TITRE VII BIS
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 51 bis A (nouveau)
(art. premier de l'ordonnance
n° 58-1259 du 19 décembre 1958
instituant un
privilège en faveur de la caisse centrale
de crédit
hôtelier, commercial et industriel)
Garanties d'emprunt
accordées aux candidats à un office de notaire, d'avoué
près une cour d'appel, de greffier de tribunal de commerce, d'huissier
de justice ou de commissaire-priseur judiciaire
Introduit par l'Assemblée nationale en première
lecture, à l'initiative de sa commission des Lois et avec l'avis
favorable du gouvernement, le présent article tend à modifier
l'article premier de l'ordonnance n° 58-1259 du 19 décembre
1958 instituant un privilège en faveur de la caisse centrale de
crédit hôtelier, commercial et industriel.
Il propose de moderniser le régime des garanties d'emprunt
accordées aux candidats à un office de notaire, d'avoué
près une cour d'appel, de greffier de tribunal de commerce, d'huissier
de justice ou de commissaire-priseur judiciaire.
Inspirée d'une proposition du Conseil national des greffiers des
tribunaux de commerce, l'initiative des députés se justifie par
le souci de faciliter l'installation de certains auxiliaires de justice en vue
de rendre ces professions plus accessibles.
Actuellement
, l'article premier de l'ordonnance n° 58-1259 du
19 décembre 1958 offre des
garanties
aux créances
nées d'un prêt consenti à un candidat à un office de
notaire, d'avoué près de la cour d'appel, de greffier, d'huissier
de justice ou de commissaire priseur en prévoyant
l'inscription d'un
privilège
sur «
la finance de l'office
».
Ce privilège appelé à s'exercer après les
privilèges du Trésor public est mentionné dans un registre
conservé au ministère de la justice.
Le champ d'application de ce dispositif concerne les prêts
proposés par
la caisse centrale de crédit hôtelier,
industriel et commercial,
établissement créancier
spécialement habilité à proposer des crédits aux
petites et moyennes entreprises.
Le créancier assuré d'être payé sur le prix de vente
de l'office avant d'autres créanciers en cas de défaillance de
l'emprunteur, pourra ainsi accorder des conditions d'emprunt plus avantageuses
que celles susceptibles d'être proposées par un
établissement bancaire classique.
La
modernisation de ce régime est apparue nécessaire
pour
deux raisons relatives :
- à la
disparition de la caisse centrale de crédit
hôtelier
,
commercial et industriel
créée en 1917
et fusionnée en 1980 avec d'autres établissements (la caisse
nationale des marchés de l'Etat et le groupement interprofessionnel des
petites et moyennes entreprises) au sein du crédit d'équipement
des petites et moyennes entreprises. En 1997, cet établissement a
été intégré à son tour au sein de la banque
du développement des PME chargée de favoriser, en partenariat
avec les sociétés bancaires et financières, l'accès
des PME au crédit ;
- au
champ trop restrictif de ce dispositif
; la limitation du
champ de cette garantie aux seuls candidats à un office souhaitant
exercer leur activité à titre individuel l'a vidée de
toute effectivité, les officiers ministériels, comme nombre
d'autres professions libérales, étant le plus souvent enclins
à pratiquer leur activité en groupe, sous forme de
sociétés soit civiles soit d'exercice libéral. Ainsi, ce
dispositif valable dans son principe est demeuré inutilisé par la
majorité des professionnels susceptibles d'en bénéficier.
Les députés ont considéré que ces dispositions
conservaient toutefois leur intérêt. Afin de leur donner une
portée véritablement effective, l'Assemblée nationale,
à l'initiative de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du
gouvernement, a proposé :
- de
prendre en compte les évolutions législatives
diverses en modifiant certaines expressions
employées soit
désuètes, soit sans objet. Outre le remplacement du terme
« commissaire-priseur » par « commissaire-priseur
judiciaire »
42(
*
)
par
cohérence avec la réforme des sociétés de ventes de
meubles aux enchères publiques (loi n° 2000-642 du 10 juillet
2000), elle a préféré faire référence
à «
la banque du développement des
PME
» plutôt qu'à la caisse centrale de
crédit hôtelier, industriel et commercial disparue. Elle a enfin
complété la mention relative aux greffiers pour préciser
qu'il s'agissait des greffiers des tribunaux de commerce, tirant les
conséquences de la fonctionnarisation des greffes intervenue en
1965 ;
-
d'étendre
aux candidats
souhaitant exercer leur office
sous la forme de société
(civile ou d'exercice
libéral)
le champ d'application de la garantie
accordée
par l'établissement de crédit. Il est précisé que
le privilège porte alors sur «
le
quantum
de la
finance de l'office correspondant à celui des parts ou actions acquises
au moyen du prêt »
.
La réforme ainsi proposée apporte une réponse plus
adaptée aux besoins des professions libérales. Aussi
mérite-t-elle d'être approuvée.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 51
bis A
sans
modification
.
Article 51 bis
(art. 515 du nouveau code de procédure civile)
Exécution immédiate des jugements de première instance
rendus en matière civile
Le
présent article supprimé par l'Assemblée nationale a
été introduit par le Sénat en première lecture
à l'initiative de notre collègue M. Pierre Fauchon,
contre l'avis du gouvernement. Il avait pour objet de poser le principe de
l'exécution immédiate des jugements de première instance
rendus en matière civile.
Actuellement,
ce principe est inversé
,
l'effet suspensif des
voies de recours ordinaires étant la règle et l'exécution
par provision, l'exception
. Dans la pratique, le système actuel se
caractérise en fait par une grande souplesse.
L'article 539 du nouveau code de procédure civile énonce que
l'appel est suspensif. Cette règle constitue une conséquence
directe du double degré de juridiction, principe traditionnel du droit
français. En effet, un jugement ne devient exécutoire qu'une fois
passé en force de chose jugée (article 501 du nouveau code de
procédure civile), ce qui signifie qu'il n'est plus susceptible de
recours (article 500 du nouveau code de procédure civile). L'appel est
appréhendé comme une voie d'achèvement du jugement et non
de réformation de celui-ci.
De nombreuses dérogations ont toutefois été
apportées à cette règle par le biais de
l'exécution provisoire
, dont le régime est défini
aux articles 514 à 526 du nouveau code de procédure civile.
L'exécution provisoire consiste en la possibilité pour la partie
gagnante ou pour le juge (hormis les cas où elle est de droit) de faire
exécuter le jugement dès sa signification en dépit de
l'effet suspensif des voies de recours (article 515 du nouveau code de
procédure civile).
Son champ d'application est très vaste, à tel point qu'il est
difficile de dresser une liste de toutes les matières concernées.
La tâche se révèle d'ailleurs d'autant plus délicate
que de nombreux textes (nouveau code de procédure civile, décrets
divers tel le décret du 27 décembre 1985 relatif aux
procédures collectives), complétés par une jurisprudence
abondante, autorisent le recours à cette procédure.
Certaines décisions telles que les ordonnances de
référé, les ordonnances du juge de la mise en état
accordant une provision au créancier, les décisions prescrivant
des mesures provisoires pour le cours de l'instance ou ordonnant des mesures
conservatoires sont exécutoires de droit à titre provisoire.
Dans
certaines hypothèses prévues par la loi
, cette
procédure est prohibée. Ainsi, l'article 515 précise
qu'elle ne peut être ordonnée pour les dépens. La
jurisprudence a appliqué le même raisonnement pour les sommes
allouées au titre de l'article 700. La prestation compensatoire
fixée par la décision prononçant le divorce ne peut
être assortie de l'exécution provisoire (article 1080-1).
Fréquemment mise en oeuvre au point de fragiliser le principe
général de l'effet suspensif de l'appel
, cette
procédure connaît toutefois certaines limites. En effet, outre
qu'elle ne s'applique qu'à la condamnation principale, elle est soumise
au contrôle du premier président de la cour d'appel (article 524
du nouveau code de procédure civile).
Lors de l'examen du texte en première lecture au Sénat, notre
collègue M. Pierre Fauchon a mis en avant que
l'encombrement
chronique des cours d'appel
et
la multiplication des procédures
purement dilatoires
rendaient nécessaire une intervention du
législateur en vue d'une
rationalisation des règles de la
procédure civile
.
L'auteur de l'amendement a fait siennes les observations formulées dans
le rapport remis au garde des Sceaux en décembre 1996 par
M. Jean-Marie Coulon, à l'époque président du
tribunal de grande instance de Paris, consacré « aux
réflexions et propositions sur la procédure civile »,
mettant en exergue la nécessité de rendre les jugements dans un
délai raisonnable et de renforcer l'effectivité des
décisions de justice, corollaire de la crédibilité de la
justice.
