des profils de nos collaborateurs, nous possédons grâce à la loi une structure administrative assez robuste. Nous rassemblons quatre grands métiers. Nous employons tout d'abord une dizaine de communicants, ce qui est peu par rapport à l'image d'agence de communication que l'on donne parfois à notre Institut. Ensuite, des spécialistes en sciences humaines comme en sciences médicales travaillent au sein de l'institut. Notre spécificité est véritablement l'étude des comportements. C'est ainsi l'INPES qui publie régulièrement des « baromètres santé ». Nous avons aussi réalisé le sondage largement commenté en ce moment par le ministre de la santé sur la baisse du tabagisme. Notre troisième métier est celui de l'édition : nous publions 55 millions de documents par an sous de nombreuses formes. Nous employons enfin des éducateurs et des pédagogues. L'INPES possède donc une culture très particulière et des compétences que le directeur général s'efforce de coordonner. J'ai ainsi mis en place une petite cellule de programmation pour faire face à ces enjeux.

L'obésité est effectivement un sujet très important. La prochaine campagne de communication que nous mènerons dans le cadre du programme national nutrition santé (PNNS) portera ainsi sur l'exercice physique. Nous avons également réalisé un guide de nutrition, « La santé vient en mangeant », qui a connu un large succès et a été diffusé à plus de deux millions d'exemplaires. Nous publierons bientôt des versions adaptées aux enfants, adolescents et parents. Nous travaillions donc activement sur ce public cible.

Je ne répondrai pas à la question de M. Jean-Pierre Godefroy sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales, car je n'en ai pas pris connaissance et mon rôle en tant que directeur général d'un institut public n'est pas de juger le travail du législateur. Vous auriez également pu citer la loi sur la nouvelle gouvernance, relative à la sécurité sociale. Je pense simplement que ces trois lois devront être harmonisées sous peine de risquer de créer une confusion dans le champ de la santé.

Enfin, au sujet de la médecine du travail, nous étions à l'époque du CFES dans une phase exploratoire. Les moyens nous manquaient. C'est aujourd'hui un objectif prioritaire, et nous y travaillons de plus en plus à la demande des entreprises. C'est l'une des tâches potentiellement dévolues aux délégués régionaux de l'INPES, car au niveau central nous n'avons pas la capacité de tout traiter. Le sujet de la santé environnementale nous préoccupe aussi fortement en ce moment. Malgré son importance, nous ne pouvons l'aborder comme nous le souhaiterions aujourd'hui par manque de moyens.

M. le PRÉSIDENT - Monsieur le directeur général, M. André Vantomme, souhaiterait profiter de votre présence encore un instant pour vous poser une dernière question.

M. André VANTOMME - Merci, monsieur le président. Je voudrais revenir sur la prévention des maladies rares. Les maladies rares ne semblent pas en effet être un sujet majeur en matière de prévention mais bien plutôt concerner l'évolution des pratiques curatives. En quoi consiste d'après vous la prévention des maladies rares ?

M. Philippe LAMOUREUX - L'activité de prévention des maladies rares est évidemment très faible. Nous négocions actuellement avec le ministère le transfert à l'INPES du financement de la plate-forme téléphonique d'information sur les maladies rares. Mais nous sommes loin du traitement de centaines de milliers d'appels comme pour les lignes dédiées aux pathologies les plus courantes. Il s'agit là de repérer un très petit nombre de cas. La prévention consiste surtout à assurer l'éducation thérapeutique de ces patients. L'une de nos missions est de produire des référentiels d'éducation thérapeutique, qui sont dans leurs grands principes applicables aux différentes pathologies. Sur ce point, nous pouvons assister les associations qui luttent contre les maladies rares.

M. le PRÉSIDENT - Merci beaucoup, monsieur le directeur général. Je vais vous demander de laisser la place au Professeur Gilles Brücker, directeur général de l'Institut de veille sanitaire.

Audition de M. Gilles BRÜCKER
directeur général de l'Institut de veille sanitaire
(mercredi 10 décembre 2003)

M. le PRÉSIDENT - Monsieur le directeur général, pourriez-vous tout d'abord nous donner votre approche de ce projet de loi relatif à la politique de santé publique ? Il s'agit du premier projet de cette nature depuis un siècle. Contient-il, selon vous, des avancées importantes ? Avez-vous des réserves quant à certaines de ses dispositions ? Les rapporteurs et les commissaires vous interrogeront ensuite sur votre intervention et d'autres points du texte.

M. Gilles BRÜCKER - Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je m'en tiendrai essentiellement à ce qui concerne l'Institut national de veille sanitaire, que je dirige depuis dix-huit mois. C'est une durée suffisante pour prendre la mesure des enjeux auxquels fait face cet institut récent, puisqu'il a été établi en 1998. Quelles sont les nouvelles orientations conférées par ce projet de loi à l'InVS ? On serait tenté de dire aucune, dans la mesure où la loi avait déjà confié à l'InVS une mission très vaste, qualifiée de « sans limites » par M. le ministre Mattei. L'InVS est ainsi chargé de surveiller toute la population, détecter tous les risques et toutes les menaces et alerter les pouvoirs publics sur l'ensemble de ces risques et menaces.

Le nouveau projet de loi apporte cependant des précisions importantes, qui rejoignent certaines de mes préoccupations initiales lorsque j'ai débuté au poste de directeur général de l'InVS. Les actions à mener avaient été définies avec l'autorité de tutelle au sein d'un contrat d'objectifs et de moyens, appelé « COM 1 ». Nous travaillons actuellement à la préparation de notre COM 2. Nous avions mis en place à travers ce COM 1 un grand nombre d'outils adaptés aux différentes pathologies, mais l'approche par populations ou par déterminants sociaux restait insuffisamment développée.

Ce projet de loi prévoit que l'InVS doit surveiller et répertorier les populations les plus fragiles. C'est un point très important. Le champ d'intervention de l'InVS n'est pas élargi, puisqu'il contenait déjà l'ensemble des risques, mais une priorité de la santé publique portant sur les populations les plus vulnérables et les plus fragiles est ainsi définie. Il est bien entendu impossible de passer sous silence le drame de la canicule de l'été 2003. Cet événement a souligné la vulnérabilité d'une population, celle des personnes âgées. L'InVS n'a pas aujourd'hui de programme spécifique de surveillance des personnes âgées. La surveillance porte sur des pathologies spécifiques, Alzheimer par exemple. Cette approche par maladie requiert une méthodologie différente de celle du suivi global de la population des personnes âgées. Ce projet confirme l'existence d'une priorité accordée aux populations les plus fragiles.

Les personnes âgées constituent un groupe de plus en plus important du fait de l'évolution démographique, hétérogène en termes d'exposition aux risques sanitaires. Mais de nombreux autres sous-ensembles de la population méritent une attention particulière. La naissance est par exemple un événement sanitaire d'une importance extrême qui nécessite un suivi particulier. L'InVS et son autorité de tutelle ont exclu la naissance de ses priorités en 1998 et 1999 pour différentes raisons. Pour ma part je crois que le suivi de la naissance devrait faire partie de nos priorités. Je pourrais citer bien d'autres exemples. La question des maladies rares évoquée tout à l'heure ne comporte pas toujours un objectif accessible de prévention. Mais c'est toujours un objectif d'importance pour la veille sanitaire, traité en grande partie en dehors de l'InVS. C'est bien ainsi car l'InVS n'a pas vocation à assurer toutes les activités de surveillance lui-même ; cela illustre néanmoins la nécessité pour l'InVS de créer de très nombreux partenariats.

Chaque pathologie que nous surveillons concerne de nombreux sous-ensembles de populations qui nécessitent parfois des études particulières. A l'occasion de la journée mondiale sur le SIDA, nous avons mentionné l'importance des contaminations survenant au sein des populations originaires d'Afrique subsaharienne. En articulation avec l'INPES, nous nous efforçons de promouvoir des actions de prévention ciblées parmi ces communautés. La surveillance ciblée me paraît donc être un objectif de première importance nécessitant des moyens particuliers. Ce n'est pas bien sûr une nouveauté à l'InVS, qui menait déjà il y a deux ans des enquêtes dans les hôpitaux auprès des personnes séropositives originaires de l'Afrique subsaharienne. Mais ce texte de loi met véritablement l'accent sur cet aspect qui sans être totalement nouveau n'en revêt pas moins une grande importance stratégique. Cet aspect entrera donc bien entendu dans le cadre de notre contrat d'objectifs et de moyens COM 2, qui ne sera malheureusement signé qu'en 2005. En effet, l'InVS n'aura en 2004 qu'un avenant au contrat existant.

Un autre point sensible soulevé par ce texte est la participation active de l'InVS à la gestion des crises. M. Philippe Lamoureux citait tout à l'heure les métaphores du directeur de la santé, qui comparait l'INPES à l'outil et la direction de la santé à la main. Le directeur de la santé a de même comparé l'InVS à l'oeil et la direction au cerveau. La rétine fait pourtant partie intégrante du cerveau. Ce propos n'avait rien d'inamical et soulignait la nécessaire articulation de notre action et de celle de la Direction générale de la santé. Néanmoins, l'InVS n'est pas qu'un observateur passif, il a un rôle à jouer dans la gestion des crises sanitaires qu'il détecte. L'InVS est ainsi une force de proposition, c'est un point qu'il convient de prendre en compte.

Le projet de loi insiste aussi sur le développement de systèmes d'information prenant en compte différents facteurs déterminants, parmi lesquels les déterminants climatiques. L'InVS n'a pas méconnu les phénomènes environnementaux existants, nous avons été très actifs sur les questions de pollution atmosphérique à l'échelle nationale et européenne. Nous étions par exemple coordonnateur d'un programme appelé PHEIS consistant à analyser la pollution de l'air dans 27 villes européennes dont neuf françaises. Nous n'avions cependant pas intégré dans nos systèmes les questions relatives aux alertes climatiques. Nous y travaillons actuellement avec Météo France. L'InVS a ainsi lancé une première alerte « froid » le vendredi 3 décembre.

Un autre point important mentionné dans le texte est la prise en compte des déterminants sociaux. Je suis absolument convaincu de l'importance de ces déterminants dans la problématique de santé. Mais leur intégration représente un défi majeur pour l'InVS, nécessitant de nouvelles approches, de nouveaux partenariats et de nouvelles compétences. La question n'est pas entièrement nouvelle : nous avions déjà travaillé avec des sociologues sur différentes recherches liées au VIH/SIDA. Il s'agissait d'étudier le comportement des toxicomanes risquant la contamination par voie intraveineuse et les politiques de prévention des risques comme le programme d'échange de seringues. Les sociologues et les associations ont aussi servi de relais à nos enquêtes dans le cadre de l'évolution des comportements sexuels, notamment homosexuels, à risque. Ces informations seraient très difficiles à obtenir sans leur assistance. Le conseil scientifique de l'InVS avait d'ailleurs, dès l'année dernière, mené une réflexion importante sur la place des sciences sociales à l'InVS.

Le projet de loi propose également une disposition très innovante relative à la centralisation de toutes les données concernant les accidents du travail et les maladies professionnelles par l'InVS. Le lien entre santé et travail, longtemps ignoré, est extrêmement important. De nombreux travaux sont en cours sur ce très vaste sujet. L'InVS gère ainsi le Programme national de surveillance du mésothéliome lié à l'exposition à l'amiante. Cette centralisation offre la possibilité de renforcer encore l'information et la communication sur ces sujets.

