Audition de Mme Michèle FROMENT-VEDRINE
Directrice générale de l'Agence française de sécurité
sanitaire environnementale (AFSSE)
(mercredi 10 décembre 2003)

M. le PRÉSIDENT - Nous accueillons maintenant Mme Michèle Froment-Védrine, directrice générale de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE). Madame le directeur général, merci d'avoir accepté de participer à ces auditions. Pourriez-vous exprimer votre position sur le texte de loi relatif à la politique de santé publique ? Ce texte attendu constitue une première depuis un siècle, il est donc important d'en faire une analyse pointue. Les rapporteurs et les commissaires vous interrogeront après votre intervention.

Mme Michèle FROMENT-VÉDRINE - Merci, monsieur le président. Ce texte est effectivement très attendu et important au regard des questions de santé environnementale. Il contient au moins huit objectifs de gestion concernant des problématiques connues dont la réalisation va nécessiter la coordination de différents services de l'État. D'importantes mesures sont également prises sur deux autres points : le saturnisme et la protection de la qualité de l'eau. Ces questions de gestion du risque ne sont pas les questions principales en ce qui concerne l'AFSSE, puisqu'elles relèvent du ministère. Nous y apportons tout au plus une certaine expertise.

Le projet établit en revanche un plan national en santé environnementale qui aura de fortes répercussions sur l'AFSSE. Ce plan quinquennal fait suite à la Conférence de Londres de 1999 et donne enfin une véritable légitimité à l'étude des questions de santé environnementale et permettra de faire émerger des thèmes nouveaux. La France n'a en effet pas encore fixé d'objectifs précis à la différence d'autres pays, notamment les pays anglo-saxons. C'est à cette tâche que l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale se consacre de plus en plus activement.

M. le PRÉSIDENT - Merci. M. Jean-louis Lorrain, notre rapporteur, posera les premières questions.

M. Jean-louis LORRAIN - Je pense que vous avez pris connaissance des questions qui vous ont été transmises par écrit, je vais brièvement les rappeler. L'Agence française de sécurité sanitaire environnementale s'est vu confier deux missions : contribuer à assurer la sécurité sanitaire dans le domaine de l'environnement et évaluer les risques existants. Deux ans après sa création, où en est l'AFSSE dans la mise en place de ces partenariats et dans la rationalisation de l'expertise dans le domaine de la sécurité sanitaire environnementale ?

Au sujet du plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement, quelles sont les modalités de l'intervention de l'AFSSE actuellement et dans le futur ? Dispose-t-elle des moyens humains nécessaires au suivi de sa mise en oeuvre au niveau régional ?

Concernant le projet de loi lui-même, pourriez-vous commenter ses objectifs environnementaux ? Ces objectifs vous paraissent-ils convenablement choisis et réalisables ? Nécessitent-ils encore davantage de réflexions avant de pouvoir présenter des propositions plus solides ?

Le projet de loi contient également deux objectifs rénovés, à savoir la protection de la qualité de l'eau et le saturnisme. Ces objectifs sont importants mais résument-ils le volet environnement et santé de la politique sanitaire ? Ne pensez-vous pas que c'est insuffisant ?

Mme Michèle FROMENT-VÉDRINE - Je vous remercie. Concernant la création de l'Agence, celle-ci ne remonte pas à deux ans mais bien à quelques mois. Le texte de loi créant l'Agence remonte en effet au 9 mai 2001, mais son décret d'application date du 1 er mars 2002. J'ai été moi-même nommée en avril 2002 et n'ai reçu un budget de fonctionnement qu'en octobre 2002. L'Agence a en effet été créée ex nihilo, contrairement à d'autres agences sanitaires qui s'appuyaient sur des organismes préalablement existants. Le budget reçu à cette date ne comportait pas de crédits d'investissement autres que de recherche, nécessaires au démarrage de l'activité de l'Agence (mobilier, ordinateurs...). Ce n'est qu'en décembre 2002 que quelques crédits épars ont permis à l'Agence d'entamer son action. Lors de l'embauche de son personnel, l'Agence s'est également heurtée à des difficultés statutaires qui n'ont été levées par une lettre dérogatoire du budget qu'en février 2003. L'Agence n'était en effet pas incluse dans le dispositif de statut des personnels d'agences sanitaires. Les embauches se sont réparties entre les mois d'avril et de juin 2003 et continuent à ce jour.