Reprenant une des recommandations de ce rapport
43(
*
)
, il a donc proposé
de réécrire l'article 515 du nouveau code de
procédure civile pour :
- affirmer le principe du jugement exécutoire dès sa
notification, sauf dans les cas prohibés par la loi (
premier
alinéa
) ; cette procédure serait
systématisée contrairement à la suspension provisoire
actuellement soumise à la libre appréciation des juges dans la
majorité des cas ;
- prévoir des exceptions en ouvrant au juge la possibilité,
à la demande des parties ou d'office, d'exclure cette procédure
lorsqu'elle est susceptible d'entraîner des conséquences
manifestement excessives ou de la subordonner à la constitution d'une
garantie réelle ou personnelle (
deuxième
alinéa
) ; ces dispositions se justifient par le souci
d'encadrer «
ce principe dans des limites raisonnables tenant soit
à la nature même du litige, soit au risque d'entraîner des
conséquences manifestement excessives
»
44(
*
)
;
- maintenir la compétence du premier président pour
écarter son application dans certaines hypothèses. Il est
à cet égard fait référence aux interdictions
prévues par la loi, aux conséquences manifestement excessives ou
à la méconnaissance des principes directeurs du procès
(
troisième alinéa
) ;
- renvoyer à un décret en Conseil d'Etat les conditions
d'application de cette réforme (
dernier alinéa
).
Tout en estimant fondé le souci d'améliorer le fonctionnement de
la justice au quotidien, le garde des Sceaux, lors de la séance publique
au Sénat le 2 avril 2003, a objecté, outre son caractère
réglementaire, que cette règle trop rigide risquait d'engendrer
de très graves perturbations dans les juridictions. Il s'est
déclaré satisfait du système actuel jugé
suffisamment souple. Il a néanmoins annoncé la mise en place d'un
groupe de travail chargé de proposer des pistes de réforme de la
procédure civile.
Cette initiative a ravivé des débats passionnés apparus en
avril 2002 à la suite de la diffusion d'un projet de décret qui
envisageait l'institution de l'exécution immédiate des
décisions de première instance précédemment
préconisée par le rapport de M. Jean-Marie Coulon. Face à
l'émotion suscitée par ces propositions, notamment au sein des
professions juridiques et judiciaires
45(
*
)
, le ministère de la justice n'a
pas jugé utile de donner suite à ce projet.
A la suite de l'adoption de cet amendement par le Sénat, les
réactions des représentants de la profession d'avocat ont
été vives. Par une lettre du 8 avril 2003, le
président de la Conférence des bâtonniers Maître
Bernard Chambel a adressé une lettre à tous les bâtonniers
pour marquer «
son hostilité au caractère
automatique de l'exécution immédiate des décisions de
première instance
». Le barreau de Paris
46(
*
)
et le Conseil national des barreaux
ont exprimé des réticences analogues.
Avec l'avis favorable du gouvernement, l'Assemblée nationale a
supprimé cet article suivant la proposition de sa commission des Lois.
Jugeant les préoccupations du Sénat légitimes, Mme
Brigitte Barèges, rapporteur, a néanmoins fait valoir que :
- l'exécution provisoire des jugements fonctionne
efficacement ; elle a cité à l'appui de sa
démonstration les propos de M. Jean-Claude Magendie, président du
tribunal de grande instance de Paris, selon lequel près de 90 % des
jugements de sa juridiction étaient acceptés et
exécutés
47(
*
)
. Le
rapporteur a rappelé que l'auteur de l'amendement lui-même avait
reconnu que certaines juridictions appliquaient couramment cette
procédure. Ainsi, il a été mis en avant qu'en pratique,
l'exécution provisoire -la plupart du temps laissée à la
discrétion du juge- contrebalançait largement le principe de
l'effet suspensif de l'appel et que sa systématisation pourrait remettre
en cause un équilibre pourtant satisfaisant ;
- la généralisation de l'exécution immédiate
à tous les jugements de première instance supposerait des
aménagements nombreux et de grande ampleur à la fois
techniques
-la réécriture du nouveau code de procédure
civile devenant impérative-, et
organisationnels
-un renforcement
des effectifs de magistrats et de personnels de greffes dans les tribunaux de
première instance paraissant indispensable- ;
- la mise en cause du principe de l'effet suspensif des voies de recours
fragiliserait les fondements de l'organisation judiciaire, en affaiblissant le
rôle des juges d'appel appelés à statuer uniquement sur des
décisions déjà exécutées. Elle a
évoqué les conséquences irréversibles de certaines
décisions exécutoires telles l'expulsion ou la démolition.
Elle a également craint que les sommes perçues au titre de
l'exécution du jugement de première instance ne puissent
être restituées en cas d'infirmation du jugement. Enfin, elle
s'est interrogée sur l'opportunité d'appliquer cette
réforme aux jugements rendus par certaines juridictions de
première instance spécialisées tels les conseils de
prud'hommes, dont le taux d'appel s'élève à environ
60 % actuellement.
Votre rapporteur se félicite de l'initiative de notre collègue
M. Pierre Fauchon qui a permis de mettre une nouvelle fois en
lumière l'asphyxie des juridictions et de dénoncer les
comportements abusifs de certains justiciables
. D'ailleurs, votre
commission ne manque pas de relever chaque fois qu'elle en a
l'occasion
48(
*
)
la situation
difficile de la justice confrontée à des délais de
jugement excessifs et à un encombrement des rôles. En outre, de
nombreux pays d'Europe ont réformé leur procédure civile
au début des années 1990 pour limiter les appels
49(
*
)
.
Toutefois, sensible aux arguments de l'Assemblée nationale, elle a
jugé préférable de se rallier à sa position.
Reste que les problèmes soulevés par ce débat sont
réels. Aussi votre rapporteur souhaite-t-il attirer l'attention du garde
des Sceaux sur la nécessité d'une modernisation de la
procédure civile en vue d'améliorer l'efficacité de la
justice. Tel est d'ailleurs l'objectif inscrit dans la loi d'orientation et de
programmation pour la justice du 9 septembre 2002
50(
*
)
.
A cet égard, il paraît utile d'évoquer quelques pistes
susceptibles d'alimenter utilement la réflexion.
Des solutions efficaces existent pour dissuader les pourvois dilatoires
.
En effet, l'article 559 du nouveau code de procédure civile
prévoit la possibilité de prononcer une amende civile de 15
à 1.500 euros. De plus, il est possible de condamner un justiciable
au versement de sommes sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de
procédure civile, lorsqu'il apparaît inéquitable de laisser
à la charge
d'une partie les frais exposés par elle et non
compris dans les dépens (c'est-à-dire les honoraires des
avocats).
En dépit des instruments mis à leur disposition, les
juges ne semblent pas en faire usage fréquemment
. Comme l'a fait
remarquer la mission d'information sur l'évolution des métiers de
la justice dans son rapport publié en juillet 2002
51(
*
)
, le montant des sommes fixées
au titre de l'article 700 est souvent faible. En outre, les magistrats
éprouvent des réticences à prononcer des amendes pour
décourager des comportements abusifs. Sans doute appartient-il au
ministère de la justice, par voie de circulaire, d'inciter les juges
à utiliser plus activement les mécanismes mis à leur
disposition.
Il pourrait également être intéressant de
réfléchir au fonctionnement de la justice de première
instance en améliorant le dialogue entre les juges et les avocats. Ces
derniers jouant en effet un rôle important par les conseils
prodigués à leurs clients sur l'opportunité de l'appel, il
paraît nécessaire de les associer davantage à toutes les
phases de la procédure. De plus, il conviendrait également de
s'interroger sur le déroulement de la carrière des magistrats,
qui profite essentiellement aux juridictions d'appel vers lesquelles se
dirigent les juges les plus expérimentés. Il pourrait être
utile de créer davantage de postes d'un niveau hiérarchique
élevé dans les tribunaux de première instance, afin
d'attirer des magistrats chevronnés et soucieux de transmettre leur
savoir aux plus jeunes.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous
propose de
maintenir la suppression
de l'article 51
bis
.
Article 51 ter (nouveau)
(art. L. 811-13, L. 812-1, L. 812-2
et L. 814-1 du code de commerce)
Mission des mandataires judiciaires
au redressement
et à la liquidation des entreprises
-
Procédure disciplinaire applicable aux administrateurs
et aux
mandataires judiciaires
Introduit en première lecture par l'Assemblée
nationale avec l'avis favorable du gouvernement à l'initiative de Mme
Brigitte Barèges, rapporteur, et de M. Philippe Houillon, le
présent article a un double objet :
- opérer des
corrections de forme
pour rectifier des
formulations ambiguës ou inutiles figurant dans les dispositions
applicables aux mandataires judiciaires au redressement et à la
liquidation des entreprises
52(
*
)
(premier et deuxième
alinéas) ;
- prévoir
une stricte séparation
entre
l'autorité compétente pour ordonner la suspension
provisoire
-qui serait désormais le tribunal de grande instance- et
celle chargée de prononcer une sanction disciplinaire
-qui
demeurerait la commission nationale d'inscription chargée
d'établir la liste des personnes susceptibles d'être
désignées en qualité d'administrateur judiciaire ou de
mandataire judiciaire (troisième et quatrième alinéas).