Il a été écrit que l'InVS devait « prévoir l'imprévisible ». J'interprète cet apparent paradoxe comme une incitation à prendre en compte les événements, non pas totalement imprévisibles, mais imprévus, voire hautement imprévus. C'est un sujet passionnant et difficile. La canicule de cet été a marqué les esprits et profondément influencé l'InVS lui-même. La canicule n'était pas imprévisible, mais nous ne l'avions pas prévue. Jusqu'où devons-nous développer des systèmes d'informations adaptés à des événements exceptionnels ?

La question des ressources se pose avec acuité : chercher à prévoir l'imprévu crée une certaine dispersion et éloigne de l'étude de phénomènes plus communs. Nous avons évoqué les maladies professionnelles. Je pense aussi à la problématique de la violence sociale qui s'aggrave. L'InVS n'a actuellement aucune activité de surveillance de la gravité de la violence sociale et de ses conséquences sur la santé. Je suis convaincu que l'InVS devrait être présent sur ce terrain. Malheureusement, nos ressources sont aujourd'hui accaparées pleinement par nos tâches quotidiennes : la bronchiolite, les vagues de froid, la journée mondiale contre le SIDA... Il y a en permanence de nouveaux domaines à explorer, mais nous sommes limités par les ressources dont nous disposons.

Enfin, au sujet de l'organisation de la veille sanitaire, j'ai évoqué certaines de nos faiblesses : les maladies rares, la naissance, les violences sociales, le handicap... On peut aussi citer la santé mentale, qui avait finalement été écartée des priorités du COM 1. Nous devons aujourd'hui reprendre cette réflexion. On constate un grand décalage entre les outils de surveillance dont nous disposons et les priorités définies par le projet de loi relatif à la politique de santé publique. Parmi les cent objectifs répertoriés, nous en traitons à peu près la moitié. Il existe donc de réelles lacunes, en particulier sur les maladies mentales ou neurologiques.

Je terminerai par une réflexion sur l'approche stratégique de cette veille sanitaire. Le projet de loi prévoit la mise en place des GRSP. En effet, il est nécessaire de renforcer notre présence de veille à l'échelon régional. L'InVS s'est doté depuis quelques années de cellules interrégionales d'épidémiologie (CIRE). Ce système est loin d'être achevé. L'InVS n'a pas encore une CIRE dans chaque région, et les effectifs en sont souvent insuffisants. Certaines CIRE ont cependant atteint une taille opérationnelle en l'état actuel de leurs missions, avec un effectif de huit ou neuf personnes. La coordination de la veille régionale, en lien avec les DRASS, est un défi en termes d'effectifs et d'organisation pour l'InVS. Je crois que nous pouvons relever ce défi et que nous le devons afin de progresser.

La dimension européenne doit être prise en compte au même titre que la dimension régionale. Dans une Europe qui garantit la libre circulation des biens et des individus, il est essentiel d'assurer des conditions sanitaires correctes protégeant l'ensemble des citoyens européens. La veille sanitaire nationale ou régionale ne peut s'abstraire de la situation au niveau européen. Je parle de l'Europe au sens de la définition de l'Organisation mondiale de la santé, comprenant donc une cinquantaine d'états. L'élargissement de l'Union européenne introduit également de nouveaux enjeux en matière de veille sanitaire. L'InVS bénéficie d'une excellente reconnaissance au niveau européen. Nos partenaires attendent beaucoup de notre engagement européen.

Il ne faut pas non plus ignorer la dimension mondiale de la veille sanitaire, comme l'a montré la crise du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). L'InVS s'est très fortement mobilisé sur ce sujet à l'échelon mondial en partenariat avec l'OMS. Nous avons d'ailleurs des liens étroits avec le noyau de réflexion sur la situation épidémiologique mondiale et nous soutenons activement le pôle de l'OMS à Lyon, qui participe activement au développement de l'épidémiologie internationale et de la constitution de réseaux de laboratoires de surveillance. Je leur ai ainsi rendu visite hier afin d'aborder avec eux les enjeux soulevés par les menaces de bioterrorisme.

Voilà ce que l'on peut dire de ce projet de loi concernant son influence sur les missions et les stratégies de l'InVS.

M. le PRÉSIDENT - Merci beaucoup, monsieur le directeur général. Monsieur le rapporteur, avez-vous des questions complémentaires ?

M. Francis GIRAUD, rapporteur - Oui, merci, monsieur le président. Monsieur le directeur général, vous nous avez exposé votre exigeante mission. Nous vous souhaitons un plein succès afin de discerner l'indiscernable. Votre champ d'intervention est illimité, mais il convient bien sûr établir des objectifs prioritaires à des fins d'organisation. Je vous poserai quelques questions sur le texte lui-même. L'article 1 dispose que le Haut Conseil de santé publique, auquel nous appartenons tous deux, assure une fonction générale d'expertise en matière de gestion des risques sanitaires. De même, un comité national de santé publique coordonne l'action des départements ministériels en matière de sécurité sanitaire. Comment l'action de l'InVS s'articule-t-elle avec celle de ces institutions ?

Vous avez souligné les mérites de l'échelon régional. De quels moyens concrets disposez-vous pour intervenir au sein des GRSP qui se mettront en place ?

Par ailleurs, comment concevez-vous les réseaux de surveillance de l'ensemble du territoire, voire de l'Europe et du monde, afin que l'échelon central soit en permanence informé dans les meilleurs délais ? Comment assurer une transmission optimale de l'information à l'échelle nationale, et la traduire en actions réelles sur le terrain ?

M. le PRÉSIDENT - Monsieur le directeur général, voulez-vous répondre d'abord à ces trois questions avant que nous ne passions aux réactions des commissaires ?

M. Gilles BRÜCKER - Oui, je vous remercie, monsieur le président. Je traiterai d'abord du rôle de l'InVS relativement au Haut conseil de santé publique et au Comité national de santé publique.

Le Haut Conseil de santé publique résulte de la fusion du Haut Comité de santé publique et du Conseil supérieur d'hygiène public de France - section des maladies transmissibles. Connaissant bien ces deux structures pour y avoir participé, cette fusion me paraissait problématique faute d'objectifs communs aux deux institutions. Le Haut comité de santé publique se livrait à une réflexion globale et stratégique sur les problématiques de santé, publiant par exemple des rapports sur l'état de santé des Français ou sur des sujets plus ciblés comme la santé des adolescents ou la nutrition. Le Conseil supérieur d'hygiène public de France, dont j'assurais pendant plusieurs années la présidence, se consacrait à la gestion de risques directs. Il avait une fonction d'alerte et une approche beaucoup plus pragmatique et directive. Il se prononçait par exemple sur la pertinence de certaines vaccinations.

La fusion des missions de ces deux institutions qui nécessitent une réactivité différente, l'une traitant du moyen et long terme et l'autre des problèmes immédiats, est un sujet d'interrogation. La lourde charge de travail qui pesait sur ces deux institutions ne va pas s'atténuant. L'InVS participait activement à la production d'expertises pour le Conseil supérieur d'hygiène publique et à un moindre degré pour le Haut comité de santé publique au sein des ses groupes de réflexion.

L'InVS sera au service de ce Haut Conseil de santé publique afin de produire des expertises selon les besoins. Les membres du Haut Conseil devront en effet se référer à de la documentation, des analyses bibliographiques et des travaux d'expertise. Il appartient donc à l'InVS de produire cette information à l'appui de la réflexion des membres du Haut Conseil. Je conçois de même l'action de l'InVS auprès du Comité national de santé publique. Il faut donc faire de l'InVS un lieu de production d'information et d'expertise à la demande de ces structures.

Au sujet de nos moyens régionaux, nous disposons actuellement de seize cellules interrégionales d'épidémiologie, contre neuf il y a deux ans. Malgré cette progression sensible, nous ne sommes pas prêts à en établir une par région. Nous avions marqué cette orientation il y a dix-huit mois en accord avec le directeur de la santé, compte tenu des contraintes de l'InVS en matière de ressources humaines. Du fait de la diversité des thèmes traités, il est préférable de renforcer les CIRE existantes que d'en créer de nouvelles en sous-effectif. Il m'est impossible de vous donner les chiffres consolidés de nos effectifs dans les CIRE, mais je pense qu'elles emploient aujourd'hui une soixantaine de personnes.

Le nombre limité de CIRE reste tout de même un sujet de préoccupation : il n'y a par exemple qu'une unique CIRE couvrant les trois régions d'Alsace, de Lorraine et de Champagne-Ardenne. Ce champ est trop vaste pour assurer une veille sanitaire véritablement régionale. Nous avons, par exemple, des difficultés à recruter des collaborateurs hautement spécialisés prêts à s'installer dans la région de Nancy. La demande en épidémiologistes a en effet fortement augmenté avec le développement de la veille sanitaire. Cette évolution n'a pas été suivie par une augmentation du nombre des professionnels en formation, un domaine dans lequel la France accuse encore un certain retard. Recruter dans chaque région des personnes compétentes est un énorme défi. L'InVS a embauché en dix-sept mois une centaine de personnes, dont une large part d'épidémiologistes et de biostatisticiens. Nous atteignons les limites de ce marché. Ouvrir un poste ne signifie pas nécessairement le pourvoir.

M. le PRÉSIDENT - Trois intervenants prendront la parole : MM. Jean-Louis Lorrain, rapporteur, André Lardeux et André Vantomme.

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - Merci, monsieur le président. Etant moi-même élu d'un département de l'Est, le Haut-Rhin, je pense que nous disposons tout de même d'atouts susceptibles d'y attirer vos chercheurs.

Je suis chargé de rapporter sur le sujet spécifique de la santé-environnement. Je ressens une frustration devant ce texte, qui n'aborde dans ce domaine que les problèmes de saturnisme et de qualité de l'eau. La problématique de la santé-environnement est pourtant beaucoup plus vaste. Le texte et ses annexes mentionnent de nombreux préalables hypothétiques, d'informations épidémiologiques, par exemple. On semble vouloir reporter les décisions sensibles à plus tard.

Je citerai un exemple concret. J'ai visité récemment une commune investie par le radon. Ne faisant partie d'aucun programme national, ses habitants devaient gérer eux-mêmes ce problème environnemental. Ne devrait-on pas quantifier davantage les objectifs de ce projet de loi, sur le modèle des objectifs quantifiés existant, concernant par exemple la pollution atmosphérique ? Cela me paraîtrait plus opérationnel. Qu'en pensez-vous ?

Au regard de la mission consistant à « prévoir l'imprévisible », ne pensez-vous pas qu'un tel objectif contribue à alimenter un climat d'angoisse parmi la population ? L'InVS engage de plus sa responsabilité sur cette mission, ce qui me paraît exagéré. Les réflexions en cours que vous avez citées (sur la violence sociale, la santé mentale...) soulèvent la question de la coordination des politiques dont vous êtes l'acteur et l'opérateur, ce qui me semble être le foyer de toutes les résistances.

M. André LARDEUX - Ma question rejoint celle de M. Jean-Louis Lorrain. Comment opérer la coordination entre les nombreux intervenants ? Dans ce sens, estimez-vous que la répartition des responsabilités prévue par la loi constitue une amélioration ?

Je traduirai ces interrogations à travers deux questions plus précises. La région vous paraît être l'échelon pertinent pour votre activité de veille. Or le projet de loi relatif à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, ne mentionne pas le niveau régional mais fait référence à des plans d'alerte départementaux sous la supervision du Préfet, du Conseil général et des ARH. Cette mesure vous paraît-elle pertinente ?

M. Gilles BRÜCKER - Pouvez-vous, s'il vous plaît, répéter le thème de votre question ?

M. André LARDEUX - Il s'agit de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie qui traite le problème de la dépendance. Les plans d'alerte départementaux auxquels je me référais traiteraient donc les crises équivalentes à celle de la canicule à un échelon inférieur à celui que vous préconisez.

