EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mardi 22 novembre 2005, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport spécial de Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, sur la mission « Sécurité sanitaire » et les articles 86 et 87 rattachés .

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale , a souligné qu'elle ne disposait pas de compétence particulière dans le domaine de la sécurité sanitaire, mais que sa connaissance approfondie du domaine de la consommation et son intérêt pour la procédure de décision publique en matière de risque l'avaient incité à se « porter candidate » pour rapporter les crédits de la mission « Sécurité sanitaire », qui constituait une innovation introduite par la LOLF.

Dans un premier temps, elle a précisé que la mission « Sécurité sanitaire » constituait l'une des huit missions interministérielles du budget général et que cette mission étaient composée de deux programmes pertinents, le programme « Veille et sécurité sanitaires », relevant de la responsabilité du ministre de la santé et des solidarités, et le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », relevant de la responsabilité du ministre de l'agriculture et de la pêche.

Elle a toutefois estimé que la lecture des crédits de la mission « Sécurité sanitaire » était rendue complexe en raison de trois éléments. D'abord, le manque de lisibilité du contenu de certaines actions, notamment celles du programme « Veille et sécurité sanitaires », ensuite, le rattachement à la mission de crédits issus de fonds de concours, pour un montant total de près de 220 millions d'euros, enfin, l'association à la mise en oeuvre de la mission de nombreux opérateurs ne faisant pas tous l'objet d'une présentation claire et ne répondant pas aux principes inscrits dans la LOLF.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale , a regretté le caractère encore lacunaire de la dimension interministérielle de la mission « Sécurité sanitaire » et a souhaité, qu'à l'avenir, l'impulsion politique des ministres se traduise dans l'administration afin d'éviter que la mission « Sécurité sanitaire » ne soit une simple juxtaposition des responsabilités. En outre, elle a constaté que l'ensemble des crédits concourant à la mise en oeuvre de la politique de sécurité sanitaire n'étaient pas regroupés au sein de la mission et que la concentration des dépenses de personnel sur un seul des deux programmes de la mission était de nature à priver le responsable du programme « Veille et sécurité sanitaires » de ses moyens d'action.

Puis Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale , a estimé que les principes inscrits dans la LOLF n'étaient pas toujours respectés. Elle a considéré, en effet, que le principe de responsabilité était entravé par l'absence d'inscription de dépenses du titre 2 (dépenses de personnel) sur le programme « Veille et sécurité sanitaires » et que l'existence d'un programme « support » en dehors de la mission « Sécurité sanitaire » constituait, également, une entorse à l'esprit de la LOLF.

De même, s'agissant des opérateurs de l'Etat associés à la mise en oeuvre des programmes de la mission, elle s'est étonnée de la non application des principes de la LOLF à l'élaboration de leur budget, à la difficulté liée au suivi et à la comptabilisation des emplois équivalents temps plein travaillés (ETPT) au sein de ces opérateurs, enfin de l'absence, à ce stade, d'outils permettant de mesurer la performance de ces opérateurs.

Puis Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale , a fait état de trois enseignements qu'elle tirait, de l'examen de cette mission, pour l'avenir.

Premièrement, elle a estimé nécessaire de marquer une pause dans la création de nouvelles agences ou la modification du dispositif actuel des agences sanitaires, afin d'en évaluer la pertinence globale. A cet égard, elle a cité le rapport de la Cour des comptes, datant de mars 2005, sur l'organisation de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE) et les modalités d'exercice de ses missions en liaison avec les autres organismes intervenant en matière de sécurité sanitaire et avec ses administrations de tutelle. En effet, elle a indiqué que, dans ce rapport, la Cour des comptes avait insisté sur les difficultés de coordination des activités d'évaluation conduites par les divers organismes intervenant dans le domaine de la sécurité sanitaire environnementale et sur la nécessité de redéfinir les missions des autres agences sanitaires au regard de celles de l'AFSSE.

Deuxièmement, elle a estimé indispensable de réfléchir à l'articulation du système français de sécurité sanitaire avec le système européen. A cet égard, elle a observé que, s'agissant de la politique de prévention contre une pandémie de grippe d'origine aviaire, les lieux de décision au niveau de l'Union européenne étaient multiples.

Enfin, elle a considéré qu'il était aujourd'hui nécessaire, en France, d'intégrer, dans l'analyse du risque, des données autres que scientifiques, notamment économiques et sociales, comme tel est le cas actuellement au Royaume-Uni.

Pour clore sa présentation générale de la mission « Sécurité sanitaire », Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale , a souhaité insister sur un enjeu majeur de cette mission, à savoir le financement du plan gouvernemental de protection contre un risque de pandémie de grippe d'origine aviaire.

Elle a d'abord rappelé que le coût global de ce plan gouvernemental était estimé à 700 millions d'euros sur trois ans. En outre, elle a indiqué que le financement de ce plan avait été assuré, jusqu'à présent, par la contribution de l'assurance maladie, à hauteur de 176 millions d'euros pour 2005 et 175 millions d'euros pour 2006, à un fonds de concours, rattaché au programme « Veille et sécurité sanitaires » de la mission.

Elle a relevé que la confusion, voulue ou non, quant aux sources et au montant des financements du plan gouvernemental, posait deux questions.

D'abord, une question de principe, relative à la légitimité de la méthode consistant à faire supporter, par la seule assurance maladie, le coût de la prévention et de la protection contre un risque de pandémie de grippe d'origine aviaire.

Puis une question relative à la visibilité des crédits et aux modalités d'inscription des crédits d'Etat supplémentaires, à hauteur de 177 millions d'euros, tels que le ministre de la santé et des solidarités les avait annoncés.

