TITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES AUX LIBÉRALITÉS

Article 9 - Intitulé du titre II du Livre III du code civil

Cet article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale en première lecture, a pour objet d'intituler le titre II du livre III (« Des différentes manières dont on acquiert la propriété ») du code civil : « Des libéralités », et non plus : « Des donations entre vifs et des testaments », afin de substituer le terme générique à l'énumération des deux catégories d'actes qu'il recouvre.

Ce terme est en effet à la fois unanimement reconnu par la doctrine et déjà largement utilisé dans le code civil. L'article 10 du projet de loi prévoit d'en donner une définition à l'article 893 dudit code.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 9 sans modification .

Article 10 (art. 893, 896, 897, 901, 910 et 911 du code civil)
Définition des libéralités - Suppression de la prohibition des substitutions fidéicommissaires - Actualisation des règles relatives aux interpositions

Cet article a pour objet de donner une définition légale des libéralités, de mettre fin à l'interdiction de principe des substitutions fidéicommissaires et d'actualiser les règles relatives aux interpositions.

1. La définition des libéralités

Le , auquel l'Assemblée nationale n'a apporté qu'une modification formelle, tend à réécrire l'article 893 du code civil afin :

- dans un premier alinéa, de définir la libéralité comme « l'acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d'une autre personne » ;

- dans un second alinéa, de préciser qu'une libéralité ne peut prendre la forme que de deux catégories d'actes -la donation entre vifs ou le testament.

Les articles 894 et 895, laissés inchangés par le projet de loi, définissent respectivement :

- la donation entre vifs , comme « l'acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte » ;

- le testament , comme « l'acte par lequel le testateur dispose, pour le temps où il n'existera plus, de tout ou partie de ses biens, et qu'il peut révoquer . »

La donation entre vifs doit en principe revêtir la forme d'un acte notarié , en application de l'article 931 du code civil. Toutefois, les dispositions de cet article ont simplement pour effet d'interdire, à peine de nullité, la passation sous seing privé d'un acte ayant expressément cet objet. En effet, la loi n'interdit pas et la jurisprudence admet en conséquence les donations tacites.

Pour contourner la prohibition de l'article 931, il suffit de ne pas matérialiser l'accord des volontés par un écrit ( don manuel ) ou bien de couvrir d'un voile pudique la gratuité de l'opération ( donation déguisée 116 ( * ) ou donation indirecte 117 ( * ) ). Le désir des particuliers d'éluder les règles civiles (capacité, rapport, réduction...) et surtout fiscales normalement applicables aux libéralités explique le succès de ces donations non notariées. Pourtant, si elles échappent aux règles de forme édictées par le code civil, elles continuent d'obéir aux règles de fond et sont requalifiées lorsque le juge en est saisi. Bien évidemment, elles donnent alors lieu à un redressement fiscal.

Quant au testament , il doit nécessairement être écrit . L'article 969 du code civil ne prévoit en effet que trois formes pour tester, toutes trois écrites :

- le testament olographe qui, aux termes de l'article 970, n'est assujetti à aucune autre forme que l'obligation d'être écrit en entier, daté et signé de la main du testateur 118 ( * ) ;

- le testament fait par acte public qui, aux termes de l'article 971, doit être reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins ;

- le testament fait dans la forme mystique qui, aux termes de l'article 976, doit être présenté au notaire et à deux témoins, dans un papier clos, cacheté et scellé au préalable ou en leur présence, et doit faire l'objet d'un acte de suscription dressé en brevet par le notaire.

Entrée en vigueur le 1 er décembre 1994, la convention de Washington du 28 octobre 1973 propose une nouvelle forme de testament admise et valable dans tous les Etats qui y ont adhéré, et dont la France fait partie : le testament international .

La loi uniforme -tel est le nom donné à la convention- laisse cependant subsister toutes les autres formes de testament connues dans chaque législation nationale.

Le testament international n'est pas sans rappeler le testament mystique.

Comme lui, il n'est pas nécessairement écrit par le testateur lui-même et peut être rédigé en une langue quelconque, à la main ou par un autre procédé, une rédaction dactylographiée étant possible -les personnes illettrées ou infirmes peuvent ainsi faire écrire leur testament par une autre personne.

En présence de deux témoins et d'une personne habilitée à instrumenter à cet effet 119 ( * ) , le testateur déclare d'abord que le document est son testament et qu'il en connaît le contenu -qu'il n'est pas tenu de leur révéler. Puis, il signe le testament ou, s'il l'a signé précédemment, reconnaît et confirme sa signature. Les témoins et la personne habilitée y apposent aussitôt la leur en présence du testateur. La personne habilitée joint au testament « une attestation établissant que les obligations prescrites par la loi uniforme ont été respectées » rédigée suivant un modèle imposé.

Les principales distinctions entre la donation entre vifs et le testament sont les suivantes :

Donation entre vif

Testament

Contrat

Acte unilatéral 120 ( * )

Irrévocabilité
sauf dans l'hypothèse
d'une inexécution par le donataire
des charges grevant la libéralité

Révocabilité

Imputation, sauf stipulation contraire,
sur la réserve éventuelle du donataire

Imputation du legs, sauf stipulation contraire,
sur la quotité disponible du légataire

Possibilité d'un paiement des droits de mutation par le donateur sans qu'il en résulte, fiscalement, une donation supplémentaire

Paiement des droits de mutation
par le légataire

Absence de déduction des dettes
dans le calcul des droits de mutation

Déduction des dettes
dans le calcul des droits de mutation

Les dispositions actuelles de l'article 893 du code civil, aux termes desquelles il n'est possible de disposer de ses biens, à titre gratuit, que par donation entre vifs ou par testament, ne seraient donc pas remises en cause mais précisées sur trois points.

Serait ainsi plus clairement mis en exergue le fait que les libéralités :

- présentent la caractéristique commune d'être des actes effectués à titre gratuit, c'est-à-dire entraînant un appauvrissement de leur auteur ;

- peuvent porter non seulement sur des biens mais également sur des droits, qu'il s'agisse de droits réels -usufruit 121 ( * ) , servitude de passage 122 ( * ) , droit d'usage et d'habitation 123 ( * ) - ou de droits personnels -remise de dette, bail ne comportant pas de loyer, cession de créance à titre gratuit 124 ( * ) . En revanche, les services ne sont pas l'objet de donation. En d'autres termes, celui qui rend un service à autrui sans être rémunéré ne consent pas une libéralité parce que, à proprement parler, il ne s'appauvrit pas 125 ( * ) ;

- peuvent ne concerner qu'une partie des biens ou des droits de leur auteur.

L'emploi du terme de « personne », sans autre précision, vise aussi bien les personnes physiques que les personnes morales. Encore convient-il d'observer que ces dernières n'ont pas toutes la capacité de consentir ni de recevoir une libéralité. A titre d'exemple, sans préjudice des dispositions de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, une libéralité consentie par une société commerciale a de grandes chances d'être qualifiée d'abus de bien social. Depuis le 1 er janvier 2006 et en application d'une ordonnance n° 2005-856 du 28 juillet 2005 prise sur le fondement de l'article 10 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, les dispositions entre vifs ou par testament, au profit des fondations, des congrégations et des associations ayant la capacité à recevoir des libéralités, à l'exception de celles considérées comme des sectes, ne sont plus soumises à un régime d'autorisation préalable mais à une obligation de déclaration auprès de la préfecture, qui peut s'y opposer sur le fondement de l'inaptitude de l'organisme légataire ou donataire à utiliser la libéralité conformément à son objet statutaire.

Souscrivant aux modifications proposées, votre commission vous soumet un amendement rédactionnel au texte proposé pour l'article 893 du code civil, ainsi qu'un amendement tendant à modifier l'article 895 afin de prévoir, par coordination avec la nouvelle rédaction de l'article 893, que le testament est un acte par lequel le testateur dispose de tout ou partie de ses biens « ou de ses droits ».

Votre rapporteur n'a pas jugé nécessaire d'opérer une modification similaire à l'article 894 en raison du caractère général de la notion de « chose donnée » et de sa reprise dans de nombreux articles du code civil, notamment dans la partie relative aux contrats (art. 1126 et suivants).

2. La suppression de la prohibition des substitutions fidéicommissaires

Le , entièrement réécrit par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, tend à abroger les articles 896 et 897 du code civil : le premier pose le principe de la prohibition des substitutions mais ne prohibe véritablement, à peine de nullité, que les substitutions dites fidéicommissaires, tandis que le second ménage à ce principe une dérogation justifiée par un intérêt familial.

• Le droit en vigueur

La substitution fidéicommissaire, également appelée libéralité graduelle, est la clause par laquelle le disposant charge la personne gratifiée de conserver toute sa vie durant les biens ou droits qu'il lui a donnés ou légués en vue de les transmettre, à son décès, à une autre personne désignée par lui.

Elle se caractérise ainsi par la conjonction de trois éléments :

- l'existence de deux libéralités successives ;

- la charge, pour le premier gratifié, également appelé le grevé, de conserver et de transmettre ;

- le report de l'exécution de la seconde libéralité au décès du premier gratifié.

Elle se distingue :

- de la substitution dite « vulgaire » qui constitue une clause, autorisée par l'article 898 du code civil, par laquelle l'auteur de la libéralité prend la précaution de désigner un bénéficiaire de second rang pour le cas où le bénéficiaire désigné en premier lieu serait prédécédé ou, en cas de survie, refuserait la libéralité ;

- de la double libéralité en usufruit et en nue-propriété , autorisée par l'article 899 du code civil et qui permet d'obtenir un résultat très proche.

Par dérogation à la règle posée par l'article 900 du code civil, la nullité qui sanctionne la substitution prohibée atteint la disposition dans son entier et pas seulement la clause de substitution : les deux libéralités prévues par le disposant sont anéanties. Elle se prescrit par trente ans et la libéralité n'est pas susceptible de confirmation.

Sous l'Ancien Régime, la substitution fidéicommissaire fut utilisée comme un instrument de conservation du patrimoine familial et de mise en oeuvre du droit d'aînesse sur certains biens. M. Michel Grimaldi rappelle ainsi que : « Par des substitutions graduelles, c'est-à-dire à plusieurs degrés, voire perpétuelles, la noblesse assurait tout à la fois l'accroissement progressif de la fortune familiale, essentiellement foncière, et sa concentration entre les mains de l'aîné de chaque génération. Cet usage de l'institution explique son histoire : le pouvoir royal, qui redoutait les trop fortes puissances familiales, prohiba la substitution au-delà de deux générations ; la Révolution, tout à la fois hostile à la famille comme aux institutions nobiliaires, l'abolit purement et simplement ; le code civil, soucieux de restaurer la famille mais non de ressusciter les privilèges successoraux, maintint la prohibition tout en y apportant certaines exceptions au profit de la proche famille et à la condition que l'égalité fût respectée 126 ( * ) . »

L'article 897 du code civil admet ainsi la validité des substitutions fidéicommissaires établies au profit des petits enfants ou des neveux et nièces :

- les père et mère peuvent imposer à l'enfant qu'ils gratifient, dont ils redoutent la prodigalité ou l'impéritie, la charge de conserver et de remettre les biens reçus à ses propres enfants 127 ( * ) ;

- une personne sans postérité peut grever une libéralité consentie à ses frères ou soeurs d'une charge leur imposant de transmettre les biens reçus à leurs enfants et s'assurer ainsi du maintien des biens dans la famille 128 ( * ) .

Ces deux substitutions exceptionnellement autorisées sont par ailleurs soumises à des conditions rigoureuses définies par les articles 1048 à 1074 du code civil :

- la substitution ne peut porter que sur la quotité disponible ;

- elle n'est autorisée que sur un seul degré ;

- toute distinction fondée sur l'âge ou le sexe est interdite ;

- la substitution ne peut concerner que les biens disponibles, à peine de réduction.

La jurisprudence a par ailleurs admis un certain nombre d'opérations voisines de la substitution fidéicommissaire qui, techniquement, ne se confondent pas avec elle :

- le double legs alternatif et conditionnel 129 ( * ). Dans cette opération, deux personnes sont gratifiées sous une condition inverse. Le même événement à venir vaut à la fois comme condition résolutoire de la libéralité consentie à la première et comme condition suspensive de la libéralité adressée à la seconde. Si l'événement se réalise -par exemple le prédécès sans postérité de son bénéficiaire-, la première libéralité est rétroactivement anéantie tandis que la seconde est censée avoir toujours existé ; si l'événement ne se réalise pas, la première sera définitivement consolidée alors que la seconde ne produira jamais aucun effet. Ainsi conçu, le mécanisme diffère de la substitution fidéicommissaire en ce qu'il écarte la succession de deux libéralités. La différence ne tient pas aux réalités économiques comme dans la double libéralité en usufruit et en nue-propriété mais à une fiction juridique ;

- le legs de residuo , encore appelé fidéicommis sans inaliénabilité 130 ( * ) , disposition par laquelle le testateur lègue ses biens à une première personne en stipulant qu'elle devra transmettre à une seconde personne précisément désignée ce qui restera du legs à sa mort . L'opération se rapproche de la substitution fidéicommissaire en ce que le résidu, s'il y en a un, fera de plein droit l'objet d'une double transmission successive. Elle en diffère fondamentalement en ce que le premier bénéficiaire n'a pas l'obligation de conserver ; il peut librement disposer de l'ensemble des biens légués et ne rien laisser au second bénéficiaire laissé après lui. La jurisprudence a admis, tout d'abord, que le testateur pouvait interdire au premier gratifié de disposer de ses biens par donation ou par testament 131 ( * ) , ensuite, que la cession de valeurs mobilières anciennes suivie de l'achat de titres nouveaux n'était pas un acte de disposition réduisant le résidu mais un acte de gestion normale de portefeuille, le résidu comprenant en conséquence l'ensemble du portefeuille tel qu'il était constitué au décès du premier bénéficiaire 132 ( * ) , enfin, que le legs de residuo , à la différence d'une substitution permise, pouvait porter sur la réserve héréditaire aussi bien que sur la quotité disponible 133 ( * ) .

• Le dispositif proposé

Dans sa rédaction initiale , le du présent article tendait à insérer un article 897-1 dans le code civil afin d' autoriser expressément les libéralités résiduelles , tout en maintenant le principe de l'interdiction des substitutions posé par l'article 896.

Ce faisant, il donnait une base légale à la jurisprudence relative au legs de residuo et levait les incertitudes entourant les donations entre vifs revêtant les mêmes caractéristiques. En l'absence d'une position claire de la Cour de cassation, la doctrine était en effet divisée sur la licéité de telles libéralités.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a réécrit l'article 17 du projet de loi, qui avait initialement pour seul objet de définir le régime légal des libéralités résiduelles, afin d'autoriser également, en les encadrant, les libéralités graduelles , expression préférée à celle de substitutions fidéicommissaires.

En conséquence, jugeant inutile de maintenir le principe de la prohibition des substitutions, elle a réécrit le 2° du présent article afin de prévoir l'abrogation des articles 896 et 897 du code civil.

• La position de la commission

Les substitutions s'avèrent aujourd'hui faciles à contourner quand elles sont prohibées et difficiles à analyser quand elles sont permises. Une réforme des règles applicables semble donc nécessaire.

Tout en souscrivant à l'assouplissement prévu par l'article 17 du projet de loi, votre commission vous soumet un amendement tendant à maintenir le principe de la prohibition des substitutions en dehors des cas prévus par la loi .

Certes, la justification politique de ce principe s'estompe alors qu'il contrarie la volonté du disposant et empêche des opérations parfois éminemment conformes à l'intérêt de la famille. La substitution fidéicommissaire permet en effet de protéger à la fois celui que sa prodigalité ou son incompétence menace de réduire à la misère et ses descendants, donc l'ensemble de la famille du disposant.

Elle présente en revanche, selon le professeur Michel Grimaldi « l'inconvénient économique très sérieux de placer des biens hors du commerce et de créer ainsi des situations de mainmorte. Incessibles, les biens sont exposés au risque d'une exploitation abusive ou négligente ; insaisissables, ils ne peuvent être un instrument de crédit. Or la circulation des richesses et le crédit sont indispensables à l'économie libérale 134 ( * ) ». Certes, cet inconvénient est atténué par la possibilité offerte par les articles 900-2 à 900-7 du code civil d'obtenir la révision en justice des conditions et charges grevant les donations ou legs reçus lorsque, par suite d'un changement de circonstances, l'exécution en est devenue pour leur bénéficiaire soit extrêmement difficile, soit sérieusement dommageable.

Mais la restriction importante apportée par les substitutions au principe de libre circulation des biens justifie, comme l'a fait valoir le professeur Pierre Catala lors de son audition par votre rapporteur, que la prohibition reste le principe et la validité l'exception.

3. Les conditions de validité du consentement de l'auteur de la libéralité

Le bis , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, tend à réécrire l'article 901 du code civil, aux termes duquel il faut être sain d'esprit pour faire une donation entre vifs ou un testament, afin :

- d'une part, de substituer le terme générique de « libéralité » à la mention de ces deux catégories d'actes ;

- d'autre part, de préciser les vices du consentement pouvant être invoqués, en indiquant qu'« une libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence, physique ou morale ».

L'article 489 du code civil dispose déjà qu'il faut être sain d'esprit pour faire un acte juridique. L'article 901 ne constitue donc que la répétition de cette règle générale 135 ( * ) .

L' insanité d'esprit s'apprécie de la même façon dans les actes gratuits et onéreux. Elle est largement entendue. Selon la Cour de cassation, elle inclut « toutes les variétés d'affection mentale par l'effet desquelles l'intelligence du disposant aurait été obnubilée, ou sa faculté de discernement déréglée 136 ( * ) . » Peu importe donc que l'altération des facultés mentales soit durable ou seulement momentanée, qu'elle procède d'un état psychique, d'une maladie physique ou même de l'absorption d'alcool ou de drogue. Il suffit d'établir qu'au moment de la libéralité, son auteur ne jouissait pas d'une lucidité suffisante pour comprendre la portée et les conséquences de ses actes. La preuve de l'insanité d'esprit est à la charge de celui qui se prévaut de la nullité.

Quant aux vices du consentement mentionnés par l'Assemblée nationale, ils étaient déjà admis par la jurisprudence, qui appliquait les règles générales posées par les articles 1109 et suivants du code civil :

- l' erreur peut ainsi porter tant sur l'objet de la libéralité que sur la personne de son bénéficiaire. En matière de libéralité, elle porte souvent sur le droit applicable ;

- le dol peut être le fait non seulement du gratifié mais également d'un tiers 137 ( * ) , alors qu'en règle générale il n'est une cause de nullité que s'il est le fait de l'une des parties au contrat. Il est, de tous les vices du consentement, celui qui est le plus souvent invoqué à l'encontre des donations et celui qui suscite le contentieux le plus abondant. Conformément à l'article 1116 du code civil, la nullité n'est encourue que s'il y a eu de véritables manoeuvres frauduleuses, « des pratiques artificieuses ou des insinuations mensongères 138 ( * ) » et que ces manoeuvres ont eu un caractère déterminant sur la décision du disposant. Le dol englobe aujourd'hui la suggestion et la captation qui constituaient selon l'ordonnance d'août 1735 des causes distinctes d'annulation des libéralités ;

- la violence peut être à la fois physique mais également -et le plus souvent- morale. Elle résulte alors de menaces ou de chantage telle la menace de laisser sans soin une personne âgée et affaiblie par la maladie 139 ( * ) ou celle d'exercer abusivement des poursuites judiciaires.

La mention de ces causes de nullité dans les dispositions relatives aux libéralités n'est pas inutile dans la mesure où l'article 1109 du code civil, selon lequel « il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol », ne concerne que les conditions requises pour la validité des conventions. Or un testament est un acte unilatéral.

Votre commission vous soumet toutefois un amendement ayant pour objet de supprimer la précision selon laquelle la violence peut être physique ou morale pour une double raison :

- la jurisprudence admet déjà la violence morale comme une cause de nullité d'une libéralité ;

- nombre d'articles du code civil et du projet de loi lui-même faisant référence à la violence en général, il convient de maintenir une rédaction uniforme sous peine de créer des ambiguïtés.

4. La suppression de références obsolètes

Le ter , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, tend à modifier le premier alinéa de l'article 910 du code civil, qui subordonne les libéralités consenties au profit des hospices, des pauvres d'une commune, ou d'établissements d'utilité publique à une autorisation par une ordonnance royale, afin de substituer à cette exigence obsolète celle d'un décret.

Quitte à actualiser des dispositions obsolètes, votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de ne plus faire référence aux « hospices » mais aux établissements de santé et aux établissements sociaux et médico-sociaux.

5° L'actualisation des règles limitant les interpositions

Le a pour objet de modifier l'article 911 du code civil afin d'actualiser les règles relatives aux interpositions. Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a procédé à une réécriture d'ensemble de cet article pour clarifier ses dispositions.

La liberté de disposer et de recevoir à titre gratuit n'est entravée que par certaines incapacités légales, souvent fondées sur une présomption de captation.

Dans cinq hypothèses, la loi interdit à une personne de recevoir une libéralité d'une autre personne parce qu'elle craint que la première soit à même d'abuser de son influence sur la seconde :

- le tuteur ne peut rien recevoir de son pupille , même après la cessation de la tutelle, jusqu'à ce que le compte définitif de tutelle ait été rendu et apuré, sauf s'il est son ascendant (art. 907 du code civil). La règle est propre à la tutelle des mineurs ; elle ne s'applique pas à la tutelle des majeurs qui sont soumis à un régime spécifique ;

- les médecins et pharmaciens ne peuvent être gratifiés par leurs malades , lorsque cette maladie est la cause du décès 140 ( * ) , sauf s'il s'agit d'une libéralité rémunératoire tenant lieu d'honoraires ou si le disposant et le gratifié sont proches parents, c'est-à-dire jusqu'au quatrième degré (art. 909 du code civil) ;

- les ministres du culte sont assimilés aux médecins et pharmaciens (art. 909 du code civil) ;

- les personnels des établissements sociaux et médico-sociaux ne peuvent bénéficier de libéralités des personnes hébergées dans l'établissement, sous réserve des exceptions prévues par l'article 909 du code civil (art. L. 331-4 du code de l'action sociale et des familles) ;

- il en va de même du couple ou de la personne accueillant familial et, s'il y a lieu, de son conjoint, de la personne avec laquelle elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, de ses ascendants ou descendants en ligne directe (art. L. 443-6 du code de l'action sociale et des familles).

Tirant les conséquences de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme le 1 er février 2000 dans l'affaire Mazureck, la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 a supprimé les discriminations subies par les enfants adultérins dans la succession de leur auteur engagé dans les liens du mariage au jour de leur conception et abrogé les articles 908 et 908-1 du code civil limitant leurs droit en matière de libéralités.

La sanction de ces incapacités relatives ne soulève aucune difficulté quand la libéralité est consentie ouvertement. Le disposant peut toutefois s'efforcer de tourner l'interdiction légale au moyen d'un déguisement de la libéralité ou d'une interposition de personne :

- en dissimulant une donation sous le voile d'un acte à titre onéreux, on empêche les tiers d'en percevoir la véritable nature et d'en demander la nullité. A titre d'exemple, un malade n'a pas le droit de donner un bien à son médecin mais peut le lui vendre ;

- de même, en adressant une donation à un bénéficiaire apparent qui joue le rôle d'une personne interposée, on interdit aux tiers de connaître le nom du donataire véritable, par hypothèse incapable de recevoir.

L'article 911 du code civil sanctionne rigoureusement ces deux cas de fraude en prévoyant la nullité absolue de la libéralité alors qu'elle n'aurait encourue qu'une nullité relative si elle avait été directement consentie à son bénéficiaire .

La charge de la preuve de la fraude pèse sur celui qui conteste la libéralité. Comme elle est difficile à établir, l'article 911 dispose que les plus proches parents de l'incapable sont réputés être des personnes interposées : ses père et mère, ses enfants et descendants, et son époux. La preuve contraire ne pouvant en conséquence être rapportée, ils sont également frappés d'une incapacité de recevoir .

Les principales modifications proposées par le projet de loi consistent :

- d'une part, à préciser que l'interposition peut être le fait d'une personne physique ou morale . Cette précision paraît utile pour éviter la constitution de sociétés écrans, par exemple une société civile immobilière ;

- d'autre part, à établir une simple présomption d'interposition au profit des proches parents de l'incapable afin de rendre possible la levée de l'incapacité de recevoir qui les frappe. La rédaction proposée ne semble toutefois pas permettre d'atteindre cet objectif car l'article 1352 du code civil dispose que toute présomption légale est irréfragable lorsqu'elle a pour effet de provoquer la nullité d'un acte juridique, sauf si la loi a réservé la preuve contraire. Tel n'étant pas le cas, votre commission vous soumet un amendement tendant à réparer cette omission, ainsi qu'un amendement rédactionnel.

Elle vous propose d' adopter l'article 10 ainsi modifié .

Article 11 - Organisation du chapitre III du titre II du Livre III du code civil, relatif à la réserve héréditaire, à la quotité disponible et à la réduction des libéralités excessives

Cet article, entièrement réécrit par l'Assemblée nationale en première lecture à l'initiative de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet de réorganiser la structure interne du chapitre III (« De la portion de biens disponible, et de la réduction ») du titre II du livre III du code civil, qui traite des modalités de détermination de la quotité disponible et des conditions dans lesquelles les libéralités excessives peuvent être réduites.

Dans sa rédaction initiale, les intitulés actuels de ce chapitre et des deux sections qui le composent étaient conservés, la première restant consacrée à la « portion de biens disponible », la seconde à la « réduction des donations et legs ».

L'Assemblée nationale a souhaité les modifier.

Le chapitre serait désormais intitulé : « De la réserve héréditaire, de la quotité disponible et de la réduction ».

La section 1 , intitulée « De la réserve héréditaire et de la quotité disponible », comprendrait les articles 912 à 917, consacrés essentiellement aux règles de calcul de la quotité disponible en fonction de la situation familiale du défunt, alors qu'elle s'étend actuellement de l'article 913 à l'article 919.

Les références à la réserve héréditaire et à l'article 912 tirent la conséquence du rétablissement de cet article prévu par l'Assemblée nationale à l'article 12 du projet de loi afin de définir les notions de réserve héréditaire et de quotité disponible.

Les articles 918 et 919, qui traitent des règles selon lesquelles les biens légués ou donnés par le défunt doivent être imputés et rapportés à la succession, seraient logiquement rattachés à la section 2 .

Intitulée « De la réduction des libéralités excessives », celle-ci serait désormais divisée en trois paragraphes :

- le paragraphe 1 serait consacré aux opérations préliminaires à la réduction et comprendrait les articles 918 à 920 ;

- le paragraphe 2 serait consacré à l'exercice de la réduction et comprendrait les articles 921 à 928, qui précisent les modalités selon lesquelles les héritiers réservataires peuvent obtenir la réduction des libéralités portant atteinte à leur réserve ;

- le paragraphe 3 serait consacré à la renonciation anticipée à l'action en réduction et comprendrait les articles 929 à 930-5, qui font l'objet de l'article 14 du projet de loi.

L'essentiel du contenu des actuels articles 929 et 930 serait intégré, en application de l'article 13 du projet de loi, dans un nouvel article 924-4 au sein du paragraphe 2.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 11 sans modification .

Article 12 (art. 912, 913, 914, 914-1 et 916 du code civil, art. L. 123-6 du code de la propriété intellectuelle)
Définition de la réserve héréditaire et de la quotité disponible - Conséquences de la renonciation d'un héritier réservataire à la succession sur le calcul de la quotité disponible - Suppression de la réserve des ascendants

Cet article a pour triple objet de définir les notions de réserve héréditaire et de quotité disponible, de modifier les conséquences de la renonciation d'un héritier réservataire à la succession sur le calcul de la quotité disponible et de supprimer la réserve héréditaire des ascendants du défunt.

1. La définition de la réserve héréditaire et de la quotité disponible.

Le 1° A du premier paragraphe (I) , inséré par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, tend à rétablir un article 912 dans le code civil afin de définir :

- la réserve héréditaire comme « la part des biens successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s'ils sont appelés à la succession et s'ils l'acceptent » ;

- et la quotité disponible comme « la part des biens successoraux qui n'est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités ».

Les définitions proposées, que votre commission vous propose de préciser par un amendement de coordination, reprennent une suggestion faite par MM. Jean Carbonnier, Pierre Catala, Jean de Saint-Affrique et Georges Morin dans l'ouvrage « Des libéralités - Une offre de loi » paru en 2003. En indiquant que la loi seule assure la dévolution de la réserve, à qui elle veut et dans la mesure qu'elle prescrit, elles confirment « la ligne de partage qui continue de délimiter les territoires respectifs de l'ordre public successoral et de la liberté de disposer par libéralité . Il est également confirmé que le de cujus , inhabile à modifier la surface de la réserve, ne saurait davantage la grever de charges : les seules charges pouvant obérer la propriété des réservataires sont celles que la loi impose ou autorise 141 ( * ) . »

Dans sa rédaction actuelle, le code civil définit en effet en creux la réserve et la quotité disponible en déterminant la proportion des biens dont il est possible de disposer par des libéralités.