Comment envisagez-vous également le problème des maladies professionnelles ? Vous avez évoqué les conséquences de l'exposition à l'amiante, mais de nombreuses autres pathologies émergent, telles que les troubles musculo-squelettiques, qui ont des causes multiples et ne sont que partiellement liées au travail. Quelle est votre action dans ce domaine ? Estimez-vous que le projet de loi y apporte des avancées ?

M. le PRÉSIDENT - M. André Vantomme posera la dernière question.

M. André VANTOMME - Monsieur le directeur général, j'ai cru comprendre que la question des maladies mentales n'est pas encore traitée à part entière par l'InVS. Quelle est la raison de cette mise à l'écart d'un problème qui a pourtant cruellement transparu au travers d'affaires récentes, impliquant parfois d'éminentes personnalités de la République. Comment envisagez-vous le traitement par l'InVS des maladies mentales et des affections neuropsychiatriques ? Ces questions concernent en effet dix des cent objectifs de santé publique issus de la consultation nationale et mentionnés dans le projet de loi qui nous occupe.

M. Gilles BRÜCKER - Je m'efforcerai de répondre brièvement puisque le temps nous est compté. L'InVS est fortement impliqué dans le champ des problématiques de santé-environnement, qui est vaste. Nous traitons ainsi les problèmes de pollution de l'air, de l'eau et des sols, ainsi que d'autres questions environnementales comme le climat ou le radon que vous avez cité. Il est impossible de mettre en place dans chaque endroit confronté à une problématique environnementale des équipes avec les moyens et les compétences nécessaires. Les questions de santé-environnement suscitent des travaux longs, importants et difficiles. Ces questions tiennent une place de plus en plus importante dans les programmes mis en place par les CIRE, concernant les nuisances sonores par exemple. Ceci suppose de mettre en place des études très complexes et coûteuses.

Les risques de pollution liés aux dioxines générées par les installations d'incinération forment ainsi par exemple une de nos préoccupations majeures. L'étude nationale de mesure de l'imprégnation des dioxines en cours ne peut s'effectuer sur l'ensemble du territoire du fait de son coût. Nous choisissons de concentrer nos moyens sur les lieux les plus propices à l'observation. Ces choix créent parfois un ressentiment sensible parmi les collectivités locales. Nous n'avons cependant pas les moyens d'effectuer ces mesures partout. Le seul dosage des dioxines issu de nos observations coûte déjà à l'InVS 1 million d'euros. Nous travaillons sur les lieux présentant des conditions optimales de qualité afin d'éclairer la gestion des politiques de santé. C'est aussi le cas des observations menées sur le radon.

Vous mentionnez également la vaste question de la gestion du « climat d'angoisse ». Dans le cadre du lancement de l'alerte « froid » de la semaine dernière, j'ai reçu des encouragements mais aussi des critiques. Ce genre de message participe peut-être de l'instauration d'un tel climat d'inquiétude et d'angoisse. Ces décisions ne se font pas sans mal. La communication de nos messages doit progresser. Il y a aujourd'hui parmi la population une forte demande d'information sur les différents risques. L'interprétation de nos messages pose souvent problème, également du fait de la diversité des publics auxquels nous nous adressons. C'est un vaste sujet sur lequel nous pourrions nous étendre si nous en avions le temps.

Concernant la problématique de la coordination soulevée par MM. Jean-Louis Lorrain et André Lardeux, l'ensemble des agences de sécurité sanitaire et de leurs partenaires dans le champ de la veille sanitaire y accorde énormément d'importance. Nous essayons autant que possible de coordonner nos actions au mieux. Vous entendrez, tout à l'heure, Mme Michèle Froment-Védrine, directrice générale de l'AFSSE. Lors de la création de l'AFSSE, nous avons travaillé ensemble à la définition de nos champs respectifs dans le cadre des problématiques de santé-environnement. Nous nous efforçons d'être aussi complémentaires que possible dans nos approches.

L'InVS se coordonne aussi avec les démarches dirigées par Mme Mireille Elbaum, de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) sur les questions de santé comportant un important aspect social. La coordination est une préoccupation constante pour l'InVS. La direction générale de la santé organise d'ailleurs tous les mercredis une réunion de coordination des agences de sécurité sanitaire pour aborder les questions actuelles et prospectives dans ce domaine. La coordination doit bien entendu être encore approfondie mais beaucoup d'efforts ont été déployés dans ce domaine.

A propos de la place du département, je crois qu'il est nécessaire de conserver un échelon départemental d'intervention. Il existe une véritable volonté à ce niveau de participer à la veille sanitaire malgré une situation assez hétérogène selon les départements en termes d'effectifs et de compétences. Les métiers de la veille sanitaire ont connu une véritable révolution depuis dix ans. Il est nécessaire de mettre en place davantage de programmes de formation à la veille sanitaire et à la gestion des crises. La région ne peut être un centre efficace de veille sanitaire sans la mobilisation des DASS. Le rôle du département est donc important.

Au sujet des maladies professionnelles, des causes multiples peuvent effectivement en être à l'origine. C'est le cas des troubles musculo-squelettiques qui peuvent être liés aussi bien à des activités professionnelles que personnelles. Nous essayons de développer des outils à même de déterminer la durée et l'intensité de l'exposition à un risque tout au long du parcours professionnel. Ce programme s'intitule MAGENE, matrice emplois-exposition. Il n'est pas encore opérationnel mais devrait permettre d'identifier avec précision les différentes périodes d'expositions à un risque lors de parcours professionnels aujourd'hui très mouvants. Cet objectif est clairement traité par l'InVS.

Enfin, M. André Vantomme mentionnait l'absence des questions de santé mentale des objectifs de l'InVS. Je ne peux répondre avec certitude, n'étant pas présent à l'époque de cette décision pendant la négociation du contrat d'objectifs et de moyens COM 1. Cependant, je ne crois pas que l'on ait sous-estimé l'importance de ce problème. Ce sujet extrêmement complexe nécessitait sans doute un dispositif de veille beaucoup plus délicat à développer que d'autres thèmes plus immédiatement accessibles.

Nous pouvons aujourd'hui aborder la problématique de la santé mentale grâce aux acquis et aux expériences accumulés par l'InVS depuis sa création. J'ai demandé que soit conduit un travail prospectif à ce sujet. Un chercheur de l'InVS m'a ainsi remis un rapport sur la faisabilité de la surveillance de la santé mentale en France. Je dois encore étudier les propositions de ce rapport dans le détail, mais j'ai pris connaissance de ses grandes lignes. La surveillance de la santé mentale soulève en effet la question du choix et de la pertinence des indicateurs utilisés. Ce problème concerne la population dans son ensemble. Nous espérons mettre en place un début de surveillance au cours de l'année 2004, en attendant les nouveaux axes prioritaires qui seront définis en 2005 par le COM 2.

M. le PRÉSIDENT - Monsieur le directeur général, je vous remercie au nom de tous mes collègues.

Audition de Mme Michèle FROMENT-VEDRINE
Directrice générale de l'Agence française de sécurité
sanitaire environnementale (AFSSE)
(mercredi 10 décembre 2003)

M. le PRÉSIDENT - Nous accueillons maintenant Mme Michèle Froment-Védrine, directrice générale de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE). Madame le directeur général, merci d'avoir accepté de participer à ces auditions. Pourriez-vous exprimer votre position sur le texte de loi relatif à la politique de santé publique ? Ce texte attendu constitue une première depuis un siècle, il est donc important d'en faire une analyse pointue. Les rapporteurs et les commissaires vous interrogeront après votre intervention.

Mme Michèle FROMENT-VÉDRINE - Merci, monsieur le président. Ce texte est effectivement très attendu et important au regard des questions de santé environnementale. Il contient au moins huit objectifs de gestion concernant des problématiques connues dont la réalisation va nécessiter la coordination de différents services de l'État. D'importantes mesures sont également prises sur deux autres points : le saturnisme et la protection de la qualité de l'eau. Ces questions de gestion du risque ne sont pas les questions principales en ce qui concerne l'AFSSE, puisqu'elles relèvent du ministère. Nous y apportons tout au plus une certaine expertise.

Le projet établit en revanche un plan national en santé environnementale qui aura de fortes répercussions sur l'AFSSE. Ce plan quinquennal fait suite à la Conférence de Londres de 1999 et donne enfin une véritable légitimité à l'étude des questions de santé environnementale et permettra de faire émerger des thèmes nouveaux. La France n'a en effet pas encore fixé d'objectifs précis à la différence d'autres pays, notamment les pays anglo-saxons. C'est à cette tâche que l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale se consacre de plus en plus activement.

M. le PRÉSIDENT - Merci. M. Jean-louis Lorrain, notre rapporteur, posera les premières questions.

M. Jean-louis LORRAIN - Je pense que vous avez pris connaissance des questions qui vous ont été transmises par écrit, je vais brièvement les rappeler. L'Agence française de sécurité sanitaire environnementale s'est vu confier deux missions : contribuer à assurer la sécurité sanitaire dans le domaine de l'environnement et évaluer les risques existants. Deux ans après sa création, où en est l'AFSSE dans la mise en place de ces partenariats et dans la rationalisation de l'expertise dans le domaine de la sécurité sanitaire environnementale ?

Au sujet du plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement, quelles sont les modalités de l'intervention de l'AFSSE actuellement et dans le futur ? Dispose-t-elle des moyens humains nécessaires au suivi de sa mise en oeuvre au niveau régional ?

Concernant le projet de loi lui-même, pourriez-vous commenter ses objectifs environnementaux ? Ces objectifs vous paraissent-ils convenablement choisis et réalisables ? Nécessitent-ils encore davantage de réflexions avant de pouvoir présenter des propositions plus solides ?

Le projet de loi contient également deux objectifs rénovés, à savoir la protection de la qualité de l'eau et le saturnisme. Ces objectifs sont importants mais résument-ils le volet environnement et santé de la politique sanitaire ? Ne pensez-vous pas que c'est insuffisant ?

Mme Michèle FROMENT-VÉDRINE - Je vous remercie. Concernant la création de l'Agence, celle-ci ne remonte pas à deux ans mais bien à quelques mois. Le texte de loi créant l'Agence remonte en effet au 9 mai 2001, mais son décret d'application date du 1 er mars 2002. J'ai été moi-même nommée en avril 2002 et n'ai reçu un budget de fonctionnement qu'en octobre 2002. L'Agence a en effet été créée ex nihilo, contrairement à d'autres agences sanitaires qui s'appuyaient sur des organismes préalablement existants. Le budget reçu à cette date ne comportait pas de crédits d'investissement autres que de recherche, nécessaires au démarrage de l'activité de l'Agence (mobilier, ordinateurs...). Ce n'est qu'en décembre 2002 que quelques crédits épars ont permis à l'Agence d'entamer son action. Lors de l'embauche de son personnel, l'Agence s'est également heurtée à des difficultés statutaires qui n'ont été levées par une lettre dérogatoire du budget qu'en février 2003. L'Agence n'était en effet pas incluse dans le dispositif de statut des personnels d'agences sanitaires. Les embauches se sont réparties entre les mois d'avril et de juin 2003 et continuent à ce jour.

L'activité juridique de l'Agence avait donc effectivement démarré en octobre 2002 avec un effectif de trois personnes mises à sa disposition : un responsable financier, un responsable scientifique à temps partiel et moi-même. Quelques travaux ont été effectués à cette époque : le lancement d'un appel à propositions de recherches encore financé par le ministère de l'environnement et repris par l'AFSSE depuis, et la production d'un rapport sur la téléphonie mobile publié en avril 2003. Le véritable fonctionnement de l'Agence remonte seulement au mois de mai ou juin 2003 avec l'arrivée d'un personnel spécialisé conséquent.

