ARTICLE 42 - Mesures modifiant la répartition du droit de consommation du droit sur les tabacs et d'autres recettes fiscales

Commentaire : le présent article a trois objets : déterminer les modalités d'adossement du régime d'assurance maladie des marins au régime général de la sécurité sociale ; fixer les modalités de compensation des allègements de prélèvements obligatoires résultant des dispositions de l'ordonnance n° 2005-895 de 21 août 2005 ; modifier la clé de répartition du produit du droit de consommation sur les tabacs.

I. L'ADOSSEMENT DU RÉGIME DE L'ASSURANCE MALADIE DES MARINS AU RÉGIME GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

A. LE DROIT EXISTANT

Le régime spécial de sécurité sociale des marins , géré par l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM), couvre d'une part la branche maladie, maternité, invalidité, décès, accident du travail, et d'autre part la branche vieillesse.

Le statut de l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM)

L'ENIM est un établissement public national, à caractère administratif, doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière, placé sous l'autorité directe du ministre chargé de la marine marchande. L'ENIM présente la particularité d'être, à la fois, une direction d'administration centrale du ministère des transports, de l'équipement du tourisme et de la mer et un établissement public administratif .

Le risque vieillesse est couvert par la Caisse de retraites des marins (CRM), régie par le code des pensions de retraite des marins. Il représente la principale charge de l'ENIM . Les règles relatives aux prestations d'assurance vieillesse, qui n'ont pas été concernées par la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, reflètent la pénibilité et la dangerosité du métier. Il s'agit de règles spécifiques, tant pour les règles de calcul de la pension que pour la date d'entrée en jouissance de cette pension.

La protection contre les risques maladie, maternité, décès, invalidité, accidents du travail est assurée par la Caisse générale de prévoyance (CGP) , régie par le décret du 17 juin 1938 modifié. Les règles de la branche maladie se distinguent de celles du régime général pour l'indemnisation des maladies ou des accidents survenus à bord des navires, car les armateurs (à l'exclusion des entreprises artisanales) sont soumis à l'obligation, résultant du code du travail maritime, de prendre en charge soins et salaires pendant un mois pour les marins blessés ou tombés malades au service des navires.

Par ailleurs, l'ENIM renforce son lien de proximité avec les gens de mer en complétant leur protection sociale par un ensemble d'actions et de mesures ciblées (versement de prestations extralégales, secours et subventions aux institutions sociales maritimes). L'action sanitaire et sociale de l'ENIM s'articule pour l'essentiel autour de quatre grands axes : l'aide aux personnes âgées, les subventions aux institutions sociales et de prévention maritimes ainsi que les autres actions de prévention, les aides financières individuelles aux marins et l'aide aux personnes handicapées.

Les cotisations ne représentent que 14 % des ressources propres de l'ENIM, qui est par ailleurs financé à hauteur de 35 % par les transferts inter-régimes et quelques produits exceptionnels.

Le déficit structurel du régime (43.000 actifs pour 222.000 personnes protégées, dont 122.000 pensionnées) est donc pris en charge par la solidarité nationale au travers du programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » de la mission « régimes sociaux et de retraite ».

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le I du présent article tend à insérer, dans le code de la sécurité sociale, un nouvel article L. 715-2 , afin d'adosser à compter du 1 er janvier 2006 le régime de l'assurance maladie des marins au régime général.

Le 1 du I du présent article prévoir ainsi que le régime de l'assurance maladie des marins, géré par la caisse générale de prévoyance de l'ENIM, bénéficiera d'une contribution d'équilibre versée par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), prenant en compte l'ensemble des dépenses du régime.

Le montant définitif de cette contribution d'équilibre due par le régime général sera fixé chaque année par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale, de la mer et du budget.

Le 2 du I prévoit que les modalités de versement de cette contribution d'équilibre seront déterminées par une convention conclue entre, d'une part, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et la CNAMTS et, d'autre part, l'ENIM. Il est précisé que cette convention est soumise à l'approbation des ministres chargés de la sécurité sociale, de la mer et du budget .

Le 3 du I précise que ces dispositions prennent effet au 1 er janvier 2006.

Pour 2006, les recettes du régime spécial de sécurité sociale des marins devraient donc évoluer conformément au tableau suivant :

Evolution des recettes de l'ENIM

(en millions d'euros)

RECETTES

Budget 2004

Exécution 2004

Budget 2005

Evaluation exécution 2005

Budget 2006

Part des recettes dans le budget 2006

Evolution budget 2006 / budget 2005

Cotisations et contributions

215,87

200,41

222,56

221,21

174,97

11,2%

-21,38%

Compensations inter-régimes et transferts CSG - FSV/FSI

490,36

493,99

468,81

463,81

495,68

31,7%

5,73%

Autres produits (produits de gestion, reprises sur provisions et produits exceptionnels)

43,58

38,56

33,33

33,27

32,68

2,1%

-1,95%

TOTAL DES RECETTES HORS SUBVENTION

749,81

732,96

724,7

718,29

703,32

45,0%

-2,95%

SUBVENTION DE L'ETAT

777,77

777,77

822

822

684,18

43,8%

-16,77%

« Subvention » du Régime général

0

0

0

0

174

11,1%

n.s.

