Rapport n° 211 (2003-2004) de M. André BOYER , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 11 février 2004

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N° 211

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 11 février 2004

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l' approbation de l' Annexe V à la convention pour la protection du milieu marin de l' Atlantique du Nord-Est sur la protection et la conservation des écosystèmes et de la diversité biologique de la zone maritime (ensemble un appendice 3 sur les critères de détermination des activités humaines aux fins de ladite annexe),

Par M. André BOYER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. André Dulait, président ; MM. Robert Del Picchia, Jean-Marie Poirier, Guy Penne, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Ernest Cartigny, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Paul Dubrule, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Jean Faure, Philippe François, Jean François-Poncet, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean Puech, Yves Rispat, Roger Romani, Henri Torre, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (12 ème législ.) : 343 , 1344 et T.A. 240

Sénat : 190 (2003-2004)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi d'un projet de loi portant autorisation de l'approbation de l'annexe V à la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-est sur la protection et la conservation des écosystèmes et de la diversité biologique de la zone maritime et de son 3 e appendice. Cette annexe a été adoptée à Sintra (Portugal) le 23 juillet 1998. Elle est en vigueur depuis le 20 août 2000.

Votre rapporteur regrettera d'ailleurs que, sans raison de fond, notre pays, pourtant dépositaire de la Convention principale, soit le dernier à ratifier la présente annexe.

Celle-ci s'inscrit dans un processus global de protection de l'environnement et de sa biodiversité, engagée depuis la fin des années 1960 et qui a pris un essor nouveau après le sommet de la terre de 1992. Celui-ci a en effet permis l'adoption de trois instruments majeurs : la convention cadre des Nations-Unies sur le changement climatique , la convention des Nations-Unies sur la lutte contre la désertification et la convention sur la diversité biologique , entrée en vigueur dès le 29 décembre 1993. Elle est ratifiée par 188 États dont tous les pays membres de l'Union européenne. La convention sur la diversité biologique fixait trois objectifs : la conservation des différentes formes de vie, l'utilisation durable de ses composantes pour ne pas mettre en péril les capacités de renouvellement des milieux naturels, et l'accès aux ressources génétiques et le partage juste des bénéfices découlant de leur utilisation.

La convention s'inscrit également dans l'ensemble des conventions permettant la protection du milieu marin et de sa biodiversité sur l'ensemble de la planète sous l'égide du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) : convention de Barcelone sur la Méditerranée (1976, amendement en 1995), convention de Carthagène-des-Indes sur les Caraïbes (1983), convention de Nairobi sur l'Afrique de l'Est (1985) et convention pour la protection de l'Atlantique du Nord-Est (1992), que la France a ratifiées au titre de la métropole ou de ses départements et territoires d'outre-mer.

La diversité biologique est, en effet, devenue un enjeu majeur. Dans une récente tribune 1 ( * ) , Mme Margot Wallström, commissaire européenne chargée de l'environnement, alertait l'opinion française sur l'ampleur et les conséquences de la perte de diversité biologique. Celle-ci serait 1 000 à 10 000 fois plus rapide que le rythme naturel. L'activité humaine conjuguée au réchauffement climatique pourrait conduire à l'extinction d'un tiers des espèces vivantes d'ici à 2050. L'un des principaux obstacles à sa préservation, outre la faible superficie des zones protégées - 1 % des océans - , est sa méconnaissance, le nombre des espèces étant estimé entre 1,75 million et 14 millions.

Votre rapporteur présentera dans un premier temps les enjeux internationaux de la protection de la diversité biologique et les travaux effectués dans le cadre des conventions internationales déjà adoptées, avant de présenter dans un second temps l'apport du présent protocole.

I. LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE : UN ENJEU MAJEUR

A. LA PRÉSERVATION DE LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE, LES ENJEUX DE LA CONFÉRENCE DE KUALA LUMPUR

• Les résultats de la conférence de Kuala Lumpur

La 7e convention mondiale sur la diversité biologique, qui s'est tenue du 9 au 20 février 2004 à Kuala Lumpur (Malaisie), a été l'occasion de faire le point sur l'état de préservation de la flore et de la faune dans le monde.