En l'espace de ces quelques mois, un nombre considérable de saisines nous ont néanmoins été adressées par nos ministères de tutelle, le Ministère de la Santé et le Ministère de l'environnement. Il s'agit de demandes de compilation d'information auprès de l'ensemble de nos partenaires. L'Agence est en effet une agence d'objectifs ne comprenant que 29 postes autorisés en 2003. Notre objet est la coordination d'une quinzaine d'établissements cités dans le décret de mars 2002. Ces établissements sont des établissements de recherche ou d'expertise.

Les saisines dont nous faisons l'objet sont l'occasion de rassembler les expertises compétentes de ces établissements voire d'autres services et établissements publics si nécessaire. Nous avons ainsi mis en place des travaux sur le bruit, sur la pollution atmosphérique intérieure et extérieure, le cancer... Nous avons mené deux appels d'offres, l'un portant sur la sélection de 28 équipes de recherche en 2002 et l'autre sur 16 équipes de recherche en 2003 travaillant sur la santé environnementale. Nous procéderons de même pour les années à venir. Des contacts ont également été pris avec l'ensemble des établissements concernés.

Notre travail a donc effectivement démarré. Des conventions sont en cours de négociation avec ces établissements. La collaboration se passe de mieux en mieux sur de nombreuses questions de santé publique. Cependant, l'AFSSE n'a pas une légitimité supérieure à celle des autres institutions intéressées par les questions de santé environnementale. Une agence nouvellement créée, ne disposant pas d'après les textes d'une autorité particulière, ne peut prétendre interférer avec les procédures d'établissements de grande taille et à l'histoire ancienne, que ce soit l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) ou les différentes agences sanitaires.

C'est par la démonstration de notre compétence et de notre persuasion que nous devons opérer afin de mener à bien ces travaux et d'établir ces conventions. La faiblesse de notre budget est une contrainte puisque nous n'avons pas les moyens de rémunérer ces établissements pour les travaux qu'ils fournissent. Il s'agit donc de créer une relation de confiance et de faire des travaux communs avec une publication commune. Nous étions dès le début conscients de cette difficulté. Le texte de mai 2001 indiquait clairement que l'Agence n'aurait pas les moyens de réaliser elle-même ces expertises.

L'Agence dépend donc de ces activités de coordination, qui entraînent quelques complications administratives et budgétaires mais ne posent aucun problème scientifique. Cette collaboration nous permettra de publier deux importants rapports sur le bruit et sur la pollution atmosphérique début 2004. Le Gouvernement nous a chargés par ailleurs d'organiser la concertation dans le cadre du premier programme national santé-environnement publié pour la conférence de Budapest en 2004.

Pour faire le lien avec votre second point et le plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement, le Gouvernement a décidé d'organiser dans un premier temps une consultation autour d'une commission d'orientation. Cette commission est présidée par trois co-présidents représentant les thématiques des trois ministères qui soutiennent ce plan : le ministère de l'écologie et du développement durable, le ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées et le ministère du travail et de l'emploi. La participation du ministère du travail et de l'emploi est une innovation justifiée par la place prépondérante tenue par le milieu professionnel dans l'ensemble des sujets que nous abordons. Ce milieu est bien souvent le premier à se heurter aux difficultés qui menacent l'ensemble de la population.

L'AFSSE a été désignée comme secrétaire scientifique et administrative de la commission d'orientation qui comporte 22 membres. Cette commission est indépendante de l'AFSSE qui l'assiste en lui fournissant des supports scientifiques et en effectuant la synthèse de ses travaux. Cette indépendance a été voulue par le Gouvernement. Un pré-rapport sera élaboré et remis aux différents ministres vers le 12 décembre. Il sera suivi dans trois régions d'une présentation sur certains de ses thèmes ciblés par les différents ministères : le 15 décembre à Douai, le 9 janvier à Lyon et le 16 janvier à Rennes. Le pré-rapport sera publié sur Internet et fera l'objet d'une consultation publique en ligne, à l'instar des documents de la Commission européenne. Nous recueillerons l'ensemble des remarques issues de ces consultations, et un rapport définitif sera rendu à la fin du mois de janvier par les trois coprésidents de la commission. Ce document servira de support à l'ensemble des travaux menés par le gouvernement dans le domaine de la santé environnementale de janvier à juin 2004. Cette commission scientifique n'a pas un caractère juridique ou économique et de nombreuses instructions devront être menées à partir de ses recommandations avant qu'elles ne puissent être adoptées par le gouvernement.

Ces travaux s'articulent avec les objectifs définis par le projet de loi relatif à la politique de santé publique. Les orientations de la loi portent sur des problématiques de gestion du risque connues telles que le saturnisme ou la pollution de l'eau. Le rapport formule quant à lui des recommandations dans des domaines de recherche ou d'expertise avec une dimension prospective sur les cinq prochaines années. Même si certains éléments communs seront mis en avant, le rapport portera sans doute sur des mesures plus originales et définira un vaste plan d'intervention interministériel qui ira au-delà des objectifs de la loi de santé publique. L'Agence est également engagée dans le plan de lutte contre le cancer à hauteur de 1 million d'euros, dans le champ de la santé environnementale.

Concernant les moyens d'intervention régionale dont nous disposerions, nous n'en avons pour l'instant aucun. Des relais régionaux doivent être créés. Cela peut se faire par convention, par exemple avec les centres anti-poison qui mènent déjà des travaux de toxico-vigilance. Nous n'avons pour l'instant rien de comparable au réseau des CIRE de l'InVS. J'ignore encore comment l'implémentation de ces plans sera suivie à l'échelle régionale. Cette question ne figure pour l'instant pas parmi nos priorités, nos ressources étant accaparées par la préparation dudit plan. L'AFSSE ouvrira neuf nouveaux postes en 2004, ce qui sera insuffisant pour établir un réseau. Nous comptons surmonter cette faiblesse grâce au passage de conventions avec des hôpitaux, des sections d'hôpitaux ou des établissements régionaux. Ce problème sera traité à partir de 2004. L'AFSSE ne dispose pour ce faire que de moyens directs très réduits : ses 39 employés en 2004 en font la plus petite de toutes les agences.

A propos des huit objectifs quantifiés et de leur réalisation, je ne m'arrêterai pas longtemps sur le sujet car il ne concerne pas directement l'Agence. Il s'agit de propositions relatives à la gestion du risque, c'est-à-dire mises en oeuvre essentiellement par les ministères. Ces huit objectifs sont d'un grand intérêt et nécessiteront la mobilisation de l'ensemble des services de l'État, de leurs partenaires régionaux voire de la population elle-même pour certains d'entre eux. Les problèmes liés au saturnisme ou au monoxyde de carbone requièrent bien entendu la participation des habitants, qui sera d'ampleur inégale en fonction de leurs moyens. Cette mise en oeuvre ne sera donc pas simple mais constitue un enjeu très important en matière de sécurité sanitaire et environnementale.

Je traiterai enfin des deux dispositifs rénovés ayant trait à la protection de la qualité de l'eau et à la lutte contre le saturnisme. Je trouve très intéressante l'idée d'un carnet sur lequel seraient consignés les risques liés au saturnisme. Ce carnet serait remis lors de la location ou de la vente d'un appartement ou d'une maison. Ce point a été évoqué pour d'autres problématiques dans le cadre du plan national santé-environnement. On pourrait ainsi y adjoindre les problèmes de vétusté des canalisations d'eau, à l'origine de certains cas de légionellose ou de saturnisme, ainsi que de l'installation électrique, cause de nombreuses brûlures ou d'intoxications. Ce dernier point provient des risques d'incendie et d'inflammabilité de différents produits domestiques et notamment les éléments mobiliers contenant de la mousse de rembourrage très toxique. Le décret concernant l'inflammabilité de ces meubles n'a d'ailleurs jamais été publié ; les britanniques ont pris des mesures très efficaces qui ont réduit les décès par intoxications lors des incendies.

Quant à la qualité de l'eau, il rejoint le sujet extrêmement important de la protection du périmètre des eaux contre les actions terroristes, la malveillance ou le mésusage de produits nocifs à proximité des points de captage, en particulier agricole. Il s'agit là d'une véritable mesure de progrès. La pollution de l'eau par les pesticides est une question d'envergure. L'AFSSE étudiera de façon prioritaire la reprotoxicité de ces produits. D'autres pays comme les Etats-Unis, le Canada ou la Grande-Bretagne, ont sur ce sujet une avance scientifique considérable. Ces produits peuvent en effet participer à la stérilité et aux anomalies de développement de l'embryon et du foetus.

Il n'existe pas actuellement en France de données épidémiologiques suffisantes pour traiter ces différents sujets de santé environnementale et en particulier ce dernier. C'est l'un des travaux prioritaires que devrait mettre en place l'InVS afin de recueillir les statistiques de la stérilité, des fausses couches et de leurs causes ainsi que des anomalies visibles à la naissance. L'étude de la reprotoxicité doit s'étendre sur de nombreuses années. La malformation d'une personne ne sera détectable parfois que des années après sa naissance. Ce sont des sujets complexes et sensibles. Nous devons disposer de toutes les données disponibles en amont et de toute l'expertise possible en aval et l'imputabilité à un produit est rarement univoque. Voilà ce que je souhaitais dire sur ces sujets, je suis prête à répondre à vos autres questions.

M. le PRÉSIDENT - Merci, madame le directeur général. A propos du saturnisme, vous parliez des problèmes liés à l'état des canalisations, de la peinture... Disposons-nous d'une expertise sur le problème des peintures vieillissantes ?

Mme Michèle FROMENT-VÉDRINE - L'AFSSE n'a pas d'action particulière dans ce domaine. Ces problèmes sont bien connus et pris en charge par la direction générale de la santé et l'InVS. Les résultats d'une conférence de consensus sur ce thème, menée par l'ANAES, est d'ailleurs imminente. Ces sujets bénéficient déjà d'une très vaste expertise, je ne m'attarderai donc pas sur cette question qui n'est pas une des priorités de l'AFSSE, malgré son importance pour la santé publique, sauf saisine particulière.

M. le PRÉSIDENT - Bien sûr. M. Alain Vasselle, puis M. Jean-Pierre Godefroy, souhaitent intervenir.

M. Alain VASSELLE - Je souhaiterais poser quelques questions à Mme Froment-Védrine. Vous avez fait état de la modicité de vos moyens d'intervention au niveau régional, et vous avez suggéré que des conventions passées avec les hôpitaux permettraient de mener à bien une partie de vos missions. Pensez-vous que les hôpitaux disposent de moyens qui vous font défauts pour réaliser ces travaux ?

Ma seconde question concerne la qualité de l'eau. Vous allez rassembler des expertises scientifiques sur les problèmes de pollution de l'eau, notamment par les pesticides. Existe-t-il en France des expertises sur l'impact en matière de pollution de l'eau des centres d'enfouissement technique de déchets ménagers (CET) ? Si ce n'est pas le cas, votre Agence a-t-elle l'intention de les mettre en place ? Ce sujet est certainement l'une des principales préoccupations de nos concitoyens dans le débat portant sur la gestion des déchets. On sait en effet que les techniques d'incinération génèrent des dioxines, malgré la mise en place de systèmes de traitements de fumées sur lesquels vous travaillez peut-être par ailleurs. Les CET sont-ils véritablement inoffensifs ?

