Audition de Mme Michèle FROMENT-VEDRINE
Directrice
générale de l'Agence française de sécurité
sanitaire environnementale (AFSSE)
(mercredi 10 décembre
2003)
M. le
PRÉSIDENT
- Nous accueillons maintenant Mme Michèle
Froment-Védrine, directrice générale de l'Agence
française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE).
Madame le directeur général, merci d'avoir accepté de
participer à ces auditions. Pourriez-vous exprimer votre position sur le
texte de loi relatif à la politique de santé publique ? Ce
texte attendu constitue une première depuis un siècle, il est
donc important d'en faire une analyse pointue. Les rapporteurs et les
commissaires vous interrogeront après votre intervention.
Mme Michèle FROMENT-VÉDRINE
- Merci, monsieur le
président. Ce texte est effectivement très attendu et important
au regard des questions de santé environnementale. Il contient au moins
huit objectifs de gestion concernant des problématiques connues dont la
réalisation va nécessiter la coordination de différents
services de l'État. D'importantes mesures sont également prises
sur deux autres points : le saturnisme et la protection de la
qualité de l'eau. Ces questions de gestion du risque ne sont pas les
questions principales en ce qui concerne l'AFSSE, puisqu'elles relèvent
du ministère. Nous y apportons tout au plus une certaine expertise.
Le projet établit en revanche un plan national en santé
environnementale qui aura de fortes répercussions sur l'AFSSE. Ce plan
quinquennal fait suite à la Conférence de Londres de 1999 et
donne enfin une véritable légitimité à
l'étude des questions de santé environnementale et permettra de
faire émerger des thèmes nouveaux. La France n'a en effet pas
encore fixé d'objectifs précis à la différence
d'autres pays, notamment les pays anglo-saxons. C'est à cette
tâche que l'Agence française de sécurité sanitaire
environnementale se consacre de plus en plus activement.
M. le PRÉSIDENT
- Merci. M. Jean-louis Lorrain, notre rapporteur,
posera les premières questions.
M. Jean-louis LORRAIN
- Je pense que vous avez pris connaissance des
questions qui vous ont été transmises par écrit, je vais
brièvement les rappeler. L'Agence française de
sécurité sanitaire environnementale s'est vu confier deux
missions : contribuer à assurer la sécurité sanitaire
dans le domaine de l'environnement et évaluer les risques existants.
Deux ans après sa création, où en est l'AFSSE dans la mise
en place de ces partenariats et dans la rationalisation de l'expertise dans le
domaine de la sécurité sanitaire environnementale ?
Au sujet du plan national de prévention des risques pour la santé
liés à l'environnement, quelles sont les modalités de
l'intervention de l'AFSSE actuellement et dans le futur ? Dispose-t-elle
des moyens humains nécessaires au suivi de sa mise en oeuvre au niveau
régional ?
Concernant le projet de loi lui-même, pourriez-vous commenter ses
objectifs environnementaux ? Ces objectifs vous paraissent-ils
convenablement choisis et réalisables ? Nécessitent-ils
encore davantage de réflexions avant de pouvoir présenter des
propositions plus solides ?
Le projet de loi contient également deux objectifs
rénovés, à savoir la protection de la qualité de
l'eau et le saturnisme. Ces objectifs sont importants mais résument-ils
le volet environnement et santé de la politique sanitaire ? Ne
pensez-vous pas que c'est insuffisant ?
Mme Michèle FROMENT-VÉDRINE
- Je vous remercie. Concernant
la création de l'Agence, celle-ci ne remonte pas à deux ans mais
bien à quelques mois. Le texte de loi créant l'Agence remonte en
effet au 9 mai 2001, mais son décret d'application date du
1
er
mars 2002. J'ai été moi-même
nommée en avril 2002 et n'ai reçu un budget de fonctionnement
qu'en octobre 2002. L'Agence a en effet été créée
ex nihilo,
contrairement à d'autres agences sanitaires qui
s'appuyaient sur des organismes préalablement existants. Le budget
reçu à cette date ne comportait pas de crédits
d'investissement autres que de recherche, nécessaires au
démarrage de l'activité de l'Agence (mobilier, ordinateurs...).