Celle-ci dépend du nombre et de la qualité des héritiers réservataires que laisse le défunt et varie selon que celui-ci a gratifié son conjoint ou une autre personne.

Lorsque le défunt laisse des descendants, la quotité disponible est égale :

- à la moitié de ses biens, en présence d'un enfant ;

- à un tiers de ses biens, en présence de deux enfants ;

- à un quart de ses biens, en présence de trois enfants ou plus 142 ( * ) .

Les petits-enfants ne sont comptés que pour l'enfant dont ils sont issus 143 ( * ) .

Lorsque le défunt ne laisse pas de descendants ou que tous ont renoncé, la quotité disponible est égale :

- à la moitié de ses biens s'il y a des ascendants dans les deux branches maternelle et paternelle ;

- aux trois quarts de ses biens s'il n'y a des ascendants que dans une branche.

Peu importe le nombre des ascendants dans chaque branche.

Enfin, depuis la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001, lorsque le défunt ne laisse ni descendants ni ascendants mais un conjoint survivant, non divorcé, contre lequel n'existe pas de jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée et qui n'est pas engagé dans une instance en divorce ou séparation de corps, la quotité disponible est égale aux trois quarts de ses biens.

A défaut de descendant, d'ascendant et de conjoint survivant non divorcé, contre lequel n'existe pas de jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée et qui n'est pas engagé dans une instance en divorce ou séparation de corps, les libéralités par actes entre vifs ou testamentaires peuvent épuiser la totalité des biens 144 ( * ) .

Les bénéficiaires de la réserve sont ainsi :

- les descendants du défunt c'est-à-dire les enfants, les petits-enfants, les arrières petits-enfants ;

- en l'absence de descendant, les ascendants du défunt c'est-à-dire les père et mère, les grands-parents, les arrières grands-parents ;

- le conjoint survivant, en l'absence de descendants et d'ascendants, pour toute succession ouverte à compter du 1 er juillet 2002.

Une fois calculé le montant de la réserve globale, celle-ci doit être répartie dans le respect de la double égalité des souches et des personnes entre les héritiers réservataires appelés à la succession et l'ayant acceptée.

Ainsi, les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère ou autres ascendants, sans distinction de sexe, ni de primogéniture, même s'ils sont issus d'unions différentes 145 ( * ) .

Ils se répartissent à parts égales le montant global de la réserve. Celle-ci représente les deux tiers des biens lorsque le défunt laisse deux enfants et les trois quarts des biens lorsqu'il en laisse trois ou plus.

Alors que cette égalité doit également être assurée en nature, les articles 1 er et 13 du projet de loi prévoient utilement, dans un but de simplification et d'accélération du règlement des successions, l'égalité en valeur dans le partage (art. 826 du code civil) et la réduction en valeur des libéralités excédant la quotité disponible (art. 924 du code civil).

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a ainsi souligné devant l'Assemblée nationale que : « L'abandon de la réserve héréditaire en nature entraîne deux conséquences : d'une part, il permettra aux bénéficiaires de libéralités excessives de conserver les biens donnés, à charge pour eux de verser une indemnité à la succession ; d'autre part, le partage, désormais gouverné par une égalité en valeur, s'en trouvera facilité. Cette mesure permettra de mieux respecter la volonté de celui qui aura décidé de disposer en faveur d'une personne déterminée. Elle sera également un gage de sécurité juridique, dans la mesure où la propriété du bien donné ne pourra être remise en cause 146 ( * ) . »

Si le défunt laisse un conjoint survivant, les droits successoraux de ses enfants peuvent toutefois être amputés. Ainsi, en l'absence de testament, le conjoint survivant recueille, à son choix, l'usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d'un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux 147 ( * ) . Le de cujus a la possibilité, par testament, de le priver de ces droits 148 ( * ) , puisqu'il n'est pas réservataire, ou, à l'inverse, de lui accorder soit la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger (c'est-à-dire la quotité disponible ordinaire), soit le quart de ses biens en propriété et les trois autres quarts en usufruit, soit encore la totalité de ses biens en usufruit seulement 149 ( * ) . L'article 21 du projet de loi tend à revenir sur cette dernière possibilité en présence d'enfants non communs. Quant au 15° de l'article 22, il prévoit que le conjoint survivant a vocation à hériter de son époux décédé même en cas jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée ou d'instance en divorce ou séparation de corps.

Si le défunt ne laisse pas de descendant, chacun de ses parents est assuré de recevoir au moins un quart de ses biens. En l'absence de testament :

- l'article 736 du code civil prévoit que, lorsque le défunt ne laisse ni conjoint successible, ni postérité, ni frère, ni soeur, ni descendants de ces derniers, ses père et mère lui succèdent, chacun pour moitié ;

- l'article 738 prévoit que, lorsque les père et mère survivent au défunt et que celui-ci n'a ni postérité ni conjoint successible, mais des frères et soeurs ou des descendants de ces derniers, la succession est dévolue, pour un quart, à chacun des père et mère et, pour la moitié restante, aux frères et soeurs ou à leurs descendants. Lorsqu'un seul des père et mère survit, la succession est dévolue pour un quart à celui-ci et pour trois quarts aux frères et soeurs ou à leurs descendants ;

- l'article 757-1 prévoit qu'en l'absence de postérité mais en présence d'un conjoint survivant, ce dernier recueille la moitié des biens, l'autre moitié étant dévolue pour un quart au père et pour un quart à la mère. Quand le père ou la mère est prédécédé, la part qui lui serait revenue échoit au conjoint survivant.

Enfin, la réserve héréditaire du conjoint survivant est limitée au quart des biens du défunt et n'existe que pour autant que ce dernier ne laisse ni descendant ni ascendant.

Les frères et soeurs sont en principe totalement écartés de la succession par le conjoint survivant qui vient seul à la succession. Cependant, il existe une exception à cette règle : lorsque le conjoint a vocation à hériter de l'intégralité de la succession, parce que le défunt ne laisse ni descendant ni père ni mère, les biens de famille sont dévolus pour moitié aux frères et soeurs du défunt ou à leurs descendants 150 ( * ) . Les biens concernés par le droit de retour sont ceux que le défunt a reçus de ses parents par donation ou héritage et qui se retrouvent en nature dans sa propre succession. Toutefois, on ne peut pas parler de réserve, car il est possible de priver les frères et soeurs de ce droit de retour par testament ou donation entre époux.

La réserve héréditaire est une institution ancienne qui puise ses racines dans le dispositif de la « légitime » des pays de droit écrit et de la réserve coutumière.

C'est une institution d'ordre public . Aucune charge ne peut être imposée sur elle et les héritiers ne peuvent renoncer à leurs droits avant le décès du de cujus . Toutefois, l'article 14 du projet de loi tend à remettre en cause cette prohibition des pactes sur succession future.

C'est également une institution critiquée que de nombreux droits étrangers, notamment anglo-saxons, ignorent. Il lui est ainsi reproché d'entraver la liberté du disposant, qui ne peut donner ou léguer que la quotité disponible, et de rendre plus complexe la transmission de la petite et moyenne entreprise.

C'est enfin une institution contournée . De nombreux procédés, plus ou moins avouables, permettent en effet de contourner l'ordre public réservataire : assurance-vie, à la condition que les primes ne soient pas manifestement excessives ; salaire différé prévu dans le cadre d'une donation-partage ; dons manuels occultes ; reconnaissance de dettes fictives.

Pour autant, le projet de loi n'entend pas la supprimer mais simplement l'aménager .

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a ainsi souligné devant les députés que : « La réserve conserve aujourd'hui toute son utilité. Au-delà, elle poursuit un triple objectif. D'abord, elle garantit la solidarité familiale : elle prolonge, dans la succession, l'obligation alimentaire. À l'heure où l'on déplore le recul des solidarités familiales, la réserve est donc essentielle : ceux qui ne bénéficieraient plus de cette solidarité viendraient grossir les rangs de ceux qui en appellent à la solidarité nationale. Ensuite, la réserve héréditaire protège les enfants contre les risques d'un abus d'autorité de leurs ascendants. La liberté de déshériter peut constituer une menace terrible, en permettant aux parents de décider, au-delà du raisonnable, des orientations de vie de leurs enfants. Enfin, la réserve peut permettre de garantir le maintien de certains biens dans la famille. Tous ces arguments justifient pleinement le maintien du principe de la réserve héréditaire. Nos concitoyens y sont très attachés 151 ( * ) . » Ajoutons que la réserve garantit une égalité minimale entre les héritiers en empêchant que l'un d'entre eux ne soit avantagé au-delà d'un certain montant.

Deux de ces aménagements sont prévus par le présent article.

2. Les conséquences de la renonciation à la succession

En l'état actuel du droit, la renonciation d'un enfant à la succession 152 ( * ) laisse la quotité disponible inchangée, l'article 913 du code civil ne faisant référence qu'au nombre d'enfants laissés par le défunt -qu'ils renoncent ou non à la succession. L'importance de la part de réserve garantie à chacun des enfants acceptant s'en trouve mécaniquement accrue.

Partant de l'hypothèse que l'esprit d'une telle renonciation est d'accroître la liberté du disposant et non pas d'augmenter la part de réserve dont pourront disposer les autres héritiers réservataires, le du premier paragraphe (I) , adopté sans modification par l'Assemblée nationale, tend à compléter l'article 913 du code civil afin de prévoir que l'enfant renonçant à la succession n'est pas pris en compte pour le calcul de la quotité disponible, sauf s'il est représenté .

En l'état actuel du droit, le principe veut que l'on ne représente pas les héritiers qui ont renoncé à la succession. Seuls sont représentés l'héritier prédécédé et, depuis la loi du 3 décembre 2001, l'héritier indigne. Le 13° de l'article 22 du projet de loi tend à revenir sur ce principe et à modifier l'article 754 du code civil afin de prévoir la représentation du renonçant par ses descendants. Cette modification tout à fait justifiée vient donc atténuer les conséquences de la modification proposée sur le montant global de la réserve.

Exemples

La possibilité de représenter un héritier renonçant en ligne directe

M. X décède en laissant deux enfants A et B.

A a un fils.

A renonce à la succession.

Situation actuelle

C ne peut pas venir en représentation de son père A renonçant.

B, cohéritier, reçoit la totalité de la succession.

Situation nouvelle

C peut représenter son père A.

Il hérite de la moitié de la succession. B hérite de l'autre moitié.

Le taux de la réserve en présence de descendants

Exemple 1 : présence d'un renonçant sans descendant

M. X. décède en laissant deux enfants : A et B.

A qui n'a pas de descendant renonce à la succession.

B l'accepte.

M. X a désigné Z légataire universel.

Situation actuelle

La réserve globale reste fixée aux 2/3. Elle est attribuée à B.

Le légataire universel reçoit la quotité disponible d'un montant de 1/3.

Situation nouvelle

A renonçant ne peut pas être représenté.

La part de B est donc égale à la 1/2 (c'est-à-dire à la réserve).

Le légataire universel reçoit la quotité disponible d'un montant de la 1/2.

Exemple 2 : présence d'un renonçant avec descendants

M. X décède laissant deux enfants A et B.

A a un descendant C.

A renonce à la succession.

B l'accepte.

M. X a désigné Z légataire universel.

Situation actuelle

C ne peut pas venir en représentation de A. La réserve globale reste fixée aux 2/3. Elle est attribuée à B.

Le légataire universel reçoit la quotité disponible d'un montant de 1/3.

Situation nouvelle

C peut venir en représentation de A et appréhender la part réservataire de son père, soit 1/3.

B reçoit sa part réservataire égale à 1/3.

Le légataire universel reçoit la quotité disponible d'un montant de 1/3.

Une disposition similaire était prévue par le projet de loi initial à l'article 914 du code civil, relatif à la réserve des ascendants. Il s'agissait en particulier d'éviter, dans l'hypothèse où il subsiste un ascendant dans chaque branche, que la renonciation de l'une des deux branches conduise mécaniquement, en raison du maintien d'une quotité disponible égale à la moitié des biens, à doubler la réserve de la branche acceptante, alors que le défunt a pu souhaiter léguer ses biens à un tiers. Ayant décidé de supprimer la réserve des ascendants, l'Assemblée nationale n'a pas conservé cette disposition.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination afin de lever les difficultés de liquidation qui pourraient surgir en cas de donation faite à un héritier renonçant astreint au rapport en vertu des dispositions de l'article 845 du code civil. Cet héritier doit être traité comme un héritier réservataire acceptant uniquement pour ce qui concerne la réunion fictive, l'imputation et la réduction de la libéralité en cause.

3. La suppression de la réserve des ascendants

Le du premier paragraphe (I) tend à abroger l'article 914 du code civil, qui établit la réserve des ascendants.

Le du premier paragraphe (I) tend à supprimer la référence à la réserve des ascendants à l'article 914-1 du code civil, qui établit celle du conjoint survivant en l'absence de descendant ou d'ascendant.

Le du premier paragraphe (I) tend à opérer la même modification à l'article 916 du code civil, qui prévoit qu'à défaut de descendant, d'ascendant et de conjoint survivant non divorcé, contre lequel n'existe pas de jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée et qui n'est pas engagé dans une instance en divorce ou séparation de corps, les libéralités peuvent épuiser la totalité des biens.

Enfin, le second paragraphe (II) tend à modifier l'article L. 123-6 du code de la propriété intellectuelle, aux termes duquel le conjoint survivant bénéficie de l'usufruit du droit d'exploitation dont l'auteur n'aura pas disposé dans la limite des droits des héritiers réservataires.

Pour justifier la suppression de la réserve des ascendants, votée par les députés sur proposition de leur commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, M. Sébastien Huyghe, rapporteur, a fait valoir :

- d'une part, que ces derniers « sont de toute façon protégés par l'obligation alimentaire prévue par le code civil » ;

- d'autre part, que « ce mécanisme est souvent mal vécu par certains conjoints lors des successions, notamment s'agissant de familles au sein desquelles les liens entre le défunt et les ascendants étaient distendus. Je pense notamment aux familles recomposées où le lien avec l'enfant a été rompu dès le plus jeune âge, les conjoints considérant qu'il n'est pas normal qu'un parent qu'ils n'ont jamais connu puisse hériter obligatoirement d'un quart de leur patrimoine 153 ( * ) . »

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que le Gouvernement était favorable à cet amendement « car l'idée nouvelle qu'il introduit permettra de moderniser le code en termes de successions, en proposant d'autres voies que la remontée vers les parents de la moitié du patrimoine. C'est une liberté plus grande donnée à la personne . »

Cette suppression de la réserve des ascendants ne jouerait toutefois que pour les biens acquis par le défunt . En contrepartie, l'Assemblée nationale a en effet inséré un 12° bis à l'article 22 du projet de loi afin d'accorder aux ascendants un droit de retour automatique, en nature ou à défaut en valeur, des biens qu'ils ont donnés en avancement de part successorale à leur enfant prédécédé.

Plutôt que de supprimer la réserve des ascendants, d'aucuns avaient suggéré de réduire son quantum, par exemple en la fixant à un quart de la succession.

Toutefois, la question porte moins sur le quantum de cette réserve que sur son principe même et l'opportunité de son maintien.

Cette restriction à la liberté de disposer ne paraît plus justifiée. En sus des arguments invoqués par le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale et le garde des sceaux, il est possible de relever que l'application de cette règle conduit à des situations choquantes dans les cas où le patrimoine de l'enfant prédécédé est composé dans une part importante du produit de son industrie. En outre, quand bien même la réserve des ascendants serait supprimée, ces derniers conserveraient leur qualité d'héritier légal, aux rang et taux qui étaient jusqu'à présent les leurs. Enfin, la réforme proposée prévoit un mécanisme de droit de retour légal sur les biens donnés par les ascendants susceptible de satisfaire l'objectif de l'actuelle réserve : assurer le respect de l'obligation alimentaire et éviter que certains biens ne quittent le patrimoine familial.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 12 ainsi modifié .

Article 13 (art. 868, 918, 919, art. 919-1 et 919-2 nouveaux, art. 920, 921, 922, 924, art. 924-1 à 924-4 nouveaux, art. 928 du code civil, art. L. 321-17 du code rural)
Délais et modalités d'exercice de l'action en réduction des libéralités excessives

Cet article a pour objet de regrouper les règles d'imputation et de réduction des libéralités, aujourd'hui dispersées dans le code civil, et de moderniser les conditions d'exercice de l'action en réduction des libéralités excessives, notamment en raccourcissant les délais de prescription et en permettant une réduction en valeur plutôt qu'en nature.

1. Le principe de la réduction des libéralités excessives

La protection de la réserve, lorsqu'elle existe, n'est pas assurée par la nullité des libéralités excédant la quotité disponible mais par leur réduction.

L'article 920 du code civil énonce ainsi que : « Les dispositions soit entre vifs, soit à cause de mort, qui excéderont la quotité disponible, seront réductibles à cette quotité lors de l'ouverture de la succession . »

Le bis du premier paragraphe (I) , inséré par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission de Lois et avec l'accord du Gouvernement, tend à le réécrire afin de faire référence aux libéralités, plutôt qu'aux dispositions entre vifs ou à cause de mort, en précisant qu'elles peuvent être directes ou indirectes ainsi que l'admet la jurisprudence.

Les règles régissant la détection des libéralités réductibles et les modalités de la réduction sont d'ordre public : le de cujus ne saurait y déroger. Toutefois, la réserve bornant la seule volonté de ce dernier et non celle de ses héritiers, les libéralités excessives ne sont pas réduites de plein droit : la réduction doit être demandée.

2. La détection des libéralités réductibles

Il n'est possible de savoir si des libéralités sont ou non attentatoires à la réserve que lors de l'ouverture de la succession. A cet effet, il convient :

- d'abord de rechercher le taux de la réserve et de la quotité disponible, eu égard au nombre et à la qualité des héritiers ;

- ensuite, de liquider la réserve et la quotité disponible, c'est-à-dire de les chiffrer ;

- enfin, d'imputer les libéralités.

• La liquidation de la réserve et de la quotité disponible

La réserve et la quotité disponible sont calculées sur une masse dont l'article 922 du code civil détermine la composition et l'évaluation.

Pour que la réserve borne non seulement les legs mais également les donations, conformément à l'article 913 du code civil, cette masse est calculée sur le patrimoine que le de cujus aurait laissé à sa mort s'il n'avait rien donné , donc sur un patrimoine fictivement reconstitué 154 ( * ) .

Ce calcul est opéré de la manière suivante :

- on rassemble les biens existants ;

- on en déduit les dettes 155 ( * ) , le solde devant être tenu pour nul si le passif est supérieur à l'actif 156 ( * ) ;

- on y réunit fictivement les biens donnés, opération purement comptable qui n'oblige le ou les donataires à aucune restitution.

* En l'état actuel du droit, les biens ayant fait l'objet d'une donation entre vifs sont évalués :

- d'après leur état à l'époque de la donation, de sorte qu'il n'est tenu compte ni des améliorations ni des dégradations imputables au donataire ;

- et d'après leur valeur à l'ouverture de la succession ou, s'ils ont fait l'objet d'une aliénation, leur valeur à la date de celle-ci et, s'il y a eu subrogation (c'est-à-dire acquisition de nouveaux biens avec le produit de l'aliénation des biens donnés), de la valeur des biens subrogés au jour de l'ouverture de la succession.

Cette règle souffre une exception, prévue par l'article 1078 du code civil : sauf volonté contraire du disposant, les biens ayant fait l'objet d'une donation-partage sont évalués au jour de la donation-partage si tous les enfants vivants ou représentés au décès de l'ascendant ont reçu un lot dans le partage anticipé et s'il n'a pas été prévu de réserve d'usufruit portant sur une somme d'argent.

Les modifications proposées par le du premier paragraphe (I ) pour l'article 922 du code civil consistent à prévoir :

- en premier lieu, que les dettes ou charges grevant les biens donnés sont déduites de la valeur de ceux-ci lors de la réunion fictive de l'ensemble des biens du défunt . Cette disposition a été introduite par l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement. Les dettes sont les sommes dues par le défunt afférentes directement au bien (par exemple le reliquat d'un prêt pour l'acquisition d'un bien), tandis que les charges sont les obligations imposées au donataire par le donateur, dont la méconnaissance peut justifier la révocation de la libéralité (par exemple l'obligation de maintien en bon état, l'inaliénabilité, l'obligation d'héberger une personne) ;

- en deuxième lieu, qu' en cas de subrogation , les nouveaux biens du donataire doivent être évalués d'après leur état à l'époque de leur acquisition . La jurisprudence le prévoyait déjà dans le silence de la loi. L'objectif recherché est d'éviter que la valeur totale de la masse successorale ne soit augmentée, au profit de l'ensemble des héritiers, du seul fait des travaux et investissements effectués par le donataire sur les biens subrogés avant le décès du disposant ;

- en dernier lieu, qu' il est cependant tenu compte de la valeur des biens reçus par donation à l'époque de la subrogation, si la dépréciation des nouveaux biens était inéluctable, en raison de leur nature, au jour de leur acquisition . Il ne serait en effet pas équitable, à l'égard des autres héritiers, de retenir la valeur, très réduite au jour de la succession, de biens non durables ayant été substitués plusieurs années plus tôt par le donataire aux biens qu'il avait reçus. La rédaction initiale du projet de loi ne précisait pas de quelle manière le caractère inéluctable de cette dépréciation serait apprécié. En introduisant le critère de la « nature » des biens, sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a exclu la prise en compte des dépréciations pouvant résulter de l'évolution du marché. « Serait, dès lors, considérée comme inéluctable la dépréciation de biens peu durables, tels que des automobiles, matériels informatiques, téléviseurs ou appareils ménagers ; à l'inverse, un appartement n'entrerait pas dans cette catégorie même s'il a été acheté dans les plus mauvaises conditions du marché immobilier 157 ( * ) . » Toutefois, en disposant qu'il est tenu compte de la valeur des biens reçus par donation à l'époque de la subrogation, l'Assemblée nationale a fait supporter au donataire qui aurait éventuellement aliéné un bien donné pour le remployer dans l'acquisition d'un bien de consommation la variation de la valeur du bien donné entre l'aliénation et le remploi 158 ( * ) .

En conséquence, votre commission vous soumet, outre deux amendements rédactionnels, un amendement ayant pour objet de prévoir que, lors de la réunion fictive des biens effectuée pour le calcul de la quotité disponible et de la réserve et en cas de subrogation de biens ayant fait l'objet d'une donation, il n'est pas tenu compte de la subrogation lorsque la dépréciation des nouveaux biens était, en raison de leur nature, inéluctable au jour de leur acquisition. Les biens donnés seront estimés à leur valeur au moment de leur aliénation.

* Tous les biens donnés par le de cujus sont en principe soumis à la réunion fictive . Peu importe la personne du donataire, la forme de la donation ou encore qu'il s'agisse d'une donation ordinaire, d'une donation-partage ou d'une donation par contrat de mariage.

Cette règle souffre cependant quelques exceptions :

- les primes d'une assurance sur la vie souscrite au bénéfice d'un tiers déterminé , sauf si elles s'avèrent manifestement exagérées eu égard aux facultés de l'assuré ( art. L. 132-13 du code des assurances ) ou que l'opération n'était que de pur placement ;

- les frais de nourriture, d'entretien, d'éducation, d'apprentissage, les frais ordinaires d'équipement, ceux de noces et les présents d'usage, qui ne doivent pas être rapportés sauf, prévoit désormais l'article 5 du projet de loi, volonté contraire du disposant ( art. 852 du code civil ) ;

- les fruits et revenus échus entre le jour de la donation et le décès ( art. 928 du code civil ).

* En cas de contestation sur l'existence d'une donation, c'est aux héritiers réservataires d'en rapporter la preuve , par tous moyens. Cette preuve ne fait aucune difficulté si la donation est authentique. Elle peut être très difficile à établir s'il s'agit d'une donation déguisée, d'une donation indirecte ou d'un don manuel.

Dans un cas cependant, prévu par l'article 918 du code civil, la loi dispense celui qui l'invoque de prouver l'existence de la libéralité . Elle présume qu'une donation se dissimule sous l'apparence d'un acte onéreux en cas de vente consentie à un successible en ligne directe 159 ( * ) avec réserve d'usufruit 160 ( * ) ou à fonds perdus , c'est-à-dire moyennant un avantage viager pour le disposant (rente viagère, bail à nourriture).

Cette présomption repose sur la crainte que, pour faire échapper à la réduction la libéralité qu'il adresse à l'un de ses successibles, le de cujus ne la déguise en une vente et que, le moment venu, les réservataires ne soient pas en mesure de démontrer la nature gratuite de l'opération.

Seules sont concernées les ventes particulièrement suspectes en raison de leurs conditions, de la personne de l'acquéreur et de l'absence d'intervention des autres réservataires. La présomption est en effet écartée par le consentement à l'acte des cohéritiers du successible acquéreur, qui vaut reconnaissance par eux de la sincérité de l'acte et les disqualifie donc pour en demander ensuite la réunion fictive.

Les effets de cette présomption , qui est irréfragable, sont doubles :

- le prix stipulé est réputé fictif et la vente receler une donation déguisée, la donation n'est donc pas nulle mais donne lieu à la réunion fictive et se trouve exposée au risque de réduction ;

- la libéralité est réputée être consentie à titre de préciput, c'est-à-dire imputable sur la quotité disponible et exemptée de l'obligation du rapport, le de cujus étant soupçonné d'avoir voulu frauduleusement avantager le successible.

Le du premier paragraphe (I) , qui a fait l'objet d'amendements de coordination de l'Assemblée nationale, tend à réécrire l'article 918 du code civil afin d'actualiser ses dispositions.

Les modifications proposées sont de pure forme . Elles consistent à prévoir :

- en premier lieu, que la valeur des biens est imputée sur la « quotité disponible » et non sur la « portion disponible » 161 ( * ) ;

- en deuxième lieu, que l'éventuel excédent est « sujet à réduction » et non pas « rapporté à la masse » de partage ;

- en dernier lieu, que cette imputation et cette réduction ne peuvent être demandées que par les autres successibles en ligne directe qui n'ont pas consenti aux aliénations, la mention actuelle des collatéraux -frères, soeurs, cousins et cousines du défunt étant en effet inopérante puisqu'ils n'ont pas la qualité d'héritiers réservataires.

La réécriture à laquelle l'Assemblée nationale a procédé comporte une erreur matérielle que votre commission vous propose de réparer par un amendement . En effet, la seconde phrase du texte proposé pour l'article 918 du code civil réserve la possibilité d'exercer l'action en réduction aux successibles en ligne directe 162 ( * ) qui ont consenti à la libéralité alors que l'objectif recherché est à l'inverse, comme dans le droit en vigueur, de les en priver, seuls les autres héritiers réservataires pouvant introduire une action en réduction.

• L'imputation des libéralités

L'imputation est décisive pour le sort des libéralités. Elle consiste, une fois toutes les évaluations faites, à prendre les libéralités une à une afin de savoir de chacune d'elles si elle est ou non attentatoire à la réserve. Elle permet de constater et de mesurer l'excédent éventuel.

Ce n'est pas parce que le total des libéralités excède le montant de la quotité disponible que la réduction est inéluctable. Cela ne serait vrai que si toutes les libéralités étaient nécessairement prélevées sur le disponible. Or tel n'est pas le cas. Certaines d'entre elles tendent à composer la part de réserve du gratifié, de sorte qu'il n'y a pas lieu de les prélever sur le disponible. Il importe donc de connaître le secteur d'imputation des libéralités .

Les libéralités adressées à un gratifié dépourvu de droit dans la réserve , qu'il s'agisse d'une personne n'étant pas appelée à la succession, d'un héritier n'ayant pas la qualité de réservataire ou d'un héritier réservataire renonçant, sont nécessairement imputées sur la quotité disponible .

Les libéralités consenties au bénéfice d'un héritier réservataire acceptant, tout particulièrement un enfant, sont les plus fréquentes.

Elles n'ont généralement pas pour objet de l'avantager au détriment des autres mais de répondre à un besoin conjoncturel (donation) ou d'allotir les biens (legs, partage d'ascendant). Elles constituent donc seulement, pour les donations, une avance sur la part successorale du donataire, aujourd'hui appelée un avancement d'hoirie.

Toutefois, l'auteur de la libéralité a la possibilité, s'il le souhaite, d'avantager l'un de ses héritiers réservataires en prévoyant une imputation sur la quotité disponible, la libéralité étant alors consentie à titre de préciput et hors part successorale.

Il résulte ainsi de l'article 919 du code civil que la libéralité consentie à un successible :

- constitue en principe un avancement d'hoirie, rapportable au moment de la succession 163 ( * ) ,

- mais peut s'imputer sur tout ou partie de la quotité disponible et être dispensée du rapport à la condition que son auteur lui ait expressément donné un caractère préciputaire, soit dans l'acte lui-même soit ultérieurement.