Ceci m'amène à la question suivante qui porte sur les normes. Entre-t-il dans les missions de votre Agence de produire des normes qui viendraient compléter les dispositifs existants en France et régleraient l'action des entreprises ou des collectivités ? Si c'est le cas, l'établissement de ces normes est-il accompagné de l'étude de leurs conséquences économiques ? On assiste en effet à la progression de la normalisation avec le temps. Cette prolifération des normes a parfois un impact considérable sur la compétitivité des entreprises ou la fiscalité des collectivités.

M. Jean-Pierre GODEFROY - Madame la directrice générale, je voudrais vous poser une question concernant les huit objectifs mentionnés par le projet de loi. Je ne vois nulle part apparaître le contrôle des activités nucléaires qui sont pourtant fort importantes dans notre pays. Je suis moi-même un partisan de cette industrie, mais je crois qu'elle doit être contrôlée. Cette question n'est prise en compte, ni dans le volet santé-environnement, ni dans le volet santé-travail. Or nous savons que des problèmes peuvent émerger dans la chaîne alimentaire du fait des rejets de substances dangereuses dans l'air, la mer ou les rivières. Vous avez mentionné la reprotoxicité ; il me semble que la surveillance des travailleurs du nucléaire est à cet égard tout à fait indispensable. Les conditions de travail des personnels intérimaires les exposent en effet à des risques d'irradiation. Quels seront les effets sur la santé et sur la descendance de ces travailleurs du nucléaire ?

Un contrôle est-il également prévu dans le cadre de l'élargissement européen ? Certains des nouveaux États membres ont peut-être des conditions de protection inférieures aux nôtres. Je n'ai vu nulle part mentionnée la gestion d'une éventuelle pollution nucléaire.

M. le PRÉSIDENT - Merci, nous terminerons donc par ces deux séries de questions. M. le rapporteur a encore cependant une remarque à formuler.

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - J'ai eu l'occasion de lire, madame, le rapport que vous aviez publié sur la téléphonie mobile. Chargé avec mon collègue, M. Daniel Raoul, d'un rapport sur ce sujet dans le cadre de l'Office parlementaire des choix scientifiques et techniques, j'avais beaucoup apprécié la coordination entre une agence et un organisme parlementaire. Je tenais à vous en remercier.

Mme Michèle FROMENT-VÉDRINE - Merci beaucoup. Je vais répondre à la question concernant les hôpitaux. Je les ai évoqués à propos des centres anti-poison et de toxico-vigilance. Ces centres ont une double mission. Ils répondent tout d'abord aux urgences, téléphoniques essentiellement, mission qu'ils accomplissent avec très peu de moyens. La Direction générale de la santé a saisi l'AFSSE et l'InVS d'un rapport sur la toxico-vigilance. Ce rapport, remis il y a quelques semaines, fait le point sur les difficultés rencontrées par les centres anti-poison et de toxico-vigilance en termes de moyens humains et financiers, de développement de carrière et de charge de travail. Les centres anti-poison ont néanmoins une compétence très importante en matière de toxico-vigilance qui est utilisée à travers de nombreuses expertises locales ou nationales. Ces centres sont en état d'alerte permanente afin de répondre à d'éventuelles agressions bio terroristes.

Cette compétence de toxico-vigilance est très importante pour l'AFSSE. A travers les conventions que nous passerions avec ces services des hôpitaux, nous aurions accès à des informations qui sont déjà disponibles. Il ne s'agit pas d'une surcharge pour ces centres, bien au contraire, et cela représente une reconnaissance appréciable de leur travail. Il n'empêche que le problème des moyens de ces centres devra être réglé. Il n'y a pratiquement plus de personnels à temps plein, les effectifs sont pour la plus grande part constitués de vacataires et de nombreux départs en retraite sont à prévoir. C'est le cas au centre hospitalier de Paris, qui va bientôt rencontrer des difficultés importantes malgré l'immense travail qu'il continue d'accomplir.

En ce qui concerne l'eau, l'AFSSE est consciente des problèmes de pollution de l'eau, en particulier des risques pour l'eau de boisson. Je rappellerai cependant que l'AFSSE, qui n'existe que depuis quelques mois, travaille sur la base de saisines. Ces saisines ont été en nombre extrêmement important. Nous avons atteint les limites des capacités de traitement de nos équipes scientifiques, qui dépassent les 35 heures. Le problème de l'eau de boisson est géré à la fois par la Direction de l'eau du ministère de l'environnement, les agences de l'eau mais surtout par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). Bien que nous travaillions en coordination avec l'AFSSA et partagions les mêmes locaux, nous n'intervenons pas sur ce sujet sauf dans le cas d'une saisine conjointe de nos deux organismes. C'est actuellement le cas sur la question de l'antibiorésistance de l'eau. L'AFSSE apporte son expertise spécifique en matière d'environnement.

L'enfouissement des déchets est de même un sujet dont nous n'avons pas été investis. Il est traité par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Des projets de conventions existent avec ces deux établissements et la circulation de l'information se fait sans problèmes. Nous n'avons pas à ce jour reçu de saisine sur ce sujet.

Ces deux points, la protection des ressources en eau et le traitement des déchets, feront néanmoins partie du plan national de santé environnementale. Les rapporteurs attireront l'attention des différents ministères sur ces questions. Des associations ont d'ailleurs saisi récemment l'AFSSE sur la base d'un décret de juin 2003 sur trois problèmes concernant pour deux d'entre eux des dysfonctionnements d'incinérateurs et l'autre l'enfouissement de déchets chimiques. Nous traitons donc en quelque sorte ces sujets au cas par cas.

Concernant les normes, l'AFSSE n'a pas vocation à produire des normes. En revanche, l'AFSSE rend des avis en matière de réglementation et peut donc proposer de nouvelles normes, éventuellement mises en place par l'Association française de normalisation (AFNOR). L'AFSSA est ainsi à l'origine d'une norme sur la qualité des expertises et le traitement des saisines que va appliquer l'AFSSE. Il s'agit là d'un point essentiel, l'évaluation de la qualité des experts et leur indépendance. Cette question de l'indépendance des experts avait notamment été soulevée lors de la préparation du rapport sur la téléphonie mobile. Faute de crédits, les établissements de recherche ont été contraints de passer des accords avec l'industrie privée. De très nombreux experts publics sont donc en partie financés par le privé à travers leur laboratoire. On trouve dans ces laboratoires une manne d'experts très compétents. Nous sollicitons bien entendu ces chercheurs lors de nos travaux.

La position consistant à exiger une expertise totalement indépendante de l'industrie privée est intenable à ce jour. Je remercie M. Jean-Louis Lorrain pour ses propos de tout à l'heure au sujet de notre rapport sur la téléphonie mobile. Nous exerçons une veille sur ce sujet très sensible. Il nous a été impossible de trouver des experts complètement indépendants de l'industrie privée dans ce domaine. Les meilleurs experts, reconnus par l'OMS, travaillent dans des laboratoires cofinancés. L'AFSSE fait bien entendu respecter certaines règles, mais à moins de recruter un expert incompétent il n'est pas réaliste de souhaiter son indépendance complète. J'attire l'attention de mon auditoire sur ce point : si nous voulons une expertise indépendante, il faut la financer. Si ce sont des opérateurs privés qui assurent ce financement, il faut reconnaître aux experts la faculté de s'abstraire de leur travail au service privé et de participer de manière impartiale aux expertises publiques. Ce point est également en réflexion à Bruxelles, qui prépare un projet de directive sur ce sujet fondamental.

L'AFSSE s'est efforcée, pour les trois comités d'experts qu'elle s'est adjointe, d'assurer leur indépendance autant que possible et d'équilibrer les différents profils représentés. L'Agence vient de déterminer la composition du premier de ces comités, sur un sujet très sensible : les produits chimiques. Ce comité aura la lourde charge d'expertiser les biocides, qui sont des produits des pesticides non agricoles. Ces biocides font l'objet d'une directive européenne en cours de transposition en France. L'AFSSE coordonnera l'action des différents établissements publics qui travailleront sur les risques de ces biocides pour la santé environnementale.

Deux comités d'experts spécialisés sont également en cours d'élaboration : l'un sur l'air et l'autre sur les nouvelles technologies et l'aménagement du territoire. Ce dernier recouvre notamment la question du bruit, de l'habitat, de la téléphonie mobile voire des radiations ionisantes.

Ceci m'amène à la question de M. Jean-Pierre Godefroy sur le nucléaire. Le projet de loi ne prévoit effectivement rien sur ce sujet. Cependant, le plan national sur la santé environnementale possède une fiche sur ces questions. Il faut bien comprendre que les huit points mis en avant par la loi de santé publique sont des points de gestion de la santé environnementale bien connus, sur lesquels l'État peut apporter des améliorations immédiates. C'est le plan national sur la santé environnementale qui définira la majorité des autres orientations prospectives en matière de recherche ou d'expertise. Le nucléaire en fera partie.

M. le PRÉSIDENT - Merci beaucoup, madame la directrice générale. Mes chers collègues, nous reprendrons ces auditions mercredi prochain. Nous terminerons, ce soir-là, par l'audition du ministre de la santé. Nous nous retrouvons, cet après-midi à 15 heures, pour l'examen des amendements extérieurs déposés sur le texte relatif au RMI-RMA. Une vingtaine d'amendements seront à étudier, ainsi que deux motions de procédure : l'exception d'irrecevabilité du groupe communiste et la question préalable du groupe socialiste.

Madame, je vous remercie une nouvelle fois.

Audition de Mme Nicole QUESTIAUX, Vice-Présidente
du Comité consultatif national d'éthique pour
les sciences de la vie et de la santé (CCNE)
(mercredi 17 décembre 2003)

M. Nicolas ABOUT, président - Mes chers collègues, je vous propose d'ouvrir les auditions sur le projet de loi relatif à la politique de santé publique. Elles feront l'objet d'un enregistrement audiovisuel en vue de leur retransmission sur la chaîne parlementaire. Je passe sans plus attendre la parole à Mme Nicole Questiaux.

Mme Nicole QUESTIAUX - Merci, monsieur le président. Le champ de réflexion en matière de santé publique est particulièrement intéressant. Les événements récents ont d'ailleurs démontré l'importance des aspects de prévention. Toutefois, ni la société française, ni le législateur ne se retrouvent en terrain inconnu. Le paradoxe de la situation vient du fait que la négociation européenne, partie du problème du médicament, a fini par aboutir à une directive que le ministre français de la santé, M. Mattei, propose de transcrire dans le texte de loi sur la santé publique.

Le comité d'éthique a porté ses réflexions sur ce projet de transcription. Mon propos aujourd'hui ne concerne que l'avis du comité ; je ne me permettrai pas de me prononcer sur les aspects juridiques de ce texte. Le conseil d'État et les administrateurs seront plus habilités à le faire.

A la suite de l'examen du projet de transcription, le comité d'éthique souhaite soulever trois grandes questions. J'espère que notre réflexion servira d'inspiration aux travaux et aux éventuels amendements qui seront portés au projet de loi lors de ses présentations devant l'Assemblée nationale et le Sénat.

Les trois grands axes de réflexion que je souhaite vous présenter sont les suivants : la suppression de la distinction entre la recherche avec bénéfice individuel direct et sans bénéfice individuel direct, les questions de consentement - et notamment la question du consentement des personnes qui ne sont pas en mesure de consentir elles-mêmes - et, enfin, le remplacement d'un régime de déclaration par un régime d'autorisation avec l'impact sur la mission des comités de protection de la personne. Le comité d'éthique, dont l'avis sur l'ensemble du projet est favorable, souhaite apporter quelques commentaires sur ces trois points qui n'ont pas encore fait l'objet d'une définition précise au sein du projet de loi.