Ce n'est qu'en décembre 2002 que quelques crédits épars
ont permis à l'Agence d'entamer son action. Lors de l'embauche de son
personnel, l'Agence s'est également heurtée à des
difficultés statutaires qui n'ont été levées par
une lettre dérogatoire du budget qu'en février 2003. L'Agence
n'était en effet pas incluse dans le dispositif de statut des personnels
d'agences sanitaires. Les embauches se sont réparties entre les mois
d'avril et de juin 2003 et continuent à ce jour.
L'activité juridique de l'Agence avait donc effectivement
démarré en octobre 2002 avec un effectif de trois personnes mises
à sa disposition : un responsable financier, un responsable
scientifique à temps partiel et moi-même. Quelques travaux ont
été effectués à cette époque : le
lancement d'un appel à propositions de recherches encore financé
par le ministère de l'environnement et repris par l'AFSSE depuis, et la
production d'un rapport sur la téléphonie mobile publié en
avril 2003. Le véritable fonctionnement de l'Agence remonte seulement au
mois de mai ou juin 2003 avec l'arrivée d'un personnel
spécialisé conséquent.
En l'espace de ces quelques mois, un nombre considérable de saisines
nous ont néanmoins été adressées par nos
ministères de tutelle, le Ministère de la Santé et le
Ministère de l'environnement. Il s'agit de demandes de compilation
d'information auprès de l'ensemble de nos partenaires. L'Agence est en
effet une agence d'objectifs ne comprenant que 29 postes autorisés en
2003. Notre objet est la coordination d'une quinzaine d'établissements
cités dans le décret de mars 2002. Ces établissements sont
des établissements de recherche ou d'expertise.
Les saisines dont nous faisons l'objet sont l'occasion de rassembler les
expertises compétentes de ces établissements voire d'autres
services et établissements publics si nécessaire. Nous avons
ainsi mis en place des travaux sur le bruit, sur la pollution
atmosphérique intérieure et extérieure, le cancer... Nous
avons mené deux appels d'offres, l'un portant sur la sélection de
28 équipes de recherche en 2002 et l'autre sur 16 équipes de
recherche en 2003 travaillant sur la santé environnementale. Nous
procéderons de même pour les années à venir. Des
contacts ont également été pris avec l'ensemble des
établissements concernés.
Notre travail a donc effectivement démarré. Des conventions sont
en cours de négociation avec ces établissements. La collaboration
se passe de mieux en mieux sur de nombreuses questions de santé
publique. Cependant, l'AFSSE n'a pas une légitimité
supérieure à celle des autres institutions
intéressées par les questions de santé environnementale.
Une agence nouvellement créée, ne disposant pas d'après
les textes d'une autorité particulière, ne peut prétendre
interférer avec les procédures d'établissements de grande
taille et à l'histoire ancienne, que ce soit l'Institut national de
l'environnement industriel et des risques (INERIS), l'Institut national de la
santé et de la recherche médicale (INSERM) ou les
différentes agences sanitaires.
C'est par la démonstration de notre compétence et de notre
persuasion que nous devons opérer afin de mener à bien ces
travaux et d'établir ces conventions. La faiblesse de notre budget est
une contrainte puisque nous n'avons pas les moyens de rémunérer
ces établissements pour les travaux qu'ils fournissent. Il s'agit donc
de créer une relation de confiance et de faire des travaux communs avec
une publication commune. Nous étions dès le début
conscients de cette difficulté. Le texte de mai 2001 indiquait
clairement que l'Agence n'aurait pas les moyens de réaliser
elle-même ces expertises.