TOTAL RECETTES

1 527,58

1 510,73

1 546,70

1 540,29

1 561,50

100%

0,96%

L'exposé des motifs du présent article précise que cet adossement financier sera effectué sans modification des droits des assurés, ni des structures eu égard à l'organisation administrative particulière du régime des marins, qui répond aux spécificités de ce secteur économique .

Le coût de cet adossement pour la CNAMTS est estimé à 174 millions d'euros en 2006 . En contrepartie la subvention accordée par l'Etat à l'ENIM est minorée d'un montant équivalent.

La compensation accordée à la CNAMTS, prévue par le III du présent article (cf. infra), passe par une majoration de la fraction du droit de consommation sur les tabacs qui lui est affectée.

II. LA COMPENSATION DES ALLÈGEMENTS DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES PRÉVUS PAR L'ORDONNANCE N° 2005-895 DU 21 AOÛT 2005

A. LE DROIT EXISTANT

S'engageant à faire de la politique en faveur l'emploi sa priorité, le gouvernement a demandé au Parlement, au début de l'été 2005, de l'habiliter à légiférer par ordonnances pour prendre des mesures d'urgence en faveur de l'emploi 264 ( * ) . Le gouvernement avait notamment indiqué qu'il entendait alléger les conséquences financières, pour les entreprises, du franchissement du seuil de dix salariés. Trois dispositifs ont été particulièrement visés : la participation des employeurs à l'effort de construction, la participation aux ressources du Fonds national d'aide au logement et la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle.

En conséquence, le cinquième alinéa (4°) de l'article unique de la loi n° 2005-846 du 26 juillet 2005 habilitant le gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi a autorisé le gouvernement à prendre toute mesure visant à « alléger, pour les employeurs occupant moins de vingt salariés ou atteignant ou dépassant cet effectif, les effets financiers résultant de l'application des articles L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation, L. 834-1 du code de la sécurité sociale, L. 951-1 du code du travail et 253 ter EA du code général des impôts, moyennant une compensation par l'Etat de la diminution éventuelle des ressources pour les bénéficiaires des versements et contributions institués par les articles susmentionnés ».

Trois bénéficiaires sont ainsi visés : l'Union d'économie sociale pour le logement, le Fonds national d'aide au logement et les organismes collecteurs de l'effort des employeurs en faveur de la formation professionnelle.

En application des dispositions de la loi du 26 juillet 2005 précitée, l'ordonnance n° 2005-895 du 2 août 2005 relevant certains seuils de prélèvements obligatoires et tendant à favoriser l'exercice d'une activité salariée dans des secteurs professionnels connaissant des difficultés de recrutement procède, dans ses articles 1 à 3, aux ajustements nécessaires des articles des différents codes visés. Afin de favoriser l'embauche des salariés, le seuil au-delà duquel les contributions sont dues par les employeurs est relevé de 10 à 20 salariés et aménagé, s'agissant de la participation au développement de la formation professionnelle, pour les entreprises de 10 à 19 salariés.

L'article 4 de l'ordonnance précitée du 2 août 2005 confirme le principe de la compensation par l'Etat, dans des conditions déterminées en loi de finances, des éventuelles diminutions de ressources qui résulteraient de ces articles.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Tirant les conséquences des dispositions précitées , le II du présent article vient préciser les modalités de compensation, par l'Etat, des pertes de ressources subies par les différents organismes concernés par les mesures adoptées dans le cadre de l'ordonnance du 2 août 2005 précitée.

1. La compensation accordée à l'Union d'économie sociale pour le logement

Le 1 du II du présent article prévoit d'affecter à l'Union d'économie sociale pour le logement (UESL), à compter du 1 er janvier 2006, une part du produit de la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage, régie par l'article 231 ter du code général des impôts.

En application de l'article L. 4414-7 du code général des collectivités territoriales, une fraction du produit de cette taxe est affectée à la région Ile-de-France, depuis le 1 er janvier 2000. Cette fraction est fixée à 50 %, dans la limite de 182.938.800 euros (depuis 2004).

Le reste du produit de la taxe revenait aujourd'hui à l'Etat. Le 1 du II du présent article modifie cette répartition en prévoyant que l'Union d'économie sociale pour le logement se voit affecter 80,25 % de la part de produit de cette taxe restant après affectation de la part précédemment mentionnée à la région Ile-de-France.

Ceci représenterait pour l'UESL une recette de 130 millions d'euros en 2006.

2. La compensation accordée au Fonds national d'aide au logement

Le 2 du II du présent article prévoit d'affecter, à compter du 1 er janvier 2006, une part de 1,48 % du produit du droit de consommation sur les tabacs au Fonds national d'aide au logement, ce qui devrait représenter une recette de 139,86 millions d'euros en 2006. Le texte proposé par le présent article précise que cette fraction vient en diminution de la fraction de droit de consommation sur les tabacs actuellement affectée à l'Etat (14,83 % du produit de ce droit, en application des dispositions de l'article 61 de la loi de finances pour 2005 265 ( * ) ).