A cet effet, il propose de modifier les articles L. 811-13, L. 812-1,
L. 812-2 et L. 814-1 du code de commerce récemment
modifiés par la loi n° 2003-7 du 3 janvier 2003 modifiant le
livre VIII du code de commerce.
Cette loi, dont l'équilibre a été unanimement
salué, a permis de moderniser le statut des administrateurs judiciaires
et des mandataires judiciaires au redressement et à la liquidation des
entreprises. Elle constitue la première étape d'un vaste chantier
de réforme du droit des procédures collectives en cours
d'élaboration
53(
*
)
. Outre
la codification dans le code de commerce des dispositions issues de la loi
n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires,
mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en
diagnostic d'entreprise, elle s'articule autour de six axes principaux
consacrés à :
- la modernisation de leur régime disciplinaire, en vue de
renforcer la surveillance et les contrôles auxquels sont soumis ces
professionnels ;
- l'encadrement plus strict des conditions d'accès à la
profession (instauration d'un examen d'accès au stage) ;
- la reconnaissance d'un quasi-monopole aux professionnels inscrits sur
les listes nationales établies par une commission nationale, la
désignation d'un professionnel « hors liste »
étant subordonnée à des conditions très
strictes ;
- la réglementation plus rigoureuse de l'accomplissement des
missions confiées aux administrateurs et mandataires judiciaires, en vue
de les dissuader de recourir trop souvent à l'assistance de
professionnels non membres de la profession ;
- l'indemnisation des mandataires judiciaires au titre des diligences
accomplies dans les dossiers impécunieux ;
- l'extension des missions dévolues au Conseil national des
administrateurs et des mandataires judiciaires désormais chargé
de veiller au respect par les professionnels de leurs obligations statutaires
et d'organiser leur formation professionnelle.
Le présent article n'a pas pour objet de remettre en cause ces
avancées mais plutôt d'en améliorer la lisibilité et
de compléter la réforme du régime disciplinaire applicable
aux administrateurs et aux mandataires judiciaires.
Le
premier alinéa
(1°) tend à supprimer une
disposition ambiguë figurant à l'article L. 812-1 du code
de commerce qui définit les
missions confiées aux mandataires
judiciaires au redressement et à la liquidation des entreprises
.
Aux termes de cet article, ces professionnels sont chargés de
représenter les créanciers et de procéder
«
éventuellement
» à la liquidation
des entreprises.
L'Assemblée nationale a jugé utile de supprimer l'adverbe
«
éventuellement
» susceptible de donner lieu
à des interprétations divergentes. En effet, ce terme traduit la
volonté de marquer le caractère incertain de la phase de la
liquidation du patrimoine de l'entreprise qui n'intervient qu'en cas
d'échec d'un redressement judiciaire. Cette expression pourrait
être interprétée différemment et comprise, à
tort, comme signifiant que la mission de liquidation des entreprises ne compte
pas parmi les attributions essentielles des mandataires judiciaires au
redressement et à la liquidation des entreprises.
Le
deuxième alinéa
(2°) tend à supprimer
une formulation maladroite
figurant à
l'article L. 812-2 du code de commerce, qui définit les
conditions d'inscription sur la liste nationale des mandataires
judiciaires.
Aux termes de cet article, l'exercice des fonctions de mandataire judiciaire
est subordonné à l'inscription des candidats sur une liste
établie à cet effet par une commission nationale. Le texte
mentionne l'hypothèse d'une désignation en justice
«
dans une procédure de redressement
judiciaire
». Cette précision se révèle
juridiquement incorrecte dans la mesure où il n'est pas fait
référence à la phase de la liquidation judiciaire,
distincte, qui ne saurait apparaître comme une conséquence de la
phase de redressement.
Le
troisième alinéa
(3°) prévoit de
transférer au tribunal de grande instance
du lieu où le
professionnel est établi la compétence actuellement
dévolue à la commission nationale chargée d'inscrire les
professionnels sur les listes nationales pour ordonner la suspension provisoire
de l'activité d'un professionnel. En revanche seraient maintenues les
attributions disciplinaires de cette commission.
Actuellement
, l'article L. 811-13 du code de
commerce
54(
*
)
fixe le
régime de la
suspension provisoire des fonctions d'un administrateur
judiciaire
.
L'article L. 812-9 du code de commerce, par un renvoi aux dispositions de
l'article L. 811-13, prévoit un régime identique pour
les
mandataires judiciaires au redressement et à la liquidation des
entreprises
.
Le premier alinéa de l'article L. 811-13 du code de commerce
donne
à la commission nationale d'inscription chargée
d'établir la liste des personnes susceptibles d'être
désignées en qualité d'administrateur judiciaire
compétence pour prononcer cette suspension provisoire. Le
troisième alinéa de l'article L. 811-13 précise
que cette commission est libre d'ordonner la levée de cette mesure
à tout moment, à la requête soit de
l'intéressé, soit du commissaire du gouvernement.
La suspension provisoire implique l'interdiction pour l'administrateur ou le
mandataire judiciaire d'exercer ses fonctions soit jusqu'à l'extinction
des poursuites pénales ou disciplinaires, soit pendant un délai
d'un mois à compter du prononcé de la mesure de suspension en
l'absence de poursuites (dernier alinéa de
l'article L. 811-13). Comme pour les avocats, il s'agit d'une mesure
« avant dire droit » qui ne compte pas parmi les sanctions
disciplinaires énumérées à
l'article L. 811-12 du code de commerce.
Aux termes de ces dispositions, combinées avec celles de
l'article L. 811-12 qui confie à la commission la
compétence en matière disciplinaire, il appartient actuellement
à la même instance de prononcer une mesure de suspension et une
sanction disciplinaire.
A l'instar de la réforme proposée pour les avocats (article 31 du
projet de loi) et pour les mêmes raisons (garantie des droits de la
défense, exigence d'un procès équitable), le
présent alinéa tend donc à mettre fin à ce cumul en
opérant
une stricte séparation
entre ces deux fonctions.
Il propose de modifier les premier et troisième alinéas de
l'article L. 811-13 pour remplacer les termes
«
commission nationale
» par «
tribunal
de grande instance
» du lieu où est établi le
professionnel.
Par coordination avec l'alinéa précédent, le
quatrième alinéa
(4°) propose de modifier
l'article L. 814-1 du même code qui décrit la
procédure applicable aux recours introduits à l'encontre des
décisions rendues par la commission nationale en matière
disciplinaire et administrative
55(
*
)
ou de suspension provisoire.
Il tend à supprimer les dispositions relatives :
- à la compétence de la cour d'appel de Paris pour statuer
en appel contre une mesure de suspension provisoire ; cette
précision se justifiait par le fait que cette mesure était
décidée par une instance nationale (a) du 4°). Une telle
règle ne paraît plus adaptée dès lors que les
tribunaux de grande instance du lieu d'exercice du professionnel seraient
compétents. Ainsi, les cours d'appel dans le ressort desquelles les
tribunaux de grande instance sont situés seraient compétentes en
application des règles de droit commun. En revanche serait maintenue la
compétence de la cour d'appel de Paris pour statuer sur les recours
formés à l'encontre des décisions disciplinaires et
administratives prononcées par la commission nationale ;
- au caractère non suspensif d'un recours formé devant la
cour d'appel de Paris à l'encontre d'une mesure de suspension
prononcée par la commission nationale d'inscription (b) du 4°).
Compte tenu du transfert au tribunal de grande instance de la compétence
en matière de suspension provisoire, il paraît logique que les
règles de la procédure civile s'appliquent. Ainsi l'appel de la
décision du tribunal de grande instance serait-il suspensif. Telle est
d'ailleurs la règle pour les appels formés à l'encontre
des décisions prononcées par la commission nationale en
matière disciplinaire et administrative.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 51
ter
sans
modification.
Article 51 quater (nouveau)
(art. L. 562-1, L. 562-2,
L. 562-2-1 nouveau, L. 563-1, L. 563-3, L. 563-4,
L. 563-6, L. 564-3 et L. 574-1 du code monétaire et
financier)
Obligations des professions juridiques en matière de
lutte contre le blanchiment des
capitaux
La lutte
contre le blanchiment des capitaux a fait l'objet de très nombreux
instruments internationaux et européens, en particulier la directive
91/308/CEE du Conseil relative à la prévention de l'utilisation
du système financier aux fins du blanchiment de capitaux. En France, le
dispositif de lutte contre le blanchiment repose sur la loi n° 90-614
du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers
à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic de
stupéfiants, qui a été complétée et
modifiée au cours des dernières années.
Cette loi, désormais codifiée dans le code monétaire et
financier, fait obligation à certaines personnes, en particulier aux
organismes financiers mais aussi à d'autres personnes telles que les
dirigeants de casinos ou les professionnels de l'immobilier, de déclarer
à un service spécialisé du ministère de l'Economie
dénommé TRACFIN les sommes ou opérations portant sur des
sommes qui pourraient provenir d'activités criminelles.
