II. AUDITION DU MINISTRE

Réunie le mardi 28 juin 2005 , sous la présidence de Mme Valérie Létard, vice-président , la commission a procédé à l' audition de Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, sur le projet de loi n° 343 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a considéré que le projet de loi en faveur de l'égalité salariale entre les femmes et les hommes est un projet de justice, visant à remédier, en cinq ans, aux écarts de rémunération entre les hommes et les femmes grâce à une obligation de résultat imposée aux entreprises. Il est aussi un projet au service de l'efficacité économique et sociale, destiné à favoriser l'accès des femmes aux emplois qualifiés et aux postes de responsabilité, grâce à une meilleure conciliation entre leur vie professionnelle et personnelle, et à relever le défi de la baisse du nombre d'actifs constatée sur le marché du travail. Il est enfin un projet de loi rendu nécessaire par l'inapplication relative des lois antérieures, notamment la loi du 9 mai 2001 sur l'égalité professionnelle qui, malgré des avancées notables, n'a pas pleinement atteint ses objectifs, puisque l'écart des salaires entre les hommes et les femmes s'élève encore à plus de 20 % en France.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a ensuite exposé les raisons de ces inégalités : la concentration des femmes dans les dix familles professionnelles les moins qualifiées et les moins bien rémunérées (textile, hôtellerie-restauration, services à la personne, grande distribution) ; l'orientation des filles, dès l'école, vers les filières de formation dites féminines ; la concentration des femmes dans les emplois précaires d'intérim, à durée déterminée et à temps partiel ; la présence limitée des femmes aux postes de responsabilités dans la plupart des secteurs professionnels. Au demeurant, le Gouvernement a l'intention de réunir les partenaires sociaux dès cet été pour discuter des emplois à temps partiel majoritairement occupés par les femmes.

Ce diagnostic conforte l'engagement du Président de la République, pris au début de cette année, de ramener enfin à zéro l'écart salarial entre les femmes et les hommes. Cette volonté est partagée par les partenaires sociaux, comme le montre la signature unanime, le 1 er mars 2004, de l'accord national interprofessionnel relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qui a inspiré le dispositif du projet de loi.

Pour atteindre ses objectifs, Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a indiqué qu'elle s'appuierait sur un calendrier et une méthode : le calendrier prévoit la suppression des écarts salariaux en cinq ans ; la méthode privilégie le dialogue social, avec un dispositif à deux étages reposant d'abord sur la négociation collective, puis, dans quelques années, sur un dispositif plus contraignant, soumettant les entreprises récalcitrantes à une contribution financière assise sur la masse salariale.

Elle a fait valoir que, si ce calendrier et cette méthode laissent aux acteurs sociaux la liberté et le temps d'agir, elle a conscience que tous ne marcheront pas au même pas : de fait, si le ministre chargé du travail constate que certaines branches professionnelles ne négocient pas ou n'y parviennent pas, il pourra demander, au bout d'un an, la réunion d'une commission mixte paritaire pour relancer la négociation. De plus, si le thème de l'égalité salariale n'apparaît pas dans les accords de branche dont les partenaires sociaux lui demandent l'extension, alors, il refusera cette extension. Enfin, en ce qui concerne les entreprises, les accords salariaux ne seront enregistrés, donc validés et opposables aux tiers, que s'ils sont accompagnés d'un procès-verbal d'engagement des négociations menées sur la base d'un diagnostic adapté à leur situation.

Estimant que l'égalité professionnelle ne se limite pas aux salaires, Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a proposé d'actionner des leviers supplémentaires.

Pour aider les femmes à mieux concilier leur emploi et leur vie familiale, elle a souhaité que la salariée en congé maternité ou d'adoption bénéficie non seulement des augmentations collectives, mais également de la moyenne des augmentations individuelles perçues par ses collègues pendant son absence. En outre, pour les PME, le texte facilite les modalités de remplacement des salariées parties en congé de maternité et intègre mieux la dimension de l'égalité professionnelle dans le dispositif actuel de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Il renforce également l'accès à la formation des femmes à la sortie du congé parental d'éducation lorsqu'elles sont amenées à changer d'emploi et il sanctionne les discriminations liées à la grossesse.

En ce qui concerne la participation des femmes aux instances délibératives et juridictionnelles, elle a affirmé son intention d'améliorer leur place au sein du conseil des prud'hommes dans la perspective des élections de 2008, avant de se réjouir que l'Assemblée nationale ait proposé de renforcer les modalités de mise en oeuvre de la parité au sein des conseils d'administration des entreprises publiques et des sociétés anonymes.