• L'état des lieux en matière de diversité biologique

Le rythme d'extinction des espèces, selon certains experts, 1.000 à 10.000 fois plus rapide que le rythme naturel, fait craindre une sixième grande extinction d'espèce depuis l'apparition de la vie sur terre mais d'une rapidité et d'une ampleur jusqu'alors inconnue puisqu'elle se déroulerait sur quelques siècles et non sur plusieurs milliers d'années. Au niveau mondial, 12 259 espèces seraient menacées.

En Europe, on estime généralement que 334 espèces de vertébrés sont en danger de disparition, 40 % des oiseaux sont considérés comme menacés ou vulnérables, 45 % des espèces de papillons sont menacées, 80 % des stocks de poissons enregistrent une baisse dramatique. Il en est de même de 800 espèces végétales.

En outre, selon les estimations effectuées par le ministère de l'environnement, la France métropolitaine possèderait 40 % de la flore d'Europe sur moins de 12 % de la surface du continent européen. Cette flore est caractérisée par un fort endémisme dans les Pyrénées et sur la côte méditerranéenne. Sur près de 4 700 espèces connues, 34 auraient disparu au XXe siècle, 486 sont considérées comme en danger ou vulnérables, soit 10 %. Concernant la faune, sur 135 espèces de mammifères reproducteurs, 45 sont menacées ; 51 sur 276 espèces d'oiseaux nichant en France sont menacées ; sur 76 espèces de poissons d'eau douce, 24 ont été introduites, 2 ont disparu, 17 sont menacées. Enfin, sur 33 espèces de reptiles, 13 sont menacées.

• Les mesures prises ou envisagées en France et en Europe

L'Union européenne a d'ores et déjà adopté de nombreuses mesures dont les directives « oiseaux sauvages » et « habitats » qui ont conduit à la mise en place du réseau européen de zones protégées « Natura 2000 » couvrant 13 % du territoire européen. L'Union européenne a également adopté, en 1998, une stratégie européenne pour la biodiversité et, en 2001, un plan d'action pour la biodiversité comprenant quatre volets : agriculture, pêche, utilisation des ressources naturelles et coopération économique et au développement.

La France a, quant à elle, adopté, en février 2004, une stratégie nationale pour la biodiversité. L'une des principales mesures est la création au sein de la comptabilité nationale d'un « compte national de la biodiversité » et d'un « compte satellite environnement » pour prendre en compte et mesurer la valeur économique du vivant. Il est également envisagé d'étendre au patrimoine naturel les possibilités de déduction fiscale accordées pour le patrimoine historique bâti, de taxer certaines activités touristiques pour financer un fonds français pour la biodiversité chargé de la préservation des milieux naturels visités et donc menacés. Cette stratégie mentionne également la création de parcs naturels nationaux en Guyane et à la Réunion et prévoit d'intégrer la biodiversité dans les contrats de plan État-Régions outre-mer.

• Objectifs et bilan de la conférence de Kuala Lumpur

En vue de la conférence de Kuala Lumpur, les 15 ont défini, lors du conseil environnement du 22 décembre 2003, les priorités internationales de l'Europe en matière de biodiversité :

- Amélioration du fonctionnement de la convention, renforcement du plan stratégique de la convention pour la diversité biologique, création d'un mécanisme de suivi des progrès d'ici 2010 et, surtout, mise en place d'un système scientifique de surveillance comparable au Groupe international d'études sur le climat ;

- Création d'ici 2010 (sur terre) et d'ici 2012 (en mer) de réseaux nationaux et régionaux de zones protégées ;

- Amélioration de la coopération internationale, notamment augmentation de l'aide au développement en vue de préserver la diversité biologique, accroissement des transferts de technologie et plus généralement des capacités des pays pauvres à protéger leur propre environnement. Aujourd'hui l'Union européenne consacre à cet objectif 190 millions d'euros par an, soit 3 % de l'aide publique au développement (APD) communautaire.