Au cours des dernières années, de nouveaux instruments
internationaux ont été adoptés dans le cadre de la lutte
contre le terrorisme :
- la convention internationale pour la répression du financement du
terrorisme du 9 décembre 1999 ;
- la convention des Nations-Unies contre la criminalité
transnationale organisée du 15 novembre 2000 ;
- les huit recommandations spécifiques du GAFI (Groupe d'action
financière sur le blanchiment des capitaux).
Par ailleurs, plusieurs textes internationaux ont récemment mis
l'accent sur la nécessité d'étendre à d'autres
professions et notamment aux professions juridiques certaines obligations de
vigilance imposées aux institutions financières.
En 2003, le GAFI a actualisé les quarante recommandations qu'il avait
formulées en 1990 pour renforcer la lutte contre le blanchiment.
Sa recommandation 12 prévoit désormais que le devoir de vigilance
relatif à la clientèle et de conservation des documents doit
s'appliquer aux entreprises et professions non financières
désignées, dans les circonstances suivantes :
«
a. Casinos - lorsque les clients effectuent des transactions
financières égales ou supérieures au seuil
désigné applicable.
« b. Agents immobiliers - lorsqu'ils effectuent des transactions pour
leurs clients concernant l'achat et la vente de biens immobiliers.
« c. Négociants en métaux précieux ou en pierres
précieuses - lorsqu'ils effectuent avec un client des transactions en
espèces dont le montant est égal ou supérieur au seuil
désigné applicable
.
« d. Avocats, notaires, autres professions juridiques
indépendantes et comptables - lorsqu'ils préparent ou effectuent
des transactions pour leurs clients dans le cadre des activités
suivantes :
« * achat et vente de biens immobiliers ;
« * gestion des capitaux, des titres ou autres actifs du client ;
« * gestion des comptes bancaires, d'épargne ou de
titres ;
« * organisation des apports pour la création, l'exploitation
ou la gestion des sociétés ;
« * création, exploitation ou gestion de personnes morales ou
de constructions juridiques, et achat et vente d'entités commerciales.
« e. Prestataires de services aux sociétés et trusts -
lorsqu'ils préparent ou effectuent des transactions pour un client
(...)
».
En 2001, le Conseil de l'Union européenne et le Parlement
européen ont adopté une directive
56(
*
)
modifiant la directive de 1991 sur la
prévention de l'utilisation du système financier aux fins du
blanchiment de capitaux, notamment pour soumettre les professions juridiques
à certaines obligations.
L'exposé des motifs de cette directive indique notamment :
«
Les blanchisseurs de capitaux ont de plus en plus tendance
à utiliser les professions non financières. Cette
évolution est confirmée par les travaux du GAFI sur les
techniques et typologies du blanchiment de capitaux.
« Il convient que les obligations imposées par la directive
en matière d'identification des clients, de conservation des
enregistrements et de déclaration des transactions suspectes soient
étendues à un nombre limité d'activités et de
professions qui se sont avérées particulièrement
susceptibles d'être utilisées à des fins de blanchiment de
capitaux.
« Les instances et les membres des professions juridiques
indépendantes, tels que définis par les Etats membres, devraient
être soumis aux dispositions de la directive lorsqu'ils participent
à des transactions de nature financière ou pour le compte de
sociétés, y compris lorsqu'ils fournissent des conseils fiscaux,
transactions pour lesquelles le risque que les services de ces professions
juridiques soient utilisés à des fins de blanchiment des produits
du crime est plus élevé ».
Le présent article, inséré dans le projet de loi par
l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, a pour
objet de transposer dans notre droit certaines dispositions de la directive du
4 décembre 2001, qui prévoit sa propre transposition dans le
droit des Etats membres avant le 15 juin 2003. Notre législation est
déjà en conformité avec un grand nombre des obligations
édictées par la directive.
Cet article, composé de dix paragraphes, tend à modifier le titre
VI du livre V du code monétaire et financier, consacré aux
obligations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux.
Le
paragraphe I
tend à compléter
l'article L. 562-1 du code monétaire et financier, qui
énumère la liste des organismes et personnes tenus de
procéder, auprès de TRACFIN (service du ministère de
l'Economie et des finances spécialisé en matière de
blanchiment) à la déclaration de sommes ou d'opérations
susceptibles de provenir d'activités criminelles.
La liste des personnes tenues de procéder à des
déclarations a progressivement été étendue au cours
des dernières années. La loi n° 90-614 du 12 juillet
1990, qui a institué l'obligation de déclaration, visait
exclusivement
les établissements de crédit et les professions
financières
.
La loi n° 96-392 du 13 mai 1996 relative à la lutte contre le
blanchiment et le trafic des stupéfiants et à la
coopération internationale en matière de saisie et de
confiscation des produits du crime a étendu l'obligation de
déclaration aux
courtiers d'assurance et de réassurance
.
La loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions
d'ordre économique et financier a pour sa part soumis à
l'obligation de déclaration
les entreprises d'investissement et les
changeurs manuels
, ainsi que
les personnes qui réalisent,
contrôlent ou conseillent des opérations portant sur
l'acquisition, la vente, la cession ou la location de biens immobiliers
.
La loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles
régulations économiques a étendu l'obligation de
déclaration aux
représentants légaux et aux directeurs
responsables de casinos
ainsi qu'aux
personnes se livrant habituellement
au commerce ou organisant la vente de pierres précieuses, de
matériaux précieux, d'antiquités et d'oeuvres d'art
.
Enfin, la loi n° 2003-706 du 1
er
août 2003
d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine
a soumis à l'obligation de déclaration
les entreprises
exerçant des activités de mise à disposition ou de gestion
de moyens de paiement et bénéficiant d'une exemption
d'agrémen
t dans les conditions prévues par
l'article L. 511-7 du code monétaire et financier.
Le présent paragraphe tend à insérer dans
l'article L. 562-1 du code monétaire et financier trois
nouveaux alinéas, afin de viser :
- les experts-comptables et les commissaires aux comptes ;
-
les notaires, huissiers de justice, administrateurs judiciaires et
mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises ainsi que les
avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les avocats et
avoués près les cours d'appel
;
- les commissaires-priseurs judiciaires et les sociétés de
ventes volontaires aux enchères publiques.
Ces dispositions respectent les obligations définies par l'article 2
bis
de la directive de 1991 modifiée par la directive de 2001,
qui impose de viser les experts-comptables, les commissaires aux comptes ainsi
que les «
notaires et autres membres de professions juridiques
indépendantes (...)
».
Le
paragraphe II
tend à insérer dans le code
monétaire et financier un article L. 562-2-1, afin de
préciser les conditions dans lesquelles les membres des professions
juridiques seront tenus de déclarer certaines sommes ou
opérations soupçonnées d'être d'origine illicite.
Le texte proposé pour l'article L. 562-2-1 du code
monétaire et financier dispose que les membres des professions
juridiques mentionnées à l'article L. 562-1 du code
monétaire et financier
57(
*
)
sont tenus de procéder à
une déclaration de sommes ou d'opérations dans les conditions
prévues à l'article L. 562-2 du code monétaire
et financier lorsqu'ils réalisent au nom et pour le compte de leur
client toute transaction financière ou immobilière ou lorsqu'ils
participent en assistant leur client à la préparation ou à
la réalisation des transactions concernant :
- l'achat et la vente de biens immeubles ou de fonds de commerce ;
- la gestion de fonds, titres ou autres actifs appartenant au client ;
- l'ouverture de comptes bancaires, d'épargne ou de titres ;
- l'organisation des apports nécessaires à la
création de sociétés ;
- la constitution, la gestion ou la direction de ces
sociétés ;
- la constitution, la gestion ou la direction de fiducies de droit
étranger ou de toute autre structure similaire.
Ces dispositions reprennent presque littéralement le contenu de
l'article 2
bis
de la directive de 1991 modifiée par celle de
2001. Ainsi, les avocats et les autres professions juridiques ne seraient tenus
d'effectuer une déclaration auprès de TRACFIN que pour certaines
activités limitativement énumérées.
Le texte proposé prévoit en outre que les membres des professions
juridiques concernées ainsi que les experts-comptables lorsqu'ils
effectuent des consultations juridiques ne sont pas tenus d'effectuer une
déclaration, même dans l'exercice des activités relatives
aux transactions qui viennent d'être énumérées, dans
deux cas :
- lorsque les informations ont été reçues d'un de
leurs clients ou obtenues sur l'un d'eux dans le cadre d'une
consultation
juridique
sauf si celle-ci est fournie aux fins de blanchiment de capitaux
ou si ces personnes y procèdent en sachant que leur client souhaite
obtenir des conseils juridiques aux fins de blanchiment de capitaux ;
- lorsque les informations ont été reçues d'un de
leurs clients ou obtenues sur l'un d'eux dans l'exercice de leur
activité dans l'intérêt de ce client lorsque cette
activité se rattache à une
procédure
juridictionnelle
, que ces informations soient reçues ou obtenues
avant, pendant ou après cette procédure, y compris dans le cadre
de conseils relatifs à la manière d'engager ou d'éviter
une telle procédure.