Elle a alors invité l'État actionnaire à faire preuve d'exemplarité en la matière, avant d'annoncer que le ministère de la fonction publique a engagé des négociations avec les partenaires sociaux sur cette question.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a conclu que l'égalité salariale est un enjeu important qui justifie que notre pays assure une place équitable à la moitié de sa population dans tous les secteurs de la vie publique, sociale et professionnelle. Elle a ajouté que sa démarche est animée par un souci de justice, de dynamisme économique, mais également de cohésion sociale.

Mme Esther Sittler, rapporteur, a pris acte de l'intention du Gouvernement de se saisir de la question du travail à temps partiel subi. Abordant les conséquences financières des congés liés à la maternité, elle a souhaité savoir si les raisons budgétaires suffisent à expliquer que le congé parental d'éducation et le congé de présence parentale soient si faiblement pris en compte dans le projet de loi. Elle s'est notamment demandé s'il ne conviendrait pas d'étendre aux femmes bénéficiaires de ce type de congés les mesures d'augmentations salariales proposées à l'article premier et de mieux prendre en compte la période d'absence pour le calcul du droit individuel à la formation (DIF).

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a répondu qu'au-delà des raisons budgétaires, l'extension du projet de loi aux congés de présence parentale et parental d'éducation, par nature d'une durée très longue, poserait un problème d'équité par rapport aux autres congés, de plus courte durée. Il est préférable, à son sens, de renforcer l'employabilité des femmes de retour de congé lorsqu'elles se sont trouvées longtemps éloignées de leur emploi.

Mme Esther Sittler, rapporteur, a exposé le dispositif du texte appliquant aux salariés de retour de congé les augmentations salariales individuelles perçues par leurs collègues et a fait valoir les inquiétudes qu'il inspire aux entreprises. Elle a indiqué son intention de proposer à la commission un amendement pour calculer l'augmentation salariale à laquelle peut prétendre la salariée de retour de congé de maternité ou d'adoption à partir des augmentations qu'elle aura elle-même perçues au cours des trois années précédentes.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, n'a pas soutenu cette proposition, car elle a jugé que les augmentations individuelles de salaires sont liées à l'évolution du chiffre d'affaires des entreprises. Dans ces conditions, il ne convient pas d'imposer aux entreprises des augmentations salariales fondées sur la moyenne de celles perçues les années précédentes.

Mme Esther Sittler, rapporteur, a objecté que tel est pourtant le principe posé par le projet de loi et que l'amendement qu'elle envisage permettra justement d'éviter aux entreprises des difficultés financières supplémentaires.

Elle a ensuite évoqué les dispositions du texte destinées aux petites entreprises de moins de vingt salariés pour demander si elles auront une réelle portée pratique, sachant que cette catégorie d'entreprises n'a pas de spécificité juridique.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a répondu que l'intérêt de cette disposition réside moins dans sa portée pratique que dans sa valeur symbolique pour sensibiliser les petites entreprises à la question de l'égalité hommes/femmes.

Abordant ensuite la négociation de branche et d'entreprise relative à l'égalité salariale, Mme Esther Sittler, rapporteur, a regretté la complexité de la procédure, qui multiplie les rapports élaborés par différents conseils, ce qui allongera d'autant les délais d'aboutissement.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a justifié cette procédure par la nécessité d'évaluer précisément le projet de loi ; toutefois, elle a annoncé qu'elle ne serait pas hostile à sa simplification.

Mme Esther Sittler, rapporteur, ayant souhaité connaître son avis sur l'extension éventuelle du crédit d'impôt famille aux entreprises qui engagent des dépenses de formation en faveur du recrutement de salariés dont le licenciement est intervenu pendant un congé parental d'éducation, Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a estimé l'idée excellente.

Evoquant le taux de représentation des femmes dans les grandes entreprises privées, Mme Esther Sittler, rapporteur, a relayé les inquiétudes des sociétés anonymes, qui craignent que l'instauration d'un quota obligatoire de femmes dans les conseils d'administration ne corresponde pas aux réalités de fonctionnement de l'entreprise.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité a relevé que l'objectif, fixé à 20 % de femmes dans les conseils d'administration des sociétés anonymes, ne lui semble pas excessif, dès lors que les femmes représentent 52 % de la population.

Rappelant que les lois « Roudy » et « Génisson » proposaient déjà des dispositifs équivalents à celui du présent projet de loi, M. Roland Muzeau a estimé que la difficulté d'atteindre l'égalité salariale s'explique à la fois par l'absence de sanction des entreprises récalcitrantes et par l'ampleur du phénomène du temps partiel imposé aux femmes, en particulier dans la grande distribution. Il s'est déclaré peu convaincu de la volonté de la partie patronale de remédier à la précarisation de l'emploi féminin.