Les modifications proposées par le du premier paragraphe (I) sont rédactionnelles . Guidées par l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité du droit, elles consistent à ne plus faire référence aux donations « à titre de préciput et hors part » mais aux donations « hors part successorale ».

L'article 864 du code civil dispose quant à lui :

- d'une part, que la donation faite en avancement d'hoirie à un héritier réservataire qui accepte la succession s'impute sur sa part de réserve et, subsidiairement, sur la quotité disponible, s'il n'en a pas été autrement convenu dans l'acte de donation 164 ( * ) , l'excédent étant sujet à réduction ;

- d'autre part, que la donation faite en avancement d'hoirie à un héritier réservataire qui renonce à la succession est traitée comme une donation préciputaire -ce qui permet au renonçant de conserver les biens antérieurement reçus à la condition que ces libéralités ne soient pas à la fois excessives et visées par une action en réduction.

Le du premier paragraphe (I) tend à faire figurer ces dispositions dans un nouvel article 919-1 du code civil 165 ( * ) , sous réserve de modifications formelles .

Elles trouvent effectivement davantage leur place dans le chapitre III du titre II du livre III du code civil, consacré à la réserve héréditaire, à la quotité disponible et à la réduction des libéralités excessives, que dans le chapitre VI du titre I du même livre, consacré au partage et aux rapports successoraux.

Les deux premières modifications sont d'ordre rédactionnel. Toujours guidées par l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité du droit, elles consistent à préférer l'expression « donation faite en avancement de part successorale » à celle de « donation en avancement d'hoirie » et à faire référence, comme à l'article 919, aux donations « hors part successorale ».

La troisième modification est une mesure de coordination. Elle consiste à ménager expressément l'exception au principe selon lequel la donation faite en avancement de part successorale à un héritier réservataire qui renonce à la succession est traitée comme une donation hors part successorale. Prévue par l'article 845 du code civil dans sa rédaction issue de l'article 5 du projet de loi, cette dérogation permet au défunt d'exiger dans l'acte de donation le rapport de la libéralité en cas de renonciation à la succession. Dans cette hypothèse, le gratifié ne pourra en conserver le bénéfice.

Une libéralité en avancement de part successorale n'est ainsi réductible que si elle excède les limites de la réserve de son bénéficiaire. Toutefois, sauf dans l'hypothèse d'une donation-partage, elle demeure rapportable et les héritiers sont fondés à en exiger le rapport : sauf si celui-ci a été stipulé en nature, on inscrira donc dans la masse partageable une indemnité de rapport égale à la valeur du bien au partage.

Bien que les libéralités en avancement de part successorale soient rapportables et doivent à ce titre être restituées par leur bénéficiaire, leur imputation est nécessaire -et l'article 919-1 qui la prévoit- à un double titre :

- les modalités de la restitution en dépendent car la restitution exigible au titre du rapport n'obéit pas aux mêmes règles que celle qui est due au titre de la réduction ;

- elle affecte également la réductibilité des libéralités ultérieurement consenties. Selon que la libéralité s'impute sur la quotité disponible ou la réserve, elle crée ou non un risque de réduction des libéralités hors part successorale qui ne s'imputent qu'après elle.

Dans le cas où une libéralité est à la fois réductible et rapportable, il appartient aux cohéritiers du gratifié de choisir le signe sous lequel demander la restitution. En l'état actuel du droit, s'ils veulent retenir ou récupérer en nature le bien légué ou donné : en présence d'un legs, ils demanderont la réduction, qui se fait en principe en nature, et non le rapport, qui se fait en valeur ; en présence d'une donation stipulée rapportable en nature, ils demanderont le rapport, et non la réduction, qui se fait en valeur.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination prévoyant que la donation faite en avancement de part successorale à un héritier réservataire qui renonce à la succession est traitée comme une donation faite hors part successorale sauf lorsqu'il est astreint au rapport en application des dispositions de l'article 845. Dans cette hypothèse, l'héritier qui renonce est traité comme un héritier acceptant pour la réunion fictive, l'imputation et, le cas échéant, la réduction de la libéralité qui lui a été consentie.

Enfin, le du premier paragraphe (I) tend à insérer dans le code civil un article 919-2 reprenant, sous réserve des mêmes modifications sémantiques, les dispositions actuelles de l'article 865 166 ( * ) , en vertu desquelles la libéralité faite hors part successorale s'impute sur la quotité disponible , l'excédent étant sujet à réduction.

Cette règle est logique puisque la libéralité, destinée à avantager le gratifié, rompt l'égalité entre les héritiers. Elle emporte deux conséquences :

- l'imputation se fait nécessairement au préjudice des libéralités ultérieures qui ne peuvent s'imputer que sur le disponible. C'est ainsi que le père de famille qui fait une donation préciputaire -hors part successorale- à l'un de ses enfants aliène toujours tout ou partie de sa liberté testamentaire ;

- dès lors que la libéralité excède la quotité disponible, elle est réductible. Elle ne peut être imputée subsidiairement sur la part de réserve à laquelle le gratifié peut, par hypothèse, prétendre. Il reste que si les droits du gratifié dans la réserve sont sans incidence sur la réductibilité de la libéralité hors part successorale, ils déterminent largement les modalités de sa réduction. Ils permettent parfois que celle-ci n'ait lieu qu'en valeur.

2. Les modalités de la réduction

• Réduction en nature et réduction en valeur

La réduction rétablit la réserve en neutralisant les libéralités excessives dans la mesure de l'excès. Elle se conçoit en nature ou en valeur :

- en nature, elle permet aux réservataires de récupérer ou de conserver les biens mêmes qui ont été donnés ou légués au delà de la quotité disponible ;

- en valeur, elle permet au gratifié de conserver la propriété du bien donné ou légué moyennant le versement d'une indemnité compensatrice de l'excès et reconstitue la réserve en argent seulement.

La loi fait aujourd'hui une part à l'une et l'autre de ces modalités, en tenant compte à la fois des principaux fondements de la réserve (la conservation des biens dans la famille, menacée par des libéralités faites à des étrangers, et le maintien d'une égalité minimale entre les enfants, compromise par les libéralités adressées à l'un d'entre eux) et de leurs avantages et inconvénients économiques respectifs. Cette répartition peut être schématiquement résumée de la manière suivante.

Si la libéralité est adressée à une personne qui n'est pas appelée à la succession, sa réduction tend à assurer la conservation des biens dans la famille et doit donc être opérée en nature. La réduction est toutefois opérée en valeur en cas de perte ou d'aliénation du bien, de donation d'une entreprise à un tiers appelé à une donation-partage ou encore de legs à l'Etat d'un bien à caractère culturel.

Si la libéralité est adressée à une personne appelée à la succession, sa réduction tend à assurer une égalité minimale entre les héritiers. Cette égalité n'est alors assurée en nature que s'il n'en résulte pas d'inconvénients économiques sérieux ; dans le cas contraire, on se contente d'une simple égalité en valeur :

- s'il s'agit d'une donation, la réduction en nature emporte des conséquences économiques néfastes, de sorte qu'on lui préfère la réduction en valeur. En effet, la donation étant une libéralité de biens présents, le donataire a acquis ses droits dès avant le décès et a pu les exercer valablement. La réduction en nature l'oblige à une restitution et menace de résolution les droits qu'il a pu consentir à des tiers. Aussi, entre la donation et le décès, sa perspective crée-t-elle une insécurité, elle-même génératrice d'une gestion négligente et d'une indisponibilité de fait ;

- s'il s'agit d'un legs, c'est la réduction en nature, alors inoffensive, qui est en principe retenue.

Les règles actuelles sont toutefois extrêmement complexes, les exceptions à ces principes étant nombreuses.

Aussi le du premier paragraphe (I) tend-il à réécrire l'article 924 du code civil, qui prévoit la réduction en valeur des seules libéralités préciputaires reçues par un héritier réservataire, et à insérer dans ce même code deux nouveaux articles 924-1 et 924-2, afin de poser le principe de la réduction en valeur des libéralités excessives .

Cette forme de réduction permet non seulement de sécuriser les titres de propriété acquis par les personnes gratifiées par le défunt mais également de mieux respecter sa volonté.

Le premier alinéa du texte proposé pour l'article 924 du code civil dispose que toute libéralité portant atteinte à la réserve de l'un des héritiers réservataires doit être réduite de sa portion excessive, par le biais d'une indemnité versée par le gratifié au réservataire .

Le second alinéa reprend, dans une nouvelle rédaction, les dispositions figurant actuellement à cet article, en vertu desquelles, lorsque le bénéficiaire de la libéralité excessive est lui-même un héritier réservataire, la réduction en valeur s'effectue d'abord par imputation en moins prenant sur ses droits réservataires, le complément éventuellement requis donnant lieu à une indemnité supplémentaire versée à l'héritier réservataire lésé afin de réparer intégralement le préjudice financier causé par l'atteinte à sa réserve.

A défaut de paiement de cette indemnité par le bénéficiaire de la libéralité excessive, l'héritier réservataire pourrait obtenir, par décision du tribunal de grande instance, la saisie des biens du gratifié, devenu son débiteur. Si ce dernier était insolvable, il pourrait se retourner contre les tiers lui ayant acheté les biens donnés dans les conditions prévues à l'article 924-4 que le 9° du premier paragraphe (I) tend à insérer dans le code civil.

Le texte proposé pour insérer un article 924-1 dans le code civil a pour objet, par dérogation au principe posé à l'article 924, de donner au bénéficiaire de la libéralité excessive la faculté de choisir , dans un délai de trois mois à compter de la mise en demeure adressée par l'héritier réservataire lésé, de procéder à la réduction en nature de l'excédent .

Pour pouvoir exercer cette faculté, il devrait non seulement être encore propriétaire du bien donné ou légué -ce qui va de soi- mais également ne pas l'avoir grevé d'une charge ou d'une occupation après l'avoir reçu. Ces exigences découlent du principe selon lequel la réserve s'apprécie en pleine propriété et libre de charge.

• Les modalités de calcul de l'indemnité de réduction

Le texte proposé pour insérer un article 924-2 dans le code civil a pour objet de préciser les modalités de calcul de l'indemnité de réduction due à l'héritier réservataire pour compenser l'excédent reçu par le bénéficiaire de la libéralité excessive.

Il prévoit que la valeur des biens prise en compte pour déterminer le montant de l'indemnité de réduction doit être appréciée à l'époque du partage 167 ( * ) ou, le cas échéant, de leur aliénation par le gratifié.

Comme lors de la réunion fictive de l'ensemble des biens du défunt prévue par l'article 922 du code civil pour la liquidation de la réserve et de la quotité disponible, les biens seraient évalués d'après leur état au jour de la prise d'effet de la libéralité.

En cas de subrogation, le calcul de l'indemnité de réduction devrait tenir compte de la valeur des nouveaux biens au jour du partage, d'après leur état à l'époque de l'acquisition.

Dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait que si la dépréciation du bien subrogé était inéluctable au jour de son acquisition, la subrogation n'avait pas lieu. Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé :

- d'une part, que le caractère inéluctable de la dépréciation devait être apprécié en fonction de la nature du bien -et non des aléas du marché ;

- d'autre part, que dans cette hypothèse, il devrait être tenu compte de la valeur des biens reçus par donation à l'époque de la subrogation.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination tendant à prévoir qu'en cas de subrogation, le calcul de l'indemnité de réduction doit tenir compte de la valeur des nouveaux biens à l'époque du partage d'après leur état à l'époque de l'acquisition. Il n'y a en effet pas lieu de prévoir que la valeur des biens donnés ou légués doit être appréciée à l'époque du partage tandis que celle des biens subrogés doit l'être au jour du partage.

Toujours sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé le second alinéa du texte proposé par le projet de loi initial pour insérer un article 924-2 dans le code civil. Les dispositions supprimées avaient pour objet de préciser la procédure applicable lorsque seule une partie de la libéralité est excessive et doit par conséquent être réduite. Une telle précision est apparue, à juste titre, inutile aux députés.

• Les modalités de paiement de l'indemnité de réduction

Le du premier paragraphe (I) a pour objet de déplacer dans un nouvel article 924-3 du code civil les dispositions actuelles de l'article 868, relatives aux modalités de paiement de l'indemnité de réduction des libéralités excessives , sous réserve d'une modification consistant à préciser la date à compter de laquelle les sommes dues par le gratifié à l'héritier réservataire au titre de l'indemnité de réduction produisent des intérêts au taux légal.

Cette précision, qui consiste à indiquer que les sommes sont productives d'intérêt sitôt fixé le montant de l'indemnité à verser à l'héritier réservataire (en pratique, il s'agit généralement de la date du partage, à moins que celui-ci n'ait été reporté), constitue la consécration d'une jurisprudence de la Cour de la cassation remontant au 21 mai 1985.

Votre commission vous soumet un amendement tendant à supprimer des dispositions redondantes et à opérer des coordinations avec les dispositions du projet de loi.

Tirant la conséquence du déplacement des dispositions de l'article 868 dans un nouvel article 924-3, le second paragraphe (II) , inséré par l'Assemblée nationale en première lecture, a pour objet de modifier l'article L. 321-7 du code rural, relatif au paiement du bénéficiaire d'un contrat de salaire différé.

• Les conditions d'indemnisation de l'héritier réservataire en cas d'insolvabilité du bénéficiaire de la libéralité excessive

Le du premier paragraphe (I) tend à insérer un article 924-4 dans le code civil afin de préciser les conditions d'indemnisation de l'héritier réservataire en cas d'insolvabilité du bénéficiaire de la libéralité excessive .

Il reprend, sous réserve de modifications, les dispositions actuelles de l'article 930 qui aurait désormais trait, en application de l'article 14 du projet de loi, à la renonciation anticipée à l'action en réduction.

Les héritiers réservataires lésés ont la possibilité d'exercer à l'encontre des tiers détenteurs des biens aliénés par le gratifié insolvable, une action en réduction ou revendication.

L'exercice de cette action est subordonnée à la discussion préalable des biens : si la réduction doit en principe être exécutée en nature, elle peut avoir lieu en valeur.

De même que les donations sont réduites dans l'ordre chronologique en commençant par la plus récente, les biens aliénés le plus récemment par le gratifié seront les premiers visés par l'action des héritiers réservataires.

Les dispositions de l'article 930 ne visent que les immeubles. Cependant, la jurisprudence a étendu leur application aux biens meubles. Alors que l'action contre les tiers détenteurs peut toujours être exercée pour les premiers, elle ne peut l'être pour les seconds que lorsqu'il s'agit de meubles corporels individualisés, perdus ou volés depuis moins de trois ans. L'article 2279 du code civil prévoit en effet que, pour les meubles, « possession vaut titre », y compris en cas de perte ou de vol en l'absence de réclamation du propriétaire dans un délai de trois ans. La rédaction proposée pour insérer un article 924-4 dans le code civil tend à consacrer cette jurisprudence.

Actuellement, l'action en réduction ou en revendication ne peut être exercée si les biens ont été aliénés par le gratifié avec l'accord du donateur et de tous les réservataires nés et vivants au moment de l'aliénation. Si un héritier réservataire vient à naître après la vente, comme il n'a pas renoncé, il pourra revendiquer le bien entre les mains du tiers acquéreur.

La rédaction proposée pour insérer un article 924-4 dans le code civil tend :

- d'une part, à permettre aux héritiers réservataires de renoncer à l'action en réduction ou en revendication, non plus seulement au moment de l'aliénation mais également au moment de la donation ou entre la donation et l'aliénation ;

- d'autre part, à interdire aux héritiers réservataires nés après l'aliénation d'exercer l'action en réduction ou en renonciation si, à l'époque, tous les héritiers réservataires présomptifs l'avaient acceptée.

• L'abrogation de l'article 925 du code civil, prévoyant la caducité d'un testament lorsque la valeur des donations entre vifs excède ou égale la quotité disponible

Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet d'abroger l'article 925 du code civil, aux termes duquel : « Lorsque la valeur des donations entre vifs excèdera ou égalera la quotité disponible, toutes les dispositions testamentaires seront caduques ».

Ainsi, dès que la quotité disponible a déjà fait l'objet d'une complète disposition, le testament ne peut pas s'exécuter.

Cette disposition heurte deux objectifs du projet :

- l'institution d'une réserve héréditaire en valeur ;

- l'augmentation de la liberté de disposition du défunt.

Etant donné que la réserve héréditaire sera désormais appréciée en valeur et protégée par l'action en réduction, il apparaît logique d'abroger l'article 925.

• La suppression de l'obligation, pour le bénéficiaire d'une libéralité excessive, de restituer à l'héritier réservataire lésé les fruits produits par les biens constituant l'excédent, lorsque la réduction s'effectue en valeur

Le 10° du premier paragraphe (I) a pour objet de modifier l'article 928 du code civil afin de dispenser le bénéficiaire d'une libéralité excessive de restituer à l'héritier réservataire lésé les fruits produits par les biens constituant l'excédent, lorsque la réduction s'effectue en valeur.

Ainsi qu'il l'a été indiqué, cette restitution n'est actuellement due, en aucun cas, pour la période comprise entre la date de la libéralité et celle du décès du disposant -alors même que les biens abusivement donnés ont pu produire des fruits- car le respect de la réserve n'est requis qu'à la date de l'ouverture de la succession. L'article 928 prévoit en outre que, lorsque la demande de réduction des libéralités excessives a été formée plus d'une année après le décès du disposant, la restitution des fruits est due non pas à compter du décès de ce dernier, mais de la date de la demande de réduction, règle qui doit inciter l'héritier réservataire à la diligence et qui n'est pas ici remise en cause.

La modification proposée tend à revenir sur une jurisprudence de la Cour de cassation 168 ( * ) , en vertu de laquelle le donataire est tenu de restituer l'équivalent des fruits perçus du fait de l'excédent, même lorsque la réduction s'effectue en valeur. Elle repose sur l'argument selon lequel la réserve devant dorénavant s'apprécier en valeur au moment du décès, le choix ordinaire de réduire en valeur les libéralités excessives signifie que l'héritier réservataire n'a pas acquis, à compter du décès, de droit au bien lui-même et ne peut donc pas réclamer la perception de ses fruits à compter de cette date .

La différence ainsi créée entre les conséquences financières de la réduction en valeur et celles de la réduction en nature devrait logiquement conduire les bénéficiaires de libéralités excessives à privilégier la réduction en valeur. La modification proposée devrait donc favoriser la consolidation des situations patrimoniales précédemment acquises.

3. La demande en réduction

A la différence du rapport, la réduction n'opère pas de plein droit. Elle suppose une demande.

• Les titulaires du droit de demander la réduction

Aux termes de l'article 921 du code civil, laissé inchangé sur ce point par le projet de loi, les titulaires du droit de demander la réduction sont :

- les héritiers réservataires , dès lors qu'ils acceptent la succession. Ils le peuvent collectivement ou individuellement. Il arrive que certains s'inclinent devant la volonté du de cujus . Dans ce cas, la libéralité n'est réduite que dans la mesure nécessaire pour parfaire les parts de réserve des demandeurs ;

- leurs propres héritiers 169 ( * ) ;

- leurs ayants cause -légataires ou institués contractuels universels ou à titre universel ;

Quant aux créanciers , ils peuvent agir par la voie de l' action oblique 170 ( * ) .

Les gratifiés ne peuvent provoquer la réduction ni s'en prévaloir . En revanche, ils sont fondés à exiger le respect de l'ordre légal des réductions. Ils peuvent donc l'opposer aux réservataires et se l'opposer dans leurs rapports réciproques : un donataire peut opposer aux réservataires qu'ils n'ont pas demandé la réduction d'une donation postérieure à la sienne.

Les créanciers du défunt ne peuvent pas non plus ni demander la réduction ni en profiter . La règle tient à ce que la réserve n'est pas faite pour protéger les créanciers du disposant. Contre les libéralités consenties à leur préjudice, ces derniers ne disposent que de l'action paulienne. Toutefois la portée de cette règle doit être relativisée :

- pour ce qui concerne les legs, les biens légués font partie des biens existants, qu'ils peuvent toujours saisir. Ce qui leur importe ce n'est pas que les legs soient réduits mais que les légataires ne soient payés qu'après eux ;

- pour ce qui concerne les donations, l'héritier réservataire qui accepte purement et simplement la succession devient le débiteur des créanciers successoraux, qui peuvent alors demander la réduction par la voie oblique et saisir ce qu'elle fait entrer dans son patrimoine personnel.

• L'extinction du droit de demander la réduction

Le droit de demander la réduction peut d'abord s'éteindre par l'effet de la prescription.

Le délai est en principe de trente ans, mais il est ramené à cinq ans pour les partages d'ascendants -donations-partages 171 ( * ) et testaments-partages 172 ( * ) . Il court à compter du jour du décès du disposant car telle est la date à partir de laquelle la demande peut être formée. Cette justification explique l'exception propre à la donation-partage conjonctive, qui est consentie conjointement par les père et mère : l'action en réduction ne pouvant être introduite qu'au décès du survivant, c'est à compter de ce décès seulement que le délai commence à courir -sauf pour l'enfant non commun.

Ce délai est unanimement jugé excessif. Il place le bénéficiaire d'une libéralité dans une situation d'insécurité juridique insupportable par sa durée alors que l'héritier réservataire n'en a nullement besoin pour décider d'exercer l'action en réduction.

Le du premier paragraphe (I) , qui a fait l'objet d'une modification rédactionnelle de la part de l'Assemblée nationale, tend à compléter l'article 921 du code civil afin de fixer le délai de prescription de l'action en réduction à cinq ans à compter de l'ouverture de la succession .

Pour les héritiers qui n'auraient pas été informés de l'atteinte portée à leur réserve, ce délai serait de deux ans à compter du jour où ils en auraient eu connaissance , sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès .

Les délais d'exercice de l'action en réduction à l'encontre des donations-partages et des testaments-partages resteraient fixés aux articles 1077-2 et 1080 du code civil.

La solution retenue par le Gouvernement et l'Assemblée nationale est équilibrée. Elle permet de concilier efficacement la défense des droits des héritiers réservataires et la sécurité juridique nécessaire aux libéralités.

Il convient par ailleurs de noter que la renonciation peut constituer une autre cause d'extinction anticipée.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 13 ainsi modifié .

Article 14 (art. 929 à 930-5 nouveau du code civil) - Possibilité de renoncer à l'action en réduction pour atteinte à la réserve

Le projet de loi insère à la section 2 « De la réduction des donations et des legs » du chapitre III « De la portion de biens disponibles et de la réduction » un paragraphe 3 intitulé « De la renonciation anticipée à l'action en réduction » (art. 929 à 930-5).

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement afin de mieux distinguer la renonciation anticipée à l'action en réduction de la renonciation comme option successorale.

L'introduction de cette renonciation anticipée à l'action en réduction des libéralités portant atteinte à la réserve (RAAR) constitue une innovation fondamentale.

Ce dispositif est présenté par certains comme une dérogation aux règles du code civil protégeant la réserve héréditaire , lesquelles sont depuis 1804 d'ordre public. Ceci n'est cependant pas exact.

En effet, la règle selon laquelle le défunt ne peut, même avec leur accord, priver des héritiers réservataires d'une partie de son patrimoine, que ce soit par le biais de son testament ou de donations antérieures, n'est pas remise en cause par le projet de loi, puisque cette renonciation émane des intéressés eux-mêmes. Il conviendra bien évidemment de s'assurer que cette renonciation est libre et ne résulte pas de pressions exercées dans le cadre familial.

Par ailleurs, l'impact de ce nouveau dispositif ne doit pas être surestimé : il est déjà tout à fait possible de contourner la réserve par le biais du choix du régime matrimonial de communauté universelle avec attribution au dernier vivant 173 ( * ) et surtout de l'assurance-vie.

Ce dispositif constitue en fait surtout une dérogation supplémentaire à l'interdiction de principe des pactes sur succession future .

? En effet, le deuxième alinéa de l'article 1130 prévoit que l'« on ne peut renoncer à une succession non ouverte [c'est-à-dire la succession d'une personne vivante] , ni faire aucune stipulation sur une pareille succession, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s'agit ». Il est indifférent que le de cujus soit partie à l'acte ou non.

Cette prohibition remonte au droit romain et se fonde sur trois considérations :

- l'immoralité du pacte successoral, qui incite à souhaiter la mort du de cujus , sinon à la provoquer. Ceci n'est plus recevable, alors que la loi encourage des mécanismes comme l'aliénation contre rente viagère ou l'assurance sur la vie ;

- l'atteinte portée à la liberté de tester du disposant. Cependant, certains pactes, comme la renonciation conventionnelle de l'héritier présomptif, ne limitent nullement la liberté testamentaire du de cujus , qui ne s'oblige à rien ;

- la protection de l'héritier contre le risque d'abus d'influence ou de lésion, du fait de sa méconnaissance de l'étendue de ses droits. Cette dernière considération demeure tout à fait pertinente. Cette interdiction concerne actuellement tous les actes, à titre onéreux ou gratuit, et quelle que soit leur étendue.

Ainsi, tout acte par lequel un héritier présomptif dispose de ses droits dans une succession future (y renonce ou les aliène) est nul (art. 791). La jurisprudence a donc annulé la renonciation du droit à demander le rapport 174 ( * ) ou à exercer l'action en réduction 175 ( * ) , afin de protéger l'héritier présomptif contre un acte dont on craint qu'il soit irréfléchi ou lésionnaire.

Du vivant du disposant, l'héritier réservataire ne peut donc renoncer à demander la réduction des libéralités susceptibles de porter atteinte à l'intégrité de sa réserve. De son côté, le disposant ne peut priver les héritiers réservataires de leur droit d'exercer après son décès l'action en réduction.

En revanche, une fois la succession du disposant ouverte, la renonciation à l'action en réduction est possible. Elle peut être tacite ou expresse. Dans ce dernier cas, elle prend la forme d'un acte dit de consentement à exécution de donation.

? Or, la loi autorise déjà ponctuellement des pactes sur succession future , par faveur pour la famille 176 ( * ) , dans l'intérêt des entreprises exploitées en forme sociale 177 ( * ) , ou par souci de sécurité juridique.

Ainsi, il est possible de renoncer de manière anticipée à la succession du conjoint en cas de séparation de corps sur requête conjointe (art. 301).

En outre, si l'article 918 présume irréfragablement que la vente consentie à un successible en ligne directe contre une rente viagère à fonds perdus ou avec réserve d'usufruit constitue une libéralité déguisée, il prévoit que le consentement des cohéritiers à l'aliénation vaut renonciation de leur part à en demander la réduction au décès du disposant 178 ( * ) .

Ces exceptions demeurent cependant très limitées s'agissant d'un pacte portant sur une atteinte à la réserve. Or, cette situation peut compliquer la transmission d'une entreprise ou d'une maison de famille, ou empêcher de favoriser un enfant handicapé, alors même que tous les héritiers sont d'accord.

En effet, si des mécanismes d'attribution préférentielle existent, ils supposent tous l'acquittement d'une soulte si la valeur des biens en question excède celle des droits du bénéficiaire.

Le projet de loi permet, au sein des familles et avec l'accord de chacun, de procéder à une répartition des biens dérogeant aux règles de la réserve héréditaire.

Si le pacte de famille existe déjà en Suisse et ne semble pas poser de problème, l'annonce de cette réforme en France n'a pas manqué de susciter des inquiétudes . Les pressions familiales pourraient aboutir dans certaines familles au rétablissement du droit d'aînesse ou à privilégier les garçons au détriment des filles. De plus, il serait pervers de demander à une personne d'accepter d'être lésée, celle-ci se trouvant sinon confrontée au risque de se couper de sa famille pour des raisons pécuniaires.

Un encadrement, renforcé par l'Assemblée nationale, est donc prévu.

Il n'apparaît pas totalement sécurisant à votre commission, qui vous proposera diverses améliorations.

Art. 929 du code civil : Objet de la RAAR

Cet article a pour objet de définir les caractéristiques essentielles de la RAAR.

Cette forme de pacte sur succession future permettrait aux héritiers réservataires présomptifs de renoncer du vivant du disposant à exercer une action en réduction à l'encontre des libéralités (dons ou legs) qui porteraient atteinte à leur réserve. L'héritier qui renoncerait à exercer l'action en réduction resterait héritier.

? Cette faculté est ouverte à l'ensemble des héritiers réservataires présomptifs , ce qui inclut tant les descendants que les ascendants du disposant.

Ainsi que le prévoit l'article 930-5, cette renonciation est opposable aux représentants du renonçant et donc aux héritiers subséquents.

En revanche, le conjoint du disposant ne renoncer, hormis le cas particulier visé à l'article 914-1 du code civil 179 ( * ) , où il est héritier réservataire.

? Cette faculté concerne les successions non ouvertes .

En effet, tout héritier peut d'ores et déjà renoncer à la succession au décès du disposant.

? Le projet de loi prévoit le renonçant devra mentionner le ou les bénéficiaires de la renonciation .

Il s'agit d'éviter que ces renonciations se fassent dans un objectif resté inconnu des renonçants. La motivation conduisant un héritier réservataire à signer une RAAR doit être clairement fondée et juridiquement établie.