Ces dispositions ont vocation à transposer dans notre droit une partie
du paragraphe 3 de l'article 6 de la directive de 1991 modifiée par
celle de 2001, qui prévoit que les Etats membres ne sont pas tenus
d'imposer d'obligation de déclaration aux notaires, aux membres des
professions juridiques indépendantes, aux commissaires aux comptes, aux
experts-comptables externes et aux conseillers fiscaux «
pour ce
qui concerne les informations reçues d'un de leurs clients ou obtenues
sur un de leurs clients, lors de l'évaluation de la situation juridique
de ce client ou dans l'exercice de leur mission de défense ou de
représentation de ce client dans une procédure judiciaire ou
concernant une telle procédure, y compris dans le cadre de conseils
relatifs à la manière d'engager ou d'éviter une
procédure, que ces informations soient reçues ou obtenues avant,
pendant ou après cette procédure
».
Le texte proposé est en l'occurrence plus précis que celui de la
directive, qui n'évoque pas la consultation juridique, mais
l'évaluation de la situation juridique d'un client. Les auteurs du
projet de transposition se sont référés au
considérant 17 de la directive, qui énonce explicitement que
«
la consultation juridique demeure soumise à l'obligation
de secret professionnel, sauf si le conseiller juridique prend part à
des activités de blanchiment de capitaux, si la consultation juridique
est fournie aux fins du blanchiment de capitaux ou si l'avocat sait que son
client souhaite obtenir des conseils juridiques aux fins du blanchiment de
capitaux
».
L'article 6 de la directive de 1991 modifiée par la directive de 2001
prévoit dans son paragraphe 3 que «
dans le cas des
notaires et des membres des professions juridiques indépendantes (...),
les Etats membres peuvent désigner un organe d'autorégulation
approprié de la profession concernée comme l'autorité
à informer (...) et, dans ce cas, prévoient les formes
appropriées de coopération entre cet organe et les
autorités responsables de la lutte contre le blanchiment de
capitaux
».
Le texte proposé pour l'article L. 562-2-1 du code
monétaire et financier tend à transposer ces dispositions en
prévoyant que l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de
cassation, l'avocat ou l'avoué près la cour d'appel communique la
déclaration, selon le cas, au président de l'ordre des avocats au
Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, au bâtonnier de l'ordre
auprès duquel l'avocat est inscrit ou au président de la
compagnie dont relève l'avoué. Ces autorités devraient
transmettre la déclaration à TRACFIN dans des délais et
selon des modalités procédurales définies par
décret en Conseil d'Etat. Elles pourraient ne pas transmettre la
déclaration si elles estimaient qu'il n'existait pas de soupçon
de blanchiment de capitaux.
Le texte proposé prévoit que le président de l'ordre des
avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, le bâtonnier
de l'ordre auprès duquel l'avocat est inscrit ou le président de
la compagnie dont relève l'avoué, s'il décide de ne pas
transmettre la déclaration, informe l'avocat ou l'avoué des
raisons qui l'ont conduit à prendre cette décision. Dans ce cas,
le bâtonnier de l'ordre ou le président de la compagnie devraient
transmettre les informations contenues dans la déclaration au
président du Conseil national des barreaux ou au président de la
chambre nationale des avoués. Cette transmission ne contiendrait pas
d'éléments relatifs à l'identification des personnes.
Le président de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la
Cour de cassation, le président du Conseil national des barreaux et le
président de la Chambre nationale des avoués devraient faire
rapport au garde des Sceaux, selon une périodicité définie
par décret en Conseil d'Etat, sur les situations n'ayant pas
donné lieu à une communication des déclarations. TRACFIN
serait alors rendu destinataire de ces informations par le garde des Sceaux.
Il convient de noter qu'aucune dérogation n'est prévue pour les
notaires, bien que la directive en ouvre la possibilité, de sorte que
ceux-ci effectueront les déclarations de soupçon auprès de
TRACFIN. En pratique, la législation actuelle impose déjà
aux notaires de déclarer certaines sommes ou opérations à
TRACFIN dans le cadre des transactions immobilières auxquelles ils
apportent leur concours.
Le texte proposé prévoit enfin son application en
Nouvelle-calédonie, «
dans les territoires
d'outre-mer
» et à Mayotte. La référence aux
territoires d'outre-mer est erronée, cette dénomination n'ayant
plus d'existence. Afin de ne pas retarder l'entrée en vigueur de ce
texte, votre commission ne propose pas d'amendement sur ce point. Il conviendra
cependant qu'une rectification soit rapidement opérée dans un
autre texte, faute de quoi le nouvel article L. 562-2-1 du code
monétaire et financier ne s'appliquerait pas en Polynésie
française, à Wallis et Futuna et dans les Terres australes et
antarctiques françaises.
Le
paragraphe III
tend à modifier
l'article L. 562-2 du code monétaire et financier, qui
énumère la liste des sommes et opérations qui doivent
être déclarées à TRACFIN par les personnes
concernées par l'obligation de déclaration. Cet article impose la
déclaration des sommes inscrites dans les livres tenus par les personnes
soumises à l'obligation de déclaration qui pourraient provenir du
trafic de stupéfiants ou d'activités criminelles
organisées. De la même manière, les opérations qui
portent sur des sommes susceptibles de résulter du trafic de
stupéfiants ou d'activités criminelles organisées doivent
également être déclarées.
Le présent paragraphe vise à compléter ces dispositions
afin de prévoir l'obligation de déclarer les sommes ou les
opérations portant sur des sommes issues de la fraude aux
intérêts financiers des Communautés européennes ou
de la corruption. De fait, ces infractions sont mentionnées
explicitement parmi celles qui entrent dans le champ d'application de la
directive communautaire.
Le
paragraphe IV
tend à modifier
l'article L. 563-1 du code monétaire et financier. Dans sa
rédaction actuelle, cet article oblige les organismes financiers tenus
à une obligation de déclaration de soupçon de s'assurer,
avant d'ouvrir un compte, de l'identité de leur cocontractant par la
présentation de tout document écrit probant. Ils doivent
également s'assurer de l'identité de leur client occasionnel qui
leur demande de faire des opérations dont la nature et le montant sont
fixés par décret en Conseil d'Etat. Enfin, ces organismes
financiers doivent se renseigner sur l'identité véritable des
personnes au bénéfice desquelles un compte est ouvert ou une
opération réalisée lorsqu'il leur apparaît que les
personnes qui demandent l'ouverture du compte ou la réalisation de
l'opération pourraient ne pas agir pour leur propre compte.
Le présent paragraphe tend à permettre l'application de ces
dispositions non seulement aux organismes financiers mais à l'ensemble
des personnes tenues à l'obligation de déclaration de
soupçon. Désormais, toutes les personnes mentionnées
à l'article L. 562-1 du code monétaire et financier
devraient s'assurer de l'identité de leur cocontractant avant de nouer
une relation contractuelle ou d'assister leur client dans la préparation
ou la réalisation d'une transaction.
Par ailleurs, le présent paragraphe tend à préciser la
manière dont les casinos doivent s'assurer de l'identité de leurs
clients en renvoyant à l'article L. 564-1 du code
monétaire et financier, qui fait obligation aux casinos qui
échangent des moyens de paiement, des jetons ou plaques ou qui acceptent
les jetons et plaques d'autres casinos d'enregistrer les noms et adresses des
joueurs qui échangent ou apportent des jetons et plaques pour une somme
supérieure à un montant fixé par décret.
En ce domaine, la directive communautaire prévoit que les casinos sont
tenus de procéder à l'identification de tous leurs clients qui
achètent ou vendent des plaques ou jetons pour un montant égal ou
supérieur à 1.000 euros.
Enfin, ce paragraphe tend à compléter
l'article L. 563-1 pour prévoir que les personnes tenues
à l'obligation de déclaration prennent les dispositions
spécifiques et adéquates, dans des conditions définies par
décret, nécessaires pour faire face au risque accru de
blanchiment de capitaux qui existe lorsqu'elles nouent des relations
contractuelles avec un client qui n'est pas physiquement présent aux
fins de l'identification ou lorsqu'elles l'assistent dans la préparation
ou la réalisation d'une transaction.