- Création d'un régime international sur l'accès aux ressources biologiques et les bénéfices partagés. Il s'agirait d'obliger les entreprises et instituts de recherche exploitant les ressources génétiques de certains pays à en partager les avantages économiques et scientifiques avec leurs propriétaires ou fournisseurs.

Les conclusions de la conférence ont cependant été particulièrement décevantes. Dans la déclaration finale, les parties s'engagent à obtenir d'ici 2010 des progrès significatifs dans la réduction de la biodiversité et l'utilisation durable et profitable pour les communautés autochtones des ressources biologiques, sans toutefois adopter de mesures contraignantes. Elles ont également adopté un programme de travail sur l'établissement d'ici 2010 d'un réseau de zones protégées et sur le développement des critères scientifiques de suivi et d'évaluation au niveau national.

1. Les problèmes spécifiques posés par la protection de la biodiversité des milieux marins.

La stratégie nationale pour la biodiversité met en avant plusieurs causes de détérioration de la biodiversité des milieux marins :

- la destruction, la fragmentation et l'altération des habitats, par exemple l'eutrophisation, résultant de l'apport excessif de nutriments (azote ou phosphore) provenant de fertilisants agricoles et des eaux usées et qui conduisent à une prolifération des algues et à un appauvrissement du milieu en oxygène et entraîne la disparition de nombreuses espèces ;

- l'introduction d'espèces allogènes qui peuvent devenir des espèces envahissantes. En Méditerranée, le développement de l'algue tropicale Caulerpa Taxifolia et, désormais, d'une autre espèce proche, la Caulerpa racemosa , qui prennent la place des Herbiers de Posidonie, lieu de vie et de reproduction de nombreuses espèces autochtones, est désormais considéré comme irréversible, sans que l'on soit à même d'en mesurer toutes les conséquences. Cet exemple doit conduire très rapidement à une réglementation internationale des ballastages et déballastages des navires.

- la surexploitation des espèces à travers la pêche. L'état général de nombreux stocks est préoccupant. Le ministère de l'environnement les classe en quatre catégories :

. ceux qui subissent une pression de pêche trop importante et dont la biomasse de géniteurs est basse, faisant craindre un risque d'effondrement des prises (cabillaud). Ils nécessitent des mesures rigoureuses de conservation ;

. ceux dont le niveau d'exploitation est élevé et dont le niveau de biomasse de géniteurs est insuffisant (cabillaud dans certaines zones, sole, plie) ;

. ceux dont le niveau d'exploitation est élevé mais ayant une biomasse de géniteurs suffisante pour assurer le renouvellement (baudroie ou langoustine dans le golfe de Gascogne) ;

. ceux, enfin, qui font l'objet d'une gestion durable : poissons pélagiques (hareng, sardine et anchois), merlan, sole, lieu noir, thon germon, coquilles Saint-Jacques dans certaines zones.

De plus, les captures accessoires posent des problèmes importants en raison de la faible sélectivité des engins de pêche et de la perturbation des chaînes alimentaires liées aux pêches minotières. Celles-ci consistent en la capture en mer de poissons sauvages, le plus souvent de petite taille, qui seront transformés en farine pour l'alimentation des poissons d'élevage carnivores (saumons, daurades...).

C'est pourquoi la Commission européenne a publié, le 25 mars 2004, une communication visant à mieux contrôler les pêches minotières dans l'Atlantique du Nord-Est. Elle souhaite mettre en place un contrôle plus strict de la pêche fondé sur l'obligation de déclarer les débarquements par type de poissons et d'éviter les débarquements d'espèces non triées, ne permettant pas les contrôles et l'évaluation des populations. Cette mesure doit permettre la fixation de quotas pour les prises accessoires des espèces les plus importantes destinées à la consommation humaine. Ces contrôles s'effectueraient dans certains ports prédésignés et sous la responsabilité des États qui disposeraient de quotas nationaux. Les principales espèces concernées par ces mesures sont le merlan bleu, le lançon, le tacaud norvégien, le sprat et le hareng.

