Article 40
(art. L. 311-3 du code de la sécurité sociale
et
art. L. 324-12 et L. 324-14 du code du travail)
Consolidation du
recouvrement des recettes de la sécurité sociale
Objet : Cet article vise à modifier les règles relatives à l'assujettissement au régime général et les règles relatives à la lutte contre le travail dissimulé.
I - Le dispositif proposé
Le paragraphe I modifie la liste des catégories professionnelles assujetties au régime général pour y inclure les personnes visées au 2° de l'article L. 781-1 du code du travail, c'est-à-dire « les personnes dont la profession consiste essentiellement, soit à vendre des marchandises ou denrées de toute nature, des titres, des volumes, publications, billets de toute sorte qui leur sont fournis exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise industrielle ou commerciale, soit à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise industrielle ou commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise » .
Cette affiliation résout notamment la question ancienne de l'affiliation des personnes gérant un fonds de commerce dans le cadre d'un accord de franchisage.
Dans un premier temps, la Cour de cassation avait considéré que les accords de franchisage excluaient l'existence d'un lien de subordination et avait écarté l'assujettissement des personnes visées (Chambre sociale de la Cour de cassation, 27 septembre 1989). Mais, par trois arrêts rendus le 4 décembre 2001, cette même Cour est revenue sur sa jurisprudence en jugeant que les dispositions du code du travail leur étaient applicables « sans qu'il soit besoin d'établir l'existence d'un lien de subordination » .
Il est ici proposé de reprendre la jurisprudence de la Cour de cassation, en prévoyant que lorsque les dispositions du 2° de l'article L. 781-1 du code du travail sont réunies, les personnes visées sont assujetties au régime général.
Le paragraphe II vise à renforcer l'arsenal juridique de lutte contre le travail dissimulé.
Travail illégal et travail
dissimulé
Le travail illégal
Le travail illégal est une notion générique désignant un ensemble d'infractions à l'ordre public, économique et social renvoyant à une incrimination précisément établie par le code du travail.
Ces infractions sont notamment le travail dissimulé, le marchandage, le prêt illicite de main d'oeuvre, l'emploi direct ou indirect d'un étranger dépourvu de titre de travail, le détournement des règles organisant le travail temporaire, le placement payant, l'emploi non déclaré d'un salarié par un particulier, le cumul d'emplois et la fraude aux revenus de remplacement.
Les URSSAF sont compétentes pour traiter exclusivement les infractions de travail dissimulé.
Le travail dissimulé
Parmi les infractions relevant du travail illégal figure le travail dissimulé, appelé, « travail clandestin » antérieurement à la loi du 11 mars 1997. La définition juridique de ce délit précise les deux formes de fraudes susceptibles d'être sanctionnées : la dissimulation d'activités économiques et la dissimulation de salariés.
Ainsi, se rendent coupables de travail dissimulé, aussi bien la personne qui exerce une activité économique sans avoir déclaré son entreprise, que celui qui dissimule tout ou partie des salariés qu'il emploie que ce soit pour la totalité ou une partie seulement des heures réellement effectuées par ceux-ci.
Ce délit ne peut être relevé à l'encontre du salarié non déclaré par son employeur. Victime de la dissimulation de son emploi organisée par ce dernier, le salarié ne peut être tenu pour responsable ou coresponsable. De même, en définissant le travail dissimulé, le législateur n'a fait aucune référence à la nationalité de l'auteur ou de la victime de l'infraction. La loi n'établit donc aucune relation a priori entre la situation administrative des étrangers et le travail dissimulé.
Ce paragraphe propose successivement :
- 1° : de permettre aux agents habilités à effectuer des contrôles d'obtenir copie des documents auxquels la loi leur donne accès afin de rendre plus faciles la constitution de preuves et la conduite de leur mission. Ces documents sont ceux qui établissent que l'entreprise a rempli ses obligations sociales, ainsi que ceux justifiant de ses relations commerciales avec des tiers (devis, bons de commandes ou de travaux, factures et contrats, etc.) et qui témoignent de l'activité réelle de l'entreprise ;
- 2° : d'étendre la liste des personnes susceptibles d'être auditionnées par ces agents, aux personnes ayant été rémunérées ou présumées telles, afin notamment de faciliter la mise à jour d'infractions passées ;
- 3° : d'autoriser ces agents à dresser des procès-verbaux des auditions et à demander aux personnes auditionnées de prouver leur identité et leur adresse.
Le paragraphe III modifie le régime des responsabilités du donneur d'ordre en cas de travail dissimulé.
Ce régime a fait l'objet d'une première modification par la loi du 31 décembre 1991 relative au travail clandestin. Cette loi a instauré une solidarité financière pour le paiement des impôts et cotisations sociales entre celui qui exerce le travail clandestin et celui qui utilise ces services dans le cadre d'une relation contractuelle directe, d'une sous-traitance ou d'un contrat passé en France avec une entreprise établie à l'étranger.
La loi du 11 mars 1997, ayant le même objet, a étendu la solidarité financière au paiement des pénalités et des majorations, ainsi qu'aux indemnités dont pourrait être bénéficiaire un salarié dissimulé. Elle a obligé le donneur d'ordre à s'assurer, lors de la conclusion d'un contrat, que son sous-traitant s'acquitte de ses obligations sociales.
Le 1° de ce paragraphe renforce cette obligation en imposant le principe d'un contrôle semestriel et ce jusqu'à la fin du contrat. Ainsi, le donneur d'ordre ne pourra pas être dégagé de ses obligations pour s'être contenté d'un seul contrôle initial de son sous-traitant.
Le 2° de ce paragraphe permet, par coordination, de sanctionner les infractions passées, en remplaçant la référence à l'exercice présent d'un travail dissimulé par la référence au procès-verbal pour délit de travail dissimulé. Ainsi, une infraction passée faisant l'objet d'un procès-verbal pourra désormais engager la responsabilité du donneur d'ordre.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
III - La position de votre commission
Votre commission rappelle que le renforcement de la lutte contre le travail dissimulé - et plus largement contre le travail illégal - figure parmi les objectifs de la convention d'objectif et de gestion signée entre la branche chargée du recouvrement et l'État.
Le rapport de bilan 2002 de la lutte contre le travail illégal publié par l'ACOSS en juin 2003 est à cet égard encourageant. Celui-ci rappelle néanmoins que « même si des coups lui ont été portés, le travail illégal demeure une réalité. Il emprunte des formes de plus en plus sophistiquées dans un environnement lui-même plus mouvant, plus complexe, plus dispersé » .
L'activité de contrôle est significative et s'appuie sur un ciblage et des partenariats. En 2002, plus de 37.000 salariés ont été contrôlés, ce qui a donné lieu à 1.335 verbalisations et la mise en recouvrement de 33 millions d'euros de contributions et cotisations - dont la moitié concernant deux secteurs d'activités : les services et les bâtiments et travaux publics.
Le législateur devait à l'évidence conforter les moyens juridiques accordés aux agents des URSSAF et des autres administrations qui participent à ces contrôles (forces de l'ordre, inspection du travail, agents des douanes et des impôts). Votre commission propose en conséquence de renforcer le mode de constitution de la preuve, en permettant aux agents en charge du contrôle d'exiger la remise d'une copie immédiate, quel que soit leur support, des documents concernés.
Tel est l'objet de cet article que votre commission vous demande d'adopter ainsi amendé .