L'activité juridique de l'Agence avait donc effectivement démarré en octobre 2002 avec un effectif de trois personnes mises à sa disposition : un responsable financier, un responsable scientifique à temps partiel et moi-même. Quelques travaux ont été effectués à cette époque : le lancement d'un appel à propositions de recherches encore financé par le ministère de l'environnement et repris par l'AFSSE depuis, et la production d'un rapport sur la téléphonie mobile publié en avril 2003. Le véritable fonctionnement de l'Agence remonte seulement au mois de mai ou juin 2003 avec l'arrivée d'un personnel spécialisé conséquent.

En l'espace de ces quelques mois, un nombre considérable de saisines nous ont néanmoins été adressées par nos ministères de tutelle, le Ministère de la Santé et le Ministère de l'environnement. Il s'agit de demandes de compilation d'information auprès de l'ensemble de nos partenaires. L'Agence est en effet une agence d'objectifs ne comprenant que 29 postes autorisés en 2003. Notre objet est la coordination d'une quinzaine d'établissements cités dans le décret de mars 2002. Ces établissements sont des établissements de recherche ou d'expertise.

Les saisines dont nous faisons l'objet sont l'occasion de rassembler les expertises compétentes de ces établissements voire d'autres services et établissements publics si nécessaire. Nous avons ainsi mis en place des travaux sur le bruit, sur la pollution atmosphérique intérieure et extérieure, le cancer... Nous avons mené deux appels d'offres, l'un portant sur la sélection de 28 équipes de recherche en 2002 et l'autre sur 16 équipes de recherche en 2003 travaillant sur la santé environnementale. Nous procéderons de même pour les années à venir. Des contacts ont également été pris avec l'ensemble des établissements concernés.

Notre travail a donc effectivement démarré. Des conventions sont en cours de négociation avec ces établissements. La collaboration se passe de mieux en mieux sur de nombreuses questions de santé publique. Cependant, l'AFSSE n'a pas une légitimité supérieure à celle des autres institutions intéressées par les questions de santé environnementale. Une agence nouvellement créée, ne disposant pas d'après les textes d'une autorité particulière, ne peut prétendre interférer avec les procédures d'établissements de grande taille et à l'histoire ancienne, que ce soit l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) ou les différentes agences sanitaires.

C'est par la démonstration de notre compétence et de notre persuasion que nous devons opérer afin de mener à bien ces travaux et d'établir ces conventions. La faiblesse de notre budget est une contrainte puisque nous n'avons pas les moyens de rémunérer ces établissements pour les travaux qu'ils fournissent. Il s'agit donc de créer une relation de confiance et de faire des travaux communs avec une publication commune. Nous étions dès le début conscients de cette difficulté. Le texte de mai 2001 indiquait clairement que l'Agence n'aurait pas les moyens de réaliser elle-même ces expertises.

L'Agence dépend donc de ces activités de coordination, qui entraînent quelques complications administratives et budgétaires mais ne posent aucun problème scientifique. Cette collaboration nous permettra de publier deux importants rapports sur le bruit et sur la pollution atmosphérique début 2004. Le Gouvernement nous a chargés par ailleurs d'organiser la concertation dans le cadre du premier programme national santé-environnement publié pour la conférence de Budapest en 2004.

Pour faire le lien avec votre second point et le plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement, le Gouvernement a décidé d'organiser dans un premier temps une consultation autour d'une commission d'orientation. Cette commission est présidée par trois co-présidents représentant les thématiques des trois ministères qui soutiennent ce plan : le ministère de l'écologie et du développement durable, le ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées et le ministère du travail et de l'emploi. La participation du ministère du travail et de l'emploi est une innovation justifiée par la place prépondérante tenue par le milieu professionnel dans l'ensemble des sujets que nous abordons. Ce milieu est bien souvent le premier à se heurter aux difficultés qui menacent l'ensemble de la population.