Ce bénéficiaire ne sera pas forcément un autre héritier réservataire, même si cette hypothèse paraît la plus probable.

Le projet de loi prévoit qu'il pourra y avoir plusieurs bénéficiaires. L'acte de renonciation devra donc préciser au cas par cas les modalités de répartition de la renonciation entre eux. Une personne pourra ainsi renoncer au profit de différentes personnes de façon globale sans considération de la répartition entre elles, le disposant en décidant alors lui-même, ou au contraire renoncer au profit de personnes déterminées pour des montants ou une clef de répartition déterminés.

? Par ailleurs, si la RAAR constitue un acte unilatéral, le projet de loi prévoit qu'elle ne peut produire d'effet qu'à compter de son acceptation par celui dont son auteur a vocation à hériter , c'est-à-dire le disposant. Cette exigence, qui parait au premier abord surprenante, devrait permettre de priver d'effet des renonciations décidées de manière irréfléchie ou obtenues à la suite de pressions exercées par d'autres héritiers réservataires potentiellement bénéficiaires. Elle permet en outre de préserver la liberté du disposant.

En revanche, le pacte de renonciation n'intéressant que le futur défunt et le renonçant, le bénéficiaire de la renonciation n'a pas à l'accepter. En effet, son droit n'est pas issu du contrat, mais de la libéralité qui lui sera éventuellement consentie.

Cette libéralité ne reste qu'éventuelle, puisque le disposant demeure libre de ne rien faire. Il peut ainsi décider de ne finalement pas avantager le bénéficiaire de la renonciation.

? Le deuxième alinéa vise à permettre à l'héritier réservataire renonçant de moduler la portée de son acte :

- il peut renoncer de façon abstraite à exercer son action en réduction quelle que soit l'atteinte portée à sa réserve . Cette renonciation peut donc aboutir à priver l'héritier réservataire de la totalité de sa part de réserve. Cette hypothèse devrait être rare ;

-  il peut renoncer à exercer son action en réduction si l'atteinte portée à sa part de réserve n'excède pas une certaine quotité (un quart, un tiers...) ;

- il peut enfin renoncer de façon plus précise à exercer son action en réduction à l'encontre d'une libéralité portant sur un bien déterminé.

Cette souplesse, qui s'oppose à la rigidité de l'option successorale, est bienvenue et facilitera la conclusion de pactes familiaux consensuels.

Il n'en reste pas moins que le renonçant ne pourra évaluer pleinement la valeur de sa renonciation à une succession qui pourra ne s'ouvrir que des décennies plus tard . La valeur du patrimoine de la succession, et du sien, aura pu varier de manière considérable, de même que sa situation, par exemple en cas de survenance d'enfants. Au contraire, la situation du bénéficiaire aura pu s'améliorer, sans que l'on puisse remettre en cause le pacte, la possibilité de révocation pour état de besoin apparaissant très restrictive (voir infra article 930-3).

Est-il vraiment possible dans cette hypothèse de renoncer à une chose future ?

? Le dernier alinéa prévoit enfin que l'acte de renonciation ne peut créer d'obligations à la charge de celui dont on a vocation à hériter (c'est-à-dire le de cujus ) ou être conditionné à un acte émanant de ce dernier.

La renonciation de l'héritier réservataire est donc purement gratuite . Il ne peut conditionner sa renonciation au versement d'une somme d'argent ou à la passation d'un acte par le futur défunt (par exemple disposer de ses biens en faveur d'une personne déterminée).

En revanche, rien n'empêche le futur défunt de faire par acte séparé une donation au renonçant en contrepartie de sa renonciation. Les deux actes ne peuvent toutefois pas être liés : si le pacte est caduc, la donation subsistera.

Rappelons que lors de l'ouverture de la succession (actuel art. 780 repris à l'art. 784 modifié par l'article premier du projet de loi), toute cession, à titre gratuit ou onéreux, faite par un héritier de tout ou partie de ses droits dans la succession emporte acceptation pure et simple. Il en est de même de la renonciation, même gratuite, que fait un héritier au profit d'un ou plusieurs de ses cohéritiers et de la renonciation qu'il fait, même au profit de tous ses cohéritiers indistinctement, lorsqu'il en reçoit le prix. Il y a ainsi acceptation pure et simple tacite en cas de cession des droits successoraux et des renonciations équivalentes à des cessions. Sont expressément visés le cas de la renonciation, par exemple pour échapper volontairement aux règles d'ordre public de la réserve au profit d'un ou de plusieurs cohéritiers précisément identifiés ayant des besoins spécifiques en lui faisant une donation de ses droits ou en les leur cédant, ainsi que l'hypothèse de la renonciation au profit de l'ensemble des cohéritiers, mais contre paiement, ce qui revient à vendre la renonciation.

Le projet de loi vise ainsi à éviter l'apparition de RAAR à titre onéreux utilisées comme garanties de crédit.

Art. 930 du code civil : Forme de la RAAR

Cet article vise à sécuriser la RAAR en précisant ses modalités de passation pour éviter toute nullité.

? Tout d'abord, la renonciation requiert un acte authentique .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, renforcé ces garanties en prévoyant qu'il doit s'agir d'un acte authentique spécifique, c'est-à-dire exclusivement consacré à la renonciation d'un ou plusieurs renonçants.

Elle a également ajouté que cette renonciation doit être signée séparément par chaque renonçant en présence du seul notaire. Il pourra ainsi répondre aux questions que le renonçant n'oserait pas lui poser en présence du disposant. La renonciation devra mentionner précisément ses conséquences juridiques futures pour chaque renonçant.

L'exigence d'un acte authentique spécifique ne s'oppose pas à ce que qu'un même acte permette la renonciation de plusieurs héritiers réservataires. Cette possibilité est en effet expressément prévue par le projet de loi. Cette formule apparaît en effet plus simple et moins coûteuse lorsqu'il existe plusieurs renonçants.

L'Assemblée nationale a précisé que le non respect de ces formalités rendrait toute renonciation nulle.

Votre commission vous propose de prévoir par amendement que deux notaires doivent intervenir à l'acte , afin d'éviter que la personne renonçante se trouve sous l'emprise du notaire choisi par le de cujus .

? Le projet de loi prévoit en outre que le consentement du renonçant doit être libre et éclairé .

Cette garantie est apparue insuffisante à l'Assemblée nationale compte tenu de la gravité de l'acte et de l'importance du risque de pressions de l'entourage. Elle a donc, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, substitué à cette exigence de qualité du consentement l'application de la théorie des vices du consentement.

Ainsi, sera nulle la renonciation lorsque le consentement du renonçant aura été vicié par l'erreur, le dol ou la violence, physique ou morale.

Ceci permettra l'annulation d'une RAAR signée par un renonçant en situation de dépendance économique ou victime de pressions affectives. Si cette considération apparaît légitime, elle pourra cependant avoir pour conséquence de permettre une annulation tardive et de fausser les estimations du futur défunt. En effet, en vertu de l'article 1304 du code civil, cette action en nullité relative peut être exercée dans les cinq années suivant le moment où la violence a cessé et l'erreur ou le dol ont été découverts. Or, on peut considérer que la violence morale ne cessera qu'au décès du disposant.

Cette garantie paraît indispensable mais il pourra en pratique être difficile d'apporter la preuve de ce vice du consentement.

Votre commission vous propose un amendement tendant à supprimer la précision selon laquelle la violence peut être « physique ou morale » , la jurisprudence reconnaissant que la violence morale constitue une violence.

Suivant les avis de sa commission et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a par ailleurs rejeté un amendement présenté par M. Emile Blessig tendant à soumettre la RAAR à une homologation judiciaire. Elle a en effet considéré que cela induirait pour les familles une lourdeur et un coût supplémentaires, sans pour autant leur apporter plus de garanties, les magistrats n'ayant ni le temps ni les moyens d'exercer un contrôle effectif du caractère libre et éclairé du consentement du renonçant. Une telle homologation s'avèrerait au mieux inutile lorsque ce consentement n'était pas vicié, voire pire en cas de validation d'actes pour lesquels la volonté du renonçant avait en réalité été forcée.

Art. 930-1 du code civil : Capacité exigée pour renoncer et nature de la RAAR

? Le projet de loi précise que la capacité requise du renonçant est celle exigée pour consentir une donation entre vifs .

Il faut donc être majeur ou mineur émancipé (art. 904) et être sain d'esprit (art. 901).

L'Assemblée nationale a souhaité, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, exclure les mineurs émancipés du champ de la RAAR, ce qui paraît effectivement plus prudent.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de précision.

Votre rapporteur s'est par ailleurs interrogé sur l'opportunité de prévoir une majorité renforcée (25 ou 30 ans), afin de permettre au renonçant de faire face à d'éventuelles pressions de son entourage et d'apprécier pleinement la gravité de sa décision. Le choix d'une majorité différente serait cependant arbitraire et relatif, en fonction de la personnalité et de la maturité de chacun.

En outre, le majeur en tutelle ne pourra faire (lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant) de renonciation, en vertu de l'article 389-5 du code civil, tandis que l'assistance du curateur sera requise pour qu'un majeur sous curatelle renonce. En principe, une personne sous sauvegarde de justice devrait en revanche pouvoir renoncer. Il est cependant peu probable qu'un notaire, informé de son statut, accepte de recevoir l'acte, compte tenu du risque très important de remise en cause de la renonciation.

? Le projet de loi précise ensuite que la renonciation, quelles que soient ses modalités, ne constitue pas une libéralité consentie par le renonçant.

En effet, le bénéficiaire de la libéralité ne tient pas ses droits de l'héritier renonçant, mais du disposant . En conséquence, cette renonciation n'est pas soumise aux règles du rapport et de la réduction. Une telle confusion risquerait non seulement de rendre les biens rapportables à la succession du renonçant, mais surtout de conduire à imposer les biens faisant l'objet de la RAAR au moment de sa signature, ce qui serait très pénalisant pour le bénéficiaire de la RAAR, notamment lorsqu'il est collatéral du renonçant (les droits de mutation à titre gratuit étant alors bien plus élevés qu'en ligne directe). Si l'administration fiscale suit l'analyse civile, cette renonciation ne devrait donc pas être assujettie aux droits de mutation.

Cette disposition est à rapprocher de celles des nouveaux articles 1078-8 et 1078-9 relatifs à la donation-partage transgénérationnelle (voir infra article 20 du projet de loi).

Art. 930-2 du code civil : Portée et caducité de la RAAR

Cet article vise à préciser les effets produits par la RAAR lorsque les motivations ayant conduit à sa signature ne se sont pas concrétisées .

En effet, le de cujus restant libre, il n'est pas tenu de favoriser la personne au bénéfice de laquelle l'héritier réservataire a renoncé.

? Le premier alinéa précise tout d'abord que si la liberté supplémentaire de disposition résultant de la renonciation n'a pas été utilisée, la renonciation ne produit aucun effet. Si cette liberté n'a été exercée que partiellement, la renonciation ne produit d'effets qu'à hauteur de l'atteinte à la réserve du renonçant résultant de la liberté consentie. Ces deux dispositions semblent évidentes. L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement rédactionnel.

Le projet de loi précise en outre, ce qui paraît plus intéressant, que si l'atteinte à la réserve porte sur une fraction supérieure à celle prévue dans la renonciation, la libéralité n'est pas nulle, seul l'excédent étant réductible . Cette précision opportune permettra d'éviter des erreurs d'interprétation.

? Le second alinéa prévoit la caducité de la RAAR si la libéralité attentatoire à la réserve porte sur un bien autre que celui avait été déterminé ou au profit d'une autre personne que le ou les bénéficiaires mentionnés dans l'acte .

Cette précision paraît utile, notamment si le bien désigné disparaît ou si le bénéficiaire décède entre temps.

? L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement rédactionnel.

? Votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel.

Art. 930-3 du code civil : Révocation de la RAAR

? Afin de garantir la sécurité juridique de cet acte, le projet de loi encadre fortement la possibilité de révocation de la renonciation par le renonçant. Le principe est que le renonçant s'engage une fois pour toutes en signant la RAAR, la révocation devant demeurer l'exception.

Le projet de loi précise les hypothèses dans lesquelles le renonçant peut révoquer sa renonciation.

Cette rédaction paraît maladroite, puisqu'elle est contredite par l'article 930-4, qi prévoit que cette révocation n'a jamais lieu de plein droit et doit être autorisée par le juge. Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement rédactionnel indiquant qu'il s'agit d'une simple demande.

? Le projet de loi prévoit que cette révocation peut intervenir dans deux cas :

- l'inexécution des obligations alimentaires du disposant (et non du bénéficiaire) à son égard ;

- l'état de besoin du renonçant au jour de l'ouverture de la succession, s'il est prouvé que cet état de besoin disparaîtrait s'il n'avait pas renoncé à ses droits réservataires.

En effet, le renonçant a pu s'engager à aider un tiers en se croyant lui-même à l'abri du besoin. S'il apparaît ultérieurement qu'il ne dispose pas de moyens de subsistance, il est légitime de considérer que les conséquences de l'erreur de jugement commise par le renonçant sont suffisamment graves pour justifier une révocation de la RAAR.

Cette notion d'état de besoin a cependant été jugée très imprécise par les personnes auditionnées par votre rapporteur, qui ont craint qu'elle ne suscite un large contentieux. Elle devra s'apprécier au regard de l'article 208 du code civil, qui précise que « l es aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame et de la fortune de celui qui les doit ». La Cour de cassation 180 ( * ) a indiqué que celui qui est dans le besoin ne doit pas être en mesure d'assurer lui-même sa subsistance, en particulier en exerçant une activité rémunérée.

? L' Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, ajouté une troisième hypothèse .

La révocation sera possible lorsque le bénéficiaire de la renonciation s'est rendu coupable d'un délit ou d'un crime contre la personne du renonçant .

Cet ajout concernant l'ingratitude parait très pertinent. Ces situations devraient cependant rester exceptionnelles, le bénéficiaire d'une RAAR étant dans la grande majorité des cas reconnaissant envers le renonçant.

Art. 930-4 du code civil : Modalités et délais applicables à la révocation de la RAAR

Cet article détermine les conditions selon lesquelles la révocation de la RAAR peut être obtenue.

? Il précise tout d'abord que la révocation n'a jamais lieu de plein droit .

? Ensuite, le projet de loi indique que la demande de révocation doit être formée :

- au plus tard un an après l'ouverture de la succession lorsqu'il s'agit d'une révocation fondée sur l'état de besoin du renonçant ;

- au plus tard un an après le début du manquement du disposant à ses obligations alimentaires envers le renonçant, ou un an après que ce manquement a été connu des héritiers du renonçant.

La brièveté de ces délais est justifiée par la volonté de limiter les risques de remise en cause abusive de la RAAR par le renonçant.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, prévu que la révocation pour crime et délit serait également insérée dans ce délai d'un an.

L'Assemblée nationale a enfin précisé, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, que la révocation fondée sur l'état de besoin du renonçant ne se ferait qu'à concurrence de la couverture des besoins du renonçant. Les effets de la renonciation ne disparaîtront donc pas totalement.

Art. 930-5 du code civil : Opposabilité de la renonciation aux représentants du renonçant

Cet article prévoit que la renonciation est opposable aux représentants du renonçant.

En cas de prédécès du renonçant, les héritiers qui le représentent dans la succession à laquelle il a renoncé sont tenus de respecter le pacte de renonciation .

Cette règle distingue nettement la RAAR de la renonciation effectuée à l'ouverture de la succession, laquelle ne prive pas les descendants du renonçant de leur part successorale, reçue en remplacement du renonçant.

Cette différence s'explique avant tout par la recherche de sécurité juridique.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 14 ainsi modifié .

Article 15 (art. 952, 960 à 966 du code civil)
Absence d'automaticité de la révocation des donations entre vifs pour cause de survenance d'enfants

Cet article a pour objet de modifier diverses dispositions du chapitre IV (« Des donations entre vifs ») du titre II du livre III du code civil, afin d'actualiser les règles applicables au droit de retour conventionnel des biens ayant fait l'objet d'une donation et, surtout, de mettre fin à l'automaticité de la révocation des donations pour survenance d'enfant.

1. L'actualisation des règles applicables au droit de retour conventionnel des biens donnés ou légués

L'article 951 ouvre à l'auteur d'une donation entre vifs la faculté de stipuler, dans la donation ou dans un acte séparé, le droit de retour des biens donnés , à son seul profit, soit pour le cas du prédécès du donataire seul, soit pour le cas du prédécès du donataire et de ses descendants. Il s'agit d'une cause résolutoire purement casuelle qui ne porte donc pas atteinte à l'irrévocabilité de la libéralité.

Ce droit de retour, qualifié de conventionnel pour le distinguer du droit de retour légal prévu par l'article 368-1 lorsqu'un enfant adopté par voie d'adoption simple décède sans postérité, se rencontre dans la plupart des donations. Si cette clause est usuelle, c'est parce qu'elle correspond à une psychologie commune : le donateur veut gratifier une personne déterminée mais il n'entend pas qu'à la suite du décès de celle-ci, les biens qu'il donne passent entre des mains étrangères.

Le a pour objet de réécrire l'article 952, relatif aux conséquences du droit de retour des biens donnés.

Celui-ci a pour effet de résoudre toutes les aliénations des biens donnés , et de faire revenir ces biens au donateur, francs et quittes de toutes charges et hypothèques . La rétroactivité de la résolution est cependant soumise aux limites du droit commun : d'une part, tous les actes d'administration accomplis par le donataire sont maintenus ; d'autre part, s'il s'agit de meubles corporels, l'article 2279 181 ( * ) viendra au secours de l'acquéreur et le protégera contre la revendication du donateur. S'agissant d'immeubles, l'acquéreur pourra se prévaloir d'une prescription acquisitive. Mais la clause étant normalement publiée, cet acquéreur sera de mauvaise foi et ne pourra donc invoquer que la prescription trentenaire. En outre, ce délai ne peut courir avant le décès du donataire. Le bénéfice de la prescription est donc largement illusoire. En revanche, si la clause de retour n'a pas été publiée, la résolution sera inopposable aux tiers.

Une seule exception est ménagée à cette règle. Elle concerne l'hypothèque de la dot et des conventions matrimoniales, si les autres biens de l'époux donataire ne suffisent pas, et dans le cas seulement où la donation lui a été faite par le même contrat de mariage duquel résultent ces droits et hypothèques.

La modification proposée par le projet de loi initial consistait à substituer la référence à « l'hypothèque légale des époux 182 ( * ) » à celle de « l'hypothèque de la dot et des conventions matrimoniales », le régime de la dot ayant été supprimé en 1965.

A l'initiative de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a procédé à une réécriture complète de l'article 952 afin de simplifier l'ensemble de sa rédaction, sans rien changer aux règles applicables.

Votre commission vous soumet un amendement de précision.

2. La suppression de l'automaticité de la révocation des donations pour survenance d'enfant

L'article 953 prévoit actuellement trois causes permettant de déroger à la règle générale de l'irrévocabilité des donations entre vifs , posée par l'article 894 :

- l' inexécution des conditions sous lesquelles la donation a été faite ;

- l' ingratitude du donataire envers le donateur , c'est-à-dire s'il a attenté à sa vie, s'il s'est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves ou encore s'il lui refuse des aliments ;

- la survenance d'enfants du donateur , même posthumes .

Dans cette dernière hypothèse , l'article 960 dispose que les donations sont révoquées de plein droit , même si le donateur en avait expressément disposé autrement -à l'inverse, la révocation pour cause d'inexécution des conditions, ou pour cause d'ingratitude, n'a jamais lieu de plein droit 183 ( * ) . Il en résulte qu'aucune action en justice n'est nécessaire, qu'aucune confirmation de la libéralité n'est possible et qu'aucune renonciation du donateur n'est autorisée.

Il n'y a à tenir compte ni de sa forme -sont révocables aussi bien les donations notariées que les dons manuels ou les donations indirectes ou déguisées- ni de son montant -seuls les présents d'usage échappent à toutes les causes de révocation.

La résolution de la donation est toutefois subordonnée à une double condition :

- l'absence d'enfant , quel que soit le lien de filiation, au jour de la donation -une interrogation subsiste toutefois, en l'absence de jurisprudence, sur le point de savoir si la présence d'un enfant adopté simple au moment de la donation empêche cette cause de révocation de jouer ;

- la naissance d'un enfant légitime , même posthume , ou la légitimation d'un enfant naturel , lui-même né après la donation . « Il est généralement enseigné que l'adoption simple ou plénière d'un enfant par le donateur ne peut produire le même résultat. En effet, l'adoption permettrait alors au disposant de révoquer à sa convenance la donation, ce qui viendrait contredire le principe de l'irrévocabilité. Pareillement, n'emporte pas révocation la reconnaissance après que la donation a été consentie d'un enfant né antérieurement 184 ( * ) . » 185 ( * )

Le donataire est alors tenu de restituer les biens donnés et les fruits qu'il a perçus , de quelque nature qu'ils soient, à compter du jour où l'existence de l'enfant lui a été signifiée. En revanche, il peut conserver le bénéfice des fruits perçus avant cette date car il est un possesseur de bonne foi 186 ( * ) . La rétroactivité de la révocation est opposable aux tiers : l'article 963 précise que le donateur reprend les biens francs et libres de toutes charges. Les actes de disposition sont anéantis mais pas les actes d'administration. Le donataire, ses héritiers ou ayants cause, ou les autres détenteurs des choses données, peuvent toutefois invoquer une prescription après une possession de trente ans . Ce délai ne peut courir que du jour de la naissance du dernier enfant du donateur, même posthume 187 ( * ) .

L'article 960 réserve une exception importante à cette règle : les donations entre futurs époux à l'occasion du mariage ou entre époux pendant le mariage . La survenance d'un enfant est alors un événement qui a nécessairement été envisagé par le donateur et il serait absurde d'en faire une cause de révocation.

A l'origine, cette règle impérative était destinée à protéger la volonté du disposant. Aujourd'hui, elle apparaît comme une entrave à la liberté de transmettre et une source d'insécurité juridique. L'institution de la réserve suffit à protéger les enfants du donateur, quelle que soit la date des libéralités consenties par leur auteur.

Le tend à modifier l'article 960 afin :

- d'une part, de mettre fin à l'automaticité de la révocation des donations pour survenance d'enfants. La révocation des donations antérieurement consenties deviendrait une faculté offerte au donateur, qu'il ne pourrait exercer qu'à la condition de l'avoir prévue dans l'acte de donation et en cas de survenance d'un enfant, même posthume, dont il serait l'auteur ou qu'il aurait adopté en la forme plénière ;

- d'autre part, de tirer les conséquences de l'évolution des règles de la filiation . Les modifications prévues par le projet de loi initial consistaient, au nom du principe de l'égalité des filiations, à mettre un terme à la distinction entre « la naissance d'un enfant légitime » et la « légitimation d'un enfant naturel (...) né depuis la donation ». Constatant qu'elles avaient été déjà opérées par l'article 17 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, dont les dispositions entreront en vigueur le 1 er juillet 2006, l'Assemblée nationale a effectué de simples corrections matérielles.

L'adoption plénière d'un enfant après la donation deviendrait ainsi une cause permettant la révocation de la libéralité. Le projet de loi exclut l'hypothèse de l'adoption simple pour éviter une remise en cause trop aisée des donations. Cette distinction est justifiée par les effets qui s'attachent à ces deux formes d'adoption.

Le jugement d'adoption plénière attribue un nouveau lien de filiation avec la famille adoptive et supprime les liens de la famille biologique. L'adoption plénière a un caractère irrévocable et ne peut être annulée. L'enfant adopté, doit être âgé de moins de 15 ans et accueilli depuis au moins six mois dans la famille de l'adoptant. Cependant, l'adoption plénière d'un enfant de plus de 15 ans est possible si l'enfant a été accueilli avant ses quinze ans par des personnes ne remplissant pas les conditions pour l'adopter ou s'il a fait l'objet d'une adoption simple par les mêmes personnes.

La loi permet une adoption simple sans limite d'âge. A la différence de l'adoption plénière, l'accueil de l'adopté au foyer de l'adoptant et le placement en vue de l'adoption ne sont pas nécessaires. L'adopté conserve ses liens juridiques avec sa famille biologique. L'adoption ne lui fait pas perdre sa nationalité d'origine. Les parents biologiques perdent l'autorité parentale mais peuvent bénéficier d'un droit de visite. Ils ont la possibilité de demander la révocation de l'adoption simple et doivent être consultés si leur enfant fait l'objet d'une adoption plénière. Si l'adopté conserve dans sa famille biologique tous ses droits successoraux, il acquiert dans sa famille adoptive les mêmes droits successoraux qu'un enfant légitime. L'adopté, ainsi que ses descendants sont des héritiers réservataires dans les deux familles, sauf vis-à-vis des ascendants (parents et grands-parents) de l'adoptant.

Droits successoraux respectifs

Au décès de

Adoption "plénière"

Adoption "simple"

l'adoptant
(ou autre membre de sa famille)

L'adopté, totalement assimilé à un enfant légitime, bénéficie des mêmes droits successoraux, tant à l'égard de l'adoptant que des autres membres de la famille :

- qualité d'héritier réservataire,

- possibilité de succéder par représentation, etc.

L'adopté bénéficie :

- des mêmes droits successoraux qu'un enfant légitime dans la famille de l'adoptant,

- mais n'a pas la qualité d'héritier réservataire vis-à-vis des père et mère (ou autres ascendants) de l'adoptant.

l'adopté

Réciproquement, l'adoptant bénéficie des mêmes droits successoraux que les père et mère (qualité d'héritier réservataire notamment, si l'adopté décède sans laisser d'enfant).

Les autres membres de la famille peuvent également être appelés à succéder.

De façon générale :

- si l'adopté décède en laissant des enfants (ou autres descendants), sa succession est réglée selon le droit commun,

- sinon, sa succession est partagée par moitié entre sa famille d'origine et sa famille adoptive.

Tout en souscrivant à ces dispositions, votre commission vous soumet un amendement tendant à supprimer une disposition inopérante figurant à l'article 960 du code civil et maintenue par le projet de loi. Elle consiste à exclure la révocation des donations faites à l'occasion du mariage à l'un des futurs conjoints par un ascendant. Il y a là une erreur évidente : si l'un des époux reçoit une donation de l'un de ses ascendants, la preuve est faite que le donateur avait au moins un enfant à la date de la libéralité. La révocation est donc exclue par les données mêmes de l'hypothèse.

Les et ont pour objet d'effectuer aux articles 961 et 962 de simples coordinations avec les modifications que le 2° tend à opérer à l'article 960, pour supprimer l'automaticité de la révocation pour cause de survenance d'enfant et tenir compte de l'absence de distinction entre enfant naturel et légitime. Tout en souscrivant à ces modifications, l'Assemblée nationale a procédé à une réécriture d'ensemble de l'article 962.

Le vise à modifier l'article 963 afin, d'une part, d'y effectuer des coordinations avec la nouvelle rédaction des articles 952 et 960 résultant du 1° et du 2° (modernisation de la référence à l'ancien régime dotal et absence d'automaticité de la révocation des donations pour survenance d'enfants), d'autre part, de supprimer une référence à la pratique, disparue avec le régime dotal, par laquelle le donateur pouvait se porter caution de l'exécution du contrat de mariage -ce qui permettait à l'époux doté, en cas de décès de son conjoint ou de divorce, d'obtenir que la dot lui soit restituée. Tout en souscrivant à ces modifications, l'Assemblée nationale a procédé à une réécriture d'ensemble de l'article 963.

Votre commission vous soumet un amendement de précision.

Le tend à réécrire les articles 964 à 966 du code civil afin de prévoir :

- à l'article 964, que la mort de l'enfant du donateur est sans effet sur la révocation des donations . La précision actuelle selon laquelle seule une nouvelle disposition permettrait au donateur de donner à nouveau les mêmes biens -ceux dont la première donation a été révoquée- au même donataire serait supprimée. Elle ne semble plus guère utile dans la mesure où le donateur pourrait désormais décider, dans l'acte de donation, s'il entend ou non se réserver la faculté de la révoquer en cas de survenance d'enfant ;

- à l'article 965, que le donateur peut renoncer à exercer la révocation pour survenance d'enfant, à tout moment -c'est-à-dire avant ou après la naissance de l'enfant. Les dispositions actuelles prévoyant la nullité de toute renonciation du donateur à cette forme de révocation n'ont en effet plus lieu d'être dès lors que la révocation constitue une simple faculté pour le donateur. En l'absence de précision, la renonciation pourrait être opérée par tout moyen, et pas nécessairement par acte authentique, et porter sur tout ou partie des biens donnés -sous réserve, bien entendu, que l'acte de donation ait expressément prévu la possibilité de révocation pour survenance d'enfant ;

- à l'article 966, que l'action en révocation se prescrit par deux ans à compter de la naissance ou de l'adoption du dernier enfant et ne peut être exercée que par le donateur . L'absence de référence à la procédure d'adoption constitue une lacune du texte actuel que le projet de loi vient heureusement combler. Surtout, le délai actuel de trente ans constitue un facteur d'insécurité juridique pour les donataires. Un délai de deux ans semble suffisant pour laisser au donateur, puisqu'il serait le seul à pouvoir exercer l'action en révocation, le temps de déterminer les conséquences qu'il entend tirer de l'existence de l'enfant. L'Assemblée nationale a rejeté un amendement, présenté par sa commission des lois, tendant à étendre aux héritiers du donateur la possibilité d'introduire une action en révocation des donations entre vifs pour survenance d'enfant. M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait valoir pour justifier l'opposition du Gouvernement à cet amendement, que : « La donation est un acte strictement personnel, la décision de la révoquer également. Élargir la possibilité de faire révoquer les donations ne va pas dans le sens de la réforme 188 ( * ) . » Pour que la naissance posthume d'un enfant conduise à la révocation d'une donation consentie à un tiers, il faudrait donc que le donateur ait engagé l'action en révocation peu après sa conception. En tout état de cause, il ne pourrait être porté atteinte aux droits réservataires de cet enfant.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 15 ainsi modifié .