L'Agence dépend donc de ces activités de coordination, qui
entraînent quelques complications administratives et budgétaires
mais ne posent aucun problème scientifique. Cette collaboration nous
permettra de publier deux importants rapports sur le bruit et sur la pollution
atmosphérique début 2004. Le Gouvernement nous a chargés
par ailleurs d'organiser la concertation dans le cadre du premier programme
national santé-environnement publié pour la conférence de
Budapest en 2004.
Pour faire le lien avec votre second point et le plan national de
prévention des risques pour la santé liés à
l'environnement, le Gouvernement a décidé d'organiser dans un
premier temps une consultation autour d'une commission d'orientation. Cette
commission est présidée par trois co-présidents
représentant les thématiques des trois ministères qui
soutiennent ce plan : le ministère de l'écologie et du
développement durable, le ministère de la santé, de la
famille et des personnes handicapées et le ministère du travail
et de l'emploi. La participation du ministère du travail et de l'emploi
est une innovation justifiée par la place prépondérante
tenue par le milieu professionnel dans l'ensemble des sujets que nous abordons.
Ce milieu est bien souvent le premier à se heurter aux
difficultés qui menacent l'ensemble de la population.
L'AFSSE a été désignée comme secrétaire
scientifique et administrative de la commission d'orientation qui comporte
22 membres. Cette commission est indépendante de l'AFSSE qui
l'assiste en lui fournissant des supports scientifiques et en effectuant la
synthèse de ses travaux. Cette indépendance a été
voulue par le Gouvernement. Un pré-rapport sera élaboré et
remis aux différents ministres vers le 12 décembre. Il sera suivi
dans trois régions d'une présentation sur certains de ses
thèmes ciblés par les différents ministères :
le 15 décembre à Douai, le 9 janvier à Lyon et
le 16 janvier à Rennes. Le pré-rapport sera publié
sur Internet et fera l'objet d'une consultation publique en ligne, à
l'instar des documents de la Commission européenne. Nous recueillerons
l'ensemble des remarques issues de ces consultations, et un rapport
définitif sera rendu à la fin du mois de janvier par les trois
coprésidents de la commission. Ce document servira de support à
l'ensemble des travaux menés par le gouvernement dans le domaine de la
santé environnementale de janvier à juin 2004. Cette commission
scientifique n'a pas un caractère juridique ou économique et de
nombreuses instructions devront être menées à partir de ses
recommandations avant qu'elles ne puissent être adoptées par le
gouvernement.
Ces travaux s'articulent avec les objectifs définis par le projet de loi
relatif à la politique de santé publique. Les orientations de la
loi portent sur des problématiques de gestion du risque connues telles
que le saturnisme ou la pollution de l'eau. Le rapport formule quant à
lui des recommandations dans des domaines de recherche ou d'expertise avec une
dimension prospective sur les cinq prochaines années. Même si
certains éléments communs seront mis en avant, le rapport portera
sans doute sur des mesures plus originales et définira un vaste plan
d'intervention interministériel qui ira au-delà des objectifs de
la loi de santé publique. L'Agence est également engagée
dans le plan de lutte contre le cancer à hauteur de 1 million d'euros,
dans le champ de la santé environnementale.
Concernant les moyens d'intervention régionale dont nous disposerions,
nous n'en avons pour l'instant aucun. Des relais régionaux doivent
être créés. Cela peut se faire par convention, par exemple
avec les centres anti-poison qui mènent déjà des travaux
de toxico-vigilance. Nous n'avons pour l'instant rien de comparable au
réseau des CIRE de l'InVS. J'ignore encore comment
l'implémentation de ces plans sera suivie à l'échelle
régionale. Cette question ne figure pour l'instant pas parmi nos
priorités, nos ressources étant accaparées par la
préparation dudit plan. L'AFSSE ouvrira neuf nouveaux postes en 2004, ce
qui sera insuffisant pour établir un réseau. Nous comptons
surmonter cette faiblesse grâce au passage de conventions avec des
hôpitaux, des sections d'hôpitaux ou des établissements
régionaux. Ce problème sera traité à partir de
2004. L'AFSSE ne dispose pour ce faire que de moyens directs très
réduits : ses 39 employés en 2004 en font la plus
petite de toutes les agences.