L'AFSSE a été désignée comme secrétaire scientifique et administrative de la commission d'orientation qui comporte 22 membres. Cette commission est indépendante de l'AFSSE qui l'assiste en lui fournissant des supports scientifiques et en effectuant la synthèse de ses travaux. Cette indépendance a été voulue par le Gouvernement. Un pré-rapport sera élaboré et remis aux différents ministres vers le 12 décembre. Il sera suivi dans trois régions d'une présentation sur certains de ses thèmes ciblés par les différents ministères : le 15 décembre à Douai, le 9 janvier à Lyon et le 16 janvier à Rennes. Le pré-rapport sera publié sur Internet et fera l'objet d'une consultation publique en ligne, à l'instar des documents de la Commission européenne. Nous recueillerons l'ensemble des remarques issues de ces consultations, et un rapport définitif sera rendu à la fin du mois de janvier par les trois coprésidents de la commission. Ce document servira de support à l'ensemble des travaux menés par le gouvernement dans le domaine de la santé environnementale de janvier à juin 2004. Cette commission scientifique n'a pas un caractère juridique ou économique et de nombreuses instructions devront être menées à partir de ses recommandations avant qu'elles ne puissent être adoptées par le gouvernement.

Ces travaux s'articulent avec les objectifs définis par le projet de loi relatif à la politique de santé publique. Les orientations de la loi portent sur des problématiques de gestion du risque connues telles que le saturnisme ou la pollution de l'eau. Le rapport formule quant à lui des recommandations dans des domaines de recherche ou d'expertise avec une dimension prospective sur les cinq prochaines années. Même si certains éléments communs seront mis en avant, le rapport portera sans doute sur des mesures plus originales et définira un vaste plan d'intervention interministériel qui ira au-delà des objectifs de la loi de santé publique. L'Agence est également engagée dans le plan de lutte contre le cancer à hauteur de 1 million d'euros, dans le champ de la santé environnementale.

Concernant les moyens d'intervention régionale dont nous disposerions, nous n'en avons pour l'instant aucun. Des relais régionaux doivent être créés. Cela peut se faire par convention, par exemple avec les centres anti-poison qui mènent déjà des travaux de toxico-vigilance. Nous n'avons pour l'instant rien de comparable au réseau des CIRE de l'InVS. J'ignore encore comment l'implémentation de ces plans sera suivie à l'échelle régionale. Cette question ne figure pour l'instant pas parmi nos priorités, nos ressources étant accaparées par la préparation dudit plan. L'AFSSE ouvrira neuf nouveaux postes en 2004, ce qui sera insuffisant pour établir un réseau. Nous comptons surmonter cette faiblesse grâce au passage de conventions avec des hôpitaux, des sections d'hôpitaux ou des établissements régionaux. Ce problème sera traité à partir de 2004. L'AFSSE ne dispose pour ce faire que de moyens directs très réduits : ses 39 employés en 2004 en font la plus petite de toutes les agences.

A propos des huit objectifs quantifiés et de leur réalisation, je ne m'arrêterai pas longtemps sur le sujet car il ne concerne pas directement l'Agence. Il s'agit de propositions relatives à la gestion du risque, c'est-à-dire mises en oeuvre essentiellement par les ministères. Ces huit objectifs sont d'un grand intérêt et nécessiteront la mobilisation de l'ensemble des services de l'État, de leurs partenaires régionaux voire de la population elle-même pour certains d'entre eux. Les problèmes liés au saturnisme ou au monoxyde de carbone requièrent bien entendu la participation des habitants, qui sera d'ampleur inégale en fonction de leurs moyens. Cette mise en oeuvre ne sera donc pas simple mais constitue un enjeu très important en matière de sécurité sanitaire et environnementale.

Je traiterai enfin des deux dispositifs rénovés ayant trait à la protection de la qualité de l'eau et à la lutte contre le saturnisme. Je trouve très intéressante l'idée d'un carnet sur lequel seraient consignés les risques liés au saturnisme. Ce carnet serait remis lors de la location ou de la vente d'un appartement ou d'une maison. Ce point a été évoqué pour d'autres problématiques dans le cadre du plan national santé-environnement. On pourrait ainsi y adjoindre les problèmes de vétusté des canalisations d'eau, à l'origine de certains cas de légionellose ou de saturnisme, ainsi que de l'installation électrique, cause de nombreuses brûlures ou d'intoxications. Ce dernier point provient des risques d'incendie et d'inflammabilité de différents produits domestiques et notamment les éléments mobiliers contenant de la mousse de rembourrage très toxique. Le décret concernant l'inflammabilité de ces meubles n'a d'ailleurs jamais été publié ; les britanniques ont pris des mesures très efficaces qui ont réduit les décès par intoxications lors des incendies.