Article 15 bis (nouveau) (art. 980 du code civil
Suppression de la condition de nationalité française des témoins appelés à être présents aux testaments

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet de modifier l'article 980 du code civil, afin de supprimer la condition de nationalité française exigée des témoins appelés à être présents aux testaments.

Ainsi qu'il l'a déjà été indiqué, l'article 969 du code civil distingue trois formes de testaments :

- le testament olographe qui, aux termes de l'article 970, n'est assujetti à aucune autre forme que l'obligation d'être écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ;

- le testament fait par acte public qui, aux termes de l'article 971, doit être dicté à deux notaires ou à un notaire en présence de deux témoins, qui en dressent acte. Il n'est pas réservé aux personnes ne sachant ou ne pouvant écrire ni même signer, par suite d'une maladie ou d'une infirmité, mais le fait est qu'on l'utilise souvent en de telles circonstances ;

- le testament fait dans la forme mystique qui, aux termes de l'article 976, doit être présenté au notaire et à deux témoins, dans un papier clos, cacheté et scellé au préalable ou en leur présence, et doit faire l'objet d'un acte de suscription dressé en brevet par le notaire.

En application de la convention de Washington du 28 octobre 1973, entrée en vigueur le 1 er décembre 1994, il est également possible de recourir au testament international , qui s'apparente au testament mystique.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 980 exige des témoins appelés pour être présents aux testaments qu'ils soient Français et majeurs, sachent signer et aient la jouissance de leurs droits civils. Il interdit au mari et à la femme d'être témoins dans le même acte 189 ( * ) .

La modification proposée par le présent article, qui consiste à substituer à la condition de nationalité une exigence de compréhension de la langue française, tend à « aligner les règles applicables aux testaments sur celles qui régissent les mariages 190 ( * ) ».

L'article 75 du code civil exige en effet la présence de deux à quatre témoins pour la célébration du mariage devant l'officier de l'état civil qui, selon l'article 76, doivent simplement être majeurs. S'il n'y a aucun texte précisant clairement que les témoins de mariage doivent comprendre le français, toutefois, on peut déduire cette exigence des dispositions générales relatives aux actes d'état civil et notamment de l'article 38 qui dispose que l'acte doit être lu aux témoins, ce qui implique nécessairement que ces derniers doivent pouvoir comprendre la lecture qui leur est faite.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 15 bis sans modification .

Article 15 ter (nouveau) (art. 983, 985, 986, 991, 992 et 993 du code civil)
Actualisation de la rédaction des dispositions relatives aux testaments soumis à des formes particulières

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet d'actualiser la rédaction de certains articles du code civil relatifs aux testaments qui sont soumis à des règles de formes particulières en raison de la situation des testateurs : conflit, interruption des communications, voyage maritime...

Les articles 981 et 982, relatifs aux conditions de réception des testaments des militaires, des marins de l'Etat et des personnes employées à la suite des armées , seraient inchangés.

Le tend à réécrire l'article 983, aux termes duquel il doit être fait un double original de ces testaments, une expédition du testament pour tenir lieu du second original pouvant être dressée si cette condition ne peut être remplie à raison de l'état de santé du testateur. Les deux originaux ou l'original et l'expédition du testament doivent être adressés, séparément et par courriers différents, sous pli clos et cacheté, au ministre de la guerre ou de la marine, pour être déposés chez le notaire indiqué par le testateur ou, à défaut d'indication, chez le président de la chambre des notaires de l'arrondissement du dernier domicile. Les modifications proposées sont de pure forme ou de précision. Ainsi, serait-il désormais indiqué qu'il s'agit du dernier domicile du testateur.

L'article 984, qui prévoit la nullité du testament six mois après l'arrivée du testateur dans un lieu où il a la liberté d'employer les formes ordinaires, ne serait pas modifié.

Le tend à réécrire l'article 985 afin de prévoir que les testaments faits dans un lieu avec lequel toute communication est impossible à cause d'une maladie contagieuse, peuvent être faits par toute personne atteinte de cette maladie ou située dans des lieux qui en sont infectés, devant le juge d'instance ou devant l'un des officiers municipaux de la commune, en présence de deux témoins. Les modifications proposées consistent, notamment, à supprimer la mention spécifique de la peste ou encore à évoquer l'impossibilité plutôt que l'interception des communications.

Le 3 ° tend à réécrire l'article 986 afin de prévoir que les testaments faits dans une île du territoire métropolitain ou d'un département d'outre-mer, où il n'existe pas d'office notarial, peuvent, lorsque toute communication avec le territoire auquel cette île est rattachée est impossible, être reçus dans les formes prévues à l'article 985, l'impossibilité des communications devant être attestée dans l'acte par le juge d'instance ou l'officier municipal qui reçoit le testament. Les modifications proposées consistent, notamment, à faire référence au « territoire métropolitain » plutôt qu'au « territoire européen de la France » et à ajouter la mention des départements d'outre-mer.

L'article 987, qui prévoit la nullité des testaments établis devant le juge d'instance ou un officier municipal dans un délai de six mois en cas de rétablissement des possibilités de communication, ne serait pas modifié.

De même, le projet de loi laissent inchangés les articles 988 à 990 relatifs aux conditions de forme et de réception des testaments établis au cours d'un voyage maritime .

Le tend à réécrire l'article 991 du code civil afin de prévoir qu'au premier arrêt dans un port étranger où se trouve un agent diplomatique ou consulaire français, l'un des originaux ou l'expédition du testament est remis, sous pli clos et cacheté, à celui-ci. Cet agent adresse ce pli au ministre chargé de la mer, afin que le dépôt chez un notaire prévu à l'article 983 soit effectué. La principale modification consiste à scinder la phrase actuelle en deux.

Le tend à réécrire l'article 992 afin de prévoir qu'à l'arrivée du bâtiment dans un port du territoire national, les deux originaux du testament, ou l'original et son expédition, ou l'original qui reste, en cas de transmission ou de remise effectuée pendant le cours du voyage, sont déposés, sous pli clos et cacheté, pour les bâtiments de l'État au ministre chargé de la défense nationale et, pour les autres bâtiments, au ministre chargé de la mer, chacune de ces pièces devant être adressée, séparément et par courriers différents, au ministre chargé de la mer, qui les transmet conformément à l'article 983. Les principales modifications consistent à faire référence aux ministres chargés de la défense et de la marine plutôt qu'au bureau des armements et au bureau de l'inscription maritime.

Enfin, le tend à réécrire l'article 993 afin de prévoir que le rôle du bâtiment mentionne, en regard du nom du testateur, la remise des originaux ou l'expédition du testament faite, selon le cas, au consulat, au ministre chargé de la défense nationale ou au ministre chargé de la mer. Les modifications sont de même nature qu'à l'article précédent.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 15 ter sans modification .

Article 15 quater (nouveau) (art. 1002-1 du code civil)
Cantonnement de l'émolument du légataire

A l'initiative du rapporteur de la commission des lois, M. Sébastien Huyghe, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a inséré un nouvel article 1002-1 dans le code civil afin de permettre à toute personne gratifiée d'un legs de ne recevoir, si telle est sa volonté, qu'une partie seulement des biens dont il a été disposé en sa faveur , sauf volonté contraire du disposant, et à condition que la succession ait été acceptée par au moins un héritier désigné par la loi.

Il s'agit de la reprise d'une faculté ouverte par l'article 21 du projet de loi au seul conjoint survivant et donc d'une extension de la dérogation à l'indivisibilité de l'option successorale.

Ce cantonnement ne sera pas considéré comme une libéralité du légataire aux autres successibles.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 15 quater sans modification .

Article 16 (art. 1025 à 1034 du code civil)
Extension du champ et de la durée des pouvoirs reconnus à l'exécuteur testamentaire

Cet article réécrit la section 7 du chapitre V du titre II du livre III du code civil consacrée aux exécuteurs testamentaires, afin d' étendre le champ et la durée de leurs pouvoirs , sans bouleverser leur rôle, qui demeure de veiller au respect après son décès des dernières volontés du testateur. Cette réécriture consiste essentiellement en une codification de la jurisprudence qui, au fil du temps, a considérablement augmenté les pouvoirs de l'exécuteur testamentaire.

Les fonctions d'exécuteur testamentaire et de mandataire successoral sont bien distinctes. Si le testateur a nommé à la fois un exécuteur testamentaire et un mandataire successoral, le mandat de ce dernier ne lui permet d'accomplir des actes d'administration et de gestion que « sous réserve des pouvoirs confiés à l'exécuteur testamentaire » en vertu de l'article 812 du code civil tel que modifié par l'article 1 er du projet de loi.

L'accomplissement de la mission du mandataire, qui est avant tout de pérenniser le patrimoine du défunt dans l'intérêt des héritiers, suppose que la dévolution des biens du défunt ait été faite.

En outre, alors que l'exécuteur testamentaire peut avoir reçu du défunt des pouvoirs étendus lui permettant de procéder au partage des biens ou d'effectuer des actes de gestion patrimoniale en l'absence de mandat posthume, à l'inverse le mandataire successoral ne peut être chargé de veiller à l'exécution des dernières volontés du défunt en l'absence d'exécuteur testamentaire.

Art. 1025 du code civil : Capacité juridique et obligations des exécuteurs testamentaires

Le projet de loi apporte quelques précisions au texte actuel de l'article 1025 qui prévoit que le défunt peut nommer un ou plusieurs exécuteurs testamentaires.

? Le premier alinéa ajoute que le rôle de l'exécuteur testamentaire est de veiller à l'exécution des volontés du défunt 191 ( * ) , alors que le code civil ne définit actuellement pas l'exécution testamentaire, même si le quatrième alinéa de l'actuel article 1031 prévoit que l'exécuteur veille à ce que le testament soit exécuté.

L'Assemblée nationale a ajouté, à l'initiative de MM. Alain Vidalies, Patrick Bloche et les membres du groupe socialiste, suivant l'avis du Gouvernement et contre celui de la commission des lois, que l'exécuteur testamentaire peut également procéder à l'exécution des dernières volontés du défunt et a par coordination supprimé le texte proposé pour l'article 1030, qui prévoyait que le testateur pouvait charger l'exécuteur testamentaire de procéder lui-même à l'exécution de ses dernières volontés. Désormais, cela ne devra donc plus être expressément précisé par le testateur.

Le projet de loi indique en outre que seules des personnes jouissant de la pleine capacité civile peuvent être désignées comme exécuteur testamentaire, ce qui exclut les personnes mineures ainsi que les incapables majeurs. Il s'agit d'une modernisation des dispositions des actuels articles 1028 et 1030 du code civil qui excluent respectivement « celui qui ne peut s'obliger » et les mineurs.

L'Assemblée nationale a ensuite rejeté un amendement présenté par sa commission des lois tendant à permettre la désignation d'une personne morale comme exécuteur testamentaire.

Si le testateur désigne plutôt une personne physique avec laquelle il a noué une relation de confiance, la nomination d'une personne morale lui aurait permis de s'affranchir du risque que la personne désignée, par exemple un avocat ou un notaire, décède avant l'accomplissement de sa mission. En effet, en vertu du dernier alinéa de cet article tel que modifié par le projet de loi, les pouvoirs de l'exécuteur testamentaire ne sont pas transmissibles à cause de mort. Un cabinet d'avocats ou une étude notariale aurait ainsi pu effectuer cette mission. Cependant, comme l'a fait observer le Gouvernement, qui avait donné un avis de sagesse, l'exécution testamentaire est nécessairement gratuite, ce qui amoindrit la portée de cette proposition.

Le deuxième alinéa prévoit désormais que l'exécuteur testamentaire est tenu d'accomplir sa mission dès lors qu'il l'a acceptée . Les héritiers du défunt pourront ainsi obtenir des dommages et intérêts de l'exécuteur testamentaire renonçant postérieurement. Il ne semble pas possible d'aller plus loin et de prévoir que la personne nommée exécuteur testamentaire par le défunt accepte cette mission de son vivant. Certes, une telle précision permettrait d'éviter une période de flottement à l'ouverture de la succession en cas de refus de la personne nommée exécuteur testamentaire, mais elle porterait atteinte à la liberté du testateur de révoquer librement son testament.

Enfin, le dernier alinéa prévoit que les pouvoirs de l'exécuteur testamentaires ne sont pas transmissibles à son décès à une autre personne. Il s'agit d'une extension de la règle prévue à l'actuel article 1032, qui précise que les pouvoirs de l'exécuteur testamentaire ne passeront point à ses héritiers. Ainsi, le testateur doit prendre en considération que s'il nomme un seul exécuteur testamentaire, et que celui-ci décède avant d'avoir accompli sa mission, nul autre ne pourra agir à sa place pour s'assurer du respect de ses dernières volontés.

Art. 1026 du code civil : Possibilité de relever de sa mission un exécuteur testamentaire

Le projet de loi précise que le tribunal peut relever de sa mission l'exécuteur testamentaire pour « motifs graves » .

La jurisprudence prévoit déjà que le tribunal de grande instance peut mettre un terme à la mission de l'exécuteur testamentaire dans l'hypothèse d'une faute commise dans l'accomplissement de sa mission ou d'un conflit entre les héritiers et lui.

Il sera également possible pour un exécuteur testamentaire de demander qu'il soit mis fin à sa mission, toujours sous le contrôle du juge, par exemple lorsque cette mission lui cause un préjudice.

Art. 1027 du code civil : Modalités d'action en cas de pluralité d'exécuteurs testamentaires

Le projet de loi reprend à l'article 1027 en les modifiant les dispositions de l'actuel article 1033, et prévoit qu' en présence de plusieurs exécuteurs testamentaires acceptant leur mission, l'un d'eux peut agir à la place des autres, sauf si le défunt avait exclu cette possibilité expressément ou en confiant à chacun une mission distincte.

Tout en respectant la volonté du défunt, les exécuteurs testamentaires pourront donc s'organiser en fonction de leurs compétences et contraintes.

En revanche, le projet de loi ne reprend pas la responsabilité solidaire des exécuteurs testamentaires concernant le compte de mobilier qui leur a été confié. La rigueur de cette responsabilité, admise même en l'absence de faute de leur part, paraissait incompatible avec le caractère gratuit de leur mission.

Si leur responsabilité personnelle ne fait pas l'objet de disposition spécifique, chaque exécuteur testamentaire devrait voir sa responsabilité engagée pour les actes qu'il aura personnellement accomplis.

Art. 1028 du code civil : Mise en cause de l'exécuteur testamentaire

Cet article précise la mission essentielle de l'exécuteur testamentaire, qui est de soutenir la validité du testament et d'exiger son exécution lorsqu'il est contesté.

Il prévoit que l'exécuteur testamentaire est mis en cause en cas de contestation sur la validité ou l'exécution d'un testament ou d'un legs et qu'il intervient dans tous les cas pour soutenir la validité ou exiger l'exécution des dispositions litigieuses.

Actuellement, le quatrième alinéa de l'article 1031 du code civil permet aux exécuteurs testamentaires d'intervenir pour « soutenir la validité » du testament dont l'exécution est contestée.

Le projet de loi transforme cette faculté en obligation , pleinement conforme à la vocation de l'exécution. Il précise en outre expressément que l'exécuteur testamentaire est automatiquement mis en cause en cas de contestation portant sur le testament lui-même ou sur son exécution.

La personne pressentie pour être exécuteur testamentaire devra donc à l'avenir avant d'accepter s'assurer de la teneur des dispositions du testament dont elle devra assurer l'exécution.

Art. 1029 du code civil : Modalités d'exécution de la mission de l'exécuteur testamentaire

Cet article reprend en les modifiant les dispositions de l'actuel article 1031 du code civil relatif aux modalités d'exécution de sa mission par l'exécuteur testamentaire.

Le premier alinéa prévoit une obligation de prendre toutes les mesures conservatoires utiles à la bonne exécution du testament.

Actuellement, le premier alinéa de l'article 1031 ne mentionne que l'apposition des scellés en présence d'héritiers mineurs, majeurs en tutelle ou absents.

Le projet de loi étend donc le champ des mesures conservatoires. Ces mesures peuvent être la mise en garde-meuble du mobilier, la consignation de comptes bancaires, la souscription de polices d'assurance contre l'incendie ou le vol, l'expulsion d'une personne occupant un bien immobilier compris dans la succession, ou encore la restitution de biens meubles divertis par un cohéritier. La liste de ces mesures dépendra des circonstances et de l'état du patrimoine du testateur à son décès.

Le deuxième alinéa simplifie les dispositions relatives à l'inventaire des biens, qui constitue la mesure conservatoire par excellence et offre une garantie contre le recel, les usurpations des tiers et l'indélicatesse de l'exécuteur testamentaire.

Actuellement, il est obligatoire et ne peut intervenir qu'après appel des héritiers présomptifs et le cas échant en leur présence. Il ne serait plus désormais systématique, afin d'accélérer le règlement des successions les plus simples, mais l'obligation de convoquer les héritiers s'il est effectué demeurerait.

Si votre rapporteur ne peut que souscrire à cet objectif de simplification des procédures, il n'en demeure pas moins que cette disposition accroît la responsabilité de l'exécuteur testamentaire qui pourrait se voir mis en cause en l'absence d'inventaire dans une succession très complexe.

Votre commission vous propose de prévoir par amendement que cet inventaire, lorsqu'il intervient, doit être réalisé par un notaire, un huissier ou un commissaire-priseur .

Le dernier alinéa modifie le droit en vigueur, qui oblige l'exécuteur testamentaire à provoquer la vente du mobilier de la succession pour acquitter les legs en l'absence de deniers suffisants. La Cour de cassation a refusé le 4 décembre 1990 d'étendre cette mesure à la vente d'un immeuble de la succession en présence d'héritiers réservataires.

Le projet de loi substitue une simple faculté à l'obligation actuelle et ne vise désormais plus que l'acquittement des dettes urgentes de la succession et non plus celui des legs.

Cette mesure devrait permettre de limiter ces aliénations.

Art. 1030-1 du code civil : Possession et vente du mobilier par l'exécuteur testamentaire spécialement habilité

Cet article complète le dernier alinéa de l'article 1029 relatif à la faculté de vente du mobilier pour faire face aux dettes urgentes de la succession et reprend l'hypothèse prévue actuellement au troisième alinéa de l'article 1031, en la subordonnant à une disposition expresse du testateur.

L'exécuteur testamentaire, lorsqu'il y a été habilité par le défunt, pourra donc :

- prendre possession du mobilier, c'est-à-dire se comporter comme s'il en était propriétaire ;

- et vendre ces meubles si nécessaire pour acquitter les legs particuliers , sous réserve qu'ils ne portent pas atteinte à la réserve des héritiers. On rappellera que les legs ne sont acquittés qu'après paiement des créanciers et peuvent faire l'objet d'une action en réduction lorsqu'ils excèdent la quotité disponible (voir infra article 13 du projet de loi). La décision de vendre le mobilier pour les acquitter ne doit donc pas être prise trop rapidement, ces meubles risquant de se trouver irrémédiablement dispersés.

Actuellement, l'exécuteur ne peut que provoquer cette vente, c'est-à-dire demander au juge de l'ordonner, cette vente devant être obligatoirement sur adjudication et non amiable. Désormais, les ventes pourraient se faire à l'amiable sans aucun contrôle.

Par ailleurs, la limite de la quotité disponible apparaît illusoire puisqu'il sera difficile d'appliquer une masse de calcul théorique à des meubles corporels. De plus, il n'est pas certain que les héritiers réservataires pourront intervenir dans le choix des meubles à aliéner.

Il s'agit cependant d'une simple codification de la jurisprudence .

Cette possibilité se limite aux meubles et aux seuls fins de payer les charges de la succession et d'acquitter les legs particuliers de sommes d'argent afin de préserver la possibilité pour les héritiers réservataires de recevoir leur part de réserve en nature, même si le projet de loi a partiellement fait disparaître ce droit.

Art. 1030-2 du code civil : Habilitation de l'exécuteur testamentaire en l'absence d'héritier réservataire acceptant

Le projet de loi procède en outre à une innovation importante en autorisant l'exécuteur testamentaire, spécialement habilité par le testateur, à exécuter une série d'actes de disposition et de gestion, à condition qu'il n'existe pas d'héritier réservataire acceptant .

Il s'agit d'une consécration de la jurisprudence 192 ( * ) .

L'exécuteur testamentaire pourra ainsi être habilité à :

- disposer des immeubles inclus dans la succession ;

- recevoir et placer les capitaux ;

- payer les dettes et les charges (que leur paiement présente ou non un caractère urgent) ;

- attribuer les biens subsistants ou procéder à leur partage entre les héritiers et les légataires.

Le partage des immeubles ne pouvant être effectué que par acte authentique , l'exécuteur testamentaire devra avoir recours à un notaire. Une fois de plus, la vente des immeubles pourra être amiable .

La jurisprudence a considéré que cette faculté de disposer à l'amiable des immeubles pouvait se faire sans aucun contrôle judiciaire ni aucune information préalable des héritiers.

Votre commission vous propose toutefois de prévoir par amendement qu'à peine d'inopposabilité, les héritiers doivent être informés de la vente d'un immeuble successoral .

Art. 1030-3 du code civil : Habilitations données à l'exécuteur testamentaire par un testament sous forme authentique

Le projet de loi dissipe ensuite une incertitude juridique en indiquant que les habilitations données par testament à l'exécuteur testamentaire afin de procéder aux actes de gestion et de disposition mentionnés aux articles 1030-1 et 1030-2 n'ont pas à donner lieu à envoi en possession lorsque le testament a été réalisé sous forme d'acte authentique. L'envoi en possession constitue en effet une formalité lourde, consistant pour le notaire à requérir du président du tribunal de grande instance une ordonnance attestant de l'enregistrement et l'envoi du testament.

Cette simplification parait opportune, la participation du notaire, officier public assermenté, à la rédaction de tels actes, apportant des garanties suffisantes quant à la fiabilité de leur contenu, contrairement aux testaments olographes ou aux testaments mystiques visés par la procédure de l'envoi en possession.

Art. 1031 du code civil : Durée des habilitations données par les testateurs

Le projet de loi précise que la durée des habilitations par le testateur prévues aux articles 1031-1 et 1031-2 (vente du mobilier pour acquitter les legs particuliers dans la limite de la quotité disponible et possibilité de disposer des immeubles, de placer les capitaux, de payer les dettes et charges et d'attribuer ou de partager les biens subsistants en l'absence d'héritiers réservataires acceptants) ne peut excéder deux ans à compter du décès . Le juge peut la proroger d'un an au maximum .

Cette possibilité de prorogation est opportune. En effet, vendre des immeubles peut prendre beaucoup de temps lorsqu'ils sont loués ou frappés de servitudes d'urbanisme.

Or, actuellement, seule la saisine, qui doit être expressément prévue par le testateur, est limitée dans le temps par l'article 1026, qui prévoit une durée d'un an et un jour à compter du décès. En revanche, les pouvoirs consacrés par la jurisprudence, comme celui de vendre les immeubles en l'absence d'héritier réservataire, ne le sont pas.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de coordination avec les dispositions de l'article 1032 afin de prévoir que ce délai commence à courir à l'ouverture du testament et non au décès .

Art. 1032 du code civil : Fin de la mission de l'exécuteur testamentaire

Le projet de loi prévoit en outre que la mission de l'exécuteur testamentaire prend fin au plus tard deux ans après l'ouverture du testament, sauf prorogation par le juge .

Ce délai doit permettre d'assurer le respect de la volonté du testateur et d'éviter un recours systématique au juge.

Le choix de faire courir ce délai à compter non du décès du testateur mais de l'ouverture du testament résulte de la volonté d'accorder à l'exécuteur testamentaire un délai franc, ne débutant qu'à partir du moment où il saura de manière certaine grâce à l'ouverture du testament qu'il est chargé d'en assurer l'exécution.

Le projet de loi prévoit, conformément à la pratique actuelle, la possibilité pour le juge de prolonger le délai donné à l'exécuteur testamentaire pour accomplir sa mission, sans fixer de limite. Il reviendra donc au juge d'en décider eu égard aux circonstances et à la lourdeur de cette mission.

Art. 1033 du code civil : Obligation de rendre des comptes

Le projet de loi prévoit que l'exécuteur rend compte dans les six mois suivant la fin de sa mission .

Actuellement, l'article 1031 prévoit que cette obligation doit intervenir dans l'année du décès, ce qui est en pratique trop court lorsque le juge a été contraint de prolonger la mission de celui-ci, et souvent trop long lorsque la succession est simple. Fixer le point de départ de ce délai à compter de la fin de la mission de l'exécuteur et non plus du décès du testateur parait donc opportun.

Cette durée de six mois parait raisonnable compte tenu du caractère gratuit de la mission accomplie par l'exécuteur testamentaire.

Le projet de loi précise en outre qu' en cas de décès de l'exécuteur testamentaire, il revient à ses héritiers de rendre des comptes.

Enfin, le dernier alinéa apporte d'utiles précisions sur la nature des responsabilités de l'exécuteur testamentaire. Il l'assimile au « mandataire à titre gratuit », ce qui semble logique puisqu'il n'est pas rémunéré, sauf exception.

Art. 1033-1 du code civil : Caractère gratuit de la mission d'exécuteur testamentaire

Le projet de loi comble une lacune de la loi en précisant que l'exécution testamentaire est gratuite . Cette conception correspond à celle de la jurisprudence et à la pratique, cette mission étant souvent confiée à un ami.

Il ne reconnaît comme exception à ce principe que la possibilité de libéralités à titre particulier du testateur, à condition que leur montant soit :

- en rapport avec les facultés du disposant, ce qui suppose qu'il n'excède pas une fraction trop importante du patrimoine du défunt ;

- proportionné à l'importance des services rendus par l'exécuteur testamentaire dans le cadre de sa mission.

Il s'agit de la reprise d'une pratique très répandue et reconnue par la jurisprudence, plus connue sous le nom de « diamant », qui affaiblit de fait le principe de gratuité de l'exécution testamentaire. Il peut s'agir d'un présent d'usage, ou d'une véritable libéralité rémunératoire, à condition qu'il remplisse les conditions exigées de ces libéralités, à savoir la double proportionnalité au service rendu et aux facultés du testateur. Cette qualification a pour conséquence de faire échapper le diamant aux règles qui s'imposent en principe aux libéralités. A défaut, il est considéré comme un legs.

Le projet de loi vise donc à éviter la constitution d'une offre commerciale d'exécuteurs testamentaires.

Art. 1034 du code civil : Prise en charge des frais de l'exécuteur testamentaire

Le projet de loi reprend sous une forme simplifiée les dispositions de l'actuel article 1034 et prévoit que les frais supportés par l'exécuteur testamentaire dans l'exercice de sa mission sont à la charge de la succession.

Cette règle reste parfaitement légitime compte tenu du caractère désintéressé de la mission acceptée par l'exécuteur testamentaire. Il convient en effet d'éviter un appauvrissement de l'exécuteur testamentaire.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 16 ainsi modifié .

Article 17 (chapitre VI du titre II du livre III du code civil)
Autorisation des libéralités graduelles et résiduelles

Cet article a pour objet d'autoriser les libertés résiduelles et graduelles.

Dans sa rédaction initiale, il avait pour seul objet de donner un fondement légal au legs de residuo , déjà admis par la jurisprudence, et d'élargir cette possibilité d'effectuer des libéralités résiduelles aux donations.

A l'initiative de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale l'a entièrement réécrit afin d'élargir les possibilités de consentir des libéralités graduelles, expression préférée à celle de substitutions fidéicommissaires.

Le premier paragraphe (I) tend ainsi à réécrire le chapitre VI (« Des dispositions permises en faveur des petits enfants du donateur ou testateur, ou des enfants de ses frères et soeurs ») du titre II du livre III du code civil afin de lui donner un nouvel intitulé (« Des libéralités graduelles et résiduelles ») et de le structurer en deux sections respectivement consacrées aux libertés graduelles et aux libertés résiduelles.