A propos des huit objectifs quantifiés et de leur réalisation, je
ne m'arrêterai pas longtemps sur le sujet car il ne concerne pas
directement l'Agence. Il s'agit de propositions relatives à la gestion
du risque, c'est-à-dire mises en oeuvre essentiellement par les
ministères. Ces huit objectifs sont d'un grand intérêt et
nécessiteront la mobilisation de l'ensemble des services de
l'État, de leurs partenaires régionaux voire de la population
elle-même pour certains d'entre eux. Les problèmes liés au
saturnisme ou au monoxyde de carbone requièrent bien entendu la
participation des habitants, qui sera d'ampleur inégale en fonction de
leurs moyens. Cette mise en oeuvre ne sera donc pas simple mais constitue un
enjeu très important en matière de sécurité
sanitaire et environnementale.
Je traiterai enfin des deux dispositifs rénovés ayant trait
à la protection de la qualité de l'eau et à la lutte
contre le saturnisme. Je trouve très intéressante l'idée
d'un carnet sur lequel seraient consignés les risques liés au
saturnisme. Ce carnet serait remis lors de la location ou de la vente d'un
appartement ou d'une maison. Ce point a été évoqué
pour d'autres problématiques dans le cadre du plan national
santé-environnement. On pourrait ainsi y adjoindre les problèmes
de vétusté des canalisations d'eau, à l'origine de
certains cas de légionellose ou de saturnisme, ainsi que de
l'installation électrique, cause de nombreuses brûlures ou
d'intoxications. Ce dernier point provient des risques d'incendie et
d'inflammabilité de différents produits domestiques et notamment
les éléments mobiliers contenant de la mousse de rembourrage
très toxique. Le décret concernant l'inflammabilité de ces
meubles n'a d'ailleurs jamais été publié ; les
britanniques ont pris des mesures très efficaces qui ont réduit
les décès par intoxications lors des incendies.
Quant à la qualité de l'eau, il rejoint le sujet
extrêmement important de la protection du périmètre des
eaux contre les actions terroristes, la malveillance ou le mésusage de
produits nocifs à proximité des points de captage, en particulier
agricole. Il s'agit là d'une véritable mesure de progrès.
La pollution de l'eau par les pesticides est une question d'envergure. L'AFSSE
étudiera de façon prioritaire la reprotoxicité de ces
produits. D'autres pays comme les Etats-Unis, le Canada ou la Grande-Bretagne,
ont sur ce sujet une avance scientifique considérable. Ces produits
peuvent en effet participer à la stérilité et aux
anomalies de développement de l'embryon et du foetus.
Il n'existe pas actuellement en France de données
épidémiologiques suffisantes pour traiter ces différents
sujets de santé environnementale et en particulier ce dernier. C'est
l'un des travaux prioritaires que devrait mettre en place l'InVS afin de
recueillir les statistiques de la stérilité, des fausses couches
et de leurs causes ainsi que des anomalies visibles à la naissance.
L'étude de la reprotoxicité doit s'étendre sur de
nombreuses années. La malformation d'une personne ne sera
détectable parfois que des années après sa naissance. Ce
sont des sujets complexes et sensibles. Nous devons disposer de toutes les
données disponibles en amont et de toute l'expertise possible en aval et
l'imputabilité à un produit est rarement univoque. Voilà
ce que je souhaitais dire sur ces sujets, je suis prête à
répondre à vos autres questions.
M. le PRÉSIDENT
- Merci, madame le directeur
général. A propos du saturnisme, vous parliez des
problèmes liés à l'état des canalisations, de la
peinture... Disposons-nous d'une expertise sur le problème des peintures
vieillissantes ?