Enfin, elle a estimé que le traitement médiatique de cette crise était impressionnant, et peut être surdimensionné. Elle a tenu à rappeler que le risque était, avant tout, d'origine animale et que la prévention devait donc porter essentiellement sur les élevages de volaille. Dès lors, elle s'est étonnée de la place prépondérante du ministère de la santé et des solidarités dans le traitement de cette crise, comparée au rôle joué par le ministère de l'agriculture et de la pêche.

S'agissant de la présentation des deux programmes de la mission, elle a indiqué que le programme « Veille et sécurité sanitaires » était composé de quatre actions, dont la première, relative à la veille, la surveillance, l'expertise et l'alerte, concentrait près de la moitié des crédits dévolus au programme. En outre, elle a souligné que sept opérateurs étaient associés à la mise en oeuvre de ce programme.

Elle a considéré que la définition des actions du programme « Veille et sécurité sanitaires » devrait faire l'objet d'une amélioration, notamment l'action n° 3 « Production et mise en oeuvre de règles, de recommandations, de décisions et autres dispositifs » dont la description figurant dans le projet annuel de performance était, selon elle, « jargonnante ».

Elle a estimé que la justification au premier euro des crédits inscrits sur ce programme était lacunaire et ne permettait pas d'identifier les dépenses affectées aux dispositifs considérés comme prioritaires. Elle a notamment cité le cas de l'action n° 2 « Gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises » pour laquelle la justification au premier euro ne permet pas d'identifier les crédits consacrés à la gestion d'une éventuelle pandémie humaine de grippe aviaire.

S'agissant des opérateurs du programme, elle a souligné qu'il était difficile de mesurer la performance de leurs actions et que la consolidation des emplois de ces opérateurs n'était pas satisfaisante.

Enfin, elle a souhaité relever un point positif, celui de la création de deux nouveaux objectifs, relatif à deux des opérateurs du programme. Elle a toutefois indiqué que les indicateurs devraient faire l'objet d'une amélioration.

A propos du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale , a relevé qu'un effort s'agissant de la justification au premier euro avait été effectué. A cet égard, elle a souligné que cette justification au premier euro, particulièrement détaillée, était révélatrice de possibles difficultés de gestion en cas de survenance d'une épizootie d'influenza aviaire. Dès lors, elle a proposé à la commission des finances de redéployer 15 millions d'euros de crédits du programme « Veille et sécurité sanitaires » vers le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », afin de couvrir le coût de la prévention d'une épizootie.

Elle a estimé que des efforts supplémentaires devraient être faits s'agissant de la définition des objectifs et indicateurs, même si des améliorations notables, par rapport à l'avant projet annuel de performance, pouvaient déjà être remarquées. Elle s'est toutefois étonnée du fait que le seul objectif relatif à l'opérateur unique de ce programme, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), avait été supprimé.

Enfin, afin de pratiquer une expertise complémentaire, Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale , a demandé à la commission de réserver sa position sur les articles 86 et 87 rattachés.

Puis un débat s'est instauré.

M. Jean Arthuis, président , a remercié la rapporteure spéciale pour la qualité de sa présentation et pour l'exercice de son sens critique. Il a estimé que les orientations proposées par la rapporteure spéciale devraient permettre de progresser, s'agissant notamment du financement du plan de lutte contre l'épizootie d'influenza aviaire.

M. Serge Dassault a souhaité savoir quels étaient les financements prévus par les partenaires européens de la France dans le cadre de la lutte contre la grippe aviaire.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale , a jugé cette question très intéressante et a annoncé qu'un développement sur ce sujet figurerait dans son rapport spécial. En outre, elle a fait état d'un débat entre les Etats membres de l'Union européenne, certains souhaitant une participation à hauteur de 50 % de l'Union s'agissant des dépenses engagées dans le cadre de la lutte contre une éventuelle pandémie de grippe d'origine aviaire, d'autres estimant qu'une participation de 30 % serait suffisante.

M. Maurice Blin a exprimé ses craintes quant au développement d'une pandémie de grippe d'origine aviaire, estimant que les informations, à ce sujet, n'étaient pas claires. Il a demandé à Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, s'il était envisageable de prévoir un fonds ad hoc, permettant de financer la lutte contre cette maladie.

En réponse Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale , a précisé que l'action n° 2 « Gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises » du programme « Veille et sécurité sanitaires » était le vecteur budgétaire pour ce type de financement. En outre, elle a indiqué avoir interrogé le ministre de la santé et des solidarités à ce sujet, qui lui avait répondu que les financements seraient trouvés.

Enfin, M. Jean Arthuis, président , s'est interrogé sur l'utilisation énergétique des farines animales incinérées. Il s'est, par ailleurs, plu à citer quelques-unes des actions figurant dans le programme « Veille et sécurité sanitaires », et notamment celle concernant un « programme de vaccination orale des sangliers ».

A l'invitation de sa rapporteure spéciale, la commission a adopté un amendement tendant à transférer 15 millions d'euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, de l'action n° 1 du programme « Veille et sécurité sanitaires » vers l'action n° 2 du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ».

La commission a alors décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Sécurité sanitaire » ainsi modifiés et a décidé de réserver sa position sur les articles 86 et 87 rattachés .

Réunie le jeudi 24 novembre 2005, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, a confirmé sa position sur les crédits de la mission « Sécurité sanitaire » et a décidé de réserver sa position sur les articles 86, 86 bis et 87 rattachés.

Lors de sa réunion du mercredi 30 novembre 2005, la commission, réunie sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, a décidé de proposer au Sénat d'adopter les articles 86 et 86 bis modifiés et l'article 87 sans modification.

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