SECTION 1 - Des libéralités graduelles

Dans sa rédaction initiale, le présent article se contentait de créer une section 1 intitulée « Des libéralités graduelles » et d'y faire figurer les actuels articles 1048 à 1074, qui définissent le régime légal des substitutions fidéicommissaires permises. L'Assemblée nationale a entièrement réécrit le contenu de cette section.

Art. 1048 du code civil : Définition de la libéralité graduelle

Cet article définit la libéralité graduelle comme la « libéralité grevée d'une charge comportant l'obligation pour le donataire ou le légataire de conserver les biens ou droits qui en sont l'objet et de les transmettre, à son décès, à un second gratifié, désigné dans l'acte . »

Ce faisant, il permet au disposant de consentir une telle libéralité non plus seulement au bénéfice de ses petits enfants ou de ses neveux et nièces mais de toute personne , physique ou morale, de son choix, sous réserve bien entendu qu'elle ait la capacité de recevoir une libéralité.

Au principe actuel de la prohibition des substitutions fidéicommissaires succéderait ainsi celui de leur légalité.

Votre commission souscrit à la réforme proposée. Comme l'a souligné M. Sébastien Huyghe rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale en séance publique : « Ce mécanisme, qui diffère de la libéralité résiduelle proposée par le projet de loi par l'obligation de conserver pour transmettre qui pèse sur le premier gratifié dans la libéralité graduelle, alors que la libéralité résiduelle ne fait peser sur lui que l'obligation de transmettre ce qui reste des biens qu'il aura reçus, offrira au disposant une plus grande liberté de choix dans l'expression de ses dernières volontés, notamment afin d'assurer les moyens de subsistance d'un enfant handicapé qui pourrait être le premier gratifié, quitte pour ses frères et soeurs à recevoir les biens dans un second temps en qualité de seconds gratifiés. Dans ce cas, ce dispositif prendra toute son ampleur dans une combinaison comportant la renonciation anticipée à l'action en réduction de la part desdits frères et soeurs au profit du premier gratifié, c'est-à-dire l'enfant handicapé 193 ( * ) . »

Bien plus, et comme l'a fait valoir M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, les parents pourront recourir à la libéralité graduelle pour accorder un appartement à leur enfant handicapé qui sera rendu aux frères et soeurs dans l'état dans lequel il était au moment de la succession, et à la libéralité résiduelle pour confier à ce même enfant un portefeuille d'actions rendu aux frères et soeurs dans l'état dans lequel il est au moment du décès de l'incapable majeur. Ces deux solutions combinées permettront à un majeur sous tutelle de disposer à la fois d'un logement et de revenus tout en réglant le problème du retour du patrimoine à la famille.

Pour autant -et ainsi qu'il l'a été indiqué dans le commentaire de l'article 10 du projet de loi- votre commission juge préférable, compte tenu de l'atteinte portée par les substitutions au principe de libre circulation des biens, de maintenir à l'article 896 du code civil le principe de leur prohibition en dehors des cas -désormais très nombreux- où elles sont autorisées par la loi.

Art. 1049 du code civil : Objet de la liberalité graduelle

Cet article prévoit que la libéralité graduelle emporte pour le premier gratifié -appelé le « grevé » puisque la libéralité est grevée d'une charge- l' obligation d'une conservation en nature des biens qui en sont l'objet : il ne peut donc ni les aliéner ni en disposer à titre gratuit.

Il est prévu, en conséquence, que les biens doivent être « identifiables » au moment de la transmission et, s'il s'agit d'immeubles, que la charge grevant la libéralité doit faire l'objet d'une publicité. En pratique, cette publicité devrait être assurée au fichier immobilier tenu par la conservation des hypothèques qui permet, par immeuble, d'obtenir : la liste des copropriétaires, les actes de vente, les baux commerciaux, les états exacts des hypothèques de chacun des lots.

Ces dispositions seraient également applicables aux libéralités résiduelles, en application de l'article 1061.

Dans leur ouvrage « Des libéralités - une offre de loi » paru en 2003, MM. Jean Carbonnier, Pierre Catala, Jean de Saint-Affrique et Georges Morin préconisaient de prévoir la conservation en valeur des biens faisant l'objet d'une libéralité graduelle, à défaut de volonté contraire du disposant, afin d'éviter les inconvénients économiques d'une obligation de conservation en nature. Lors de leur audition par votre rapporteur, M. Pierre Catala a confirmé et M. Philippe Malaurie a marqué une préférence pour cette solution.

Sans doute cette solution est-elle séduisante. On peut en effet concevoir qu'une libéralité graduelle ait pour seul objet de protéger son enfant (le grevé) et ses petits-enfants (les seconds gratifiés) contre la prodigalité ou l'incompétence du premier. Toutefois, il n'est pas certain qu'une simple obligation de conservation en valeur permette d'atteindre ce résultat, le premier gratifié pouvant plus aisément dilapider son patrimoine. De surcroît, l'un des principaux objets de la substitution fidéicommissaire reste d'assurer la conservation de certains biens au sein de la famille. Enfin et surtout, l'obligation d'une conservation en nature des biens donnés ou légués semble nécessaire pour maintenir la fiction juridique selon laquelle le second gratifié est réputé tenir ses biens du disposant et non du premier gratifié, posée à l'article 1051 et qui permet de justifier son statut fiscal avantageux. Aussi est-il préférable de conserver cette obligation.

Votre commission vous soumet toutefois un amendement ayant pour objet, lorsqu'une libéralité résiduelle ou graduelle porte sur un portefeuille de valeurs mobilières, de permettre que la cession et le rachat de valeurs mobilières emportent subrogation sur les valeurs acquises en remploi .

En effet, si elle devait être interprétée comme portant non pas sur le portefeuille mais sur les titres eux-mêmes, l'obligation de conserver le bien en nature pour que la libéralité produise son effet aurait pour conséquence d'empêcher toute gestion du portefeuille.

Votre commission vous soumet également un amendement de coordination.

Art. 1050 du code civil : Abandon anticipé de la jouissance des biens

Cet article pose le principe selon lequel les droits du second gratifié s'ouvrent à la mort du grevé.

Il donne cependant au grevé la faculté d'abandonner au second gratifié la jouissance du bien faisant l'objet de la libéralité, à la condition de ne porter préjudice ni à ses propres créanciers ni aux tiers auxquels il aurait consenti un droit sur le bien.

L' abandon de la jouissance du bien répond à un besoin pratique, en particulier lorsque le premier gratifié n'en a plus l'utilité -il peut s'agir d'une personne âgée qui, devant être hébergée en établissement, n'utilise plus son appartement- et souhaite que ses enfants puissent en jouir de façon anticipée.

L'abandon en jouissance semble seul possible car la libéralité graduelle fait l'objet, pour le second gratifié, d'une double condition suspensive du décès du premier gratifié et résolutoire de son propre prédécès. On ne peut envisager que le premier gratifié puisse abandonner la propriété du bien objet de la libéralité, sans remettre en cause l'économie générale du contrat.

Cette seule possibilité d'abandon en jouissance qui, en pratique, devrait s'accompagner d'une convention mettant à la charge du second gratifié toutes les obligations incombant au propriétaire, paraît protectrice du droit des tiers qui peuvent conclure des actes de disposition sur le bien, même si ce dernier est inaliénable, toujours sous condition résolutoire du décès du premier gratifié (convention de servitude, d'occupation précaire...). Admettre que le premier gratifié puisse abandonner la propriété au second reviendrait à faire tomber les droits des tiers et rendrait la condition résolutoire, sous laquelle sont conclues les conventions, purement potestative. Enfin, il n'est pas non plus possible d'envisager que le transfert de propriété puisse intervenir du vivant du premier gratifié vers le second en conservant les droits des tiers jusqu'au décès du premier gratifié car cela reviendrait à priver le second gratifié d'une partie de ses pouvoirs de propriétaire.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination.

Art. 1051 du code civil : Dévolution successorale

Cet article précise que le second gratifié -ou ses héritiers s'il est prédécédé et qu'eux-mêmes sont mentionnés à cet effet dans l'acte originel- est réputé tenir ses droits du disposant , alors que les biens lui sont pourtant transmis à partir du patrimoine du premier gratifié, une fois celui-ci décédé.

Ces dispositions seraient également applicables aux libéralités résiduelles, en application de l'article 1061.

Sur le plan civil, la fiction juridique ainsi créée vise à faire échapper les biens, ainsi obtenus par le second gratifié, aux règles de rapport et d'imputation applicables à la succession du premier gratifié.

Sur le plan fiscal, elle permet en outre au second gratifié d'éviter un taux d'imposition qui, si le premier gratifié n'est pas un proche parent, pourrait lui être très défavorable. Si l'on prend l'exemple d'une libéralité graduelle consentie à un enfant handicapé avec obligation de transmettre les biens à son frère, ce dernier acquittera au décès du premier gratifié les droits de mutation applicables en cas de transmission de parent à enfant et non entre frères. En revanche, à la différence de la libéralité résiduelle, la libéralité graduelle subit une double taxation.

Le legs de residuo est en effet actuellement considéré comme une seule transmission du bien et n'est donc taxé qu'une seule fois, en fonction de la valeur des biens et du lien de parenté existant entre le testateur et le premier gratifié et le testateur et le second gratifié. Si la valeur des biens n'a pas évolué entre le décès du testateur et celui du premier gratifié, le second gratifié ne sera pas taxé. En revanche, si la valeur a augmenté, il le sera sur la différence, en fonction de son degré de parenté. Il a été indiqué à votre rapporteur que le ministre des finances avait été saisi afin d'éviter toute modification de la doctrine fiscale actuelle après l'adoption de la loi.

Art. 1052 du code civil : Garanties et sûretés

Cet article prévoit qu' il appartient au disposant de prescrire des garanties et des sûretés pour la bonne exécution de la charge .

Cette disposition constitue la reprise d'une proposition figurant dans l'ouvrage « Des libéralités - une offre de loi » et tendant à ouvrir « une avenue à l'ingéniosité notariale qui pourra, à sa guise, polir des formules de garanties et de sûretés : obligations d'emploi et de remploi, comptes rendus de gestion, voire même tutelle à l'exécution de la charge, ouverture d'un compte spécial pour le portefeuille de valeurs sujets à restitution, caution ou gage... Le tout sous la menace d'une déchéance qui priverait le grevé du bénéfice de la disposition 194 ( * ) . »

Les auteurs de cet ouvrage l'avaient prévue pour contrebalancer le principe d'une conservation en valeur et non en nature du bien donné ou légué.

Elle n'en demeure pas moins utile, même si la conservation en nature est exigée, car le disposant peut être conduit à établir un inventaire lorsque les biens qui font l'objet de la libéralité sont des biens meubles, ou à faire inscrire une clause d'inaliénabilité au fichier immobilier.

Art. 1053 du code civil : Limitation à un seul degré des libéralités graduelles

Cet article prévoit que les libéralités graduelles ne peuvent être consenties que sur un seul degré , à l'instar de celles qui sont aujourd'hui autorisées.

Ainsi, le second gratifié ne pourrait être soumis à la même obligation de conserver et de transmettre.

La méconnaissance de cette interdiction serait sanctionnée non pas par la nullité de l'ensemble de la libéralité mais par celle de la charge stipulée au second degré.

L'objectif recherché est d'empêcher le disposant de « geler » des biens sur plusieurs générations.

Art. 1054 du code civil : Imputation de la charge

Cet article prévoit que la libéralité graduelle ne peut porter que sur la quotité disponible, même si le grevé est un héritier réservataire du disposant.

Si tel n'était pas le cas, le grevé pourrait, au décès du disposant, demander à ce que sa part de réserve fût libérée de la charge.

La seule hypothèse dans laquelle la charge pourrait porter sur tout ou partie de la réserve du grevé réservataire est qu'elle bénéficie à l'ensemble de ses propres héritiers réservataires, sans distinction. Son accord serait toutefois requis. Il pourrait être formulé soit dans l'acte de donation, soit postérieurement.

Votre commission vous soumet un amendement de réécriture de cet article afin :

- de poser le principe selon lequel, si le grevé est héritier réservataire du disposant, la charge de conserver et de transmettre ne peut être imposée que sur la quotité disponible ;

- de permettre au grevé de consentir à ce que la charge porte sur tout ou partie de sa réserve, à la condition qu'elle bénéficie de plein droit à ses enfants nés et à naître, sans exception ni préférence. En effet, le second gratifié ne tient pas ses droits du premier gratifié mais de l'auteur de la libéralité ;

- d'établir une distinction selon que la charge portant sur tout ou partie de la réserve a été stipulée dans une donation ou un testament. Dans la première hypothèse, le donataire pourrait l'accepter directement dans l'acte de donation ou postérieurement dans un acte notarié passé selon les modalités prévues pour la renonciation à l'exercice de l'action en réduction des libéralités excessives. Dans la seconde hypothèse, il appartiendrait au légataire de demander, dans un délai d'un an, à ce que sa part de réserve soit, en tout ou partie, libérée de la charge. A défaut, il devrait en assumer l'exécution.

Les principales modifications de fond apportées au texte adopté par l'Assemblée nationale consistent donc à encadrer les conditions de l'acceptation par le grevé d'une charge portant atteinte à sa réserve .

Art. 1055 : Révocation d'une libéralité graduelle

Cet article ouvre à l'auteur d'une donation graduelle la possibilité de la révoquer , à l'égard du second gratifié, aussi longtemps que ce dernier ne lui a pas notifié son acceptation, dans les formes requises en matière de donation, c'est-à-dire par acte notarié.

Ces dispositions seraient applicables aux donations résiduelles en application de l'article 1061.

Une telle précision est inutile pour un legs puisque le testament est un acte unilatéral et révocable à tout moment.

Quant aux donations, il est de règle générale qu'elles deviennent irrévocables dès lors qu'un accord a été trouvé entre les parties.

Si le disposant a des doutes sur la désignation du second gratifié, il lui est possible ;

- soit de ne pas informer le second gratifié qu'il bénéficie d'une donation graduelle, avec le risque que la libéralité consentie au profit du premier grevé ne passe du statut de libéralité avec charge à celui de libéralité simple ;

- soit de faire un legs graduel, qu'il peut révoquer ou modifier à tout moment de son vivant, comme tout legs ;

- soit de faire une donation résiduelle dans laquelle le premier gratifié pourra décider de vendre ou donner le bien si les conditions souhaitées par le donateur pour que le second gratifié bénéficie de la libéralité ne sont plus réunies.

Votre commission vous soumet en revanche un amendement ayant pour objet de prévoir qu'une donation graduelle peut être acceptée par le second gratifié après le décès du donateur . Il s'agit, par cette dérogation au principe selon lequel une donation doit nécessairement être acceptée du vivant du donateur, de permettre à un grand-père, par exemple, de consentir la donation d'un bien immobilier à son fils à charge pour lui de le conserver et de le transmettre à l'ensemble de ses enfants nés et à naître. La rédaction actuelle du projet de loi ne permet pas à la libéralité de produire d'effet à l'égard des enfants du grevé qui viendraient à naître après le décès de leur grand-père. La volonté de ce dernier ne pourrait donc être respectée et l'égalité entre ses petits-enfants ne serait pas assurée. L'amendement proposé permet de prendre en compte une telle situation.

Art. 1056 du code civil : Transmission des biens et droits objets de la libéralité en cas de prédécès ou de renonciation du second gratifié

Cet article pose le principe selon lequel le bénéfice de la libéralité graduelle est réservé au second gratifié qui ne peut le transmettre à ses héritiers.

Si le second gratifié décédait avant le grevé ou renonçait au bénéfice de la libéralité graduelle, les biens et droits concernés dépendraient de la succession du grevé.

Toutefois, le disposant aurait la possibilité, à la condition de le prévoir expressément dans l'acte, de transmettre les biens et droits aux héritiers du second gratifié ou de désigner un autre second gratifié.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination.

SECTION 2 - Des libéralités résiduelles

Dans sa rédaction initiale, le présent article tendait à insérer sept nouveaux articles numérotés 1074-1 à 1074-7. L'Assemblée nationale ayant réduit le nombre des articles consacrés aux libéralités graduelles tout en élargissant considérablement leur champ d'application, elle a prévu d'utiliser le support des articles 1057 à 1061 pour définir le régime légal des libéralités résiduelles.

Art. 1057 du code civil : Définition et régime général de la libéralité résiduelle

Cet article définit la libéralité résiduelle comme la disposition par laquelle le disposant consent à un premier gratifié un don ou un legs tout en prévoyant qu'un second gratifié recueillera ce qui subsistera de ce don ou legs au décès du premier gratifié .

Ce faisant, il consacre la validité des legs résiduels, admise par la jurisprudence 195 ( * ) , et prévoit celle des donations résiduelles, qui était soutenue par une partie de la doctrine mais restait incertaine jusqu'à présent.

La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale est celle qui figurait dans le projet de loi initial (art. 1074-1).

Art. 1058 du code civil : Liberté de disposer à titre onéreux des biens faisant l'objet d'une libéralité résiduelle

Afin de bien la distinguer de la libéralité graduelle, cet article dispose que la libéralité résiduelle n'oblige pas le premier gratifié à conserver les biens reçus mais à transmettre les biens subsistants : il peut donc en disposer à titre onéreux comme bon lui semble.

Il précise, dans un second alinéa, qu' en cas d'aliénation des biens donnés ou légués, le second gratifié ne jouit d'aucun droit sur le produit de l'aliénation ou les nouveaux biens acquis .

Ces dispositions, qui reprennent celles figurant dans le projet de loi initial (art. 1074-5), retiennent ainsi une définition stricte de la notion de residum . Elles fondent la distinction entre la libéralité résiduelle et la libéralité graduelle.

Art. 1059 du code civil : Restrictions à la faculté de disposer à titre gratuit des biens faisant l'objet d'une libéralité résiduelle

Afin de conserver à la liberté résiduelle toute son efficacité, cet article fait interdiction au premier gratifié de disposer par testament des biens donnés ou légués à titre résiduel .

La libéralité résiduelle serait en effet vidée de son sens si le premier gratifié pouvait substituer son propre légataire au lieu et place du second gratifié désigné par le disposant.

Le premier gratifié pourrait disposer entre vifs des biens donnés ou légués. Toutefois, le disposant aurait la faculté de lui en faire interdiction, dans l'acte de donation 196 ( * ) .

En d'autres termes, il serait en toute hypothèse autorisé à disposer à titre onéreux des biens reçus mais pourrait se trouver dans l'impossibilité d'en disposer à titre gratuit.

Une exception est prévue à ces restrictions : si le premier gratifié était héritier réservataire du disposant et les biens lui avaient été donnés en avancement de part successorale, il conserverait la liberté d'en disposer à titre gratuit.

La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale est celle qui figurait dans le projet de loi initial (art. 1074-6).

Votre commission vous soumet un amendement de précision.

Art. 1060 du code civil : Gestion des biens

Cet article dispose que le premier gratifié n'est pas tenu de rendre compte de sa gestion au disposant ou à ses héritiers .

Cette règle paraît cohérente avec le droit accordé au premier gratifié de disposer à titre onéreux des biens reçus comme bon lui semble.

Art. 1061 du code civil : Extension aux libéralités résiduelles de certaines règles applicables aux libéralités graduelles

Cet article prévoit l'application aux libéralités résiduelles de plusieurs règles régissant les libéralités graduelles et qui figuraient dans la rédaction initiale du projet de loi :

- l'obligation de porter sur des biens identifiables et subsistant en nature au décès du grevé (art. 1049) ;

- la disposition selon laquelle le second gratifié est réputé tenir ses droits de l'auteur de la libéralité (art. 1051) ;

- la disposition selon laquelle il appartient au disposant de prescrire des garanties et des sûretés pour la bonne exécution de la charge (art. 1052) ;

- l'obligation de porter sur la quotité disponible, sauf si la charge bénéfice à l'ensemble des héritiers réservataires du grevé (art. 1054) ;

- la possibilité, pour le donateur, de révoquer la libéralité à l'égard du second gratifié tant que celui-ci ne lui a pas notifié son acceptation ( art. 1055 ).

Votre commission vous soumet un amendement tendant à prévoir l'application aux libéralités résiduelles de l'article 1056 du code civil, qui pose le principe selon lequel le bénéfice de la libéralité graduelle est réservé au second gratifié qui ne peut le transmettre à ses héritiers, sauf accord du disposant . Il s'agit de réparer une omission de l'Assemblée nationale car ces dispositions étaient prévues dans le projet de loi initial (art. 1074-3). La référence à l'article 1054 serait par ailleurs supprimée dans la mesure où son contenu est redondant avec celui de l'article 1059.

Par coordination avec l'abrogation de l'article 1069 du code civil opérée par le I, le deuxième paragraphe (II) tend à abroger l'article 2300 du code civil, relatif aux dispositions applicables à Mayotte, qui y faisait référence pour prévoir l'application de règles spécifiques en matière d'inscription de privilèges et hypothèques.

Cet article a été abrogé par l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés, qui a déplacé ses dispositions à l'article 2506 du code civil.

Votre commission vous soumet un amendement pour en tirer la conséquence.

Enfin, le troisième et dernier paragraphe (III ), inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, tend à modifier l'article 38-2 de la loi du 1 er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, afin de tirer la conséquence de ces nouvelles dispositions.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 17 ainsi modifié .

Article 18 - Organisation du chapitre VII du titre II du livre III du code civil, relatif aux libéralités-partages

Cet article a pour objet de modifier l'intitulé et la structure du chapitre VII du titre II du livre III du code civil, afin de tenir compte des modifications proposées aux articles 19 et 20 du projet de loi.

L'intitulé actuel de ce chapitre, qui évoque les « partages faits par les ascendants » ne permet pas, en effet, de couvrir l'hypothèse de donations-partages entre des descendants de générations différentes prévue par l'article 19 du projet de loi. Aussi est-il proposé de faire référence aux « libéralités-partages ». Par symétrie avec l'intitulé du titre II (« Des libéralités »), retenu par l'article 10 du projet de loi, l'Assemblée nationale a préféré cette expression plus concise à la référence aux donations-partages et aux testaments-partages prévue par le projet de loi initial.

Le chapitre comprendrait désormais trois sections, contre deux actuellement. Le projet de loi prévoit en effet de créer une section 1 consacrée aux dispositions générales et de transformer les sections 1 et 2, respectivement consacrées aux donations-partages et aux testaments-partages, en de nouvelles sections 2 et 3.

La section 1 regrouperait non seulement les actuels articles 1075 à 1075-3 mais également les articles 1075-4 et 1075-5 que l'article 19 du projet de loi tend à insérer dans le code civil.

La section 2 serait divisée en deux paragraphes :

- le paragraphe 1, relatif aux « donations partages faites aux héritiers présomptifs », regrouperait, comme aujourd'hui la section 1, les actuels articles 1076 à 1078-3 ;

- le paragraphe 2, relatif aux « donations-partages faites à des descendants de degrés différents », regrouperait les articles 1078-4 à 1078-10, que le 10° de l'article 20 du projet de loi tend à insérer dans le code civil. Alors que le projet de loi initial faisait référence à des descendants de « générations différentes », l'Assemblée nationale a visé les descendants de « degrés différents », notion déjà consacrée par l'article 741 du code civil.

Une distinction entre ces deux types de donations-partages semble justifiée puisque certaines formes de donations consenties en faveur de descendants de degrés différents, telles que la donation trans-générationnelle, peuvent impliquer des renonciations de certains enfants, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent avec les donations-partages faites aux héritiers présomptifs.

Enfin, la section 3 regrouperait, comme aujourd'hui la section 2, les articles 1079 et 1080.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 18 sans modification .

Article 19 (art. 1075 à 1075-3 et art. 1075-4 nouveau du code civil)
Règles générales applicables aux donations-partages et aux testaments-partages

Cet article a pour objet de réécrire les dispositions du code civil définissant les règles générales applicables aux donations-partages et aux testaments-partages, afin d'élargir le champ d'application de ces libéralités.

1. Partage d'ascendant : extension aux héritiers présomptifs

Le , adopté sans modification par l'Assemblée nationale, tend à réécrire l'article 1075 relatif au partage d'ascendant.

En l'état actuel du droit, seuls les père et mère et autres ascendants peuvent faire, entre leurs enfants et descendants, la distribution et le partage de leurs biens. Cet acte peut prendre la forme d'une donation-partage ou d'un testament-partage. Il est soumis aux formalités, conditions et règles prescrites pour les donations entre vifs dans le premier cas et pour les testaments dans le second.

Comme le souligne le professeur Michel Grimaldi, « entre ces deux variétés de partage d'ascendant, il existe de profondes différences :

« - le testament-partage ne dessaisit pas l'ascendant de ses biens, alors que la donation-partage l'en dépouille immédiatement ; le partage testamentaire vient à son heure, alors que le partage entre vifs est un partage anticipé ;

« - le testament-partage, étant librement révocable, est modifiable à tout moment alors que la donation-partage, étant irrévocable, est définitive ;

« - le testament-partage, acte unilatéral, réalise un partage autoritaire, alors que la donation-partage, acte-conventionnel, favorise un partage négocié 197 ( * ) . »

La modification proposée consiste à prévoir désormais que toute personne peut faire la distribution et le partage de ses biens entre ses héritiers présomptifs 198 ( * ) , et non plus ses seuls enfants et descendants.

L'objectif recherché est notamment de permettre à une personne sans enfant de distribuer et partager ses biens entre ses frères et soeurs ou ses neveux et nièces.

Selon l'exposé des motifs du projet de loi, cette ouverture devrait faire de la donation-partage, prévue à l'origine comme un acte d'autorité parentale, un outil généralisé de règlement anticipé des successions.

Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet d'autoriser expressément le disposant à partager non seulement ses biens mais également ses droits. Cette précision semble cohérente à la fois avec la définition des libéralités proposée par l'article 10 du projet de loi à l'article 893 du code civil et avec la possibilité actuellement reconnue à un ascendant de partager ses droits dans une indivision.

2. Donation-partage : extension aux petits enfants

Le tend en effet à prévoir, à l'article 1075-1, que le disposant peut également faire la distribution et le partage de ses biens entre des descendants de degrés différents 199 ( * ) , qu'ils soient ou non ses héritiers présomptifs.

Le régime spécifique de cette forme particulière de libéralité-partage serait précisé par les dispositions de l'article 20 du projet de loi. Il s'agirait nécessairement d'une disposition entre vifs puisque l'accord des héritiers réservataires serait nécessaire.

En l'état actuel du droit, l'ascendant ne peut procéder à une donation-partage entre ses enfants et petits-enfants sauf en cas de représentation -c'est-à-dire en cas de décès ou d'indignité de leur père ou mère. S'il n'a qu'un enfant, il ne peut procéder à une donation-partage ni entre cet enfant unique et ses petits-enfants ni entre ses seuls petits-enfants. Il ne dispose que de la donation simple pour avantager l'un d'entre eux. Or cette donation revêt un caractère préciputaire et peut absorber tout ou partie de la quotité disponible.

Désormais, le disposant pourrait gratifier, par exemple, un petit enfant n'ayant pas la qualité d'héritier présomptif dans l'hypothèse où son enfant serait encore en vie et aurait renoncé à ses droits successoraux à son profit.

L'exposé des motifs du projet de loi souligne qu'« il s'agit ici de s'adapter à l'évolution démographique de la population . Cet élargissement est le corollaire logique de la création des nouveaux pactes successoraux. En effet, la part dévolue aux petits-enfants lors de la donation-partage sera imputée sur la réserve du descendant direct qui devra intervenir à l'acte afin de consentir à l'atteinte portée à sa part de réserve . »

Quant à M. Sébastien Huyghe, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, il a indiqué à juste titre en séance publique que : « Cette mesure très attendue permettra de faire bénéficier les générations les plus jeunes de la donation-partage et de faire concourir des descendants de générations différentes. En effet, de nombreux bénéficiaires d'une donation-partage la reçoivent à un âge souvent avancé. Dorénavant, ils pourront accepter que leurs propres enfants bénéficient de la donation à leur place. Cette disposition permettra également, sur le plan économique, d'insuffler une dynamique dans ces donations-partages, des bénéficiaires plus jeunes étant plus à même de recourir à des investissements que des bénéficiaires en retraite 200 ( * ) . »

Votre commission vous soumet un amendement de coordination ayant pour objet de permettre la distribution et le partage des droits du disposant.

3. Donation partage et entreprise : extension aux droits sociaux

Le tend à faire figurer à l'article 1075-2, en élargissant leur champ d'application, les dispositions actuelles du troisième alinéa de l'article 1075, relatives à la transmission des entreprises par voie de donation-partage .

Ces dispositions, introduites par la loi n° 88-15 du 5 janvier 1988, autorisent la distribution et le partage de biens comprenant une entreprise individuelle à caractère industriel, commercial, artisanal, agricole ou libéral non seulement entre les enfants et descendants du disposant mais également au profit d'autres personnes 201 ( * ) .

Cette possibilité est actuellement réservée à la seule donation-partage ; elle ne semble donc pouvoir être exercée par la voie d'un testament-partage.

La rédaction retenue implique que l'ascendant ait au moins deux enfants.

