Article L. 626-27 nouveau du code de
commerce
Constitution et règles de fonctionnement des comités
de créanciers - Vérification des créances
L'article L. 626-27 déterminerait les modalités de constitution et la composition des comités de créanciers, avant de définir les modalités de décision en leur sein.
1. Constitution des comités de créanciers
L'article L. 626-27 rendrait obligatoire la constitution de deux comités de créanciers :
- un comité des « établissements de crédit ». Ce comité comprendrait, en vertu de la rédaction proposée, l'ensemble des établissements de crédit détenant des créances sur le débiteur. Cette formulation, issue de L. 511-1 du code monétaire et financier, viserait les personnes morales effectuant à titre de profession habituelle des opérations de banque, c'est-à-dire la réception de fonds du public, des opérations de crédit ou la mise à disposition ou la gestion de moyens de paiement 160 ( * ) .
Il reviendra donc à l'administrateur de s'assurer que tous les établissements de crédit ont bien été appelés à participer au comité. A défaut, sa responsabilité pourra être engagée par l'établissement de crédit concerné, qui pourra également faire tierce-opposition au jugement d'arrêté du plan, si celui-ci lui fait grief, compte tenu de son absence de participation au comité ;
- un comité des « principaux fournisseurs de biens ou de services ». Ce comité serait composé des personnes, physiques ou morales, qui auraient procuré au débiteur un produit ou un service en contrepartie d'un paiement, ce dernier constituant alors la créance qu'ils détiennent sur le débiteur. A la différence du comité précédent, ce comité ne regrouperait cependant qu' une partie des fournisseurs , puisque seuls les « principaux » d'entre eux en seraient membres. Compte tenu de la rédaction adoptée, il reviendrait à l'administrateur judiciaire de définir, au cas par cas, et compte tenu des éléments de fait de la procédure, si un fournisseur du débiteur peut ou non faire partie de ce comité. Elle laisse à l'administrateur un large pouvoir d'appréciation pour déterminer la composition de ce comité.
De ce point de vue, votre commission souligne que la notion de « principaux fournisseurs » n'est pas nécessairement de nature quantitative . Le volume de la créance doit effectivement être pris en compte pour déterminer si un créancier doit faire partie d'un tel comité. Pour autant, il peut être nécessaire de faire participer des fournisseurs qui n'ont pas une créance quantativement importante mais qui sont essentiels à la vie de l'entreprise.
Pour encadrer le pouvoir d'appréciation de l'administrateur, l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois et de M. Pascal Clément, a, avec l'avis favorable du Gouvernement, prévu que les fournisseurs dont les créances représenteraient plus de 10 % du total des créances des fournisseurs seraient membres de droit de ce comité .
Instituer un seuil de participation semble utile. Toutefois, votre commission vous propose de l'abaisser à 5 % afin d'éviter qu'il ne se trouve aucun fournisseur remplissant les conditions posées pour être membre de plein droit. Elle vous soumet donc un amendement en ce sens.
En outre, le dispositif proposé risquerait d'imposer la participation au comité des principaux fournisseurs de créanciers qui, compte tenu du volume de leur créance, y seront nécessairement minoritaires. Les décisions prises par la majorité des participants s'imposeraient donc à eux, alors même qu'elles pourraient leur être plus défavorables que s'ils avaient simplement été consultés en application du « droit commun » qui résulterait des articles L. 626-4 à L. 626-4-2 du code de commerce, dans leur rédaction issue de l'article 72 du présent projet de loi. Or, rien ne saurait justifier une telle situation qui découlerait d'ailleurs de la seule volonté de l'administrateur.
Dans ces conditions, votre commission vous propose de prévoir , par amendement , que les fournisseurs qui ne feraient pas partie, de plein droit, du comité des créanciers, ne pourraient en faire partie que s'ils l'acceptent .