Les
paragraphes V à VIII et X
tendent à modifier
plusieurs articles du code monétaire et financier, afin que les
obligations qu'ils prévoient ne s'appliquent pas seulement aux
organismes financiers comme actuellement, mais à l'ensemble des
personnes mentionnées à l'article L. 562-1 du code
monétaire et financier. De fait, actuellement, si l'obligation de
déclaration à TRACFIN concerne toutes les personnes
mentionnées à l'article L. 562-1 du code
monétaire et financier, d'autres obligations de ce code n'ont
été rendues applicables qu'aux organismes financiers. Le
présent article tend à mettre fin à cette
dissymétrie. Cette évolution concerne :
- l'article L. 563-3, qui énonce que toute
opération importante qui se présente dans des conditions
inhabituelles de complexité et ne paraît pas avoir de
justification économique ou d'objet licite doit faire l'objet d'un
examen particulier ;
- l'article L. 563-4, qui fait obligation aux organismes
financiers de conserver pendant cinq ans à compter de la clôture
de leur compte ou de la cessation de leur relation avec eux les documents
relatifs à l'identité de leurs clients habituels ou
occasionnels ;
- l'article L. 563-6, qui prévoit que lorsque par suite
soit d'un grave défaut de vigilance, soit d'une carence dans
l'organisation de ses procédures internes de contrôle, un
organisme financier a méconnu les obligations que lui impose le code
monétaire et financier, l'autorité ayant pouvoir disciplinaire
peut agir d'office dans les conditions prévues par les règlements
professionnels ou administratifs ;
- l'article L. 564-3, qui dispose qu'un décret en Conseil
d'Etat fixe les conditions d'application du titre VI du livre V du code
monétaire et financier, relatif à la lutte contre le blanchiment
des capitaux, sans préjudice des règlements professionnels ou
administratifs prévus par les législations applicables aux
organismes financiers mentionnés à
l'article L. 562-1 ;
- l'intitulé du chapitre III du livre V du titre VI du code
monétaire et financier consacré aux autres obligations de
vigilance des organismes financiers.
Enfin, le
paragraphe IX
tend à modifier
l'article L. 574-1 du code monétaire et financier, qui punit
de 22.500 euros le fait, pour l'une des personnes tenues à une
obligation de déclaration de certaines sommes ou opérations, de
porter l'existence de la déclaration à la connaissance du
propriétaire des sommes ou de l'auteur d'une des opérations
concernées. Le présent paragraphe tend à exclure
l'application de cette disposition aux avocats, aux avoués et aux
avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. Ainsi, ces
personnes pourraient informer leurs clients du fait qu'elles ont
procédé à une déclaration de soupçon. Ce
dispositif est conforme à l'article 8 de la directive de 1991
modifiée par celle de 2001, qui permet aux Etats de prévoir des
dérogations au bénéfice des membres des professions
juridiques à l'obligation de ne pas informer leurs clients des
déclarations auxquelles ils procèdent.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 51 quater
sans
modification
.
Article 51 quinquies (nouveau)
(art. 37 et 38 de la loi du 1er juin 1924
mettant en vigueur la législation civile française dans les
départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle)
Accès
des géomètres-experts au livre foncier d'Alsace-Moselle
-
Correction d'une erreur matérielle
Introduit en première lecture par les
députés,
à l'initiative de Mme Brigitte Barèges, rapporteur, et de M.
Emile Blessig, avec l'avis favorable du gouvernement, cet article tend à
modifier les articles 37 et 38 de la loi du 1
er
juin 1924 mettant en
vigueur la législation civile française dans les
départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
Outre la correction d'une erreur matérielle, il a pour objet
d'élargir aux géomètres-experts l'accès au livre
foncier informatisé d'Alsace-Moselle.
En raison de la séparation des départements du Haut-Rhin, du
Bas-Rhin et de la Moselle du territoire français -de 1871 à
1918-, ces collectivités bénéficient en
matière
de publicité foncière d'un régime dérogatoire
,
issu des lois impériales germaniques du 24 juillet 1889 sur la
propriété immobilière et du 22 juin 1891 relative à
l'institution des livres fonciers. Le livre foncier présente l'avantage
d'être plus complet que le système de droit commun de conservation
des hypothèques. Telle est la raison pour laquelle il a
été maintenu, après la première guerre mondiale,
par la loi du 1
er
juin 1924 mettant en vigueur la législation
civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin
et de la Moselle. On dénombre 46 bureaux fonciers chargés de
mettre à jour ce livre foncier.
Ce régime a été récemment modernisé
en deux étapes par la loi n° 94-342 du 29 avril 1994
permettant l'informatisation du livre foncier des départements du
Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, puis par la loi n° 2002-306
du 4 mars 2002 portant réforme de la loi précitée du
1
er
juin 1924 issue d'une proposition de loi déposée
par notre collègue M. Daniel Hoeffel.
Conservant les grandes orientations du droit local en matière de
publicité foncière, cette réforme a donné une base
légale à l'informatisation du livre foncier
d'Alsace-Moselle
58(
*
)
.
La
loi
précitée
du 4 mars 2002
a notamment
défini de nouvelles règles d'accès au livre
foncier
59(
*
)
, dont
l'entrée en vigueur est fixée au 1
er
janvier
2006
60(
*
)
.
Tout en posant le principe de la liberté de consultation des
« données essentielles » (nom et prénoms du
titulaire des droits, identification cadastrale de l'immeuble et nature des
droits, servitudes, sûretés et charges s'y rapportant),
l'accès, sur place ou à distance, à
l'ensemble des
données inscrites au registre du livre foncier
sera
réservé à
trois catégories d'utilisateurs
(visées au II de l'article 37 de la loi de 1924 modifiée) :
- les «
agents spécialement habilités des
services administratifs de l'Etat, des collectivités territoriales et de
leurs établissements publics de coopération
»,
«
pour l'exercice de leurs
compétences
» ;
- les professionnels du droit que sont les «
notaires, les
avocats, les huissiers de justice
», autorisés à
accéder aux mêmes données que les agents
spécialement habilités, à condition toutefois que la
consultation s'effectue «
dans l'exercice d'un mandat
légal
» ;
- «
toute personne
», dont l'accès au
service du livre foncier est limité à l'ensemble des informations
concernant un bien et subordonné à la condition qu'elle justifie
«
d'une autorisation du titulaire du droit de
propriété au sens de l'article 543 du code civil, d'un titre
exécutoire ou d'une autorisation judiciaire
».
Dans le régime antérieur à la loi du 4 mars 2002 en
vigueur jusqu'au 1
er
janvier 2006, les
géomètres-experts avaient la faculté de consulter toutes
les données inscrites au livre foncier, à condition de pouvoir se
prévaloir d'un intérêt légitime (article 50 du
décret du 18 novembre 1924). La notion d'intérêt
légitime, non définie par les textes, était entendue
largement et les cas de refus pour défaut d'intérêt
légitime assez rares.
Aux termes du nouveau dispositif, les géomètres-experts
bénéficieront donc d'un accès au livre foncier moins
favorable qu'actuellement. Ceci implique pour eux une double contrainte.
D'une part, ils seront soumis à l'obligation d'attester d'un titre
spécifique.
D'autre part, ils ne pourront accéder qu'aux données concernant
un bien et non à toutes les informations détenues par un bureau
foncier.
Pourtant,
ces techniciens de haut niveau
disposent d'un
monopole
réglementé
pour réaliser des études et des
travaux topographiques portant sur la délimitation des biens fonciers
(plans de bornage, plans de division, de partage...), en application de
l'article premier de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946
instituant l'ordre des géomètres-experts. Les informations
relatives à la publicité foncière constituent une source
précieuse pour l'accomplissement de leur mission.
Dans le but de faciliter leurs pratiques professionnelles,
le premier
alinéa (1°)
propose de compléter le II de l'article 37
de la loi précitée du 1
er
juin 1924 afin
d'
ajouter ces professionnels à la liste des professions
autorisées à accéder aux données du livre foncier
d'Alsace-Moselle dans le cadre d'un mandat légal
.
Votre rapporteur souscrit à cette démarche pragmatique qui
répond à un réel besoin exprimé par ces
professionnels.
L'ouverture de la consultation du livre foncier paraît
raisonnable dès lors qu'elle concerne une profession strictement
réglementée
.
Le
deuxième alinéa
(
2°)
tend à
modifier l'article 38 de la loi précitée du 1
er
janvier 1924 afin de
corriger une erreur matérielle.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 38
énonce les
droits inscrits au livre foncier aux fins d'opposabilité aux tiers.
Il mentionne notamment les «
restitutions au droit de disposer
insérées dans un acte d'aliénation
»
(septième alinéa (f) de l'article 38). Or, comme l'ont
souligné les spécialistes de cette question
61(
*
)
, le terme
«
restitutions
» est incorrect.
Telle est la raison pour laquelle il est proposé de le remplacer par
l'expression relative aux «
restrictions au droit de
disposer
» qui paraît juridiquement plus appropriée,
les actes d'aliénation pouvant limiter le droit pour leur
bénéficiaire de disposer d'un bien mobilier comme il l'entend.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter
l'article 51
quinquies
sans modification
.
Article 51 sexies (nouveau)
(art. 31-1 de la loi n° 90-1258 du 31
décembre 1990
relative à l'exercice sous forme de
sociétés des professions libérales
soumises à
statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est
protégé
et aux sociétés de participations
financières de professions libérales)
Extension de l'objet des
sociétés de participations financières
de professions
libérales
Issu
d'un amendement présenté par Mme Brigitte Barèges,
rapporteur, et M. Philippe Houillon, adopté en première
lecture par l'Assemblée nationale avec l'avis favorable tant du
gouvernement que de sa commission des Lois, cet article propose de moderniser
le régime récemment créé des sociétés
de participations financières de professions libérales.