Si la nature de l'entreprise importe peu, en revanche sa forme est essentielle : il doit s'agir d'une entreprise individuelle et non d'une entreprise exploitée en forme sociale. Les entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée et les entreprises agricoles à responsabilité limitée en sont donc exclues.

Enfin, les tiers ne peuvent recevoir que l'entreprise, c'est-à-dire les biens corporels et incorporels affectés à son exploitation. La rédaction retenue, en indiquant qu'ils peuvent recevoir tout ou partie de la propriété ou de la jouissance de ces biens, autorise ainsi, contrairement à ce qu'indique le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale, une transmission en pleine propriété et pas seulement en nue-propriété.

Dans ce cas particulier de donation-partage, l'attribution de l'entreprise à une autre personne qu'un enfant du donateur a nécessairement le caractère d'une donation préciputaire, ou encore hors part successorale.

Selon le Jurisclasseur, cette possibilité semble avoir connu peu, sinon pas du tout, d'application en pratique, les inconvénients de sa mise en oeuvre étant manifestes : donation de l'entreprise à un tiers, plus ou moins éloigné ou étranger à la parenté, charges de soultes importantes si l'entreprise constitue le seul bien dont il est disposé. Toutefois, les mesures fiscales prises en faveur de la transmission d'entreprise à compter de 2004 pourraient changer la situation 202 ( * ) .

Il en est de même de la principale modification proposée par le projet de loi, qui consiste à autoriser le partage de droits sociaux représentatifs d'une entreprise .

Elle est particulièrement bienvenue dans la mesure où un grand nombre d'entreprises, y compris familiales, sont aujourd'hui exploitées en société -à titre d'exemple, 42 % des quelque 870.000 entreprises artisanales sont exploitées sous cette forme. Elle facilitera leur transmission.

Votre commission vous soumet toutefois un amendement ayant pour double objet :

- réparer un oubli dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, en autorisant la distribution et le partage des droits sociaux ;

- éviter que le disposant puisse transmettre à un tiers, par le biais de la donation-partage, des parts de sociétés sans lien avec son activité professionnelle, en exigeant qu'il exerce une fonction dirigeante dans la société.

Comme aujourd'hui, ces dispositions qui traitent de la donation-partage figureraient dans la section 1 consacrée aux règles générales régissant les libéralités-partages et non dans la section consacrée aux règles spécifiques applicables aux donations-partages. Force est de reconnaître que la nouvelle structure de cette section, qui traite des donations-partages faites aux héritiers présomptifs (paragraphe 1) et des donations-partages faites à des descendants de degrés différents (paragraphe 2) ne s'y prête guère.

4. Coordinations

Le bis , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, tend à prévoir explicitement le déplacement des dispositions de l'article 1075-1 à l'article 1075-3, aux termes duquel le partage fait par un ascendant ne peut être attaqué pour cause de lésion. Par coordination avec le 1°, le prévoit simplement de supprimer les mots « fait par un ascendant ». Ce déplacement était implicite dans la rédaction du projet de loi initial ; il est justifié par l'extension aux petits-enfants du champ d'application des libéralités-partages opéré par le 2°.

Votre commission vous soumet un amendement de clarification consistant à prévoir dans le nouvel article 1075-3 que l'action en complément de part pour cause de lésion ne peut être exercée contre les donations-partages et les testaments-partages.

Le bis , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, tend à prévoir le déplacement des dispositions actuelles de l'article 1075-2, relatives aux soultes dues par les donataires, dans un nouvel article 1075-4. Ce déplacement était également implicite dans la rédaction initiale du projet de loi. Par coordination avec les dispositions de l'article 4 du projet de loi, le 5° prévoit de remplacer la référence à l'article 833-1 du code civil par une référence à l'article 828, aux termes duquel : lorsque le débiteur d'une soulte a obtenu des délais de paiement et que, par suite des circonstances économiques, la valeur des biens qui lui sont échus a augmenté ou diminué de plus du quart depuis le partage, les sommes restant dues augmentent ou diminuent dans la même proportion, sauf exclusion de cette variation par les parties.

Enfin, le tend à déplacer dans un nouvel article 1075-5 les dispositions actuelles de l'article 1075-3, prévoyant la dévolution légale des biens non compris dans le partage au jour du décès du disposant. Ce dernier terme serait substitué à celui d'ascendant par coordination avec les dispositions du 1° et du 2°. Votre commission vous soumet un amendement de coordination afin de faire également référence aux droits non compris dans le partage.

Elle vous propose d' adopter l'article 19 ainsi modifié .

Article 20 (art. 1076, 1076-1 (nouveau), 1077 à 1077-2, 1078 à 1078-10, 1079 et 1080 du code civil)
Règles particulières applicables aux donations-partages et aux testaments-partages

Cet article a pour objet de modifier l'ensemble des règles particulières applicables aux donations-partages et aux testaments-partages afin de tirer les conséquences des réformes prévues à l'article 19 du projet de loi.

Pour faciliter la lecture de ces modifications, votre rapporteur a retenu une présentation des articles du code civil concernés en faisant apparaître les sections et paragraphes créés par l'article 18 du projet de loi.

SECTION 2 - Des donations-partages
Paragraphe 1 - Des donations-partages faites aux héritiers présomptifs
Art. 1076 du code civil : Objet de la donation-partage

Aux termes de cet article, la donation-partage ne peut avoir pour objet que des biens présents . La donation et le partage peuvent être faits par actes séparés pourvu que l'ascendant intervienne aux deux actes.

La modification proposée par le consiste à remplacer le mot « ascendant » par le mot « disposant » par coordination avec la possibilité offerte à toute personne, par l'article 19 du projet de loi, de recourir à cette forme de libéralité pour la répartition de ses biens.

Rappelons que la donation-partage peut porter sur l'ensemble ou sur une partie des biens présents du donateur : à titre d'exemple, ce dernier peut y inclure ses immeubles, en s'en réservant l'usufruit, et le cas échéant son entreprise, dont il abandonne la direction tout en conservant pour ses besoins les actifs liquides ou réalisables à court terme. A sa mort, ceux qu'il n'aura pas compris dans le partage anticipé seront dévolus et partagés conformément aux règles de la succession ab intestat , ainsi que le prévoit l'article 1075-3, dont les dispositions seraient déplacées dans un nouvel article 1075-5 par l'article 19 du projet de loi.

La donation-partage peut également porter sur les droits du disposant tels que ses droits dans une indivision. Si un bien déterminé dépendant d'une indivision ne peut être compris dans son entier dans une donation-partage car le principe de l'effet déclaratif du partage selon lequel les biens successoraux sont réputés transmis directement du défunt à l'attributaire s'y oppose, rien n'interdit en revanche d'y inclure la quote-part (la fraction arithmétique : moitié, un tiers, un quart...) appartenant au donateur dans un bien indivis entre lui et un tiers ou même dans une indivision englobant plusieurs biens.

Art. 1076-1 (nouveau) du code civil : Donation-partage conjonctive avec des enfants non communs

Le tend à insérer un nouvel article 1076-1 dans le code civil afin d' autoriser les époux ayant des enfants non communs à effectuer une donation partage-conjonctive à la double condition :

- que chaque enfant ne soit alloti que du chef de son auteur ;

- et qu'il ne le soit qu'en biens propres de celui-ci ou en biens communs, à l'exclusion de tout bien propre de l'autre conjoint.

S'agissant des biens communs, l'autre époux ne pourrait pas se porter codonateur. Il n'interviendrait que pour donner son consentement, conformément à l'article 1422 du code civil.

Si la validité des donations-partages conjonctives découle implicitement de l'actuel article 1077-2, qui vise le partage conjonctif, la Cour de cassation 203 ( * ) n'admet pas celle d'une donation-partage conjonctive en présence d'un enfant issu d'un premier lit, lorsque l'acte porte indistinctement sur les biens des deux époux.

Le dispositif proposé s'inscrit dans la ligne de cette jurisprudence. Il semble cohérent à un double titre :

- au regard du droit de propriété, un époux ne doit pas pouvoir donner à l'enfant dont il est le seul auteur ce qui ne lui appartient pas, c'est-à-dire les biens détenus en propre par l'autre époux ;

- sur le plan civil, l'enfant de l'un des deux époux seulement n'a pas vocation à hériter de l'autre, avec lequel il n'a pas de lien de parenté, et n'a donc pas la qualité d'héritier présomptif exigée par l'article 1075, dans sa rédaction issue de l'article 19 du projet de loi, pour pouvoir bénéficier d'une donation-partage ;

- sur le plan fiscal, l'enfant ainsi alloti par le conjoint de son père ou de sa mère devrait acquitter des droits de mutation supérieurs à la moitié de la valeur du patrimoine ainsi transmis.

L'exposé des motifs du projet de loi souligne ainsi que « l'objectif de la réforme est donc de clarifier la situation en permettant à des enfants issus d'unions différentes de participer à une même donation-partage pour y recevoir, de leur parent seulement, des biens personnels ou communs . »

Votre commission vous soumet un amendement de précision. La rédaction proposée fait référence à l'enfant qui n'est pas issu du mariage des deux époux ayant recours à une donation-partage. Ce faisant, elle semble écarter le cas, pourtant fréquent aujourd'hui, d'un enfant commun né avant le mariage. Cette ambiguïté mérite d'être levée.

Art. 1077 du code civil : Imputation des biens donnés

Cet article dispose que les biens reçus par les descendants à titre de partage anticipé constituent un avancement d'hoirie imputable sur leur part de réserve, à moins qu'ils n'aient été donnés expressément par préciput et hors part.

Le 3 °, qui a fait l'objet d'un amendement rédactionnel de l'Assemblée nationale, tend à le réécrire afin de prévoir, par coordination avec les modifications prévues par les précédents articles du projet de loi, que les biens reçus à titre de partage anticipé par un héritier réservataire présomptif s'imputent sur sa part de réserve , à moins qu'ils n'aient été donnés expressément hors part .

Cette règle fait écho à celle posée par l'article 919 du code civil, relatif aux donations simples, en vertu duquel les biens donnés ne sont dispensés du rapport à la succession du défunt qu'à la condition que l'acte de donation ait expressément précisé que celle-ci était faite hors part successorale.

La liberté du disposant est ainsi préservée, puisqu'il peut déterminer les modalités d'imputation dans l'acte. S'il n'a exprimé de volonté particulière, il convient de considérer qu'il n'a pas souhaité procurer un avantage spécifique à l'un des héritiers réservataires, en lui consacrant une portion de biens disponible pouvant ensuite, lors de la succession, être cumulée avec les biens reçus par l'intéressé au titre de sa réserve.

Art. 1077-1 du code civil : Action en réduction de l'héritier réservataire

Cet article dispose que le descendant qui n'a pas concouru à la donation-partage, ou qui a reçu un lot inférieur à sa part de réserve, peut exercer l'action en réduction, s'il n'existe pas à l'ouverture de la succession des biens non compris dans le partage et suffisants pour composer ou compléter sa réserve, compte tenu des libéralités dont il a pu bénéficier.

La modification proposée par le consiste, par coordination avec les dispositions précédentes du projet de loi, à faire référence à l'héritier présomptif réservataire et plus simplement au descendant.

Dans la mesure où l'action en réduction ne peut être exercée qu'au jour de l'ouverture de la succession, votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de faire plus simplement référence à l'héritier réservataire et non pas à l'héritier présomptif réservataire.

Il convient par ailleurs de rappeler, en premier lieu, qu'à la différence du partage successoral, il n'est pas obligatoire, dans une donation-partage, d'observer une stricte égalité dans la composition des lots, sauf à respecter la réserve de chacun. Le donateur a ainsi la possibilité, dans la limite de la quotité disponible, de s'affranchir de l'égalité en nature -un ascendant propriétaire d'un seul bien et ayant deux enfants peut le donner intégralement à l'un, à charge pour lui de verser une soulte égale à la moitié de sa valeur- et de l'égalité en valeur.

En second lieu, si la donation-partage fait nécessairement intervenir plusieurs donataires, un ou plusieurs descendants du donateur peut cependant en être exclu par ce dernier ou s'en exclure lui-même parce qu'il n'accepte pas la répartition proposée. Un tel pacte de famille auquel tous les enfants ne participeraient pas ne saurait toutefois être envisagé qu'à titre exceptionnel car, à la différence de celui auquel tous les enfants concourent, les biens donnés seraient évalués au jour du décès -et non au jour de la donation- pour le calcul des droits réservataires de chacun. L'élément de stabilité que l'on attend d'un tel règlement ferait ainsi défaut. Seules des considérations fiscales pourraient y inciter.

Art. 1077-2 du code civil : Délai de prescription de l'action en réduction

Le premier alinéa de cet article, laissé inchangé par le projet de loi, prévoit que les donations-partages suivent les règles des donations entre vifs pour tout ce qui concerne l'imputation, le calcul de la réserve et la réduction : sont ainsi visées les conditions de traitement de la donation-partage dans le cadre du règlement de la succession.

Il fait écho au second alinéa de l'article 1075, aux termes duquel la donation-partage est soumise aux formalités, conditions et règles prescrites pour les donations entre vifs mais qui ne vise que les conditions de forme et de validité de la donation-partage.

Le deuxième alinéa dispose que l'action en réduction ne peut être introduite qu'après le décès de l'ascendant qui a fait le partage ou du survivant des ascendants en cas de partage conjonctif et se prescrit par cinq ans à compter dudit décès.

Sans remettre en cause ce délai de prescription, le tend à prévoir, par coordination avec les dispositions précédentes du projet de loi, que l'action en réduction ne peut être introduite :

- qu'après le décès du « disposant », et non plus de l'ascendant qui a fait le partage ;

- en cas de donation-partage conjonctive, qu'après le décès du survivant des deux époux, sauf pour l'enfant non commun qui peut agir dès le décès de son auteur. Cette dernière règle est cohérente avec celle posée à l'article 1076-1, ne permettant à un tel enfant de ne recevoir, par cette forme d'acte, que des biens de son auteur -biens propres ou biens communs.

Aux termes du troisième alinéa de l'article 1077-2, l'enfant non encore conçu au moment de la donation-partage dispose d'une semblable action pour composer ou compléter sa part héréditaire. La modification proposée consiste à faire référence à l'héritier présomptif et non plus à l'enfant. Il s'agirait, en l'espèce, moins d'une action en réduction au sens strict que d'une action en complément de part qu'un héritier présomptif non conçu au jour de la donation-partage pourrait exercer afin d'assurer l'égalité du partage définitif dans le cadre d'une succession ab intestat .

Votre commission souscrit aux modifications proposées sous réserve d'un amendement rédactionnel.

Art. 1078 du code civil : Evaluation définitive des biens au jour de la donation-partage

Cet article prévoit que, nonobstant les règles applicables aux donations entre vifs, les biens donnés doivent être, sauf convention contraire, évalués au jour de la donation-partage pour l'imputation et le calcul de la réserve, à condition que tous les enfants vivants ou représentés au décès de l'ascendant aient reçu un lot dans le partage anticipé et l'aient expressément accepté, et qu'il n'ait pas été prévu de réserve d'usufruit portant sur une somme d'argent.

Cette règle exceptionnelle, introduite par la loi n° 71-523 du 3 juillet 1971, a pour objet d'assurer à la donation-partage, acceptée par tous, où l'aspect de partage domine alors, une grande stabilité. Elle suppose :

- l'acceptation unanime des descendants qui, ainsi, n'auront pas à rendre compte de l'évolution de la valeur des biens qui leur sont donnés ;

- qu'il n'y ait aucun lot comportant une somme d'argent et affecté d'une réserve d'usufruit, cas dans lequel il n'y a pas immédiatement attribution du bien, l'ascendant donateur usufruitier en conservant la disposition.

Les donations simples n'offrent pas le même avantage, les biens étant évalués, lorsqu'il s'agit d'effectuer le même calcul, au jour du décès. Des indemnités de réduction imprévues peuvent alors être dues.

La modification proposée par le consiste à faire référence aux héritiers réservataires et non plus aux enfants, par coordination avec les dispositions de l'article 19 du projet de loi.

Art. 1078-1 du code civil : Possibilité d'intégrer des biens antérieurement donnés dans les lots d'une donation-partage

Cet article autorise l'intégration, dans les lots d'une donation-partage, de biens déjà donnés par le disposant lors d'une donation antérieure.

Il prévoit que toutes les donations, antérieures et présentes, doivent être évaluées à la même date : celle de l'acte de donation-partage. Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Cette incorporation permet d'équilibrer les différents avantages qui avaient pu être antérieurement consentis en ordre dispersé. Elle nécessite évidemment l'accord des intéressés.

Toutes sortes de combinaisons sont possibles : attribution des biens disponibles de l'ascendant pour constituer les lots d'enfants non gratifiés ; modification des modalités d'une donation ; donations-partages successives, la dernière reprenant la précédente ; attribution à un enfant d'un bien qui avait été donné à un autre, lequel recevra en compensation un lot lui convenant mieux...

De telles opérations nécessitent une actualisation de la valeur des biens incorporés, comme l'exigent la loi et l'équilibre de l'arrangement familial.

Les modifications proposées par le consistent en de simples coordinations avec les modernisations terminologiques prévues au 2° de l'article 13, ainsi qu'avec le 1° de l'article 19 qui permet aux héritiers présomptifs de participer à des donations-partages.

Art. 1078-2 du code civil : Conversion d'une donation préciputaire en avancement d'hoirie

Cet article permet aux parties de convenir qu'une donation préciputaire antérieure sera incorporée au partage et imputée sur la part de réserve du donataire à titre d'avancement d'hoirie.

Cette disposition est elle aussi guidée par la recherche de l'égalité entre les héritiers. Sa mise en oeuvre suppose l'acceptation des enfants gratifiés à l'origine. En cas de refus, il ne peut être passé outre.

La modification proposée par le a pour objet de substituer les termes de donation « hors part » et de donation « en avancement de part successorale » à ceux de donation « préciputaire » et de donation « en avancement d'hoirie ».

Art. 1078-3 du code civil : Nature juridique de l'incorporation

Cet article prévoit qu'en cas d'incorporation de donations antérieures, éventuellement de conversion de donation préciputaire en avancement d'hoirie, ces opérations demeurent comprises comme un partage fait par l'ascendant et non comme des libéralités entre les descendants.

Il s'ensuit que, fiscalement, il ne peut y avoir de perception de droits de mutation au titre des libéralités faites entre les descendants. Mais l'incorporation de ces donations antérieures dans le partage donne lieu à la perception du droit de partage de 1 % calculé sur la valeur des donations incorporées 204 ( * ) .

La modification proposée par le consiste dans les mêmes coordinations : substitution du terme « disposant » à celui d'« ascendant » et des termes « héritiers présomptifs » à ceux de « descendants ».

Paragraphe 2 - Des donations-partages faites à des descendants de degré différents
Art. 1078-4 (nouveau) du code civil : Possibilité de procéder à des donations-partages trans-générationnelles

En l'état actuel du droit, l'ascendant ne peut procéder à une donation-partage entre ses enfants et ses petits-enfants sauf en cas de représentation. S'il n'a qu'un enfant, il ne peut pas procéder à une donation-partage ni entre cet enfant unique et ses petits-enfants ni entre ses seuls petits-enfants du vivant de leur auteur. Il ne dispose en effet que de la donation simple pour avantager un petit-enfant. Cette donation, préciputaire, peut absorber tout ou partie de la quotité disponible.

L'article 1078-4, que le 10° tend à insérer dans le code civil, autorise le disposant à procéder à une donation-partage au profit de ses descendants plus lointains si ceux du premier degré, c'est-à-dire ses enfants, y consentent et renoncent à leurs propres droits.

Le premier alinéa permet aux enfants du disposant d'accepter que leurs propres descendants soient gratifiés à leur place, le cas échéant en ne consentant à être ainsi remplacés qu'à hauteur d'une partie de leurs droits réservataires.

Il est effectivement souhaitable que l'enfant puisse, si telle est sa volonté, accepter la transmission directe d'un bien à ses propres descendants, par exemple un bien mobilier dont il peut aisément se priver compte tenu de son propre patrimoine, tout en recevant lui-même un autre bien dans le même acte, par exemple un logement dans lequel il a l'intention d'établir sa résidence habituelle.

Le second alinéa vise, quant à lui, à laisser au disposant le choix entre différentes formes de gratification des descendants plus lointains : l'acte peut prévoir que les biens leur sont donnés ensemble -ils seront alors propriétaires en indivision-, ou au contraire séparément à chacun d'entre eux.

La possibilité offerte à un héritier réservataire présomptif de renoncer à l'action en réduction pour atteinte à la réserve, prévue par les nouveaux articles 929 à 930-5, permettra également de faciliter la transmission de biens à des descendants de degrés différents.

Art. 1078-5 (nouveau) du code civil : Donation-partage trans-générationnelle en présence d'un enfant unique

L'article 1078-5, que le 10° tend à insérer dans le code civil, précise que, lorsque l'ascendant donateur a un enfant unique, la donation-partage trans-générationnelle peut être effectuée soit au profit des seuls descendants de cet enfant, soit au profit tant de ceux-ci que de l'enfant lui-même .

Il exige le consentement non seulement des descendants ainsi gratifiés mais également de l'enfant à la place duquel ils reçoivent les biens et qui peut ainsi se trouver dépossédé de tout ou partie de ses droits réservataires.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé :

- d'une part, que le consentement des personnes concernées doit être exprimé dans l'acte de donation-partage , c'est-à-dire par acte authentique. M. Sébastien Huyghe a ainsi indiqué dans son rapport au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale que « L'enfant participant à une donation-partage trans-générationnelle accepte en effet de renoncer à tout ou partie de ses droits réservataires. Cette décision grave appelle donc un formalisme suffisant, comme cela est, à juste titre, exigé à l'article 14 s'agissant des renonciations anticipées à exercer l'action en réduction (RAAR), afin de sécuriser le consentement du renonçant : dans les deux cas, le recours à un acte authentique augmentera la sécurité juridique des transferts de propriété ainsi effectués » ;

- d'autre part, que la libéralité est nulle lorsque le consentement du renonçant a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence physique ou morale. Le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a en effet jugé « préférable de préciser clairement, pour cette forme particulière de renonciation comme pour les RAAR, les critères selon lesquels la validité du consentement du renonçant devra être appréciée par le juge ».

Votre commission vous soumet un amendement de coordination tendant à supprimer la précision selon laquelle la violence ayant vicié le consentement du renonçant peut avoir été physique ou morale, le mot « violence » couvrant les deux cas.

Art. 1078-6 (nouveau) du code civil : Partage par souche

L'article 1078-6, que le 10° tend à insérer dans le code civil, prévoit un partage par souche lorsque des descendants de degrés différents concourent à la même donation-partage lors de la succession -chaque enfant et ses propres descendants constituent ensemble une souche-et autorise des attributions à des descendants de degrés différents dans certaines souches et non dans d'autres.

Le projet de loi initial faisait, à tort, référence à des descendants de générations différentes. L'Assemblée nationale a corrigé cette erreur sur proposition de sa commission des lois.

Rappelons que l'article 753 du code civil prévoit déjà que dans tous les cas où la représentation est admise, le partage s'opère par souche, comme si le représenté venait à la succession ; s'il y a lieu, il s'opère par subdivision de souche. A l'intérieur d'une souche ou d'une subdivision de souche, le partage se fait par tête.

Art. 1078-7 (nouveau) du code civil : Incorporation à une donation-partage trans-générationnelle de biens antérieurement donnés par le disposant

L'article 1078-7, que le 10° tend à insérer dans le code civil, prévoit que les donations-partages faites à des descendants de générations différentes peuvent comporter les conventions prévues aux articles 1078-1 et 1078-3.

Ces conventions permettent l'incorporation dans le partage de biens antérieurement donnés par le disposant, selon des règles d'imputation qui peuvent être différentes -des biens antérieurement donnés à titre de préciput peuvent l'être, dans la donation-partage, en avancement d'hoirie.

Cette possibilité semble déjà découler de la rédaction des articles 1078-1 et 1078-3, qui s'appliquent à l'ensemble des donations-partages. La rédaction proposée a toutefois pour objet de prévenir toute ambiguïté et tout contentieux.

Votre commission vous soumet un amendement de précision tendant à faire référence aux descendants de « degrés différents » plutôt que de « générations différentes ».

Art. 1078-8 (nouveau) du code civil : Traitement liquidatif de la donation-partage lors du décès de l'ascendant donateur

L'article 1078-8, que le 10° tend à insérer dans le code civil, détermine les règles applicables au traitement liquidatif des donations-partages faites à des descendants de degrés différents lors du décès de l'ascendant donateur.

Il prévoit que les biens reçus par les enfants ou leurs descendants s'imputent sur la part de réserve revenant à leur souche et subsidiairement sur la quotité disponible . Toutes les donations faites aux membres d'une même souche seraient imputées ensemble, quel que soit le degré de parenté avec le défunt, les règles de calcul de cette réserve par souche étant fixées à l'article 913 du code civil.

Cette règle, qui découle du choix opéré à l'article 1078-6 d'un partage par souche, semble justifiée. La réserve de chaque enfant protège ses droits successoraux en même temps que ceux de ses propres descendants : si l'enfant a accepté que ces derniers soient en partie gratifiés à sa place, il leur a en quelque sorte transféré une portion de réserve à laquelle lui-même avait droit dans la succession, sans que cela modifie l'importance de la réserve globale de la souche.

Pour cette imputation, il est prévu une évaluation des biens donnés, en principe :

- au jour de la donation-partage, si tous les enfants de l'ascendant donateur consentent au partage anticipé et s'il n'est pas prévu de réserve d'usufruit portant sur une somme d'argent ;

- au jour du décès dans leur état au jour de la donation, s'il n'y a pas eu de consentement de tous les enfants de l'ascendant donateur ou s'il est prévu une réserve d'usufruit portant sur une somme d'argent.

Ces règles d'évaluation des biens reçus dans une donation-partage trans-générationnelle font écho à celles de l'article 1078, qui prévoient que, pour les donations-partages ordinaires, la valeur des biens retenue pour leur imputation dans la succession du donateur et pour le calcul de la réserve est, en général, celle du jour de la donation-partage, alors que les biens reçus par donation simple sont évalués au jour du décès.

L'exception relative à l'absence de gratification d'un héritier réservataire dans la donation-partage serait logiquement remplacée par une exception relative à l'absence de consentement d'un ou plusieurs enfants de l'ascendant donateur. En effet, ceux-ci peuvent avoir renoncé, au profit de leurs propres descendants, à toute gratification dans la donation-partage ; ils n'ont, alors, été anormalement lésés que si leur consentement à un tel partage n'avait pas été recueilli.

Enfin, il est prévu que les descendants d'une souche qui, soit n'auraient pas reçu de lot dans la donation-partage, soit y auraient reçu un lot inférieur à leur part de réserve pourraient exercer l'action en réduction , s'il n'existait pas à l'ouverture de la succession des biens non compris dans le partage et suffisants pour composer ou compléter leur réserve, compte tenu des libéralités dont ils auraient pu bénéficier.

Il convient de rappeler que, si la réserve des enfants et de leurs descendants s'apprécie par souche, en revanche, dans la succession de chaque enfant, celle de chacun des descendants de même degré, au sein d'une même souche, résulte d'une division en parts égales de la réserve de la souche -ou du résidu de cette réserve, si l'enfant n'y a renoncé à leur profit que partiellement.

Art. 1078-9 (nouveau) du code civil : Traitement liquidatif de la donation-partage lors du décès de l'enfant qui renonce à tout ou partie de ses droits

L'article 1078-9, que le 10° tend à insérer dans le code civil, détermine les règles applicables au traitement liquidatif des donations-partages faites à des descendants de degrés différents lors du décès de l'enfant qui renonce à tout ou partie de ses droits.

Dans cette hypothèse, les petits-enfants seraient censés avoir reçus les biens de leur auteur direct et non de l'ascendant donateur . L'objectif recherché est double :

- sur le plan fiscal, éviter que des petits-enfants ne soient fiscalement désavantagés par rapport à la situation où les biens leur auraient été transmis par leur parent, l'abattement prévu pour la taxation des donations de grands-parents à petits-enfants étant moins élevé que celui qui est applicable aux donations de parents à enfants. De la même façon, le texte proposé par l'article 14 du projet de loi pour l'article 930-1 du code civil prévoit que la renonciation à l'action en réduction de l'atteinte à la réserve ne constitue en aucun cas une libéralité faite par le renonçant au bénéficiaire de la renonciation ;

- sur le plan civil, assurer le respect de la réserve de chacun des descendants, au sein même de la souche.

Ces biens seraient soumis aux règles des donations entre vifs pour tout ce qui concerne la réunion fictive, l'imputation, le rapport et, le cas échéant, la réduction.

Ils seraient toutefois évalués conformément aux dispositions de l'article 1078 lorsque tous les descendants (c'est-à-dire les petits-enfants) ont reçu et accepté un lot dans le partage anticipé et qu'il n'a pas été prévu d'usufruit portant sur une somme d'argent. Dans cette hypothèse, la valeur retenue lors de la réunion fictive, pour l'imputation, dans la succession de l'enfant, des biens reçus par les descendants serait alors celle du jour du partage, et non celle du jour du décès de l'enfant. Dans le cas contraire, les biens seraient alors évalués au jour du décès de l'enfant et non au jour du partage.

