B. LES COMPLÉMENTS DE RÉMUNÉRATIONS DANS LES COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER

En ce qui concerne les collectivités d'outre-mer, l'analyse est rendue plus complexe par les différences de statut, à la fois entre collectivités et entre personnels (civils et militaires).

Le chiffre que l'on peut déduire des différentes estimations s'élève à environ 190 millions d'euros pour les surrémunérations. A noter que la Polynésie française représente 40 % des effectifs budgétaires totaux (11.068 fonctionnaires sur un total de 27.670), et que les statistiques relativement détaillées pour ce territoire permettent de chiffrer l'avantage par agent à 13.754 euros.

Le tableau suivant permet de comparer les revenus entre les fonctionnaires de l'Etat en poste dans trois collectivités d'outre-mer et les fonctionnaires de la métropole. Aucun chiffre n'a été fourni sur les salaires dans le secteur privé.

Comparaison en termes de revenus des fonctionnaires de l'Etat

(en euros, salaires nets)

 

Niveau

Métropole

25.061

Polynésie

45.800

Nouvelle-Calédonie

46.256

St-Pierre-et-Miquelon

37.588

Moyenne collectivités

45.611

Source : ministère de l'outre-mer

On constate donc de nettes différences de revenus. De plus, il faut tenir compte d'une fiscalité beaucoup plus avantageuse qu'en métropole.

Comparaison des indices

(base 100=métropole)

Source : ministère de l'outre-mer

Les écarts de prix n'ont pu être communiqués, ce qui interdit toute comparaison de pouvoir d'achat. Il semble cependant que la situation des fonctionnaires de l'Etat dans ces territoires soit particulièrement avantageuse.

Votre rapporteur spécial ne peut que déplorer les évidentes lacunes de l'information statistique en outre-mer, lacunes qui nuisent à une bonne information du Parlement.

C. LA QUESTION DE L'INDEMNITÉ TEMPORAIRE

1. Le principe de l'indemnité temporaire

Les retraités titulaires d'une pension de l'Etat justifiant d'une résidence effective à La Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna bénéficient d'une majoration, dont le montant varie entre 35 % et 75 %.

Montant de la majoration

La Réunion

35 %

Saint-Pierre-et-Miquelon

40 %

Mayotte

35 %

Nouvelle-Calédonie

75 %

Polynésie française

75 %

Wallis-et-Futuna

75 %

Cette disposition est issue pour les pensions civiles et militaires du décret n° 52-1050 du 10 septembre 1952.

Cette indemnité bénéficie de plus des régimes fiscaux particuliers applicables outre-mer, notamment en ce qui concerne l'impôt sur le revenu. A l'exception de La Réunion, elle n'est soumise ni à la CSG, ni à la CRDS.

La seule condition posée par le décret porte sur les conditions de résidence, qui doivent être « au moins équivalentes à celles imposées aux fonctionnaires en activité de service ». L'instruction comptable n° 82-17-B3 du 20 janvier 1982 précise que les absences de territoire ne peuvent en conséquence dépasser en une ou plusieurs fois quarante jours pour l'année civile et qu'une période probatoire de six mois de présence ininterrompue sur le territoire est nécessaire avant le premier versement de l'indemnité.

La Cour des comptes a souligné dans son rapport particulier consacré aux pensions des fonctionnaires civils de l'Etat (avril 2003) qu'il s'agit là « d'une indemnité avantageuse au contrôle quasi impossible ».

2. Le coût budgétaire de la mesure

A ce stade, les éléments communiqués permettent de relever les éléments suivants pour 2003 (les données ne sont pas définitives) :

- 10.579 fonctionnaires retraités en bénéficiaient, dont 56,8 % de militaires ;

- le montant total, pour les collectivités d'outre-mer, s'élève à 115,7 millions d'euros en 2003 (181 millions d'euros avec la Réunion) ;

- 69,7 millions d'euros reviennent à la Polynésie, ce qui représente 4 % de son PIB.