L'article 32 de
la loi
n° 2001-1168 du
11 décembre 2001 portant
mesures urgentes de
réformes à caractère économique et financier
(
MURCEF
) a complété la loi n° 90-1258 du 31
décembre 1990 qui définit les règles relatives à
l'exercice en groupe des professions libérales pour y insérer un
article 31-1 (figurant au titre IV) pour autoriser
l'exercice des
professions libérales sous forme de sociétés de
participations financières de professions libérales.
Elles peuvent prendre la forme d'une société en commandite par
actions, d'une société à responsabilité
limitée, d'une société anonyme (SELAFA) ou d'une
société par actions simplifiée.
Cette innovation législative introduite à l'initiative du
rapporteur général de la commission des Finances, notre
collègue M. Philippe Marini, a permis la création de
sociétés holdings. Plus souple que les opérations
contraignantes de « fusion-arbsorption », elle vise
à faciliter la mise en commun des compétences et un regroupement
capitalistique des professions libérales.
L'auteur de l'amendement avait justifié sa démarche par le souci
d'offrir aux professions libérales et notamment aux avocats
une
structure d'exercice en groupe équivalente à celle des
« partnerships anglo-saxons »
62(
*
)
.
Si la loi a laissé une grande liberté aux associés pour
organiser leurs relations au sein de ces sociétés, elle a
néanmoins limité l'
objet de ces structures,
dédié exclusivement aux prises de participations dans le capital
des sociétés d'exercice libéral
ayant pour objet
l'exercice d'une même profession (premier alinéa de l'article 31-1
de la loi de 1990). Son activité est donc nécessairement
« monoprofessionnelle ».
L'emploi de l'adjectif «
exclusif
» a soulevé
certaines
difficultés d'interprétation
quant à
la possibilité pour les sociétés de participations
financières de professions libérales d'exercer des
activités accessoires à la détention de parts ou d'actions
de sociétés d'exercice libéral
.
En effet, il semble se déduire des termes de la loi que les
sociétés de participations financières
présenteraient les caractéristiques de holdings pures, ne
disposant pas de la faculté de développer en leur sein une
activité professionnelle propre.
Cependant,
la doctrine a pu relever, dès la publication de la loi,
que l'esprit du texte devait conduire à une interprétation
contraire.
«
On peut en effet sans déformer l'esprit
des dispositions nouvelles accepter l'idée selon laquelle les
sociétés de participations financières pourront exercer
leurs activités accessoires à leur activité principale, du
moins si ces activités restent compatibles (notamment pour les officiers
publics et ministériels) avec les règles déontologiques
propres aux professions concernées
»
63(
*
)
.
A la faveur de cette thèse, on peut souligner que le régime
prévu par la loi paraît plus restrictif que celui applicable aux
sociétés holdings de droit commun (groupes de
sociétés industrielles ou commerciales) autorisées
à fournir des prestations annexes par l'intermédiaire de leurs
filiales. En outre, l'exercice d'une activité accessoire présente
des avantages fiscaux indéniables. En effet, les sociétés
de participations financières pourraient élargir leurs sources de
revenu, théoriquement limitées aux dividendes sur lesquels il
n'est pas possible d'imputer les charges, notamment celles résultant des
intérêts d'emprunt.
Afin de
moderniser et de clarifier les modalités d'exercice en groupe
unanimement critiquées par les principaux représentants des
professions libérales en raison de leur rigidité et d'un
régime fiscal contraignant
, les députés ont
souhaité
assouplir les règles relatives aux
sociétés de participations financières
.
Les modifications proposées s'inspirent en fait des
préconisations d'un groupe de travail sur les structures d'exercice en
groupe auquel les représentants des professions libérales ont
participé.
Le présent article tend à étendre doublement l'objet des
sociétés de participations financières pour :
-
permettre l'exercice d'une activité accessoire
;
serait donc supprimée la référence au caractère
exclusif de l'objet social de ces sociétés, ce qui
lèverait l'ambiguïté résultant de la loi MURCEF sur
ce point. Il est toutefois prévu un encadrement de cette extension. En
effet, la fourniture de prestations annexes serait subordonnée à
la condition qu'elles soient «
en
relation directe avec l'objet
principal de la société
et destinées
exclusivement
aux sociétés ou aux groupements dont elles détiennent des
participations
» (leurs filiales), à l'instar
de ce qui prévaut pour les sociétés holdings de droit
commun. Ce dispositif n'a toutefois pas vocation à altérer
l'objet principal de ces sociétés qui demeure la détention
de parts ou d'actions de sociétés d'exercice libéral.
Une telle précision permettrait d'apporter davantage de souplesse au
fonctionnement de ces structures et devrait, en conséquence, faciliter
la constitution de groupes de sociétés d'exercice
libéral ;
- étendre l'activité principale de la société
à la prise de participations à tout groupement de droit
étranger. Ainsi pourraient être constituées des
sociétés de participations financières transnationales.
Aucune précision sur le statut juridique des groupements
étrangers n'est mentionnée pour tenir compte de la
diversité des réglementations étrangères en la
matière.
En vue de
préserver le caractère
« monoprofessionnel »
de l'activité principale
des sociétés de participations financières, la prise de
participations financières serait limitée aux
groupements
étrangers «
ayant pour objet
l'exercice de la
même profession
»
.
Votre rapporteur espère que ces clarifications permettront aux
décrets d'application de la loi MURCEF de 2001 d'être
publiés prochainement. Il s'agit en effet de rendre ces dispositions
opérationnelles dans les plus brefs délais.
En outre, ayant regretté en première lecture que le
présent projet de loi n'aborde pas «
le chantier plus
ambitieux de la nécessaire réforme des règles relatives
à l'exercice en commun de la profession
d'avocat
»
64(
*
)
,
votre rapporteur ne peut que se féliciter de l'initiative des
députés. Il s'agit d'un premier pas en avant dans l'attente d'une
plus vaste réforme.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 51
sexies
sans modification
.
Article 51 septies (nouveau)
(art. 30 de la loi n° 91-647 du 10
juillet 1991 relative à l'aide juridique)
Coordination
Introduit par les députés, sur proposition de Mme
Brigitte Barèges, rapporteur, avec l'avis favorable du gouvernement, cet
article additionnel a pour objet de procéder à une coordination
pour actualiser les dispositions de la loi n° 91-647 du
10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, compte tenu des
modifications prévues par l'article 54 du projet de loi.
Aux termes de l'article 54 du présent projet de loi, l'article 50 de la
loi du 31 décembre 1971 précitée, sous lequel figurent
actuellement dix paragraphes consacrés à des dispositifs
transitoires, serait réécrit pour supprimer des dispositions
devenues sans objet et modifier par coordination la numérotation des
paragraphes maintenus.
Ainsi, le paragraphe XI de l'article 50
de la loi relatif aux
activités des commissaires aux comptes issus de l'ancienne profession de
conseil juridique et intégrés à la nouvelle profession
d'avocat à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 31
décembre 1990 portant réforme de certaines professions juridiques
et judiciaires
65(
*
)
deviendrait
le paragraphe III.
Actuellement
,
l'article 30 de la loi du 10 juillet 1991
énonce une série d'incompatibilités applicables aux
commissaires aux comptes désignés par les caisses de
règlements pécuniaires des avocats (CARPA) pour contrôler
les opérations effectuées par ces dernières
66(
*
)
.
Ne peuvent notamment être choisis comme commissaires aux comptes :
les conjoints, ascendants ou descendants du président et des
administrateurs de la caisse, du bâtonnier et des membres du conseil de
l'ordre (1° de l'article 30), ainsi que «
les avocats anciens
conseils juridiques autorisés par le XI de l'article 50 de la loi du 31
décembre 1971 à poursuivre les activités de commissaire
aux comptes
» (6° de l'article 30).
L'Assemblée nationale a, à juste titre, modifié le 6°
de l'article 30 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique
pour prendre en compte le changement de numérotation du paragraphe XI de
l'article 50 de la loi de 1971 opéré par le projet de loi.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 51
septies
sans
modification
.
Article 51 octies (nouveau)
(art. 41 de la loi n° 2000-642 du 10
juillet 2000 portant réglementation
des ventes volontaires de
meubles aux enchères publiques)
Indemnisation des huissiers de
justice et des notaires
en raison du préjudice subi du fait de la
réforme
des sociétés de ventes aux enchères
publiques
Le
présent article introduit par les députés sur proposition
de M. Pierre Lellouche avec l'avis favorable tant du gouvernement que de
la commission des Lois, tend à fixer un
délai pour
l'indemnisation des huissiers de justice et des notaires estimant avoir subi un
préjudice anormal et spécial du fait de l'entrée en
vigueur de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant
réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques
.
Cette loi a modernisé le régime des ventes volontaires aux
enchères publiques en vue de le mettre en conformité avec les
exigences du droit européen. Ainsi, le monopole légal des
commissaires-priseurs a été supprimé, la
réalisation des ventes étant désormais confiée
à des sociétés de forme commerciale.
