B. SUPPRIMER LA RÉFORME DE LA QUOTITÉ DISPONIBLE SPÉCIALE ENTRE ÉPOUX

Votre commission vous propose de supprimer les dispositions tendant à réformer la quotité disponible spéciale entre époux ( articles 1094-1 et 1094-2 du code civil - article 21 du projet de loi ).

Certes, l'attribution à un conjoint beaucoup plus jeune d'un usufruit grevant la totalité des biens du défunt peut, de fait, priver des enfants plus âgés pendant toute leur vie de la jouissance de leurs biens réservataires, alors même que le nu-propriétaire doit prendre en charge les gros travaux concernant le bien.

Certes, ces situations devraient se rencontrer de plus en plus fréquemment du fait de l'augmentation des recompositions familiales.

Néanmoins, votre commission considère que ces difficultés ne justifient pas de priver le testateur de sa liberté testamentaire.

Si la distinction opérée par la loi du 3 décembre 2001 en présence ou non d'enfants non communs était pleinement justifiée dans le cas où le défunt n'avait pas prévu de dispositions particulières, ce raisonnement ne peut être transposé au cas où l'époux choisit délibérément d'avantager son conjoint survivant.

La loi de 2001 se voulait simplement supplétive de cette volonté. Ici, il s'agit de restreindre la liberté des époux. Cette solution paraît pour le moins paradoxale, alors que l'ensemble du projet de loi favorise la liberté du de cujus , qu'il s'agisse de la possibilité de consentir des donations graduelles ou résiduelles, des donations trans-générationnelles, ou même de permettre de renoncer par avance à exercer une action en réduction contre des atteintes portées à sa réserve. Pourquoi la quotité disponible spéciale entre époux serait-elle la seule matière à connaître une évolution inverse ?

Le Conseil supérieur du notariat s'est fait l'écho auprès de votre rapporteur des inquiétudes manifestées par les intéressés devant les notaires.

De plus, cette réforme risque de poser des problèmes d'application de la loi dans le temps inextricables, puisque le projet de loi prévoit que cette disposition s'appliquera aux successions ouvertes à compter de l'entrée en vigueur de la loi (prévue par l'Assemblée nationale au 1 er janvier 2007), que des libéralités aient été prévues antérieurement ou non.

Ceci aura des conséquences qui n'ont sans doute pas été pleinement mesurées par les auteurs de la réforme, alors même que la pratique notariale a encouragé depuis des décennies l'attribution de l'usufruit universel au conjoint survivant. Cette disposition porte donc atteinte aux anticipations des testateurs et de nombreuses personnes qui se croient protégées risqueraient de sévères déconvenues à l'ouverture de la succession.

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