Le projet de loi propose la transformation de la notion de bénéfice individuel direct en « balance bénéfice risque ». Or toute intervention sur l'homme comporte un risque, même minime. L'homme n'accepte donc la recherche médicale que s'il en attend un certain bénéfice. La loi Huriet avait bâti un système assez fin sur l'idée que si, dans certains cas, la réaction de l'homme était assez immédiate - il ressentait ainsi un « bénéfice direct » - dans d'autres cas, son sentiment relevait d'un « bénéfice indirect ».

La notion d'équilibre « bénéfice risque » est très en vogue dans les droits des démocraties contemporaines et dans toutes sortes de domaines dès lors que deux principes se conjuguent : la liberté de la recherche d'une part, et la protection de la personne d'autre part. La médecine invite les patients à faire référence au « principe de proportionnalité », en d'autres termes de bon sens, afin d'équilibrer les avantages et les inconvénients de l'intervention. Le comité d'éthique préfère cette référence à la précédente. Nous avons en effet estimé que déclarer que certaines personnes ont un bénéfice direct à la recherche a conduit à certaines dérives : certains acteurs de la recherche ont fait preuve d'une imagination zélée pour entrer dans le champ du bénéfice direct, et se sont jugés dispensés de parler de risques. Selon nous, il existe une balance, qui suppose que la notion de risque ne soit plus dissimulée. Nous sommes d'autant plus rassurés qu'une étude aboutissant à un avis précédant celui que je présente aujourd'hui et qui concernait les essais de phase 1 en cancérologie - en d'autres termes des essais portés sur des malades en phase terminale, et visant à évaluer la toxicité de chacune des chimiothérapies - nous avait révélé l'hypocrisie de certaines pratiques.

Le comité d'éthique est donc favorable à ce premier champ. Toutefois, nous souhaitons rappeler que l'évocation du « risque » devant un patient consiste à ouvrir la boîte de Pandore : notre société doit apprendre à dominer la réalité du risque. C'est pourquoi vous trouverez dans notre avis, qui n'a pas d'implications sur le texte, l'idée qu'il faut aller vers la franchise sans pour autant énumérer de façon exhaustive les risques pour le malade en vue de protéger de façon abusive l'opérateur de recherche. Le comité d'éthique est favorable à une gestion mesurée de cette balance. Toutefois, la mise en oeuvre de la nouvelle directive ne doit pas limiter la recherche aux cas où le risque est totalement absent, sans quoi la recherche médicale piétinera. Ainsi, nous souhaitons faire émerger du débat une notion à laquelle la société doit s'habituer. Il s'agit de se doter des procédures permettant la transparence des informations et le partage, entre les différents partenaires de l'opération, d'une conception raisonnable du risque. Permettez-moi d'insister : nous devons rester vigilants afin que la notion de balance ne conduise pas vers un débat de juristes visant à créer de façon artificielle l'immunité des opérateurs de recherche.

Concernant la question du consentement, le texte, tel qu'il se présente à l'issue de son traitement par l'Assemblée nationale, dépasse le cadre de la directive. En effet, la directive, très influencée par la tendance internationale, n'envisage aucune limite au consentement. Par conséquent, il n'existe pas de dérogation possible au consentement. Nous ne formulons aucune objection au mécanisme qui consiste à aller solliciter le consentement d'un tiers dans certaines situations. Toutefois, nous souhaitons réagir à deux dimensions du consentement qui nous ont paru dangereuses.

Tout d'abord, le consentement en cas d'urgence a quelque peu choqué les praticiens qui siègent au sein du comité d'éthique. Les développements possibles de précaution pour une personne dans le coma supposent une autorisation juridique au préalable de toute expérimentation médicale. En d'autres termes, il sera quasiment impossible de pratiquer la recherche sur une personne dans le coma. La mécanique protectrice de la personne suscite de nombreuses inquiétudes. Le comité d'éthique ne peut pas admettre que la recherche soit paralysée par ces contraintes procédurières.

Nos réflexions en cours se portent sur la notion de « médiation », que l'on souhaite voir substituée à celle de consentement, dont l'usage, dans certains cas limites, est devenu abusif et, par conséquent, abscons. Le traitement des situations dans lesquelles les personnes ne sont pas en mesure de s'exprimer nous semble davantage relever des instances médiatrices, au sein desquelles une personne indépendante des chercheurs définirait les limites de l'opération tout en préservant les intérêts de la recherche.

Le remplacement d'un régime de déclaration par un régime d'autorisation constitue le troisième axe de recherche du comité d'éthique. Le comité d'éthique est conscient du fait que le concept de « bénéfice risque » et le pouvoir d'autorisation des recherches renforcent le pouvoir d'autorisation du comité de protection de la personne. Nous sommes persuadés que ces textes ne seront appliqués qu'à condition que le système des comités de protection de la personne soit renforcé. Nous n'avons pas la certitude que ces comités seront maintenus dans tous les hôpitaux. Il est possible que la difficulté d'interprétation du « bénéfice risque » implique une restructuration d'ampleur au niveau régional. Des sociétés savantes ont manifesté l'intention de mener ces travaux. Le comité d'éthique n'y est pas favorable, puisqu'il s'agit de constituer des comités de protection de la personne au sein desquels les problèmes de renouvellement des personnes, d'indépendance et des charges seront pris en compte. Cette réflexion, qui n'est pas mentionnée dans le texte de loi, est essentielle à la bonne application de la loi.

Voilà, monsieur le président, les trois éléments de réflexion du comité d'éthique.

M. le PRÉSIDENT - Merci beaucoup, madame la ministre. Je cède la parole à M. le rapporteur.

M. Francis GIRAUD, rapporteur - Monsieur le président, madame la ministre, il est bien difficile de prendre la parole à la suite de cet exposé certes limité dans le temps, mais pas dans l'analyse, et dont le contenu sur les problématiques de la recherche biomédicale est extrêmement pertinent.

J'ai présidé un comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB) pendant dix ans. Vous avez en partie répondu à mes questions avant même que je sois invité à les poser, mais permettez-moi néanmoins de vous solliciter pour un point de précision. La loi s'apprête à modifier le fonctionnement de ces instances. Auparavant, ces systèmes étaient remarquables du fait du pluralisme des personnes qui les composaient - médecins, scientifiques, intellectuels. Ces membres étaient sollicités davantage pour leur bon sens que pour leurs connaissances scientifiques. Or le fait de confier à ces comités un rôle de donneur d'avis - bien que le ministre soit habilité à revenir sur cet avis - constitue un changement fondamental. Nous sommes autorisés à nous interroger sur les aboutissements de cette évolution : la réflexion sur cet enjeu doit être approfondie.

Par ailleurs, la problématique du consentement, que l'on retrouve dans d'autres textes législatifs notamment liés à la bioéthique, pose la question de la substitution. La notion de « personne de confiance » requiert certaines explications. Le législateur n'est en effet pas en mesure de proposer une définition précise de la personne de confiance, ni de définir son rôle.

Vous suggérez par ailleurs la nomination d'un médiateur que l'on pourrait également appeler un sage. Pouvez-vous apporter quelques explications quant à la nature des CCPPRB telle que vous envisagez de la redéfinir ?

Mme Nicole QUESTIAUX - Permettez-moi tout d'abord de signaler que je suis particulièrement honorée d'être assise à côté d'un membre des CCPPRB. C'est une mission que j'ai toujours considérée difficile.

D'après mon expérience au sein du comité d'éthique, qui n'est pas un CCPPRB mais dont le fonctionnement quotidien démontre l'expérience, je crois personnellement que ce qui n'est pas scientifique n'est pas éthique. En d'autres termes, la priorité consiste à s'interroger sur le sérieux de tel ou tel acte expérimental. L'acte sur l'homme n'est jamais futile, et ne saurait être le produit de l'acharnement intellectuel de tel ou tel expert avide de reconnaissance. Si le renforcement de la mission scientifique du CCPPRB implique un mécanisme accessible aux experts, il ne suppose pas pour autant que le CCPPRB soit composé de scientifiques spécialisés sur l'acte médical en question. En effet, vingt ans d'expérience au sein du comité d'éthique m'ont enseigné que même des non-spécialistes sont en mesure, face à une situation aussi grave qu'un état de coma, de donner un avis mesuré et pertinent. Bien entendu, les CCPPRB devront être composés de personnalités attentives et sensibles. La grosse difficulté des CCPPRB provient donc des attentes scientifiques, car s'ils ont une conviction forte sur la valeur de la recherche, les autres questions n'exigent pas davantage de compétence que la bonne foi et la mesure. Le thème du « renforcement » signifie par conséquent que des personnes de grande qualité devront être mobilisées sur tout le territoire pour participer aux CCPPRB. La difficulté va consister à convaincre ces personnes et à renouveler régulièrement la composition des CCPPRB. La définition de la loi ne suffit pas : il s'agira d'accompagner les CCPPRB de façon adéquate.

La personne de confiance, dont la définition revient dans différentes problématiques scientifiques (par exemple l'euthanasie), constitue un concept particulièrement embarrassant, autant pour le comité d'éthique que pour la commission des Droits de l'Homme. La question se pose de savoir s'il s'agit du porte-parole de la personne sur laquelle l'acte médical doit se porter. Je répondrais positivement à cette question, que ce porte-parole soit médicalement compétent ou non. Il est par conséquent difficile de récuser son autorité de confiance. Quoi qu'il en soit, il est préférable que la personne de confiance ne soit pas trop proche du patient, afin d'assurer la neutralité de son rôle. Le comité d'éthique n'a pas encore clairement défini sa position dans ce débat délicat.

M. le PRÉSIDENT - Messieurs les commissaires souhaitent-ils interroger Mme Questiaux ?

M. Gilbert CHABROUX - Aurons-nous communication de l'avis du comité d'éthique ? Je souhaiterais qu'il soit joint au compte-rendu de la présente audition.

M. le PRÉSIDENT - L'avis du comité d'éthique sera bien entendu joint au procès-verbal de notre séance.

M. Gilbert CHABROUX - Je vous remercie.

M. le PRÉSIDENT - En l'absence d'autres questions, je remercie Mme la ministre pour l'exposé clair de ces trois points. Le problème du consentement est particulièrement intéressant. J'ai bien conscience que nous avons ouvert la boîte de Pandore sur cette question.

Nous ne manquerons pas de refaire appel à vous, madame la ministre, ainsi qu'au comité consultatif national d'éthique si le rapporteur souhaite obtenir des renseignements complémentaires d'ici à son intervention en séance.

Je souhaite à présent accueillir Mme Pascale BRIAND. Merci encore, madame la ministre.

Audition de Mme Pascale BRIAND, Déléguée à la mission
interministérielle pour la lutte contre le cancer
(mercredi 17 décembre 2003)

M. Nicolas ABOUT, président - Mes chers collègues, nous poursuivons nos auditions par l'audition de Mme Pascale BRIAND, déléguée interministérielle à la lutte contre le cancer. Je vous rappelle que ces auditions sont télévisées sur la chaîne Public Sénat. C'est la raison pour laquelle nous essayons de les rendre le plus clair possible, afin que les téléspectateurs puissent percevoir l'enjeu du débat et du projet de loi présenté aujourd'hui. Madame la déléguée, je vous remercie d'avoir accepté de nous consacrer du temps. Je vous invite à nous présenter votre approche de ce texte, après quoi le rapporteur ainsi que les autres commissaires vous interrogeront.

Mme Pascale BRIAND - Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, mesdames et messieurs, je souhaite commencer mon intervention par une très brève présentation du Plan Cancer, qui s'inscrit de la meilleure façon dans la loi de santé publique.