En contrepartie de l'ouverture du marché à la concurrence
européenne, cette réforme a prévu une indemnisation du
préjudice occasionné aux professionnels concernés.
Elle a bien évidemment ouvert
un droit à l'indemnisation
des
commissaires-priseurs
, touchés au premier chef, lesquels
devaient déposer leurs demandes dans
un délai
-désormais expiré- de
deux ans
à compter de la
publication du décret d'application de la loi (article 43 de la loi du
10 juillet 2000)
67(
*
)
.
Les salariés licenciés par les offices ou les organismes
professionnels, pouvaient également présenter des demandes en cas
de licenciement intervenu dans le délai de deux ans à compter de
la publication de la loi, soit au plus tard le 10 juillet 2002
68(
*
)
.
En revanche, la loi de 2000 a prévu un dispositif sensiblement
différent pour
les notaires et les huissiers de justice
. Ceux-ci
se sont vu reconnaître une possibilité -et non un droit à
l'instar des commissaires-priseurs- d'être indemnisés, sous
réserve de faire la preuve d'avoir subi «
un
préjudice anormal et spécial
» lié à
l'entrée en vigueur de la réforme
69(
*
)
. La loi a fixé à trois
ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi (soit le
22 juillet 2004), le délai à partir duquel ces
professionnels sont autorisés à présenter des demandes en
ce sens. Cette disposition se justifie par le souci de laisser aux
intéressés le temps de constituer leur dossier pour
démontrer la gravité et la spécificité du
préjudice subi.
Toutefois, le législateur a omis de limiter dans le temps la
faculté de présenter les requêtes d'indemnisation. Ainsi,
alors que l'indemnisation des commissaires-priseurs et de leurs anciens
salariés est en voie d'achèvement, celle-ci pourrait perdurer
à l'infini pour les professions autorisées à intervenir
sur le marché de l'art à titre accessoire.
Pour remédier à cet inconvénient et dans un souci de
rationalisation de l'utilisation des crédits budgétaires, les
députés ont modifié l'article 41 de la loi du 10 juillet
2000 pour fixer
au 30 juin 2005
la date au terme de laquelle les
demandes d'indemnisation devront être présentées
.
Cet ajout, qui permettra à la réforme des ventes volontaires de
meubles aux enchères publiques d'entrer en vigueur dans les meilleures
conditions, mérite d'être approuvé.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 51
octies
sans
modification
.
Article 53
(art. 81 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre
1971 portant réforme
de certaines professions judiciaires et
juridiques)
Application du projet de loi à
Mayotte
Le
présent article a pour objet de modifier l'article 81 de la loi de 1971
consacré à l'application de la loi de 1971 à
Saint-Pierre-et-Miquelon, par coordination avec les abrogations et les
changements de numérotation proposés par le présent projet
de loi.
? Le
paragraphe I
du présent article modifiant la liste des
articles non applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon
70(
*
)
mentionnée au deuxième
alinéa de l'article 81 de la loi de 1971 a été
adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées.
? Adopté sans modification par le Sénat, le
paragraphe
II
modifie le dernier alinéa de l'article 81 consacré
à deux réserves applicables aux collectivités de
Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte. L'Assemblée nationale en a
clarifié la rédaction.
? Le
paragraphe III
du présent article adopté sans
modification par le Sénat tend à compléter l'article 81
pour maintenir pour Saint-Pierre-et-Miquelon l'application des dispositions
actuelles de la loi de 1971 en matière disciplinaire.
Ce dispositif se justifie par le souci de tenir compte du fait qu'il n'existe
qu'un seul barreau dans cette collectivité. Ainsi, l'application
à ce territoire du nouveau régime disciplinaire proposé
par le projet de loi n'aurait aucun sens.
L'Assemblée nationale n'a modifié ces dispositions que pour y
apporter des clarifications de forme.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 53
sans modification
.
Article 54
(art. 50 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre
1971
portant réforme de certaines professions judiciaires et
juridiques)
Dispositions transitoires applicables aux
avocats
Le
présent article a pour objet de donner une nouvelle rédaction
à l'article 50 de la loi du 31 décembre 1971 qui énonce
une série de dispositions transitoires applicables aux avocats en vue
de :
- supprimer des dispositions devenues sans objet ;
- modifier la numérotation des dispositions transitoires
appelées à être maintenues ;
- prévoir de nouvelles dispositions transitoires en vue de prendre
en compte certaines situations acquises à la date d'entrée en
vigueur du présent projet de loi. D'une part, il s'agit de permettre aux
élèves avocats en cours de formation (théorique au centre
régional de formation professionnelle ou en stage) de poursuivre leur
cursus sous l'empire du régime actuel. D'autre part, par
dérogation à ce qui précède, le projet de loi
prévoit de soumettre au nouveau régime de formation les
élèves avocats ayant échoué à la
dernière session de l'examen du certificat d'aptitude à la
profession d'avocat (CAPA) organisée avant l'entrée en vigueur de
la présente réforme.
En première lecture, le
Sénat
, à l'initiative de
votre commission et avec l'avis favorable du gouvernement, a
complété les nouvelles dispositions transitoires relatives aux
élèves avocats
en cours de formation. Il a souhaité
prendre en compte le fait que compte tenu de la durée illimitée
du bénéfice du CAPA, certains élèves en cours de
formation pouvaient attendre plusieurs années avant de se faire inscrire
sur la liste du stage. En vue d'éviter que l'application de l'ancien
cursus de formation perdure indéfiniment, les sénateurs ont
jugé utile d'exonérer de l'obligation de stage les titulaires du
CAPA qui n'auraient pas effectué leur stage dans les deux années
suivant l'entrée en vigueur du présent projet de loi pour les
soumettre au nouveau régime de formation et, partant, au tutorat.
Pour sa part, l'Assemblée nationale sur proposition du rapporteur et
avec l'avis favorable du gouvernement, a accepté cet ajout qu'elle n'a
modifié que par un amendement de coordination pour supprimer la
référence au tutorat par cohérence avec la suppression des
dispositions s'y rapportant (article 12 du projet de loi).
En outre, les députés, toujours sur la proposition du rapporteur
et avec l'avis favorable du gouvernement, ont complété l'article
50 de la loi du 31 décembre 1971 par un paragraphe V afin
d'éviter que les fautes commises par les avocats à
l'époque où ils étaient inscrits sur la liste du stage
puissent échapper à des sanctions disciplinaires.
En effet, aux termes de l'article 22 de la loi de
31 décembre 1971 précitée tel que modifié
par l'article 27 du présent projet de loi, seules les fautes commises
par les avocats inscrits au tableau et les anciens avocats qui y étaient
inscrits ou figurent sur la liste des avocats honoraires (pour des faits commis
à l'époque où ils exerçaient encore leur
activité professionnelle) sont passibles de poursuites devant les
conseils de discipline régionaux. En conséquence de la
suppression du stage (article 13 du projet de loi), ne seraient
logiquement plus visés les avocats inscrits sur la liste du stage.
Toutefois, les députés ont jugé nécessaire
d'éviter que la refonte du système de formation puisse aboutir
à exonérer les fautes commises par les avocats à
l'époque de l'accomplissement leur stage.
Cet ajout tend à parfaire la réforme de la procédure
disciplinaire. Aussi mérite-t-il d'être approuvé.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 54
sans modification
.
Article 55
Entrée en vigueur de la réforme du régime
disciplinaire
Adopté sans modification par le Sénat en
première lecture, le présent article tend à
préciser que les nouvelles règles en matière disciplinaire
s'appliqueront aux procédures engagées après
l'entrée en vigueur du présent projet de loi. Ainsi, celles
déjà en cours avant cette date demeureraient soumises au
régime actuel.
Seraient concernés par ce dispositif les avocats et les greffiers
des tribunaux de commerce.
Compte tenu de l'insertion en cours de navette des articles 38
bis
,
38
ter
et 38
quinquies
réformant le régime
disciplinaire des notaires, les députés, sur proposition de Mme
Brigitte Barèges, rapporteur, et avec l'avis favorable du gouvernement,
ont adopté en première lecture un amendement de coordination pour
étendre l'application du présent article aux procédures
disciplinaires engagées à l'encontre des notaires.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 55
sans modification
.
Article 58 (nouveau)
Rapport au Parlement sur la formation des
avocats
Introduit en première lecture par l'Assemblée
nationale sur la proposition du rapporteur et avec l'avis favorable du
gouvernement, le présent article tend à prévoir que le
gouvernement, dans un délai de trois mois à compter de
l'entrée en vigueur du présent projet de loi, remettra au
Parlement
un rapport sur la formation des avocats
.
Mme Brigitte Barèges, rapporteur, a estimé que l'ampleur de la
réforme de la formation des avocats proposée par le
présent projet de loi justifiait qu'un bilan soit dressé à
l'issue des premières années de sa mise en oeuvre.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 58
sans modification
.
*
* *
Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission vous propose d'adopter sans modification le projet de loi.