3. La compensation accordée aux organismes collecteurs de l'effort des employeurs en faveur de la formation professionnelle sera précisée ultérieurement

Il convient de signaler que le présent article ne prévoit pas de compensation spécifique pour les organismes collecteurs de l'effort des employeurs en faveur de la formation professionnelle.

L'exposé des motifs du présent article précise qu'une recette fiscale sera affectée, dans des conditions déterminées en loi de finances, au fonds national habilité à gérer les excédents financiers dont peuvent disposer les organismes collecteurs paritaires gérant les contributions des employeurs au financement du congé individuel de formation et au financement des contrats ou des périodes de professionnalisation et du droit individuel à la formation.

Ce fonds devrait ensuite procéder à une redistribution entre les organismes paritaires collecteurs agréés, au vu des pertes de recettes certifiées dans les comptes de ces derniers pour 2006.

III. LA MODIFICATION DE LA CLÉ DE RÉPARTITION DU DROIT DE CONSOMMATION SUR LES TABACS

A. LE DROIT EXISTANT

Le produit du droit de consommation sur les tabacs a fait l'objet de nombreuses répartitions différentes au cours des dernières années, ainsi que le rappelle le tableau qui suit, qui intègre également le dispositif proposé par le présent article.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le III du présent article propose de réécrire l'article 61 de la loi de finances précitée pour 2005, afin de modifier la répartition du produit du droit de consommation sur les tabacs, conformément à la dernière colonne du tableau précédant. Cette modification correspond, pour une part, à des mesures de coordination avec les dispositions des I et II du présent article.

Quatre éléments ressortent de la nouvelle répartition proposée :

1) Deux organismes ne connaissent aucun changement dans la part de produit du droit de consommation qui leur est attribuée : le FFIPSA et le FCAATA ;

2) La part attribuée à la CNAMTS connaît une faible variation à la baisse, qui résulte d'un double mouvement :

- d'une part, une hausse afin de compenser l'adossement du régime d'assurance maladie des marins prévu par le I du présent article (174 millions d'euros de charges) :

- d'autre part, une baisse résultant du transfert aux régions, à compter du 1 er juillet 2005, du financement des instituts de formation en soins infirmiers, en application de la loi relative aux libertés et responsabilités locales. Ce transfert représente une moindre dépense pour la CNAMTS, évaluée à 178 millions d'euros en 2006.

La légère baisse (- 0,4 point) de la fraction du droit de consommation sur les tabacs traduit ce double mouvement. D'après les estimations de rendement du droit de consommation figurant dans le dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale et les évaluations avancées dans l'exposé des motifs du présent article, la CNAMTS devrait être légèrement gagnante (220.000 euros) ;

3) La part attribuée à l'Etat diminue assez nettement (- 3,32 points, soit une perte de recettes de 313,74 millions d'euros), mais doit être analysée à la lumière des deux modifications qui suivent ;

4) Deux nouveaux organismes se voient attribuer une part du produit du droit de consommation :

- par coordination avec les dispositions du 2 du II présent article, le FNAL se voit attribuer une fraction de 1,48 % du produit de ce droit, soit un produit de 139,86 millions d'euros ;

- le fonds de financement de la CMU-C se voit attribuer une fraction de 1,88 % du produit du droit de consommation, soit une recette d'environ 177,66 millions d'euros en 2006. Cette affectation permet de réduire la subvention d'équilibre versée par l'Etat à ce fonds 266 ( * ) . D'après le bleu budgétaire de la mission « Solidarité et intégration », la subvention de l'Etat s'élèverait à 354 millions d'euros en 2006, contre près de 660,6 millions d'euros en 2005.

Pour l'Etat, le solde de tous les changements prévus par le présent article est négatif à hauteur de 266,08 millions d'euros (136,08 millions d'euros au titre du droit de consommation sur les tabacs et 130 millions d'euros au titre de la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage).

IV. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général du budget, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels.

V. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission des finances approuve les mesures - fort disparates - proposées par le présent article, sous deux réserves .

Par mesure de coordination avec les dispositions du présent article modifiant la clé de répartition du produit du droit de consommation sur les tabacs :

- il est nécessaire de modifier l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale, afin de rectifier le montant de la fraction de droit de consommation affectée à la CNAMTS ;

- il est souhaitable de modifier les articles L. 862-3 du code de la sécurité sociale et L. 351-7 du code de la construction et de l'habitation, afin de compléter la liste des ressources attribuées, respectivement, au fonds de financement de la CMU-C et au FNAL.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 264 Pour une analyse détaillée de ce projet de loi d'habilitation, se reporter au rapport n° 457 (2004-2005) de notre collègue Alain Gournac, fait au nom de la commission des affaires sociales.

* 265 Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004.

* 266 Outre la subvention de l'Etat et la part de produit de droit de consommation sur les tabacs prévue par le présent article, ce fonds bénéficie de plusieurs ressources : une taxe sur les primes ou cotisations d'assurance de protection complémentaire de santé, due par les organismes complémentaires et dont le taux fait l'objet d'une forte revalorisation dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 ; une contribution versée par la CNAMTS et le produit de la taxe sur les alcools de plus de 25°.

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