Quant à la qualité de l'eau, il rejoint le sujet extrêmement important de la protection du périmètre des eaux contre les actions terroristes, la malveillance ou le mésusage de produits nocifs à proximité des points de captage, en particulier agricole. Il s'agit là d'une véritable mesure de progrès. La pollution de l'eau par les pesticides est une question d'envergure. L'AFSSE étudiera de façon prioritaire la reprotoxicité de ces produits. D'autres pays comme les Etats-Unis, le Canada ou la Grande-Bretagne, ont sur ce sujet une avance scientifique considérable. Ces produits peuvent en effet participer à la stérilité et aux anomalies de développement de l'embryon et du foetus.

Il n'existe pas actuellement en France de données épidémiologiques suffisantes pour traiter ces différents sujets de santé environnementale et en particulier ce dernier. C'est l'un des travaux prioritaires que devrait mettre en place l'InVS afin de recueillir les statistiques de la stérilité, des fausses couches et de leurs causes ainsi que des anomalies visibles à la naissance. L'étude de la reprotoxicité doit s'étendre sur de nombreuses années. La malformation d'une personne ne sera détectable parfois que des années après sa naissance. Ce sont des sujets complexes et sensibles. Nous devons disposer de toutes les données disponibles en amont et de toute l'expertise possible en aval et l'imputabilité à un produit est rarement univoque. Voilà ce que je souhaitais dire sur ces sujets, je suis prête à répondre à vos autres questions.

M. le PRÉSIDENT - Merci, madame le directeur général. A propos du saturnisme, vous parliez des problèmes liés à l'état des canalisations, de la peinture... Disposons-nous d'une expertise sur le problème des peintures vieillissantes ?

Mme Michèle FROMENT-VÉDRINE - L'AFSSE n'a pas d'action particulière dans ce domaine. Ces problèmes sont bien connus et pris en charge par la direction générale de la santé et l'InVS. Les résultats d'une conférence de consensus sur ce thème, menée par l'ANAES, est d'ailleurs imminente. Ces sujets bénéficient déjà d'une très vaste expertise, je ne m'attarderai donc pas sur cette question qui n'est pas une des priorités de l'AFSSE, malgré son importance pour la santé publique, sauf saisine particulière.

M. le PRÉSIDENT - Bien sûr. M. Alain Vasselle, puis M. Jean-Pierre Godefroy, souhaitent intervenir.

M. Alain VASSELLE - Je souhaiterais poser quelques questions à Mme Froment-Védrine. Vous avez fait état de la modicité de vos moyens d'intervention au niveau régional, et vous avez suggéré que des conventions passées avec les hôpitaux permettraient de mener à bien une partie de vos missions. Pensez-vous que les hôpitaux disposent de moyens qui vous font défauts pour réaliser ces travaux ?

Ma seconde question concerne la qualité de l'eau. Vous allez rassembler des expertises scientifiques sur les problèmes de pollution de l'eau, notamment par les pesticides. Existe-t-il en France des expertises sur l'impact en matière de pollution de l'eau des centres d'enfouissement technique de déchets ménagers (CET) ? Si ce n'est pas le cas, votre Agence a-t-elle l'intention de les mettre en place ? Ce sujet est certainement l'une des principales préoccupations de nos concitoyens dans le débat portant sur la gestion des déchets. On sait en effet que les techniques d'incinération génèrent des dioxines, malgré la mise en place de systèmes de traitements de fumées sur lesquels vous travaillez peut-être par ailleurs. Les CET sont-ils véritablement inoffensifs ?

Ceci m'amène à la question suivante qui porte sur les normes. Entre-t-il dans les missions de votre Agence de produire des normes qui viendraient compléter les dispositifs existants en France et régleraient l'action des entreprises ou des collectivités ? Si c'est le cas, l'établissement de ces normes est-il accompagné de l'étude de leurs conséquences économiques ? On assiste en effet à la progression de la normalisation avec le temps. Cette prolifération des normes a parfois un impact considérable sur la compétitivité des entreprises ou la fiscalité des collectivités.