Le Plan Cancer est un programme stratégique qui traduit sous la forme de mesures concrètes la volonté publique exprimée par le Président de la République de faire de la lutte contre le cancer une des priorités de sa mandature. Ce plan a par conséquent un caractère emblématique : il répond à un enjeu considérable de santé publique, et constitue une expérimentation grandeur nature pour le projet de loi de santé publique. Nous pouvons dégager les premiers enseignements du Plan Cancer, quelques mois après son déclenchement.

Il s'agit d'une mise sous tension du système de santé dans une perspective pluriannuelle, une véritable logique de projet et une obligation de résultat. Le Plan Cancer contribue à ce que l'action contre le cancer devienne une préoccupation de la société française. Il s'agit bien, dans le domaine du cancer, d'induire un changement d'image sociale de la pathologie. Le plan a la caractéristique de posséder son propre outil de pilotage, à savoir un outil de mise en oeuvre - la mission interministérielle de pilotage - et l'outil pérenne de lutte contre le cancer - l'Institut national de lutte contre le cancer.

En termes de mise en oeuvre, la logique projet s'est exprimée via la mission, qui joue le rôle de chef d'orchestre permettant une mobilisation sur le terrain, et notamment en région, afin de mettre en synergie l'ensemble des acteurs de la lutte contre le cancer : médecins, patients, services de l'État, collectivités locales...

Après neuf mois de mise en oeuvre, je suis heureuse de vous présenter des résultats encourageants. Les engagements de l'année 2003 ont été tenus. Nous pouvons d'ores et déjà voir au travers de ce plan le bien-fondé de l'architecture de la loi sur la politique de santé publique. La structure de pilotage permet de répondre à la complexité des enjeux et à la nécessité de solliciter une grande variété d'acteurs. L'approche intégrée a fait ses preuves : le Plan Cancer répond aux enjeux de lutte contre le cancer en couvrant l'ensemble de ses champs - prévention, dépistage, organisation des soins, amélioration de la qualité de vie et d'accompagnement des patients, information et recherche. Cette politique intégrée est essentielle.

Par ailleurs, le Plan Cancer est centré sur le patient, et répond aux attentes formulées par les malades lors des États généraux qui se sont déroulés voici deux ans. Il démontre la nécessité de décloisonnement, ce qui est déjà à l'oeuvre dans la majorité des régions, comme ont pu le constater les responsables de la mission lors de nos déplacements sur le terrain. La combinaison synergie et décloisonnement fait la force de ce plan, qui bénéficie ainsi de la richesse des multiples acteurs qui y participent.

Le Plan Cancer est une expérimentation grandeur nature du modèle de la loi de santé publique. Permettez-moi de prendre comme exemple la priorité que constitue le rééquilibrage en faveur de la prévention et du dépistage par rapport aux soins. Cet enjeu figure parmi les priorités de l'année 2003, avec la lutte contre les conduites à risque - tabagisme, alcool, déséquilibre alimentaire. En outre, il a fait l'objet d'un financement privilégié : si le pourcentage de financement alloué à la prévention (environ 2,3 %) est d'une façon générale marginal, le financement en faveur de la prévention et du dépistage du cancer atteint 13 % des moyens accordés à la lutte contre cette maladie.

Les actions sont focalisées sur l'amélioration de l'équité dans l'accès aux soins, et sur l'offre de soins de qualité pour tous. Cet objectif répond aux attentes tant des patients que des professionnels de la santé. Le Plan Cancer vise également à améliorer la qualité de vie des patients - cette question n'est pas dissociée de celle de la qualité des soins. Il s'appuie sur une meilleure organisation des soins, avec la prépondérance de l'organisation en réseau et de la concertation des professionnels de santé (notamment au sein des consultations pluridisciplinaires qui se mettent en place) et la continuité des soins (articulation des soins entre la ville et l'hôpital). Le Plan Cancer facilite les conditions de l'hospitalisation à domicile avec la mise en place de plates-formes de soins de support, la connexion avec les services sociaux, l'articulation avec la médecine du travail (notamment en région) et la réinsertion après la maladie.

L'amélioration de l'accompagnement et de la qualité de vie passe aussi par l'amélioration de l'information, avec la priorité donnée à l'information vis-à-vis des patients et des professionnels de santé, et la focalisation sur la nécessité d'obtenir une meilleure traçabilité des actions et de leur financement. Avant même la mise en place de la tarification à l'activité, une meilleure visibilité de l'affectation des moyens constitue déjà une priorité. Nous y travaillons au sein de régions pilotes.

En guise de conclusion, je souhaite indiquer que le Plan Cancer est ambitieux dans ses objectifs comme dans sa mise en oeuvre puisqu'il intègre une obligation de résultats. Ce plan place chacun d'entre nous devant l'obligation de s'investir afin de répondre à l'enjeu de société que constitue le cancer, renverser son image sociale et mobiliser l'ensemble du corps social (hommes politiques, citoyens, patients, experts médicaux, État et collectivités). La mise en oeuvre du Plan Cancer démontre d'ores et déjà la pertinence des orientations de la loi de santé publique.

Enfin, je rappelle que la loi prévoit la création de l'Institut national du cancer, un dispositif pérenne qui constituera la pierre angulaire de la lutte contre le cancer. La création de cet institut a été annoncée par le Président de la République. Il répond à l'absence, en France, d'une instance fédératrice et d'un pôle d'impulsion, de suivi et d'évaluation des actions. L'article 15 du projet de loi prévoit que cet institut soit créé sous forme de groupement d'intérêt public qui associera les acteurs publics et privés impliqués dans la lutte contre le cancer. Ce groupement d'intérêt public regroupera l'ensemble de la filière, de la prévention à la politique de formation et de recherche. Sa création vient combler un chaînon manquant et indispensable afin de pérenniser la politique de lutte contre le cancer et lui donner une dimension internationale. La forme du groupement d'intérêt public doit procurer à l'Institut une souplesse de fonctionnement et une réactivité permettant à la lutte contre le cancer d'avancer : le cancer constitue plus que jamais un enjeu de santé publique et de société.

M. le PRÉSIDENT - Merci, madame la déléguée. J'invite M. le rapporteur à nous faire part de ses remarques et de ses éventuelles questions.

M. Francis GIRAUD - Madame la déléguée, tous les membres de la commission des Affaires sociales sont conscients de l'importance d'un plan pour lutter contre le cancer, qui constitue une priorité nationale. Mes questions porteront sur les éléments de lutte contre le cancer préexistants, et sur la façon dont vous envisagez les relations de ce nouvel institut avec les organismes scientifiques (INSERM, CNRS ou autres), les associations (la Ligue contre le cancer, l'ARC) et les centres anticancéreux régionaux. Je rappelle que la loi autorise l'Institut à bénéficier de dons et de legs.

Mme Pascale BRIAND - Monsieur le rapporteur, l'Institut n'a pas vocation à se substituer aux organismes préexistants, ni à constituer une nouvelle strate administrative. L'Institut national du cancer a vocation à coordonner les actions, en particulier dans le domaine de la recherche où il agira en collaboration avec les organismes de recherche, notamment l'INSERM, le CNRS, le Commissariat à l'énergie atomique ou encore l'INRA, et plus généralement avec les équipes universitaires. Il s'agit bien là d'une action de coordination, dont les efforts pour favoriser l'émergence des canceropoles dès 2003 constituent les prémices. Cette coordination est une action structurante de pôles de recherche, qui ont vocation à accélérer l'innovation et qui s'appuient sur des équipes de recherche labellisées par les organismes de recherche ou reconnues par l'université. L'Institut aura d'ailleurs pour mission de labelliser les canceropoles. Cette articulation se fera via la concertation avec les organismes de recherche. L'Institut n'a pas d'équipes de recherche propres : il agira avec les organismes et donnera l'impulsion des axes fédérateurs de la recherche, inscrivant les équipes dans une véritable démarche projet.

En ce qui concerne les associations représentant les patients, je rappelle qu'elles sont impliquées dans la conception de l'Institut national du cancer. Le président de la Ligue contre le cancer, M. Henri Pujol, est d'ailleurs membre du comité permanent d'orientation de la mission interministérielle, dont il suit, à ce titre, la mise en place.

Quant aux ressources de l'Institut, une partie d'entre elles est d'ores et déjà inscrite dans la loi de finances pour 2004. Leur montant s'élève à 11 millions d'euros (ministère de la santé), mais au-delà le ministère de la recherche et d'autres partenaires, dont l'assurance maladie, devraient apporter leur contribution.

En ce qui concerne enfin les centres anticancéreux, la Fédération des centres de lutte contre le cancer de même que les fédérations CHU et les autres fédérations professionnelles seront associées à la préparation de la convention constitutive et devraient par conséquent être partenaires du groupement d'intérêt public. Je précise par ailleurs que la structuration des pôles régionaux de référence et de recours, bâtis autour des centres hospitalo-universitaires de lutte contre les cancers, constitue une action prioritaire dès 2004.

M. le PRÉSIDENT - Je transmets la parole à M. Paul Blanc.

M. Paul BLANC - Merci, monsieur le président. Madame la déléguée, je tiens, dans un premier temps, à présenter mes excuses pour mon absence à la réunion présidée hier par M. Ségura. Peut-être ma question a-t-elle déjà été posée hier ? Vous avez évoqué l'évaluation des actions prévue dans la loi. Certes, nous vivons dans une société d'information immédiate au sein de laquelle chacun d'entre nous cherche à tout savoir, tout de suite. Or, dans le domaine de la prévention contre le cancer, les résultats de telle ou telle démarche ne peuvent pas être connus instantanément, à l'exception du dépistage rapide, à condition de distinguer la prévention et le dépistage. Ce dernier n'empêche pas la maladie d'apparaître mais, en la détectant de façon précoce, il en ralentit la progression. Comment l'évaluation des actions de prévention est-elle prévue par la loi ? Quels seront les moyens alloués à cette évaluation ?

M. le PRÉSIDENT - Pouvez-vous également nous indiquer la répartition qui se fera entre les moyens alloués à la prévention et au dépistage ?

Mme Pascale BRIAND - Permettez-moi de répondre, dans un premier temps, à la question portant sur l'évaluation et le suivi de la mise en oeuvre des mesures prévues dans la loi. La mission interministérielle doit s'assurer d'abord de la mise en oeuvre des actions et donc disposer des indicateurs correspondants. Mais au delà, ce sont les indicateurs d'impact qui sont les plus importants. Les préciser et en suivre l'évolution relève transitoirement de la mission et reviendra, dès sa mise en place, à l'Institut national du cancer. Je précise qu'un certain nombre d'indicateurs d'impact relèvent, en termes de suivi, d'opérateurs déjà existants. L'Institut national de veille sanitaire assure par exemple le dépistage organisé du cancer du sein. En matière de prévention, les indicateurs inscrits dans le plan permettent de mesurer la diminution du nombre de fumeurs. Le fait de fumer a, en effet, un impact sur l'ensemble des cancers, même si cet impact est différé dans le temps : c'est pourquoi la seule indication de la réduction du nombre de fumeurs constitue déjà une indication d'impact. En septembre dernier, la réduction de 8 % du nombre de fumeurs, liée à la première augmentation du prix du tabac, marque un premier impact positif après quelques mois seulement de mise en oeuvre. Les grandes campagnes d'information et la politique menée au sein des établissements scolaires et des sites sensibles (transports, hôpitaux...) ont également contribué à la réduction du nombre de fumeurs.

M. Paul BLANC - Ces résultats sont indéniables. Toutefois, les indicateurs de performance des mesures liées à l'alimentation et destinées à combattre le cancer du colon sont plus difficiles à définir.

