Article L. 631-13 nouveau du code de commerce
Présentation d'offres de reprise par des tiers

L'article L.631-13 permettrait, au cours de la procédure de redressement judiciaire, la présentation d'offres , soumises par des tiers, tendant à la reprise de l'entreprise, dans sa totalité ou pour certains de ses éléments. Cet article tendrait donc à reprendre les dispositions figurant actuellement au premier de l'article L. 621-57 du code de commerce.

L'objectif de ces offres resterait le maintien de l'activité de l'entreprise , quand bien même la responsabilité de cette dernière et la propriété de tout ou partie de ses outils de production seraient, du fait de la cession proposée, enlevées au débiteur pour être confiées à un ou plusieurs tiers.

Toutefois, contrairement au texte actuel, l'article L. 631-13 renverrait, pour la définition des modalités de cession, totale ou partielle, aux dispositions « de la section 1 du chapitre II du titre IV », c'est-à-dire aux modalités de réalisation des actifs par voie de cession dans le cadre de la liquidation judiciaire.

Ce renvoi s'explique par la volonté du Gouvernement de regrouper au sein de la liquidation judiciaire l'ensemble des opérations à caractère liquidatif qui comprennent notamment la réalisation des cessions d'entreprise ou d'éléments de production. C'est d'ailleurs pour cette raison, de nature strictement juridique, que le projet de loi, dans sa rédaction initiale, imposait l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire dans le but de permettre la cession de l'entreprise. Toutefois, l'Assemblée nationale a prévu, en instituant un article L. 631-18, qu'il serait également possible d'opérer des cessions totales ou partielles de l'entreprise dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire.

Article L. 631-14 nouveau du code de commerce
Applicabilité des dispositions relatives à la période d'observation,
au bilan économique, social et environnemental, à la détermination
du patrimoine du débiteur, et au règlement des créances résultant
du contrat de travail prévues dans le cadre de la procédure de sauvegarde Régime de licenciement simplifié

L'article L. 631-14 rendrait applicables à la procédure de redressement les dispositions relatives à la période d'observation, au bilan économique, social et environnemental, à la détermination du patrimoine du débiteur, et au règlement des créances résultant du contrat de travail prévues dans le cadre de la procédure de sauvegarde. Toutefois, cette extension ne serait pas intégrale, certains dispositifs étant aménagés dans le cadre de la procédure de redressement.

1. L'application des dispositions relatives à la période d'observation

Le I de l'article L. 631-14 rendrait applicables à la procédure de redressement judiciaire les articles L. 622-2 à L. 622-31 du code de commerce , tels qu'ils résulteraient du présent projet de loi et en particulier de ses articles 25 à 44.

Au cours de la période d'observation, le régime juridique imposé au débiteur et à ses créanciers serait donc le même que celui applicable dans le cadre de la procédure de sauvegarde . Il en serait ainsi, en particulier, de l'ordre de paiement des créances défini à l'article L. 622-15 dans la rédaction proposée par l'article 34 du projet de loi.

Toutefois, le texte proposé prévoirait trois dispositions dérogatoires :

- en matière de contestation des décisions du juge-commissaire statuant sur le rejet ou l'admission des créances. Contrairement à la procédure de sauvegarde, le droit de recours, prévu par le premier alinéa de l'article L. 624-3 dans sa rédaction issue de l'article 51 du présent projet de loi, serait ouvert à l'administrateur . Cette disposition, résultant d'un amendement de la commission des lois, adopté par l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement, tend à tirer les conséquences de l'exercice, par l'administrateur, d'une mission d'administration de l'entreprise dans le cadre de la procédure de redressement. De fait, la rédaction proposée permettrait de revenir à l'état du droit positif ;

- en matière d'arrêt du cours des intérêts. Contrairement à la procédure de sauvegarde, les personnes physiques « cautions et coobligées ou ayant donné une garantie autonome » ne pourraient se prévaloir de l'arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que des intérêts de retard et majorations, prévu par le premier alinéa de l'article L. 622-26 dans la rédaction issue de l'article 42 du projet de loi. Cette dérogation, introduite par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des lois, avec l'avis favorable du Gouvernement, permet de réserver l'avantage que constitue l'arrêt du cours des intérêts à la seule procédure de sauvegarde, afin d'inciter le débiteur à recourir à une procédure collective sans attendre que sa cessation des paiements soit avérée ;