Le tableau suivant est relatif à l'année 2002, et n'a pu être actualisé pour l'année 2003. Les ordres de grandeur sont cependant comparables.

L'indemnité temporaire en 2002

Collectivités

Nombre de bénéficiaires

Coût en millions d'euros

La Réunion

14.823

69

Polynésie française

5.256

62,1

Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna

3.936

47,4

Mayotte

431

1,5

Saint-Pierre-et-Miquelon

253

1,5

TOTAL

24.699

181,5

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

3. Les débats dans le cadre de la discussion de la loi de finances pour 2004

Lors de la discussion budgétaire pour 2004, votre commission des finances du Sénat avait défendu deux amendements.

Le premier, à l'initiative de notre collègue Yves Fréville, alors rapporteur spécial du budget des charges communes, et adopté par le Sénat, visait à réduire de 5 millions d'euros les crédits du budget des charges communes, afin d'inciter le gouvernement à mieux contrôler le respect par ses bénéficiaires des conditions de résidence imposées par le décret de 1952.

Le second, à l'initiative de nos collègues Jean Arthuis, président de la commission des finances, et Philippe Marini, rapporteur général, tendait à limiter le nombre de bénéficiaires en instaurant une condition supplémentaire, qui était une durée de cinq ans en poste dans une des collectivités concernées. Il ne s'agissait donc pas, pour la commission des finances, de revenir sur les droits acquis des actuels bénéficiaires, ou de supprimer le système, mais de le limiter.

L'indemnité temporaire en séance publique

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances . « Ce débat n'est pas nouveau : il a déjà eu lieu au Sénat, à l'occasion de l'examen de la loi de programme pour l'outre-mer. J'avais alors présenté un amendement de même nature, qui était cosigné par le rapporteur général et par moi-même. Nous voulions mettre un terme à une dérive qui fait offense à l'idée que nous nous faisons de la justice au sein de la République.

« Les retraités titulaires d'une pension de l'Etat justifiant d'une résidence effective à la Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ou à Wallis-et-Futuna bénéficient d'une majoration dont le montant varie entre 35 et 75 %. Cette

disposition est issue, pour les pensions civiles et militaires, du décret n° 52-1050 du 10 septembre 1952 et elle ne concerne ni la Guyane, ni la Guadeloupe, ni la Martinique. La seule condition posée par ce décret porte sur les conditions de résidence, qui doivent être au moins équivalentes à celles qui sont imposées aux fonctionnaires en activité.

« Yves Fréville a évoqué la difficulté d'assurer un contrôle et la probable absence de vigilance de la part du Gouvernement. Cette dérive a été dénoncée par la Cour des comptes dans des termes non ambigus.

« Aujourd'hui, des fonctionnaires métropolitains ont, semble-t-il, l'opportunité d'aller prendre leur retraite dans les départements que je viens de rappeler sans que l'on se montre très exigeant sur les conditions de résidence. Ils bénéficient alors d'un supplément de retraite qui n'a pas de justification. Par ailleurs, ils sont soumis à l'impôt sur le revenu sur la base des barèmes prévus pour les départements concernés.

« Si les données publiées par la Cour des comptes sont exactes, ce dont je ne doute pas, le coût des dispositions s'élève, pour 2001, à 158,8 millions d'euros. Et la progression est très vive : on relève en effet une activation du dispositif, qui s'explique par la prise de conscience de ces avantages chez les intéressés.

« L'amendement que je vous présenterai tout à l'heure prévoit un décret précisant, d'une part, que les avantages acquis ne seront pas remis en cause et, d'autre part, que les agents en poste dans les territoires concernés pendant les cinq années qui précèdent la liquidation de leur retraite pourront bénéficier de ce supplément de retraite. Nous voulons mettre un terme à une pratique qui est une perversion et dont nous ne pouvons en aucune façon nous accommoder.

« Le propos que vous venez de tenir, madame la ministre, c'est celui que Mme Girardin a tenu voilà un peu plus de six mois. Qu'a fait le Gouvernement depuis six mois ? Rien !