M. Jean-Pierre GODEFROY - Madame la directrice générale, je voudrais vous poser une question concernant les huit objectifs mentionnés par le projet de loi. Je ne vois nulle part apparaître le contrôle des activités nucléaires qui sont pourtant fort importantes dans notre pays. Je suis moi-même un partisan de cette industrie, mais je crois qu'elle doit être contrôlée. Cette question n'est prise en compte, ni dans le volet santé-environnement, ni dans le volet santé-travail. Or nous savons que des problèmes peuvent émerger dans la chaîne alimentaire du fait des rejets de substances dangereuses dans l'air, la mer ou les rivières. Vous avez mentionné la reprotoxicité ; il me semble que la surveillance des travailleurs du nucléaire est à cet égard tout à fait indispensable. Les conditions de travail des personnels intérimaires les exposent en effet à des risques d'irradiation. Quels seront les effets sur la santé et sur la descendance de ces travailleurs du nucléaire ?

Un contrôle est-il également prévu dans le cadre de l'élargissement européen ? Certains des nouveaux États membres ont peut-être des conditions de protection inférieures aux nôtres. Je n'ai vu nulle part mentionnée la gestion d'une éventuelle pollution nucléaire.

M. le PRÉSIDENT - Merci, nous terminerons donc par ces deux séries de questions. M. le rapporteur a encore cependant une remarque à formuler.

M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur - J'ai eu l'occasion de lire, madame, le rapport que vous aviez publié sur la téléphonie mobile. Chargé avec mon collègue, M. Daniel Raoul, d'un rapport sur ce sujet dans le cadre de l'Office parlementaire des choix scientifiques et techniques, j'avais beaucoup apprécié la coordination entre une agence et un organisme parlementaire. Je tenais à vous en remercier.

Mme Michèle FROMENT-VÉDRINE - Merci beaucoup. Je vais répondre à la question concernant les hôpitaux. Je les ai évoqués à propos des centres anti-poison et de toxico-vigilance. Ces centres ont une double mission. Ils répondent tout d'abord aux urgences, téléphoniques essentiellement, mission qu'ils accomplissent avec très peu de moyens. La Direction générale de la santé a saisi l'AFSSE et l'InVS d'un rapport sur la toxico-vigilance. Ce rapport, remis il y a quelques semaines, fait le point sur les difficultés rencontrées par les centres anti-poison et de toxico-vigilance en termes de moyens humains et financiers, de développement de carrière et de charge de travail. Les centres anti-poison ont néanmoins une compétence très importante en matière de toxico-vigilance qui est utilisée à travers de nombreuses expertises locales ou nationales. Ces centres sont en état d'alerte permanente afin de répondre à d'éventuelles agressions bio terroristes.

Cette compétence de toxico-vigilance est très importante pour l'AFSSE. A travers les conventions que nous passerions avec ces services des hôpitaux, nous aurions accès à des informations qui sont déjà disponibles. Il ne s'agit pas d'une surcharge pour ces centres, bien au contraire, et cela représente une reconnaissance appréciable de leur travail. Il n'empêche que le problème des moyens de ces centres devra être réglé. Il n'y a pratiquement plus de personnels à temps plein, les effectifs sont pour la plus grande part constitués de vacataires et de nombreux départs en retraite sont à prévoir. C'est le cas au centre hospitalier de Paris, qui va bientôt rencontrer des difficultés importantes malgré l'immense travail qu'il continue d'accomplir.

En ce qui concerne l'eau, l'AFSSE est consciente des problèmes de pollution de l'eau, en particulier des risques pour l'eau de boisson. Je rappellerai cependant que l'AFSSE, qui n'existe que depuis quelques mois, travaille sur la base de saisines. Ces saisines ont été en nombre extrêmement important. Nous avons atteint les limites des capacités de traitement de nos équipes scientifiques, qui dépassent les 35 heures. Le problème de l'eau de boisson est géré à la fois par la Direction de l'eau du ministère de l'environnement, les agences de l'eau mais surtout par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). Bien que nous travaillions en coordination avec l'AFSSA et partagions les mêmes locaux, nous n'intervenons pas sur ce sujet sauf dans le cas d'une saisine conjointe de nos deux organismes. C'est actuellement le cas sur la question de l'antibiorésistance de l'eau. L'AFSSE apporte son expertise spécifique en matière d'environnement.

L'enfouissement des déchets est de même un sujet dont nous n'avons pas été investis. Il est traité par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Des projets de conventions existent avec ces deux établissements et la circulation de l'information se fait sans problèmes. Nous n'avons pas à ce jour reçu de saisine sur ce sujet.