En tout état de cause, les créanciers publics , c'est-à-dire notamment les administrations financières et les organismes de sécurité sociale, ne seraient membres d'aucun comité , puisqu'ils n'apparaissent ni comme des établissements de crédit, ni comme des fournisseurs. Ils seraient donc consultés dans les conditions de droit commun prévues par les articles L. 626-4 à L. 626-4-1 dans leur rédaction issue de l'article 72 du présent projet de loi.
De prime abord, cette exclusion de principe peut sembler étonnante, dans la mesure où ces créanciers pourraient également accorder au débiteur des délais de paiements, des remises de dettes et des abandons de privilèges ou d'hypothèques, en application de l'article L. 626-4-1 précité. Cette situation peut cependant s'expliquer par les règles spécifiques que doit respecter chaque créancier public pour la remise de ces dettes.
En revanche, il sera essentiel que les créanciers privés et publics soient informés mutuellement de leurs propres propositions de règlement . D'une part, en effet, les créanciers publics ne pourront, selon les termes de l'article L. 626-4-1 précité, consentir des remises de dettes que « concomitamment à l'effort consenti » par les créanciers privés. D'autre part, il est certain qu'en pratique, les créanciers privés souhaiteront savoir si les créanciers publics qui, bien souvent, figurent parmi les principaux créanciers d'une entreprise en difficulté, seront prêts à accepter des remises de dette à l'égard du débiteur.
La réunion de ces deux comités appartiendrait à l'administrateur judiciaire . En pratique, ce dernier déterminerait les membres de chaque comité à partir de la liste des créanciers qui lui serait remise par le débiteur en application de l'article L. 622-6 du code de commerce, dans sa rédaction proposée par l'article 25 du présent projet de loi.
A l'initiative de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a, avec l'avis favorable du Gouvernement, souhaité préciser que ces comités devaient être réunis dans un délai de trente jours à compter du jugement d'ouverture de la procédure. Il s'agirait donc d'assurer une mise en oeuvre rapide de ces comités, le non respect du délai ne faisant cependant l'objet d'aucune sanction.
2. Modalités de fonctionnement des comités de créanciers
Les deux comités de créanciers constitués par l'administrateur judiciaire seraient appelés à se prononcer sur des propositions du débiteur, ce dernier disposant, seul, d'un pouvoir de proposition en vue de l'élaboration d'un projet de plan de sauvegarde. Ce monopole s'intègre dans la philosophie de la procédure de sauvegarde qui, d'une part, confie au débiteur la décision de solliciter l'ouverture de la procédure et, d'autre part, lui laisse les prérogatives nécessaires pour administrer son entreprise.
Le débiteur devrait présenter ses propositions au plus tard dans un délai de deux mois à compter de la constitution des comités, cette durée étant renouvelable une fois. L'Assemblée nationale a précisé, à la suite d'un amendement de sa commission des lois ayant reçu un avis favorable du Gouvernement, que ce renouvellement ne pourrait intervenir que sur décision du juge-commissaire saisi en ce sens par le débiteur ou l'administrateur.
Le projet de plan soumis aux comités pourrait en particulier comporter , aux termes de la rédaction proposée, modifiée par l'Assemblée nationale, de nouveaux crédits, avances ou apports, ainsi que des conversions de créances. Si l'énumération ainsi faite n'a qu'un caractère illustratif, elle peut avoir le mérite de souligner que le projet de plan présenté aux comités de créanciers pourra ne pas se borner à prévoir de simples délais de paiements ou des remises de dettes.
Toutefois, votre commission estime que, comme toute énumération à caractère illustratif, la rédaction proposée pourrait créer une interprétation a contrario préjudiciable, laissant croire que la procédure de consultation des créanciers, qui serait prévue par les articles L. 626-4 à L. 626-4-2 du code de commerce, ne rendrait pas possible de telles mesures. Elle vous soumet donc un amendent destiné à la supprimer.