Aux États-Unis, un rapport récent (avril 2004) rédigé au profit du Congrès par l'amiral Watkins paraît marquer une évolution dans la prise de conscience, par l'opinion, de la nécessaire préservation des océans. Le rapport prône notamment la création d'un Conseil national des océans qui serait placé auprès du Président, le renforcement des moyens d'étude et de recherche, l'élaboration d'une politique de protection et la ratification de la convention des Nations unies sur le droit de la mer ainsi que celle sur la diversité biologique.

Au-delà des problèmes posés par la sur-pêche et la pollution, les scientifiques s'interrogent sur le rôle des élevages. Ceux-ci offrent une alternative aux poissons sauvages pour la consommation humaine mais ne semblent pas pouvoir contribuer au renforcement des populations naturelles. En effet, les lâchers de saumons d'élevage en Amérique du Nord (Canada et États-Unis) ont masqué momentanément la quasi disparition des saumons sauvages dans certaines zones mais n'ont pas permis le maintien de populations naturelles et font craindre, a contrario, une pollution génétique des spécimens sauvages.

B. LA CONVENTION OSLO-PARIS : UN OUTIL INTERNATIONAL POUR PRÉSERVER LE MILIEU MARIN DE L'ATLANTIQUE DU NORD-EST

1. La mise en place progressive d'un outil juridique

La convention résulte de la fusion de deux conventions internationales Oslo-Paris et tire les conséquences de plusieurs catastrophes écologiques.

L'échouage, en 1967, du pétrolier Torrey Canyon qui provoqua le déversement sur les côtes européennes de 117 000 tonnes d'hydrocarbures a été le point de départ des réactions internationales pour lutter contre la pollution du milieu marin dans l'Atlantique du Nord-Est. Il a permis, en 1969, la signature d'une première convention,: l'Accord de Bonn, sur la coopération en matière de lutte contre la pollution de la mer du Nord par les hydrocarbures et autres substances dangereuses. Modifié en 1983, cet accord engage les Etats riverains de la mer du Nord ainsi que la Communauté européenne à assurer une assistance réciproque et une coopération dans la lutte contre la pollution et à aider à la surveillance, à la détection et à la lutte contre la pollution, et à empêcher les infractions aux réglementations anti-pollution.

Cet accord a un champ d'application géographique moins large que la convention OSPAR. Il divise la mer du Nord en zones dans lesquelles la responsabilité de la surveillance et de l'appréciation des incidents incombe aux parties :

Après 1969, de nouveaux « scandales » écologiques (tentative d'immersion de déchets chlorés en mer du Nord par le Stella Maris en juillet 1971) et la prise de conscience croissante de la nécessité de protéger l'environnement ont conduit à la signature, en février 1972, de la convention d'Oslo pour la prévention de la pollution marine par les opérations d'immersion effectuées par les navires et les aéronefs, entrée en vigueur en 1974.

En outre, a été signée en juin 1974 la convention de Paris sur la prévention de la pollution due aux rejets de substances dangereuses d'origine tellurique, charriées par les cours d'eau ou les oléoducs. Elle est entrée en vigueur en 1978.

Afin d'assurer le bon fonctionnement de la convention d'Oslo, une commission spéciale avait été créée dite « commission d'Oslo ». Il en fut de même pour la convention de Paris.

En 1992, lors de la réunion ministérielle des commissions d'Oslo et de Paris, les ministres compétents des 14 États signataires et de la Suisse ainsi que le représentant de la Commission européenne ont décidé d'adopter une convention unique, dite convention Oslo-Paris ou « OSPAR », pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est. Cette convention est entrée en vigueur en 1998.

Cette convention comportait originellement une partie principale et quatre annexes traitant de domaines particuliers et reprenant pour partie les conventions d'Oslo et de Paris :

. Annexe I : Prévention et suppression de la pollution d'origine tellurique,

. Annexe II : prévention et suppression de la pollution par les opérations d'immersion ou d'incinération ;

. Annexe III : Prévention et suppression de la pollution par les sources en offshore ;

. Annexe IV : Bilans de santé du milieu marin.