En ce qui concerne la conciliation de la vie professionnelle et familiale, il a affirmé que les intentions louables du Gouvernement ne suffiront pas à dissuader son groupe d'émettre des propositions supplémentaires. Enfin, il a dénoncé l'impact négatif de la loi portant réforme des retraites sur le revenu des retraitées, dont un grand nombre perçoit désormais un revenu inférieur au minimum vieillesse.

Revenant sur l'opportunité de sanctionner les entreprises, Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a plaidé pour une solution de concertation, la sanction n'étant qu'un ultime recours. Elle a ensuite confirmé sa volonté de réunir les partenaires sociaux, dès cet été, afin de limiter le développement du travail à temps partiel subi.

Avouant le peu d'espoir qu'elle place dans ce texte, Mme Gisèle Printz a jugé qu'il aurait été préférable de contraindre, plutôt que de sanctionner financièrement, les entreprises récalcitrantes. Elle a déploré également que le projet de loi ne formule pas de proposition pour limiter le recours au travail à temps partiel subi.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a rappelé que si ce texte complète les précédents, il procède d'une démarche différente, davantage axée sur la négociation collective, la sanction, qu'elle ne différencie d'ailleurs pas de la contrainte, constituant une hypothèse extrême.

Mme Valérie Létard, présidente, a proposé que l'accent soit surtout mis sur les moyens de favoriser le retour à l'emploi des femmes isolées, avec ou sans enfant. Elle a annoncé que le groupe de travail sur les minima sociaux, constitué au sein de la commission, mettrait l'accent sur ce point.

Mme Bernadette Dupont a constaté que les inégalités professionnelles ont essentiellement pour cause les erreurs d'orientation scolaire des filles que les enseignants de l'éducation nationale ont tendance à diriger vers des métiers peu valorisants. Ensuite, elle s'est interrogée sur l'opportunité de demander aux employeurs de supporter le coût financier des congés liés à la maternité, en lieu et place de l'État à travers sa politique familiale. Enfin, elle a désapprouvé toute idée de sanctionner des entreprises déjà en difficulté dans le contexte économique actuel.

Pour améliorer l'orientation des filles, Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a annoncé la conclusion d'une convention entre l'éducation nationale et le ministère de la culture et a rappelé la mise en place d'un module spécifiquement dédié à la parité dans les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM).

Pour ce qui concerne la prise en charge des incidences financières des congés liés à la maternité, elle a indiqué que l'État assume déjà les prestations de maternité et les primes accordées aux petites entreprises qui souhaiteront embaucher pour assurer le remplacement des salariées en congé.

M. Jean-Pierre Godefroy a attiré l'attention de la ministre sur le fait que si la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, a prévu d'allonger la durée du congé maternité accordé aux mères d'enfants prématurés, ces périodes supplémentaires ne sont pas rémunérées.

M. Paul Blanc a ajouté que cette proposition avait reçu un accueil favorable de la commission et du Sénat. Il a fait observer que les certificats médicaux d'arrêt de travail de complaisance, qui sont souvent accordés à ces femmes en détresse, ont également un coût important et qu'il conviendrait d'organiser ce régime d'une manière plus juste.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, s'est engagée à demander à ses services l'expertise de cette demande.

Après avoir rappelé que le groupe communiste républicain et citoyen avait déjà déposé une proposition de loi sur l'égalité salariale, M. Guy Fischer a dénoncé l'ampleur du phénomène de précarité des femmes, en particulier dans la fonction publique.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a assuré partager les inquiétudes des commissaires vis-à-vis du temps partiel subi, comme le prouve la décision du Gouvernement de confier un rapport sur ce sujet à Mme Françoise Milewski, membre de l'Office français des conjonctures économiques (OFCE). Dans le même esprit, le Gouvernement a chargé M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique, de se saisir de la question de la précarité dans la fonction publique.

M. Alain Gournac s'est réjoui de l'intention du Gouvernement de privilégier la concertation plutôt que la sanction d'une part, parce qu'il est devenu urgent de remobiliser l'ensemble des acteurs sur la question de l'égalité salariale, d'autre part, parce que les entreprises préféreront souvent acquitter des pénalités financières plutôt que d'embaucher des femmes. Les sanctions peuvent avoir des effets pervers, comme l'a prouvé l'échec de la contribution dite « Delalande » en faveur des seniors.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a insisté sur le caractère novateur de certaines initiatives patronales, telles que l'opération industrielle menée par l'Union des industries minières et métallurgiques (UIMM) pour faire connaître aux femmes les métiers qu'elle propose.

Elle a conclu en soulignant combien les amendements au projet de loi adoptés par l'Assemblée nationale constituent des avancées significatives, tels l'obligation des entreprises à s'engager sérieusement et loyalement dans la négociation ou encore le bénéfice des augmentations salariales étendu aux femmes de retour de congé de maternité ou d'adoption.

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