- concernant l'obligation faite à l'administrateur ou, lorsqu'il n'en pas été désigné un, au débiteur, de présenter un rapport relatif à la capacité de l'entreprise à financer la poursuite de son activité au cours de la période d'observation . Cette obligation, initialement prévue par l'article 29 du présent projet de loi, qui tendait à créer un article L. 622-10 à cet effet, a été supprimée dans le cadre de la procédure de sauvegarde par l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement 193 ( * ) . Elle a été rétablie , au sein d'un nouveau paragraphe ( I bis ), dans le cadre de la procédure de redressement , à la suite d'un amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Ce rapport serait destiné à s'assurer de la viabilité de l'entreprise au cours de la période d'observation. A défaut, le tribunal devrait prendre l'une des décisions mentionnées à l'article L. 622-10-1 du code de commerce, tel qu'il serait rédigé par le présent article 29. Le rapport prévu se substituerait d'ailleurs au rapport du juge-commissaire, actuellement exigé par l'article L. 621-27 du code de commerce.

Il devrait être remis au juge-commissaire :

- dans les deux mois du jugement d'ouverture ;

- ou, lorsque le débiteur exerce une activité agricole, dans un délai fixé par le tribunal en fonction de l'année culturale en cours et des usages spécifiques aux productions de l'exploitation. En effet, la capacité financière d'une entreprise agricole ne peut s'analyser qu'en fonction des données culturales qui, par leur nature même, peuvent changer d'une saison à l'autre.

En l'absence de rapport au terme de ces délais, le tribunal devrait mettre un terme à la procédure de redressement . En tout état de cause, au terme de ces délais, le tribunal pourrait ordonner la poursuite de la période d'observation s'il lui apparaît que l'entreprise dispose des capacités de financement suffisantes à cette fin .

2. L'application des dispositions relatives au bilan économique, social et environnemental à la détermination du patrimoine du débiteur, et au règlement des créances résultant du contrat de travail

Le II de l'article L. 631-14 prévoirait l'application des dispositions des chapitres III, IV et V du titre II du livre VI du code de commerce.

Le régime de la procédure de sauvegarde s'appliquerait donc, tel quel et sans aucune modification s'agissant :

- des modalités d'élaboration du bilan économique, social et environnemental du débiteur , qui seraient prévues par les articles L. 623-1 à L. 623-2 du code de commerce, dans leur rédaction issue du présent projet de loi ;

- des conditions de vérification et d'admission des créances , des droits du conjoint ainsi que des droits du vendeur de meubles , des revendications et des restitutions, qui seraient définis par les articles L. 624-1 à L. 624-18 dans leur rédaction résultant du présent projet de loi.

Toutefois, il y a lieu de préciser que l'article L. 624-3 dans sa rédaction issue de l'article 51 du présent projet de loi, s'appliquerait, comme mentionné précédemment, selon une version modifiée. Votre commission vous proposera d'ailleurs, dans le cadre d'un amendement de réécriture globale de l'article L. 631-14, de faire apparaître cette particularité d'application ;

- des modalités de règlement des créances résultant du contrat de travail , résultant des articles L. 625-1 à L. 625-9, dans leur rédaction issue du présent projet de loi.

3. L'application d'un régime de licenciement pour motif économique simplifié au cours de la période d'observation

Le III de l'article L. 631-14 reprendrait, sans modification, les dispositions de l'article L. 621-37 du code de commerce qui prévoient un régime de licenciement pour économique dérogatoire au droit commun au cours de la période d'observation. Toutefois, comme actuellement, le régime de licenciement pour motif personnel s'appliquerait dans les conditions du droit commun.

Ce dispositif constituerait donc l'une des différences majeures entre la procédure de redressement et la procédure de sauvegarde puisque, au cours de cette dernière, le régime du licenciement pour motif économique de droit commun, défini aux articles L. 321-1 et suivants du code du travail, trouverait à s'appliquer.

Selon la rédaction proposée, l'administrateur aurait la possibilité de procéder aux licenciements pour motif économique présentant un caractère « urgent, inévitable et indispensable » .

A cet effet, l'administrateur aurait l'obligation, en premier lieu :

- d'une part, de consulter le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel dans les conditions prévues à l'article L. 321-9 du code du travail 194 ( * ) ;

- et d'autre part, d'informer l'autorité administrative compétente dans les conditions prévues à l'article L. 321-8 du même code 195 ( * ) .

En second lieu, l'administrateur ne pourrait procéder aux licenciements projetés qu'après avoir obtenu l'autorisation du juge-commissaire . Rappelons, à cet égard, que la jurisprudence considère que l'absence de visa, dans la lettre de licenciement adressée par l'administrateur au salarié, de l'ordonnance du juge-commissaire autorisant ce licenciement rend ce dernier dépourvu de cause réelle et sérieuse 196 ( * ) .