« La commission des finances du Sénat a longuement délibéré à ce sujet et c'est au terme d'un débat interne qu'elle a pris cette position » .

[...] M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances . « De mauvaises habitudes ont peut-être été prises, mais changer les habitudes n'est pas simple, on le sait bien, que ce soit dans la république insulaire - quelles que soient les îles, d'ailleurs - ou dans la république continentale. Cela nécessite à la fois de la compréhension et du temps.

« Cependant, mes chers collègues - et je crois que ce sujet mérite mieux que des quolibets - ayons la lucidité de rappeler que ce problème est déjà posé depuis longtemps ; Yves Fréville, qui connaît très bien cette question, ainsi que le président Arthuis, pourraient le rappeler. En effet, ces dysfonctionnements ne datent pas d'hier. Mais on ne peut plus les admettre.

« A partir du moment où la Cour des comptes a consacré des travaux détaillés à ce sujet, et dès lors que nos collègues de la commission des finances de l'Assemblée nationale se sont rendus sur place afin de se faire leur opinion, faut-il encore, mes chers collègues, reporter notre décision ?

« Quel est l'objet de l'amendement n° II-7 rectifié qui, bien que n'ayant pas encore été présenté, est au coeur de cette discussion ? Il s'agit tout simplement de poser une condition de bon sens. Le président de la commission des finances l'a dit : les primes versées aux retraités

d'outre-mer et qui majorent leur niveau de vie sont issues d'une vision économique de la situation des départements concernés ; mais, pour que cette vision soit légitime, il faut que les bénéficiaires de ces mesures soient réellement des résidents de ces territoires et qu'ils vivent vraiment selon les conditions économiques locales. Il doivent aussi mériter cet avantage, car c'est un avantage : les bonifications de pension sont très significatives.

« Peut-on admettre qu'il suffise de faire élection de domicile dans les départements concernés le jour où l'on demande la liquidation de ses droits à la retraite pour bénéficier d'une telle bonification ?

« A la vérité, la justification du dispositif en vigueur, qui, certes, existe depuis les années cinquante, est fragile : il heurte l'équité, voire des principes juridiques communément admis en droit fiscal.

« Nos collègues d'outre-mer doivent bien comprendre que le souci de la commission des finances est non pas, bien entendu, de sanctionner l'outre-mer, mais de rendre à ce régime spécifique une justification solide, faute de quoi l'outre-mer subira des critiques croissantes.

« Tout cela étant maintenant bien élucidé, nous n'avons pas besoin du délai supplémentaire que demandait - et je le comprends fort bien - notre collègue Simon Loueckhote. Il faut trancher aujourd'hui et voter à la fois le présent amendement et celui que j'ai cosigné avec M. Arthuis, et sur lequel je me suis engagé au sein de la commission. Ce régime sera mieux admis, mieux compris et plus justifié. Il aura donc plus de chance d'être préservé que le statu quo » .

Votre rapporteur spécial rappelle que, in fine , la commission des finances avait accepté de modifier son amendement, afin de prendre le temps de mieux examiner les problèmes posés. L'article 125 de la loi de finances pour 2004 disposait donc qu'un rapport devrait être remis au Parlement le 1 er avril 2004 sur ce sujet . Il aurait permis de déterminer, dans le présent projet de loi de finances, des suites à donner au débat de l'année précédente.

Cependant, et on peut le déplorer, ce rapport n'a été remis que très tardivement, en novembre 2004 (soit avec 8 mois de retard), et est apparu très partiel . Votre rapporteur spécial, qui soutient pleinement la démarche adoptée l'année dernière par la commission des finances, estime que les délais sont trop brefs pour prendre une décision dans le cadre du projet de loi de finances pour 2005.

Il n'en reste pas moins que la réflexion est ouverte, et qu'il conviendra de réfléchir, en concertation avec les élus d'outre-mer, sur les conséquences à en tirer, et ce le plus rapidement possible.

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