2. Le champ d'application

La zone maritime est définie précisément par la convention OSPAR. Elle représente, au total, une superficie de 13,5 millions de km², soit 4 % des océans de la planète.

Elle comprend : les eaux intérieures et la mer territoriale des Parties contractantes, la zone située au-delà de la mer territoriale et adjacente à celle-ci sous juridiction de l'État côtier dans la mesure reconnue par le droit international, ainsi que la haute mer, y compris l'ensemble des fonds marins correspondants et leur sous-sol, situées dans les limites suivantes:

a. les régions des océans Atlantique et Arctique et de leurs mers secondaires, qui s'étendent au nord du 36 de latitude nord et entre le 42 de longitude ouest et le 51 de longitude est mais à l'exclusion:

o de la mer Baltique et des Belts au sud et à l'est des lignes allant d'Hasenore Head à Gniben Point, de Korshage à Spodsbjerg et de Gilbjerg Head à Kullen,

o de la mer Méditerranée et de ses mers secondaires jusqu'au point d'intersection du 36 parallèle de latitude nord et du 5 36' méridien de longitude ouest;

b. la région de l'océan Atlantique située au nord du 59 de latitude nord et entre 44 de longitude ouest et 42 de longitude ouest.

3. Les objectifs

Les parties à la convention s'engagent à prendre toutes les mesures possibles dans le but de prévenir et de supprimer la pollution, ainsi que les mesures nécessaires à la protection de la zone maritime contre les effets préjudiciables des activités humaines, afin de préserver la santé de l'homme et les écosystèmes marins, et rétablir, lorsque cela est possible, les zones marines affectées.

Pour réaliser ces objectifs, la convention prévoit l'application de deux principes essentiels du droit de l'environnement : le principe de précaution et le principe du pollueur - payeur. Selon le principe de précaution, des mesures de prévention doivent être prises lorsqu'il existe des motif raisonnables de s'inquiéter du fait que des substances ou de l'énergie introduites, directement ou indirectement dans le milieu marin, puissent entraîner des risques pour la santé de l'homme, nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes marins, porter atteinte aux valeurs d'agrément ou entraver d'autres utilisations légitimes de la mer, même en l'absence de preuves concluantes d'un rapport de causalité entre les apports et les effets. Selon le principe du pollueur payeur, les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur.

La convention exige également l'application des meilleurs techniques disponibles (Best available technics - BAT) et des meilleurs pratiques environnementales (Best environnemental practices - BEP).

Par ailleurs, afin d'atteindre ces objectifs, la convention prévoit la création d'une commission qui remplace les commissions des conventions d'Oslo et de Paris. Elle a pour mission de mettre en oeuvre la convention, de procéder à l'examen de la zone maritime, de vérifier l'efficacité des mesures adoptées, d'élaborer des mesures et un programme de lutte contre la pollution maritime et de créer les instruments nécessaires à l'application de ce programme.

Organisation et groupes de travail de la Commission OSPAR

Gestion et conseil

Deuxième niveau

Troisième niveau

Présidents et Vice-Présidents (CVC)

Juristes/Linguistes (JL)

Chefs de délégation (HOD)

Comité évaluation et surveillance de l'environnement (ASMO)

Comité eutrophisation (EUC)

Comité biodiversité (BDC)

Comité substances dangereuses (HSC)

Comité industrie de l'offshore (OIC)

Comité substances radioactives (RSC)

Groupe de travail apports au milieu marin (INPUT)

Groupe de travail surveillance continue (MON)

Groupe de travail teneurs, tendances et effets des substances dans le milieu marin (SIME)

Groupe d'intervention eutrophisation (ETG)

Groupe de travail zones marines protegées, espèces et habitats (MASH)

Groupe de travail Impact environnemental des activités humaines (EIHA)

Groupe de travail substances et sources ponctuelles et diffuses (SPDS)

Groupe informel des experts DYNAMEC (IGE)

4. L'application de la convention OSPAR

La commission OSPAR a tenu une première réunion ministérielle à Sintra (Portugal) les 22 et 23 juillet 1998, soit peu après l'entrée en vigueur de la convention le 23 avril de la même année.