Mme Pascale BRIAND - La problématique de l'alimentation est inscrite dans le plan national nutrition et santé, dont l'Institut national du cancer doit renforcer le suivi et l'évaluation.

M. Paul BLANC - La société française veut des résultats immédiats. Convaincre le public va nécessiter une grande force de persuasion, de même que des moyens financiers.

M. le PRÉSIDENT - Je transmets la parole à M. Gilbert Chabroux.

M. Gilbert CHABROUX - Madame la déléguée, j'ai suivi avec beaucoup d'attention votre intervention ; sachez que j'admire votre détermination. Je constate néanmoins certaines lacunes du Plan Cancer au niveau professionnel. Selon l'Institut national de veille sanitaire, 10.000 cancers professionnels sont recensés chaque année. Or seulement 800 d'entre eux sont reconnus. Un million de Français seraient exposés à des risques cancérigènes dans leur environnement professionnel.

Je souhaite, par ailleurs, revenir sur les effets de la hausse des prix sur la réduction du tabagisme. Certains chiffres contredisent vos affirmations. Par ailleurs, il est difficile d'estimer la quantité de tabac vendu via les circuits parallèles. En outre, si la hausse du prix des cigarettes a affecté la consommation des fumeurs, le moratoire sur cette hausse contredit quelque peu cette démarche.

Mme Pascale BRIAND - Je souhaite, tout d'abord, mentionner la forte augmentation de la vente de patchs nicotiniques, qui confirme les effets positifs de la hausse des prix du tabac : de nombreux Français souhaitent arrêter de fumer. L'augmentation considérable des demandes de consultation de sevrage anti-tabagique est une autre preuve de cette tendance.

La hausse des prix du tabac déjà effective, marque une volonté gouvernementale particulièrement forte : ses effets sont notables et durables, car nos concitoyens ont pris conscience du danger du tabac. Quant à la fraude que vous évoquez, permettez-moi de signaler qu'elle est limitée à certaines régions proches des zones frontalières. Le poids de la contrebande dans la vente totale de cigarettes en France est marginal.

Les cancers professionnels et environnementaux sont bien abordés dans le cadre du Plan Cancer, par le biais de deux mesures spécifiques. Il est néanmoins exact qu'il subsiste un décalage entre le nombre estimé de cancers professionnels réels et le nombre déclaré. Il est nécessaire de mobiliser la médecine du travail sur ce domaine. C'est dans cette optique que le ministère de la santé et le ministère des affaires sociales et du travail viennent de signer un contrat-cadre qui doit permettre d'inscrire l'ensemble des actions menées dans ce domaine.

Permettez-moi, à ce sujet, de partager avec vous mes impressions au lendemain de mes visites sur le terrain. Je termine actuellement mon tour de France des régions. Les discussions qui ont lieu en région réunissent l'ensemble des services de l'État concernés, sous la présidence des préfets. Les interactions avec la médecine du travail permettent le développement de certaines actions fort intéressantes, notamment dans les régions les plus concernées par les cancers professionnels. Ces actions feront l'objet d'une présentation sur le site du Plan Cancer ouvert en fin d'année. Ce site permettra à chacun de s'informer sur le Plan Cancer et offrira aux régions la possibilité de décrire les initiatives les plus pertinentes.

En ce qui concerne la répartition des crédits supplémentaires alloués au dépistage et à la prévention du cancer, sachez que, sur une enveloppe de 35 millions d'euros, 18 millions d'euros ont été consacrés à la mise en place de structures de gestion pour la généralisation du dépistage du cancer du sein, et le reste à des mesures de préventions (information, augmentation du nombre de registres...).

M. le PRÉSIDENT - Je vous remercie pour ces précisions.

M. Jean-Pierre GODEFROY - Il existe dans ma région - le Nord Cotentin - un registre du cancer financé notamment par les collectivités territoriales du fait de la présence dans le département d'activités nucléaires, qu'il s'agisse de retraitement, de production ou de stockage. Quelles seraient les relations de l'Institut avec ces registres ?

Par ailleurs, est-il possible de déployer un plan de prévoyance lié à l'exposition des travailleurs aux irradiations ? En effet, il est aujourd'hui impossible de déterminer les conséquences de l'exposition au nucléaire. Il convient par conséquent de prévoir des moyens à titre préventif. Est-ce prévu ? Pouvons-nous envisager l'extension des registres du cancer dans les régions les plus exposées ?

Je signale que les travailleurs du secteur du nucléaire sont très souvent employés par des sociétés en tant qu'intérimaires. Ils sont par conséquent particulièrement mobiles à travers la France, ce qui n'aide pas à les retrouver, et qui constitue par ailleurs une extension géographique du risque en cas d'hérédité du cancer. Quelles seront les mesures et la position de l'Institut en matière d'anticipation des maladies professionnelles ?

Mme Pascale BRIAND - L'Institut National du Cancer pourra effectivement donner une nouvelle impulsion et renforcer l'action en matière de lutte contre les cancers professionnels. L'Institut national de veille sanitaire a d'ores et déjà lancé une étude du suivi du cancer de la thyroïde. Ce suivi a bénéficié d'un renforcement budgétaire dès 2003. Au-delà du suivi via les registres, une synthèse des données émanant d'autres sources permet également d'affiner le dispositif. L'Institut National du Cancer sera en position de faire des recommandations notamment en terme de renforcements d'actions dans le domaine de la veille via l'Institut national de veille sanitaire, par exemple.

M. le PRÉSIDENT - La parole est à M. Alain Gournac.

M. Alain GOURNAC - Madame la déléguée, j'ai suivi avec beaucoup d'attention la présentation du Plan Cancer. J'ai déjà eu l'occasion de vous interroger sur ce sujet dans d'autres instances. J'ai participé à la mise en place du plan de lutte contre le cancer du sein dans les Yvelines, avec le conseil général. Je souhaite avoir des précisions sur certaines questions.

Tout d'abord, je m'interroge sur les délais et les échéances du plan. Dans le cas que je viens d'évoquer, les moyens disponibles pour effectuer des mammographies étaient insuffisants, et consistaient davantage en des tests qu'en des clichés, à l'inverse du département voisin (le Val d'Oise). Je souhaiterais savoir quand l'Institut national du cancer aura les moyens de fournir les bons conseils aux associations de médecins, notamment en termes de mammographie. La pauvreté de l'action menée contre le cancer du sein est scandaleuse. Quels sont les objectifs dans ce domaine ?

Par ailleurs, je souhaiterais connaître les mesures envisagées pour lutter contre le cancer colorectal. La fiabilité des tests de dépistage du cancer colorectal est aujourd'hui contestée. Existe-t-il un test fiable ? La mortalité due à ce type de cancer est d'autant plus préoccupante que cette maladie touche de nombreux jeunes.

Je m'interroge également sur les moyens consacrés au soutien des familles. L'accompagnement des proches est essentiel. Il s'agit d'y réfléchir de façon individualisée : le cancer a des impacts psychologiques dévastateurs sur l'entourage des patients.

Je tiens en outre à rappeler qu'il est urgent de réhabiliter les associations, dont l'image s'est considérablement ternie depuis la sinistre affaire que nous avons tous en mémoire. Nous pourrions envisager d'attribuer une sorte de label à celles qui le méritent. Le succès du Téléthon est frappant.

Enfin, j'attends du Plan Cancer une démarche volontaire de prévention en direction des jeunes. Il existe certainement des moyens de les convaincre de ne pas fumer. Il serait par exemple souhaitable que la prévention anti-tabagisme soit intégrée aux programmes scolaires, et qu'un médecin intervienne au sein de l'école afin de convaincre nos enfants de ne pas céder à la tentation de la première cigarette. Il s'agit, d'une façon plus générale, de parler du cancer sans tabou. Je ne comprends pas que le cancer suscite la honte : il s'agit d'une maladie comme une autre. L'image du cancer me rappelle le tabou du handicap.

Mme Pascale BRIAND - Au sujet du cancer du sein, le cahier des charges a été défini et stabilisé selon les normes européennes. Il doit être respecté par l'ensemble des professionnels et des structures de gestion qui sont en place dans chaque département. Entre 1989 et 2002, le dépistage organisé s'est mis en place lentement, département après département : moins de 40 départements en plus de dix ans. Ce retard a été comblé depuis le début de l'année 2003 : aujourd'hui, l'ensemble des départements sont dotés du dispositif de dépistage organisé. Le comité technique, présidé par Mme Seradour, veille sur le dispositif. Celui-ci s'appuie à 90 % sur la médecine libérale. Les professionnels se sont engagés à appliquer le cahier des charges. Des formations complémentaires ont été dispensées, et les professionnels se sont dotés d'équipements nouveaux. Dans la grande majorité des cas, le cahier des charges est respecté. Nous sommes donc dans la bonne voie sur cette première étape. La suivante consistera à atteindre des taux de participation beaucoup plus élevés qu'actuellement. Cet objectif nécessite la mobilisation d'associations de femmes sur le terrain afin de mobiliser d'une façon générale les femmes qui ne se sentent pas encore concernées par le cancer du sein et notamment les femmes en situation de précarité. L'Institut national du cancer devra renforcer ces actions. Ce dispositif sera évalué afin de connaître l'apport du dépistage organisé. D'ores et déjà, le respect du cahier des charges par les professionnels induit une amélioration de la qualité, ce dont chacun de nous peut se réjouir.

J'attire également votre attention sur la montée en puissance du dispositif de lutte contre le cancer colorectal. Cinq départements ont été initialement engagés dans la phase expérimentale de dépistage organisé, puis dix et aujourd'hui vingt-deux. Le dispositif bénéficie des structures de gestion déjà mises en place pour le dépistage du cancer du sein, même si les techniques ne sont bien entendu pas les mêmes. A l'issue de cette phase expérimentale, le dispositif sera généralisé de façon rapide et devrait être optimisé à l'horizon 2007.

Un ensemble de mesures vise à améliorer le soutien aux familles des malades. L'impact du cancer sur les familles est terrible, en particulier lorsque le patient est un enfant. C'est la raison pour laquelle des congés particuliers pour les parents d'enfants malades d'un cancer et une adaptation des dispositifs, afin de permettre aux parents de pouvoir accompagner leur enfant dans la maladie, doivent être aménagés. Les services sociaux sont également mobilisés, avec un renforcement dès 2003 de la psycho-oncologie. J'ai également demandé à Daniel Serin de faire une évaluation de l'aide en psycho-oncologie. Cette expertise sera disponible dès janvier. Par ailleurs, au-delà de l'accompagnement direct, c'est l'environnement global qu'il faut améliorer et, par exemple, faciliter l'accès aux prêts et aux assurances. Un important travail d'information est là nécessaire. Un groupe de travail composé de représentants des malades et de la Ligue contre le cancer se consacre à cette question en collaboration avec des représentants des banques et des assurances.

Je partage votre volonté de voir pratiquer un discours de fermeté à l'attention des jeunes. Il s'agit de changer l'image du tabac. Cette démarche ambitieuse nécessite la mobilisation des médias, des stars de cinéma ou de la chanson. Nous sommes tous concernés : c'est à chacun d'entre nous d'agir. Je suis persuadée que la conjoncture induite par l'engagement au plus haut niveau de l'État décuple l'efficacité des actions individuelles. L'action vis-à-vis des jeunes doit mobiliser chacun d'entre nous.

M. le PRÉSIDENT - Je vous remercie, madame la déléguée, pour le temps que vous avez accepté de nous consacrer, et pour cette présentation du Plan Cancer. Nous accueillons à présent M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

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