Ces deux points, la protection des ressources en eau et le traitement des déchets, feront néanmoins partie du plan national de santé environnementale. Les rapporteurs attireront l'attention des différents ministères sur ces questions. Des associations ont d'ailleurs saisi récemment l'AFSSE sur la base d'un décret de juin 2003 sur trois problèmes concernant pour deux d'entre eux des dysfonctionnements d'incinérateurs et l'autre l'enfouissement de déchets chimiques. Nous traitons donc en quelque sorte ces sujets au cas par cas.

Concernant les normes, l'AFSSE n'a pas vocation à produire des normes. En revanche, l'AFSSE rend des avis en matière de réglementation et peut donc proposer de nouvelles normes, éventuellement mises en place par l'Association française de normalisation (AFNOR). L'AFSSA est ainsi à l'origine d'une norme sur la qualité des expertises et le traitement des saisines que va appliquer l'AFSSE. Il s'agit là d'un point essentiel, l'évaluation de la qualité des experts et leur indépendance. Cette question de l'indépendance des experts avait notamment été soulevée lors de la préparation du rapport sur la téléphonie mobile. Faute de crédits, les établissements de recherche ont été contraints de passer des accords avec l'industrie privée. De très nombreux experts publics sont donc en partie financés par le privé à travers leur laboratoire. On trouve dans ces laboratoires une manne d'experts très compétents. Nous sollicitons bien entendu ces chercheurs lors de nos travaux.

La position consistant à exiger une expertise totalement indépendante de l'industrie privée est intenable à ce jour. Je remercie M. Jean-Louis Lorrain pour ses propos de tout à l'heure au sujet de notre rapport sur la téléphonie mobile. Nous exerçons une veille sur ce sujet très sensible. Il nous a été impossible de trouver des experts complètement indépendants de l'industrie privée dans ce domaine. Les meilleurs experts, reconnus par l'OMS, travaillent dans des laboratoires cofinancés. L'AFSSE fait bien entendu respecter certaines règles, mais à moins de recruter un expert incompétent il n'est pas réaliste de souhaiter son indépendance complète. J'attire l'attention de mon auditoire sur ce point : si nous voulons une expertise indépendante, il faut la financer. Si ce sont des opérateurs privés qui assurent ce financement, il faut reconnaître aux experts la faculté de s'abstraire de leur travail au service privé et de participer de manière impartiale aux expertises publiques. Ce point est également en réflexion à Bruxelles, qui prépare un projet de directive sur ce sujet fondamental.

L'AFSSE s'est efforcée, pour les trois comités d'experts qu'elle s'est adjointe, d'assurer leur indépendance autant que possible et d'équilibrer les différents profils représentés. L'Agence vient de déterminer la composition du premier de ces comités, sur un sujet très sensible : les produits chimiques. Ce comité aura la lourde charge d'expertiser les biocides, qui sont des produits des pesticides non agricoles. Ces biocides font l'objet d'une directive européenne en cours de transposition en France. L'AFSSE coordonnera l'action des différents établissements publics qui travailleront sur les risques de ces biocides pour la santé environnementale.

Deux comités d'experts spécialisés sont également en cours d'élaboration : l'un sur l'air et l'autre sur les nouvelles technologies et l'aménagement du territoire. Ce dernier recouvre notamment la question du bruit, de l'habitat, de la téléphonie mobile voire des radiations ionisantes.

Ceci m'amène à la question de M. Jean-Pierre Godefroy sur le nucléaire. Le projet de loi ne prévoit effectivement rien sur ce sujet. Cependant, le plan national sur la santé environnementale possède une fiche sur ces questions. Il faut bien comprendre que les huit points mis en avant par la loi de santé publique sont des points de gestion de la santé environnementale bien connus, sur lesquels l'État peut apporter des améliorations immédiates. C'est le plan national sur la santé environnementale qui définira la majorité des autres orientations prospectives en matière de recherche ou d'expertise. Le nucléaire en fera partie.

M. le PRÉSIDENT - Merci beaucoup, madame la directrice générale. Mes chers collègues, nous reprendrons ces auditions mercredi prochain. Nous terminerons, ce soir-là, par l'audition du ministre de la santé. Nous nous retrouvons, cet après-midi à 15 heures, pour l'examen des amendements extérieurs déposés sur le texte relatif au RMI-RMA. Une vingtaine d'amendements seront à étudier, ainsi que deux motions de procédure : l'exception d'irrecevabilité du groupe communiste et la question préalable du groupe socialiste.

Madame, je vous remercie une nouvelle fois.

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