Outre l'adoption de l'annexe V qui fait l'objet du présent rapport, plusieurs stratégies d'action ont été adoptées concernant les substances dangereuses, les substances radioactives, l'eutrophisation et la conservation des écosystèmes et de la diversité biologique. Un plan d'action pour la période 1998-2003 a également été adopté pour faire appliquer ces stratégies, ainsi qu'une décision juridiquement contraignante pour l'élimination des installations offshore désaffectées. En outre, elle a permis la participation des organisations non gouvernementales (ONG) aux travaux de la commission OSPAR à tous les niveaux de la commission.

Par ailleurs lors de la seconde réunion ministérielle qui s'est tenue à Brême, les 25 et 26 juin 2003, en commun avec les pays de la convention d'Helsinki visant à protéger la mer Baltique, l'ensemble des participants a mis l'accent sur la nécessité d'une approche écosystémique pour agir sur l'ensemble des facteurs et parvenir à une réelle efficacité. Ils se sont engagés à créer d'ici 2010 un réseau écologiquement cohérent de zones marines protégées couvrant l'Atlantique du nord-est et la mer Baltique. La Commission OSPAR a en outre actualisé les stratégies qui régissent ses travaux et qui ont pour but de ramener l'Atlantique du nord-est, dans un délai d'une génération, à un état sain et durable, et adopté une nouvelle stratégie de surveillance continue et d'évaluation afin de préparer le prochain bilan général de santé devant avoir lieu en 2010, les progrès obtenus dans les autres stratégies devant en outre être contrôlés. La commission OSPAR a aussi déterminé 27 espèces et 10 types d'habitats nécessitant une protection, et a défini les bases, dans son secteur, du réseau de zones marines protégées. Une évaluation a été fixée devant servir de base à la mesure des progrès accomplis dans la réduction des substances radioactives, assortie d'une période de référence s'étendant de 1995 à 2001,.

Enfin, la commission OSPAR a adopté un instrument juridiquement contraignant visant à ce que toutes les installations offshore implantées dans sa zone aient, d'ici 2005, des systèmes de gestion de l'environnement répondant aux normes internationales les plus rigoureuses.

Elle a également procédé, en 2000, à un « bilan de santé » généralisé, zone par zone et pour chaque activité humaine sur l'ensemble de la zone maritime.

II. L'ANNEXE V À LA CONVENTION POUR LA PROTECTION DU MILIEU MARIN DE L'ATLANTIQUE DU NORD-EST

Lors de la conclusion, en septembre 1992, des négociations de la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est, la déclaration finale avait prévu d'approfondir ultérieurement les missions de la commission OSPAR en incluant la protection du milieu marin et en adoptant une nouvelle annexe.

Cet objectif a été réalisé par la conclusion de la présente annexe V dite sur « la protection et la conservation des écosystèmes et de la diversité biologique », réalisée à Sintra (Portugal), les 22 et 23 juillet 1998.

L'annexe V est entrée en vigueur le 20 août 2000, soit 30 jours après le dépôt du septième instrument de ratification. La France est le dernier État à la ratifier, bien qu'elle en soit dépositaire.

A. LE CHAMP D'APPLICATION

Le champ d'application de la présente annexe est le même que celui de la convention.

Au titre de la présente annexe, les activités humaines susceptibles de provoquer des dommages à la biodiversité sont examinées selon les critères fixés à l'appendice 3 :

. ampleur, intensité et durée des activités humaines,

. effets préjudiciables réels et potentiels sur tels ou tels espèces ou habitats, ou processus écologiques,

. irréversibilité ou durabilité de ces effets.

La gestion des pêches est exclue de la présente annexe. Il en est de même du transport maritime.

Pour ces deux domaines, la commission OSPAR peut saisir les organisations internationales spécialisées et engager une coopération pour mener des actions conformes aux objectifs du protocole et plus généralement de la convention, notamment dans les zones particulièrement vulnérables.