Mme Michèle FROMENT-VÉDRINE
- L'AFSSE n'a pas d'action
particulière dans ce domaine. Ces problèmes sont bien connus et
pris en charge par la direction générale de la santé et
l'InVS. Les résultats d'une conférence de consensus sur ce
thème, menée par l'ANAES, est d'ailleurs imminente. Ces sujets
bénéficient déjà d'une très vaste expertise,
je ne m'attarderai donc pas sur cette question qui n'est pas une des
priorités de l'AFSSE, malgré son importance pour la santé
publique, sauf saisine particulière.
M. le PRÉSIDENT
- Bien sûr. M. Alain Vasselle, puis
M. Jean-Pierre Godefroy, souhaitent intervenir.
M. Alain VASSELLE
- Je souhaiterais poser quelques questions à
Mme Froment-Védrine. Vous avez fait état de la
modicité de vos moyens d'intervention au niveau régional, et vous
avez suggéré que des conventions passées avec les
hôpitaux permettraient de mener à bien une partie de vos missions.
Pensez-vous que les hôpitaux disposent de moyens qui vous font
défauts pour réaliser ces travaux ?
Ma seconde question concerne la qualité de l'eau. Vous allez rassembler
des expertises scientifiques sur les problèmes de pollution de l'eau,
notamment par les pesticides. Existe-t-il en France des expertises sur l'impact
en matière de pollution de l'eau des centres d'enfouissement technique
de déchets ménagers (CET) ? Si ce n'est pas le cas, votre Agence
a-t-elle l'intention de les mettre en place ? Ce sujet est certainement
l'une des principales préoccupations de nos concitoyens dans le
débat portant sur la gestion des déchets. On sait en effet que
les techniques d'incinération génèrent des dioxines,
malgré la mise en place de systèmes de traitements de
fumées sur lesquels vous travaillez peut-être par ailleurs. Les
CET sont-ils véritablement inoffensifs ?
Ceci m'amène à la question suivante qui porte sur les normes.
Entre-t-il dans les missions de votre Agence de produire des normes qui
viendraient compléter les dispositifs existants en France et
régleraient l'action des entreprises ou des collectivités ?
Si c'est le cas, l'établissement de ces normes est-il accompagné
de l'étude de leurs conséquences économiques ? On
assiste en effet à la progression de la normalisation avec le temps.
Cette prolifération des normes a parfois un impact considérable
sur la compétitivité des entreprises ou la fiscalité des
collectivités.
M. Jean-Pierre GODEFROY
- Madame la directrice générale,
je voudrais vous poser une question concernant les huit objectifs
mentionnés par le projet de loi. Je ne vois nulle part apparaître
le contrôle des activités nucléaires qui sont pourtant fort
importantes dans notre pays. Je suis moi-même un partisan de cette
industrie, mais je crois qu'elle doit être contrôlée. Cette
question n'est prise en compte, ni dans le volet santé-environnement, ni
dans le volet santé-travail. Or nous savons que des problèmes
peuvent émerger dans la chaîne alimentaire du fait des rejets de
substances dangereuses dans l'air, la mer ou les rivières. Vous avez
mentionné la reprotoxicité ; il me semble que la
surveillance des travailleurs du nucléaire est à cet égard
tout à fait indispensable. Les conditions de travail des personnels
intérimaires les exposent en effet à des risques d'irradiation.
Quels seront les effets sur la santé et sur la descendance de ces
travailleurs du nucléaire ?
Un contrôle est-il également prévu dans le cadre de
l'élargissement européen ? Certains des nouveaux
États membres ont peut-être des conditions de protection
inférieures aux nôtres. Je n'ai vu nulle part mentionnée la
gestion d'une éventuelle pollution nucléaire.
M. le PRÉSIDENT
- Merci, nous terminerons donc par ces deux
séries de questions. M. le rapporteur a encore cependant une
remarque à formuler.
M. Jean-Louis LORRAIN, rapporteur
- J'ai eu l'occasion de lire, madame,
le rapport que vous aviez publié sur la téléphonie mobile.