A l'appui de sa demande d'autorisation, l'administrateur devrait alors adresser au juge-commissaire, l'avis recueilli et les justifications de ses diligences en vue de faciliter l'indemnisation et le reclassement des salariés concernés par la mesure envisagée. De fait, selon la jurisprudence, l'administrateur est tenu de respecter l'obligation de reclassement qui s'impose à tout employeur à l'égard de ses salariés 197 ( * ) .

Votre commission vous propose deux amendements tendant à réécrire l'ensemble du texte proposé par l'article 102 pour rédiger l'article L. 631-14, dans le but :

- d'en améliorer la lisibilité et l'intelligibilité ;

- d'assurer la cohérence des renvois opérés par cet article aux dispositions applicables à la procédure de sauvegarde, certains dispositifs ne pouvant s'appliquer sans modification à la procédure de redressement ;

- et d'alléger l'obligation d'établir un rapport sur la capacité de financement de l'entreprise au cours de la période d'observation ;

- de prévoir la mise en cause systématique de l'AGS dans le cadre des instances prud'homales en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire .

En effet, faute d'une disposition spécifique dans le cadre du présent article, la mise en cause de l'AGS ne serait pas possible, dans la mesure où, par un amendement créant un article additionnel après l'article 64 du présent projet de loi, votre commission a supprimé, pour la seule procédure de sauvegarde, l'intervention de l'AGS dans le cadre de ces instances, estimant que le débiteur, qui n'est par définition pas en cessation des paiements, doit faire son affaire personnelle de ces procédures et des condamnations éventuelles qui pourraient survenir. Votre commission vous propose dès lors de reprendre sans modification de substance les dispositions figurant actuellement à l'article L. 621-126 du code de commerce ;

- de permettre la clôture de la procédure de redressement judiciaire au cours de la période d'observation, lorsque le débiteur dispose des sommes nécessaires au désintéressement de ses créanciers et au paiement des frais et dettes nées de la procédure . Il s'agit, en réalité, de mettre fin à une situation ubuesque rencontrée dans la pratique.

Dans certains cas, le débiteur à l'égard duquel une procédure de redressement a été ouverte peut en effet voir son actif reconstitué par de nouveaux apports (tels qu'une subvention publique ou une donation) avant l'arrêté d'un plan de redressement par le tribunal. Or, actuellement, la procédure ne pouvant être clôturée qu'après l'arrêté d'un plan, les tribunaux sont contraints d'arrêter un plan comportant une échéance unique, alors que les fonds disponibles du débiteur n'exigent en rien une telle mesure. Il est donc à la fois plus simple et moins coûteux pour le débiteur de donner la possibilité au tribunal de mettre fin à la procédure après avoir constaté que la situation financière restaurée du débiteur rend celle-ci sans objet.

Le dispositif qui vous est soumis par votre commission s'inspire d'une possibilité reconnue, antérieurement à la loi du 25 janvier 1985, par l'article 93 de la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les banqueroutes. Il est, par ailleurs, en cohérence avec la possibilité reconnue par l'article L. 622-10-2 du code de commerce, dans sa rédaction proposée par l'article 29 du projet de loi, de mettre fin à la procédure de sauvegarde avant l'arrêté du plan.

Le tribunal, saisi par le seul débiteur, se prononcerait dans les mêmes conditions de procédure que lorsqu'il ordonne la cessation partielle d'activité ou prononce la liquidation en cours de période d'observation, c'est-à-dire après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l'administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs et les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, et avoir recueilli l'avis du ministère public.

* 193 Voir supra, le commentaire de l'article 29 du présent projet de loi.

* 194 Article L. 321-9 du code du travail : « En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'administrateur ou, à défaut, l'employeur ou le liquidateur, suivant les cas, qui envisage des licenciements économiques doit réunir et consulter le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel dans les conditions prévues aux premier, deuxième, et troisième alinéas de l'article L. 321-3 et aux articles L. 321-4, L. 321-4-1, à l'exception du deuxième alinéa, L. 422-1, cinquième et sixième alinéas, et L. 432-1, troisième alinéa. »

* 195 Article L. 321-8 du même code : « En cas de redressement ou de liquidation judiciaires, l'administrateur ou, à défaut l'employeur ou le liquidateur suivant les cas, doit informer l'autorité administrative compétente avant de procéder à des licenciements pour motif économique dans les conditions prévues aux articles 45, 63, 148-3, 148-4, 153 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises. »

* 196 Cour de cassation, ass. plénière, 24 janvier 2003, Bull. civ. n° 1.

* 197 Cour de cassation, ch. sociale, 8 juin 1999, n° 96-44.811.

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