Le projet de plan proposé par le débiteur devra également contenir les mesures prévues à l'article L. 626-1-1 du code de commerce, dans la rédaction proposée par l'article 69 bis du présent projet de loi. Afin d'éviter toute ambiguïté à cet égard, votre commission vous propose donc de préciser, par amendement , que ce projet doit avoir le même contenu que celui qui pourrait être présenté au tribunal par l'administrateur judiciaire en l'absence de comités de créanciers.
Sur la base des propositions du débiteur s'engagerait une discussion entre l'administrateur, le débiteur et les comités de créanciers . Celle-ci interviendrait dans des conditions informelles, le texte ne prévoyant aucune procédure idoine.
Votre commission estime nécessaire de faire intervenir expressément le mandataire judiciaire dans le déroulement de la procédure.
Elle vous soumet en conséquence un amendement tendant à prévoir que les comités doivent , avant de se prononcer sur le projet de plan, recueillir l'avis du mandataire judiciaire .
Les comités devraient se prononcer sur l'ensemble du projet présenté dans un délai de trente jours à compter de sa transmission . C'est donc dans ce délai impératif que devra intervenir la discussion prévue avec le débiteur et l'administrateur, cette discussion pouvant permettre la modification du projet de plan afin qu'il recueille plus favorablement l'adhésion des deux comités. A défaut, la procédure d'élaboration de droit commun serait initiée en application de l'article L. 626-32, tel que rédigé par le présent article.
Le texte proposé, précisé par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des lois, fixerait les conditions de majorité dans lesquelles chaque comité de créanciers se prononcerait pour l'adoption ou, à l'inverse, pour le rejet du projet de plan. Une double majorité serait nécessaire, la décision devant être prise, dans chaque comité, à la majorité de ses membres représentant au moins les deux tiers du montant des créances de l'ensemble des membres du comité , ce montant étant celui indiqué par le débiteur et certifié par son commissaire aux comptes ou, s'il n'en dispose pas, établi par son expert-comptable.
Dans le cadre de la procédure d'adoption du projet de plan par les comités, l'Assemblée nationale, à la suite d'un amendement de sa commission des lois ayant reçu un avis favorable du Gouvernement, a souhaité alléger la charge de la vérification des créances en prévoyant que, lorsque le montant de la créance déclaré par l'un des membres du comité correspond au montant indiqué par le débiteur, il ne serait pas procédé à sa vérification.
En ce cas, l'arrêté du plan par le tribunal vaudrait admission de cette créance. Par application de l'adage fraus omnia corrompit , tout intéressé pourrait néanmoins invoquer la fraude pour contester cette admission. L'admission résultant de la présente disposition deviendrait définitive lorsque le jugement d'arrêté du plan le serait.
L'Assemblée nationale a enfin souhaité, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, accroître la liberté des comités de créanciers et du débiteur dans la détermination du contenu du plan . A cet effet, elle a précisé que le projet de plan adopté n'était soumis :
- ni aux dispositions de l'article L. 626-9, tel que rédigé par l'article 78 du présent projet de loi, ce qui implique que le projet de plan adopté pourrait dépasser la durée maximale de dix ou quinze ans ;
- ni à celles de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 626-15 tel que résultant l'article 83 du présent projet de loi. En conséquence, les annuités prévues par le projet de plan pourront, le cas échéant, être inférieures à 5 % du passif admis.
Les dispositions de l'article L. 626-27, dans la rédaction proposée par le présent article, seraient applicables à la procédure de redressement judiciaire en vertu de l'article L. 631-15 du même code, dans la rédaction issue de l'article 102 du présent projet de loi, à l'exception de celles relatives à l'absence de vérification de certaines créances. Ainsi, quand bien même le montant de sa créance déclaré par l'un des membres d'un comité serait identique à celui indiqué par le débiteur, une vérification de cette créance devrait néanmoins être effectuée dans le cadre de cette procédure.
* 160 Article L. 311-1 du code monétaire et financier. Ces établissements peuvent également effectuer des opérations connexes à leur activité, définies par l'article L. 311-2 du même code.