Chargé avec mon collègue, M. Daniel Raoul, d'un rapport sur
ce sujet dans le cadre de l'Office parlementaire des choix scientifiques et
techniques, j'avais beaucoup apprécié la coordination entre une
agence et un organisme parlementaire. Je tenais à vous en remercier.
Mme Michèle FROMENT-VÉDRINE
- Merci beaucoup. Je vais
répondre à la question concernant les hôpitaux. Je les ai
évoqués à propos des centres anti-poison et de
toxico-vigilance. Ces centres ont une double mission. Ils répondent tout
d'abord aux urgences, téléphoniques essentiellement, mission
qu'ils accomplissent avec très peu de moyens. La Direction
générale de la santé a saisi l'AFSSE et l'InVS d'un
rapport sur la toxico-vigilance. Ce rapport, remis il y a quelques semaines,
fait le point sur les difficultés rencontrées par les centres
anti-poison et de toxico-vigilance en termes de moyens humains et financiers,
de développement de carrière et de charge de travail. Les centres
anti-poison ont néanmoins une compétence très importante
en matière de toxico-vigilance qui est utilisée à travers
de nombreuses expertises locales ou nationales. Ces centres sont en état
d'alerte permanente afin de répondre à d'éventuelles
agressions bio terroristes.
Cette compétence de toxico-vigilance est très importante pour
l'AFSSE. A travers les conventions que nous passerions avec ces services des
hôpitaux, nous aurions accès à des informations qui sont
déjà disponibles. Il ne s'agit pas d'une surcharge pour ces
centres, bien au contraire, et cela représente une reconnaissance
appréciable de leur travail. Il n'empêche que le problème
des moyens de ces centres devra être réglé. Il n'y a
pratiquement plus de personnels à temps plein, les effectifs sont pour
la plus grande part constitués de vacataires et de nombreux
départs en retraite sont à prévoir. C'est le cas au centre
hospitalier de Paris, qui va bientôt rencontrer des difficultés
importantes malgré l'immense travail qu'il continue d'accomplir.
En ce qui concerne l'eau, l'AFSSE est consciente des problèmes de
pollution de l'eau, en particulier des risques pour l'eau de boisson. Je
rappellerai cependant que l'AFSSE, qui n'existe que depuis quelques mois,
travaille sur la base de saisines. Ces saisines ont été en nombre
extrêmement important. Nous avons atteint les limites des
capacités de traitement de nos équipes scientifiques, qui
dépassent les 35 heures. Le problème de l'eau de boisson est
géré à la fois par la Direction de l'eau du
ministère de l'environnement, les agences de l'eau mais surtout par
l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments
(AFSSA). Bien que nous travaillions en coordination avec l'AFSSA et partagions
les mêmes locaux, nous n'intervenons pas sur ce sujet sauf dans le cas
d'une saisine conjointe de nos deux organismes. C'est actuellement le cas sur
la question de l'antibiorésistance de l'eau. L'AFSSE apporte son
expertise spécifique en matière d'environnement.
L'enfouissement des déchets est de même un sujet dont nous n'avons
pas été investis. Il est traité par l'Agence de
l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et par le
Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Des projets
de conventions existent avec ces deux établissements et la circulation
de l'information se fait sans problèmes. Nous n'avons pas à ce
jour reçu de saisine sur ce sujet.
Ces deux points, la protection des ressources en eau et le traitement des
déchets, feront néanmoins partie du plan national de santé
environnementale. Les rapporteurs attireront l'attention des différents
ministères sur ces questions. Des associations ont d'ailleurs saisi
récemment l'AFSSE sur la base d'un décret de juin 2003 sur trois
problèmes concernant pour deux d'entre eux des dysfonctionnements
d'incinérateurs et l'autre l'enfouissement de déchets chimiques.
Nous traitons donc en quelque sorte ces sujets au cas par cas.
Concernant les normes, l'AFSSE n'a pas vocation à produire des normes.