B. LES ENGAGEMENTS DES PARTIES CONTRACTANTES

Selon l'article 2 de l'annexe V, les parties contractantes s'engagent à :

- prendre les mesures nécessaires afin de protéger et de conserver les écosystèmes et diversité biologique ;

- rétablir, lorsque cela est possible, les zones maritimes ayant subi des effets préjudiciables ;

- à coopérer en vue de l'adoption de programmes et de mesures de nature à régir les activités humaines.

Ces mesures ne sont pas prises au seul bénéfice de la faune et de la flore marines mais bien au profit de l'homme et de la préservation de sa santé, intimement liée à la préservation de la diversité biologique et à l'utilisation durable des ressources naturelles.

Les mesures qui seront prises se fondent sur les principes généraux communs aux conventions récentes de protection de l'environnement :

- soutien à la recherche scientifique, car on ne protège que ce que l'on connaît ;

- protection des écosystèmes dans leur globalité, une espèce ne pouvant vivre en dehors de son milieu naturel ;

- et constitution de réseaux d'écosystèmes protégés pour éviter les disparitions notamment pour cause de consanguinité ou d'absence de reproduction.

C. LA COMMISSION OSPAR : UN MARGE DE MANoeUVRE ÉTROITE

La Commission en charge de l'application générale de la convention reçoit des missions complémentaires (article 3) :

- élaborer les programmes et mesures visant à réglementer les activités humaines ;

- étudier ces activités pour évaluer leurs effets sur les écosystèmes et la biodiversité ;

- élaborer les moyens visant à instaurer des mesures de protection, de conservation, de restauration ou de précaution ;

- prendre en considération les politiques nationales et régionales, notamment dans les eaux relevant de leur souveraineté ou de leur juridiction ;

- mettre en oeuvre une approche intégrée par écosystème ;

- examiner l'application des mesures adoptées.

Concrètement, selon la stratégie définie dès 1998 par la commission, elle s'est donnée pour tâche :

. d'effectuer l'inventaire et la typologie des écosystèmes marins, en respectant notamment les normes de l'Union européenne (classification EUNIS établie par l'agence européenne de l'environnement pour la mise en oeuvre de la directive 92/43/CEE « habitats ») ;

. d'identifier les espèces et aires marines présentant un caractère écologiquement remarquable, paraissant vulnérables ou menacées, ou dont l'état de dégradation peut justifier des mesures de restauration ;

. de mettre en place un réseau d'aires marines spécialement protégées dans lesquelles seront prises des mesures de régulation des activités humaines.

En définitive, la latitude d'action de la commission est particulièrement limitée : d'une part, il ne lui est guère possible de s'abstraire des normes communautaires adoptées par douze États sur les quinze parties à la convention. D'autre part, elle n'est pas compétente en matière de pêche, compétence exclusive de la Communauté européenne et d'organisations internationales spécifiques telles que la Commission des pêches de l'Atlantique du Nord-Est, la Commission du saumon de l'Atlantique Nord ou la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique, alors même que la surpêche est la principale menace pesant sur la diversité biologique du milieu marin. En outre, la Commission OSPAR n'est pas non plus compétente en matière de navigation maritime et de réglementation directement liée, par exemple la pollution par les navires.

Dès lors, elle ne peut agir efficacement que si, dans son domaine propre, elle parvient à fédérer les États parties et à les conduire à avoir une action identique dans les autres organisations compétentes. Dans ce but, elle pourra s'appuyer sur sa mission d'expertise scientifique du milieu marin. La publication d'études objectives permettra de donner une base fiable à des décisions de régulation coûteuses et politiquement difficiles.

CONCLUSION

La convention Oslo-Paris est le fruit d'une longue évolution et d'une prise de conscience progressive de la nécessité de protéger l'environnement marin contre les agressions de l'homme. Elle a déjà accompli une oeuvre utile en matière de rejet de plusieurs types de substances provenant des côtes ou des installations offshore.

A la suite de la convention sur la biodiversité de 1992, les pays membres ont décidé d'étendre leur coopération dans la zone maritime à la préservation de la biodiversité. Devant la difficulté d'avancer au niveau mondial sur ces questions, comme l'a reconnu M. Klaus Toepfer, Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), il paraît indispensable de progresser au niveau régional entre pays européens partageant les mêmes priorités et le même niveau de développement.