En revanche, l'AFSSE rend des avis en matière de réglementation
et peut donc proposer de nouvelles normes, éventuellement mises en place
par l'Association française de normalisation (AFNOR). L'AFSSA est ainsi
à l'origine d'une norme sur la qualité des expertises et le
traitement des saisines que va appliquer l'AFSSE. Il s'agit là d'un
point essentiel, l'évaluation de la qualité des experts et leur
indépendance. Cette question de l'indépendance des experts avait
notamment été soulevée lors de la préparation du
rapport sur la téléphonie mobile. Faute de crédits, les
établissements de recherche ont été contraints de passer
des accords avec l'industrie privée. De très nombreux experts
publics sont donc en partie financés par le privé à
travers leur laboratoire. On trouve dans ces laboratoires une manne d'experts
très compétents. Nous sollicitons bien entendu ces chercheurs
lors de nos travaux.
La position consistant à exiger une expertise totalement
indépendante de l'industrie privée est intenable à ce
jour. Je remercie M. Jean-Louis Lorrain pour ses propos de tout à
l'heure au sujet de notre rapport sur la téléphonie mobile. Nous
exerçons une veille sur ce sujet très sensible. Il nous a
été impossible de trouver des experts complètement
indépendants de l'industrie privée dans ce domaine. Les meilleurs
experts, reconnus par l'OMS, travaillent dans des laboratoires
cofinancés. L'AFSSE fait bien entendu respecter certaines règles,
mais à moins de recruter un expert incompétent il n'est pas
réaliste de souhaiter son indépendance complète. J'attire
l'attention de mon auditoire sur ce point : si nous voulons une expertise
indépendante, il faut la financer. Si ce sont des opérateurs
privés qui assurent ce financement, il faut reconnaître aux
experts la faculté de s'abstraire de leur travail au service
privé et de participer de manière impartiale aux expertises
publiques. Ce point est également en réflexion à
Bruxelles, qui prépare un projet de directive sur ce sujet fondamental.
L'AFSSE s'est efforcée, pour les trois comités d'experts qu'elle
s'est adjointe, d'assurer leur indépendance autant que possible et
d'équilibrer les différents profils représentés.
L'Agence vient de déterminer la composition du premier de ces
comités, sur un sujet très sensible : les produits
chimiques. Ce comité aura la lourde charge d'expertiser les biocides,
qui sont des produits des pesticides non agricoles. Ces biocides font l'objet
d'une directive européenne en cours de transposition en France. L'AFSSE
coordonnera l'action des différents établissements publics qui
travailleront sur les risques de ces biocides pour la santé
environnementale.
Deux comités d'experts spécialisés sont également
en cours d'élaboration : l'un sur l'air et l'autre sur les
nouvelles technologies et l'aménagement du territoire. Ce dernier
recouvre notamment la question du bruit, de l'habitat, de la
téléphonie mobile voire des radiations ionisantes.
Ceci m'amène à la question de M. Jean-Pierre Godefroy sur le
nucléaire. Le projet de loi ne prévoit effectivement rien sur ce
sujet. Cependant, le plan national sur la santé environnementale
possède une fiche sur ces questions. Il faut bien comprendre que les
huit points mis en avant par la loi de santé publique sont des points de
gestion de la santé environnementale bien connus, sur lesquels
l'État peut apporter des améliorations immédiates. C'est
le plan national sur la santé environnementale qui définira la
majorité des autres orientations prospectives en matière de
recherche ou d'expertise. Le nucléaire en fera partie.
M. le PRÉSIDENT
- Merci beaucoup, madame la directrice
générale. Mes chers collègues, nous reprendrons ces
auditions mercredi prochain. Nous terminerons, ce soir-là, par
l'audition du ministre de la santé. Nous nous retrouvons, cet
après-midi à 15 heures, pour l'examen des amendements
extérieurs déposés sur le texte relatif au RMI-RMA. Une
vingtaine d'amendements seront à étudier, ainsi que deux motions
de procédure : l'exception d'irrecevabilité du groupe
communiste et la question préalable du groupe socialiste.
Madame, je vous remercie une nouvelle fois.