Mme Margot Wallström soulignait lors de la conférence de Kuala Lumpur : « la biodiversité n'est pas un luxe : c'est une condition nécessaire à la vie et il est essentiel de la protéger ».

C'est pourquoi, sous le bénéfice de ces observations, votre rapporteur vous propose d'adopter sans modification le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a procédé à l'examen du présent rapport lors de sa réunion du 11 février 2004.

A la suite de l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé avec les commissaires :

M. André Boyer, répondant à M. André Rouvière qui souhaitait savoir si la commission OSPAR disposait de moyens propres, a indiqué qu'elle avait la possibilité de mener des études scientifiques et de faire des préconisations. Cependant, prenant l'exemple de l'eutrophisation, il a expliqué que ces phénomènes liés au milieu naturel étaient très complexes à limiter, voire à éliminer complètement, pour éviter la mort des écosystèmes aquatiques ou même permettre leur reconstitution.

M. Christian de La Malène s'est interrogé sur le bilan de l'application de la convention OSPAR et sur son application aux pollutions pétrolières.

M. André Boyer a indiqué que la mise en place de cette convention et auparavant des conventions d'Oslo et de Paris avait permis d'interdire ou de limiter les rejets de très nombreux produits. Toutefois, les processus biologiques sont longs, ainsi que les recherches scientifiques devant amener à une typologie et un inventaire complet des écosystèmes de l'Atlantique du Nord-Est. Concernant les pollutions pétrolières, il a rappelé que l'adoption de la convention OSPAR avait permis de réglementer les rejets off-shore et que la réglementation internationale du transport maritime d'hydrocarbures était de la responsabilité de l'organisation maritime internationale (OMI) qui a adopté plusieurs conventions en la matière.

M. Christian de La Malène s'est alors interrogé sur la capacité et la volonté des Etats à intervenir dans les eaux internationales pour faire respecter les conventions en vigueur.

M. André Boyer a alors indiqué qu'en droit international la compétence d'un Etat se limitait, en dehors de ses eaux territoriales, aux bâtiments battant son pavillon, même si l'on pouvait observer depuis quelques années la volonté des Etats côtiers d'exercer leur droit de se protéger.

Enfin, répondant à M. Louis Moinard qui souhaitait savoir pourquoi l'Union européenne n'était pas partie à cette convention en lieu et place de la France, le rapporteur a précisé que le champ d'application de cette convention ne se limitait pas à des compétences communautaires exclusives.

La commission a alors adopté le présent projet de loi.

ANNEXE -
LISTE DES ETATS PARTIES À L'ANNEXE V DE LA CONVENTION OSPAR

Remarque: Conformément à l'article 15.5 de la Convention, l'Annexe V et l'Appendice 3 sont entrés en vigueur pour les pays suivants aux dates suivantes:

Partie contractante

Ratification

Entrée en vigueur

Finlande

4 février 1999

30 août 2000

Espagne

8 décembre 1999

30 août 2000

Suisse

11 février 2000

30 août 2000

Luxembourg

14 février 2000

30 août 2000

Communauté européenne

29 mai 2000

30 août 2000

Royaume-Uni

29 juin 2000

30 août 2000

Danemark

31 juillet 2000

30 août 2000

Suède

5 septembre 2000

5 octobre 2000

Islande

18 juin 2001

18 juillet 2001

Norvège

22 juin 2001

22 juillet 2001

Pays-Bas

25 juillet 2001

24 août 2001

Allemagne

14 décembre 2001

13 janvier 2002

Irlande

22 mai 2003

21 juin 2003

L'annexe V et l'appendice 3 entreront en vigueur, pour toutes les autres Parties contractantes, le trentième jour après que la Partie contractante en question aura déposé son instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation.

Source : www.ospar.org - 07/11/2003

* 1 « Le Monde de Nemo en danger... », Le Figaro, Mardi10 février 2004.

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