Le rapport et, en cas d'atteinte à la réserve, la réduction des donations, permettront de maintenir l'égalité des droits réservataires des petits-enfants dans la succession de l'enfant.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a distingué plus clairement :

- d'une part, les règles du rapport et de la réduction, qui seront celles des donations simples ;

- d'autre part, les règles d'évaluation des biens lors de la réunion fictive et de l'imputation, qui seront celles des donations-partages.

Votre commission vous soumet un amendement de précision, consistant à prévoir que lorsque tous les descendants ont reçu et accepté un lot dans le partage anticipé et qu'il n'a pas été prévu d'usufruit portant sur une somme d'argent, les biens dont ont été allotis les gratifiés sont traités comme s'ils les avaient reçus de leur auteur par donation-partage. En effet, comme l'a fait valoir le professeur Pierre Catala lors de son audition par votre rapporteur, le rapport n'est jamais dû en matière de donation-partage.

Art. 1078-10 (nouveau) du code civil : Incorporation à une donation-partage faite par l'enfant de biens antérieurement reçus par ses descendants

L'article 1078-10, que le 10° tend à insérer dans le code civil, précise le régime juridique auquel sont soumises les donations-partages effectuées par l'enfant renonçant au profit de ses propres descendants, dans le cas particulier où y ont été incorporés des biens ayant antérieurement été, sous forme de donation-partage trans-générationnelle, transmis à ceux-ci par l'ascendant donateur.

Dans cette hypothèse, le premier alinéa prévoit que ne seront pas applicables les règles d'imputation, d'évaluation et de réduction qui, en vertu de l'article 1078-9, le sont en principe lors de la succession de l'enfant, aux biens reçus de l'ascendant donateur (grand-parent, par exemple) par les descendants de l'enfant (petits-enfants du donateur, par exemple).

En conséquence, les biens seront, pour l'ensemble du règlement de la succession de l'enfant, évalués au jour de la nouvelle donation-partage à laquelle l'enfant a procédé avec ses descendants, ce qui est conforme à la logique selon laquelle la réserve héréditaire de ces derniers doit s'apprécier : dans la succession de l'enfant, la réserve fait naître pour les descendants un droit qui ne concerne que le patrimoine de celui-ci.

Le second alinéa donne à l'enfant la faculté de réincorporer, dans la nouvelle donation-partage faite au profit de ses descendants, non seulement les biens reçus de l'ascendant donateur par donation-partage trans-générationnelle, mais aussi les biens qu'il avait lui-même antérieurement donnés à ses enfants. Cette règle semble cohérente avec le retour au droit commun de la donation-partage résultant de la nouvelle donation-partage effectuée par l'enfant.

Elle devrait permettre à l'enfant renonçant au profit de ses propres enfants de disposer, à la condition de recueillir l'accord de ces derniers, de la souplesse nécessaire pour organiser au mieux la transmission des biens de l'ascendant donateur ainsi que celle de ses propres biens.

Donation-partage trans-générationnelle - Exemples 205 ( * )

Exemple 1

Grand-Père (GP)

Enfant 1 (E1)

Petit-enfant B (PE B)

Petit-enfant A (PE A)

Enfant 2 (E2)

Situation familiale

Attributions

GP dispose :

- d'un immeuble de rapport d'une valeur
au jour de la donation-partage de ................................................


850

- d'une entreprise individuelle d'une valeur
au jour de la donation-partage de......................................................


850

L'entreprise individuelle est attribuée à E1. Avec le consentement de E2, l'immeuble de rapport est attribué indivisément à PEA et PEB.

Règlement de la succession de l'ascendant donateur (GP)

Le donateur laisse à son décès des biens existants
pour une valeur de............................................................................


400

Les conditions de l'article 1078 sont réunies. Ces biens reviennent à E1 et E2 pour moitié. Soit pour chacun..........................................


200

Règlement de la succession de l'enfant renonçant (E2)

Les biens reçus par PEA et PEB du grand-père sont traités comme s'ils les tenaient de E2. Ces biens sont soumis aux règles des donations entre vifs pour tout ce qui concerne la réunion fictive, l'imputation, le rapport et, le cas échéant, la réduction ( article 1078-9 ).

Ces biens sont néanmoins évalués au jour de la donation-partage, conformément aux dispositions de l'article 1078, lorsque tous les descendants ont reçu et accepté un lot dans le partage anticipé et qu'il n'a pas été prévu d'usufruit portant sur une somme d'argent ( article 1078-9 ).

Exemple 2

Situation familiale

Grand-Père (GP)

Enfant 2 (E2)

Enfant 3 (E3)

Enfant 1 (E1)

Petit-enfant A (PE A)

Petit-enfant B (PEB)

Attributions

GP dispose :

- d'un immeuble de rapport d'une valeur au jour
de la donation-partage ....................................................................


1.000

- d'une entreprise individuelle valeur au jour
de la donation-partage.....................................................................


1.000

L'entreprise individuelle est attribuée à E1.

Avec le consentement de E2, l'immeuble de rapport est attribué à PEA.

PEB et E3 ne reçoivent rien.

Règlement de la succession de l'ascendant-donateur (GP)

E3 n'a pas donné son consentement à la donation-partage à laquelle il n'a pas concouru. Il doit être rempli de ses droits selon les modalités prévues à l'article 1077-1.

Calcul de la quotité disponible et de la réserve - Les conditions de l'article 1078 n'étant pas réunies, les biens objets de la donation-partage doivent être évalués au jour du décès de l'ascendant donateur dans leur état au jour de la donation (art. 922).

- immeuble de rapport.....................................................................

1.200

- entreprise individuelle..................................................................

1.200

- le donateur laisse à son décès des biens existants.........................

800

TOTAL

3.200

Quotité disponible =

800

Part de réserve individuelle

800

E3 compose sa part de réserve avec les biens existants : 800

Règlement de la succession de l'enfant renonçant (E2)

A son décès, E2 laisse des biens existants pour une valeur de 800.

Seul PE A a été alloti dans la donation-partage.

PEA doit effectuer le rapport de l'immeuble en tenant compte, sauf stipulation particulière, de sa valeur au jour du partage de la succession de E2 dans son état lors de la donation-partage (les conditions de l'article 1078 ne sont pas réunies).

- valeur retenue pour ce rapport......................................................

1.300

- biens existants..............................................................................

800

TOTAL

2.100

dont moitié pour chaque enfant

1.050

PE A devra verser à PE B une soulte de

250

Exemple 3

Situation familiale

Grand-Père (GP)

Petit-enfant A (PE A)

Petit-enfant B (PE B)

Enfant unique 1 (E1)

Attributions

GP dispose :

- d'un immeuble de rapport d'une valeur au jour
de la donation-partage de................................................................


1.000

- d'une entreprise individuelle d'une valeur au jour
de la donation-partage de................................................................


1.000

Avec le consentement de E1, l'immeuble de rapport est attribué à PEA et l'entreprise individuelle à PEB.

Règlement de la succession de l'ascendant-donateur (GP)

Le donateur laisse à son décès 400 de biens existants.

Ces biens reviennent à E1.

Règlement de la succession de l'enfant renonçant (E1)

Les biens reçus par PEA et PEB du grand-père sont traités comme s'ils les tenaient de E1.

Ces biens sont soumis aux règles des donations entre vifs pour tout ce qui concerne la réunion fictive, l'imputation, le rapport et, le cas échéant, la réduction (art. 1078-9).

Ils sont néanmoins évalués conformément aux dispositions de l'article 1078 lorsque tous les descendants ont reçu et accepté un lot dans le partage anticipé et qu'il n'a pas été prévu d'usufruit portant sur une somme d'argent (art. 1078-9).

SECTION 3 - Des testaments partages
Art. 1079 du code civil : Effets du testament-partage

Le 10° bis , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois, a pour objet de réécrire l'article 1079, relatif aux effets du testament-partage, afin de clarifier ses dispositions.

Il prévoit ainsi, d'une part, que le testament-partage produit les effets d'un partage, d'autre part, que ses bénéficiaires ne peuvent renoncer à se prévaloir du testament pour réclamer un nouveau partage de la succession.

Art. 1080 du code civil : Action en réduction contre un testament-partage

Le 11° a pour objet de modifier l'article 1080 afin d'étendre à tout bénéficiaire d'un testament-partage qui n'a pas reçu un lot égal à sa part de réserve d'exercer l'action en réduction -dans un délai de cinq ans à compter du décès du disposant.

Cette faculté est actuellement réservée à l'enfant ou au descendant, ce qui est conforme au champ d'application du testament-partage.

L'Assemblée nationale ayant supprimé la réserve des ascendants, cette disposition ne vise donc que la situation du conjoint survivant du défunt ne laissant pas d'enfants.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 20 ainsi modifié .

Article 20 bis (nouveau) (art. 1094 du code civil)
Coordination avec la suppression de la réserve des ascendants

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet de modifier l'article 1094 du code civil, relatif aux dispositions entre époux, afin d'opérer une coordination avec la suppression de la réserve des ascendants prévue par l'article 12 du projet de loi.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 1094 permet à l'époux sans postérité, soit par contrat de mariage, soit pendant le mariage, de disposer en faveur de l'autre époux :

- en propriété, de tout ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger ;

- ainsi que de la nue-propriété de la portion réservée aux ascendants par l'article 914.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 20 bis sans modification .

Article 21 (art. 1094-1 et 1094-2 nouveau du code civil)
Assouplissement des règles relatives aux libéralités entre époux et modification des règles de calcul de la quotité disponible du conjoint survivant

L'article 21 du projet de loi supprime en premier lieu, à l'article 1094-1 du code civil, l'ancienne distinction entre enfants naturels et légitimes, contraire à l'égalité de traitement qui leur est reconnue en matière successorale. Cette modification est toutefois sans objet puisque l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation a déjà procédé à cet aménagement.

Il modifie surtout certaines dispositions du chapitre IX du titre II du livre III du code civil relatif aux dispositions entre époux, afin :

- d'une part, de permettre au conjoint survivant ayant reçu une libéralité de cantonner son émolument, c'est-à-dire de n'accepter que certains biens ;

- d'autre part, de réformer les dispositions actuelles relatives à la quotité disponible spéciale entre époux, en distinguant selon qu'il existe ou non des enfants d'une union antérieure.

1- La réforme de la quotité disponible spéciale entre époux

Le droit en vigueur : une seule quotité disponible spéciale entre époux en présence d'enfants

Actuellement, l'article 1094-1 du code civil issu de la loi du 3 janvier 1972 prévoit une quotité disponible spéciale entre époux unique en présence de descendants, qu'ils soient issus ou non des deux époux. L'époux survivant peut recevoir :

- soit l'usufruit universel ;

- soit le quart des biens en pleine propriété et les trois quarts des biens en usufruit ;

- soit la quotité disponible ordinaire , c'est-à-dire ce dont le testateur peut disposer en faveur d'un étranger, à savoir la moitié des biens en présence d'un enfant, le tiers en présence de deux enfants et le quart en présence de trois enfants et plus (art. 913 du code civil).

Situation 1 : le défunt n'a pris aucune disposition :
le régime de dévolution légale modifié par la loi du 3 décembre 2001, prévoit que le conjoint survivant reçoit au choix :

En présence d' enfants communs aux deux époux seulement

Totalité en usufruit

¼ en propriété

En présence d' enfants non communs (qu'il y ait ou non des enfants communs en plus)

¼ en propriété

Situation 2 : le défunt a pris des dispositions :
le régime actuel de quotité disponible spéciale entre époux (depuis 1962, modifié à la marge en 1972), prévoit qu'il peut donner à son conjoint au maximum au choix :

En présence d' enfants communs seulement

Totalité en usufruit

¼ en propriété

et ¾ en usufruit

La quotité disponible ordinaire :

- 1/2 en pleine propriété en présence d'un enfant ;

- 1/3 en présence de deux enfants ;

- ¼ en présence de trois enfants et plus.

En présence d' enfants non communs (qu'il y ait ou non des enfants communs en plus)

Totalité en usufruit

¼ en propriété

et ¾ en usufruit

La quotité disponible ordinaire

Il peut en outre totalement exhéréder son conjoint.

Le conjoint survivant dispose par ailleurs depuis la loi du 3 décembre 2001 :

- d'un droit de jouissance gratuite du logement pendant un an, d'ordre public ;

- d'un droit viager au logement, sauf si le défunt l'en prive par testament . Même si la valeur de ce droit excède celle de sa part successorale, il n'est pas tenu de verser une soulte à la succession.

Le projet de loi distingue selon que l'on se trouve en présence d'enfants communs uniquement, ou qu'il existe des enfants non communs , comme c'est déjà le cas depuis 2001 en matière de vocation légale du conjoint.

Rappelons qu' en l'absence de mesures spécifiques prévues par le de cujus , le conjoint survivant reçoit depuis la loi du 3 décembre 2001 en vertu de l'article 757, en présence de descendants :

- à son choix l'usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens si tous les enfants sont issus des deux époux ;

- obligatoirement le quart en propriété s'il y a des enfants non communs .

Le projet de loi modifie cette fois-ci le champ de la liberté du disposant .

Lorsque l'époux ne laisse que des enfants issus des deux époux ou les descendants de ces enfants, l'article 1094-1 continue de s'appliquer. Le de cujus pourra donc disposer en faveur de son conjoint comme actuellement soit de la quotité disponible ordinaire, soit du quart de ses biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit, soit encore de la totalité de ses biens en usufruit seulement.

En revanche, lorsque l'époux laisse un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux ou les descendants de ces enfants en présence ou non par ailleurs d'enfants issus des époux, le nouvel article 1094-2 prévoit qu'il ne pourra disposer en faveur de son conjoint que :

- soit de la quotité disponible ordinaire ;

- soit du quart de ses biens en propriété et d'un autre quart en usufruit ;

- soit encore de la moitié de ses biens en usufruit seulement.

Désormais, en présence d'enfants non communs, les libéralités en usufruit qu'un époux peut faire à son conjoint ne pourront dépasser la moitié des biens.

Situation 1 : le défunt n'a pris aucune disposition :
le régime de dévolution légale modifié par la loi du 3 décembre 2001, prévoit que le conjoint survivant reçoit au choix :

En présence d' enfants communs aux deux époux seulement

Totalité en usufruit

¼ en propriété

En présence d' enfants non communs (qu'il y ait ou non des enfants communs en plus)

¼ en propriété

Le projet de loi ne revient pas sur cette disposition.

Situation 2 : le défunt a pris des dispositions :
Le projet de loi distingue désormais selon le défunt a ou non des enfants non issus des deux époux

En présence d' enfants communs seulement

Totalité en usufruit

¼ en propriété

et ¾ en usufruit

La quotité disponible ordinaire :

- 1/2 en pleine propriété en présence d'un enfant ;

- 1/3 en présence de deux enfants ;

- ¼ en présence de trois enfants et plus.

En présence d' enfants non communs (qu'il y ait ou non des enfants communs en plus)

Moitié des biens en usufruit

(prise en priorité sur la part des enfants communs)

¼ en propriété

et ¼ en usufruit

(prise en priorité sur la part des enfants communs)

La quotité disponible ordinaire

Usufruit de la totalité des biens des enfants communs

Les droits du conjoint survivant ne sont pas affectés par le projet de loi puisque lorsque la valeur du droit viager au logement excède celle de sa part successorale, le conjoint survivant n'est pas tenu de verser une soulte à la succession.

? Cette réforme vise à préserver les intérêts des enfants non communs vis-à-vis de leur beau-parent .

L'attribution à un conjoint beaucoup plus jeune d'un usufruit grevant la totalité des biens du défunt peut de fait priver des enfants plus âgés pendant toute leur vie de la jouissance de leurs droits réservataires , alors même que le nu-propriétaire doit prendre en charge les gros travaux concernant le bien. Sachant que l'âge de l'héritage est souvent celui de la retraite, un tel risque n'est pas négligeable. De telles situations sont particulièrement difficiles en cas de mauvaise entente entre un nouveau conjoint ainsi gratifié et les enfants d'un premier lit.

En effet, la quotité disponible spéciale entre époux constitue une dérogation à la règle selon laquelle la réserve (des descendants en l'occurrence) doit s'apprécier en pleine propriété et libre de charges .

La Chancellerie ne dispose pas de statistiques relatives à la différence d'âge entre les époux au dernier mariage. Si la situation visée par le projet de loi, à savoir le remariage d'un homme avec une femme plus jeune que ses enfants issus d'unions précédentes, existe très certainement, elle ne semble toutefois pas correspondre aujourd'hui à la majorité des cas, ainsi que l'ont indiqué les notaires entendus par votre rapporteur. Il est cependant exact que les femmes étant le plus souvent un peu plus jeunes que leur mari et ayant par ailleurs une espérance de vie supérieure à celle des hommes 206 ( * ) , l'usufruit pourra couramment excéder une quinzaine d'années.

Enfin, du fait de l'évolution des structures familiales et des recompositions, ces situations devraient se rencontrer de plus en plus fréquemment.

? Pour autant, ces difficultés justifient-elles de priver le conjoint de sa liberté testamentaire ?

Cette réforme est présentée par la Chancellerie comme le prolongement de celle de 2001, qui a distingué, s'agissant de la dévolution légale, selon que l'on se trouve en présence d'enfants issus des deux époux ou non.

Votre commission ne souscrit pas à ce raisonnement.

La loi de 2001 a réformé la dévolution légale du conjoint survivant, c'est-à-dire ses droits en l'absence de toute stipulation de son époux. La loi se voulait simplement supplétive de cette volonté . Ici, il s'agit de restreindre la liberté des époux . Cette solution paraît pour le moins paradoxale, alors que l'ensemble du projet de loi favorise la liberté du de cujus , qu'il s'agisse de la possibilité de consentir des donations graduelles ou résiduelles, des donations-transgénérationnelles, ou même de permettre de renoncer par avance à exercer une action en réduction contre des atteintes portées à sa réserve. Pourquoi la quotité disponible spéciale entre époux serait-elle la seule matière à connaître une évolution inverse ?

Si l'objectif de protéger les enfants est tout à fait louable, on peut constater que la loi du 3 décembre 2001, qui visait à protéger le conjoint survivant, n'a pas pour autant empêché le de cujus d'exhéréder totalement son conjoint 207 ( * ) , seul le droit à la jouissance gratuite du logement pendant un an étant d'ordre public.

De plus, si l'on cite toujours le cas de la jeune veuve supposée intéressée, il existe également des personnes qui se sont occupées des années durant de leur conjoint malade, alors que les enfants ne se manifestaient plus. Enfin, les relations entre le conjoint survivant et ses beaux-enfants ne sont pas forcément mauvaises, notamment si cette personne les a en fait élevés. En effet, le dernier époux peut l'être depuis des décennies.

? Cette réforme risque en outre de placer le conjoint survivant dans une situation très délicate . En effet, la plupart des successions étant essentiellement constituées du logement , le conjoint survivant, s'il pourra toujours bénéficier de son droit viager au logement 208 ( * ) , puisqu'il n'est pas tenu de récompenser la succession si la valeur de ce droit viager excède celle de sa part successorale, risque de se retrouver sans moyens d'existence.

Le Conseil supérieur du notariat s'est fait l'écho auprès de votre rapporteur des inquiétudes manifestées auprès des notaires par les intéressés.

Notons enfin que cette réforme n'était pas prévue, contrairement à la majeure partie du projet de loi, dans les projets de loi déposés précédemment, et n'a donc pas fait l'objet de la même concertation.

? L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, tenté de concilier ces intérêts divergents, en prévoyant qu'en présence d'enfants communs et non communs, le futur de cujus pourra choisir entre quatre, et non plus trois options.

Ainsi, le conjoint survivant pourra recevoir :

-  soit la quotité disponible ordinaire ;

- soit le quart en propriété et le quart en usufruit ;

- soit la moitié en usufruit ;

- soit, et c'est là la nouveauté, l'usufruit de la totalité des biens des enfants communs. Cette solution peut se révéler plus avantageuse si un usufruit inclus dans la réserve des enfants communs permet au conjoint survivant d'obtenir un usufruit supérieur à la moitié des biens inclus dans la succession, par exemple s'il existe trois enfants communs et un seul enfant non commun.

Elle a en outre précisé que lorsque le conjoint survivant disposera d'une vocation successorale en usufruit, celui-ci s'imputera prioritairement sur la part successorale des enfants communs, et subsidiairement sur celle des autres enfants (par exemple s'il existe un enfant commun et trois enfants non communs).

? Votre commission n'est pas convaincue par cette proposition, qui outre sa complexité, accroît la discrimination entre les enfants. Elle vous propose donc de revenir au droit en vigueur , d'autant plus que cette réforme risque de poser des problèmes d'application de la loi dans le temps inextricables.

En effet, le projet de loi prévoit que cette disposition s'appliquera aux successions ouvertes à compter de l'entrée en vigueur de la loi (prévue par l'Assemblée nationale au 1 er janvier 2007), que des libéralités aient été consenties antérieurement ou non.

Ceci aura des conséquences qui n'ont sans doute pas été pleinement mesurées par les auteurs de la réforme, alors même que la pratique notariale a encouragé depuis des décennies l'attribution de l'usufruit universel au conjoint survivant. Cette disposition porte donc atteinte aux anticipations des testateurs et de nombreuses personnes qui se croient protégées risquent de sévères déconvenues à l'ouverture de la succession.

Votre commission vous propose de rejeter cette réforme et de supprimer par amendement les dispositions du présent article qui la prévoient.

2- La possibilité pour le conjoint survivant de cantonner son émolument

? Actuellement , le choix du conjoint survivant, en présence de descendants, s'exerce entre les trois options précitées. Il peut soit accepter la succession purement et simplement, soit l'accepter sous bénéfice d'inventaire, soit y renoncer. Eu égard au caractère indivisible de l'option, il doit avoir la même attitude pour l'ensemble des biens et ne peut accepter partiellement. L'option qui ne porterait que sur une partie des biens s'analyserait comme une acceptation pour le tout, suivie d'une libéralité ayant pour assiette les biens sur lesquels le conjoint survivant institué renonce à exercer ses droits.

Cependant, rien n'empêche dans une donation entre époux de prévoir en plus du choix entre les trois options la possibilité pour le survivant d'opter par exemple pour l'usufruit viager d'un immeuble de rapport, l'usufruit temporaire d'une résidence secondaire ou encore la pleine propriété d'un portefeuille de valeurs mobilières.

? Le projet de loi permet au conjoint survivant gratifié par le défunt, en présence d'enfants (que ceux-ci soient ou non communs) , de ne recevoir s'il le souhaite qu'une partie seulement des biens que le disposant avait prévu de lui transmettre.

Cette faculté, qui constitue une dérogation au principe d'indivisibilité de l'option successorale, permet au conjoint survivant d'accroître la part reçue par les enfants du défunt, notamment lorsque ce dernier avait doté son conjoint de la totalité de l'usufruit.

Le projet de loi précise que ce cantonnement ne constitue pas une libéralité du conjoint survivant à l'égard des autres successibles, afin d'éviter une imposition supérieure des enfants du défunt au titre des droits de mutation à titre gratuit, notamment lorsque ces enfants ne sont pas issus du conjoint survivant. Cette précision est indispensable, le conjoint survivant pouvant d'ores et déjà faire donation aux enfants d'une portion de sa part successorale.

Cette possibilité de cantonnement n'est cependant ouverte que si le de cujus n'en a pas disposé autrement .

3- Irrévocabilité des donations de biens présents entre époux

L'Assemblée nationale a ensuite précisé à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement que l'irrévocabilité des donations de biens présents entre époux issue de la loi de 2004 réformant le divorce ne s'applique qu'aux donations qui prennent effet au cours du mariage et non à celles qui prennent effet après le décès du conjoint.

Il s'agit d'éviter que les donations avec clauses de réversibilité de la réserve d'usufruit sur la tête du conjoint survivant, utilisées fréquemment en pratique, demeurent révocables tant qu'elles n'ont pas produit d'effet, de façon à pouvoir les révoquer au moment d'un éventuel divorce.

4- L'aménagement de la faculté de substitution

Le 3° de cet article propose enfin d'adapter à droit constant la rédaction de l'article 1098 du code civil.

Cet article, issu de la loi du 3 janvier 1972, prévoit que si un époux remarié a fait à son second conjoint dans les limites de l'article 1094-1 une libéralité en propriété, chacun des enfants du premier lit pourra , sauf volonté contraire et non univoque du disposant, substituer à l'exécution de cette libéralité l'abandon de l'usufruit de la part de succession qu'il eût recueillie en l'absence de conjoint survivant.

Ce dispositif qui protège les enfants du premier lit du donateur contre les libéralités faites au conjoint en propriété est soumis à des conditions interprétées restrictivement par la jurisprudence et est en pratique très rare.

Le projet de loi ouvre à l'ensemble des enfants non issus des deux époux cette faculté de substitution. Le disposant pourra toujours stipuler, de manière non équivoque, une clause prohibant cette substitution.

Cette modification s'inscrit dans le prolongement de la modification de l'article 1527 relatif à l'action en retranchement 209 ( * ) par la loi du 3 décembre 2001 à l'ensemble des enfants non issus des deux époux.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 21 ainsi modifié .

DISPOSITIONS RELATIVES AU PACTE CIVIL DE SOLIDARITE

Le Gouvernement a déposé un certain nombre d'amendements à l'Assemblée nationale afin de mettre en oeuvre une partie des préconisations du rapport du groupe de travail portant réflexions et propositions de réforme sur le pacte civil de solidarité (PACS) remis le 30 novembre 2004 à M. Dominique Perben, alors garde des sceaux.

Si votre commission des lois ne peut que déplorer l'insertion de dispositions de cette importance, qui pour la plupart n'ont pas de rapport avec le droit des successions, dans ce projet de loi, elle reconnaît cependant qu'elles présentent un intérêt certain pour les 400.000 personnes ayant signé un PACS 210 ( * ) depuis l'entrée en vigueur de la loi relative au pacte civil de solidarité du 15 novembre 1999.

L'article 27 du projet de loi précise que le principe est celui de l'application immédiate de la présente loi aux PACS en cours à la date de son entrée en vigueur.

France entière

Déclarations

Refus d'inscription

Modifications

Dissolutions

Cumul

204.924

1.458

636

26.347

1999

6.151

11

2

7

2000

22.276

140

45

624

2001

19.632

330

78

1.872

2002

25.311

255

94

3.185

2003

31.585

251

113

5.292

2004

40.093

229

127

7.043

(Sources : ministère de la justice)

Article 21 bis (nouveau) (art. 515-3, 515-3-1 et 515-7 du code civil)
Formalités du PACS

L'Assemblée nationale a, à l'initiative du Gouvernement, adopté avec l'avis favorable de sa commission des lois un amendement tendant à introduire un article additionnel afin de préciser les modalités d'enregistrement, de modification et de dissolution du PACS et de définir les conditions de son opposabilité à l'égard des tiers, en organisant en particulier sa publicité à l'état civil.

L'article 21 bis nouveau du projet de loi modifie ainsi les articles 515-3 et 515-7 du code civil et crée un article 515-3-1 nouveau.

Art. 515-3 du code civil : Formation du PACS

L'actuel article 515-3 du code civil entoure la conclusion d'un PACS de formalisme, en requérant l'élaboration d'une convention en double original, une déclaration conjointe de conclusion de pacte au greffe du tribunal d'instance et l'inscription de cette déclaration par le greffier sur un registre.

Le projet de loi autorise désormais les partenaires à présenter au greffe une convention établie par acte authentique , en pratique interdite actuellement du fait de l'obligation de produire au greffier la convention en double original. Cette modification paraît très opportune, l'acte authentique permettant de conférer date certaine à l'acte, de conserver le contrat et d'accroître la sécurité juridique.

Le texte maintient toutefois la possibilité de produire un acte sous seing privé, ce qui semble constituer une solution équilibrée, le PACS devant demeurer un contrat souple et gratuit, afin de le rendre accessible à tous.

Suivant les préconisations du groupe de travail, la déclaration demeure reçue par le greffe du tribunal d'instance du lieu de résidence commune des futurs partenaires . En effet, il s'agit d'un contrat à visée patrimoniale et non d'un acte d'état civil et il ne peut donc être enregistré en mairie.

Le projet de loi simplifie ensuite la rédaction de l'article 515-3 en supprimant les précisions à caractère réglementaire concernant les pièces devant être produites. Sont ainsi requises les pièces d'état civil permettant d'établir l'absence de parenté, et de garantir que les partenaires ne sont pas mariés, ainsi qu'un certificat du greffe du tribunal d'instance de leur lieu de naissance (ou, en cas de naissance à l'étranger, du tribunal de grande instance de Paris) attestant qu'ils ne sont pas déjà engagés dans un autre PACS.

Cet article précise enfin que le greffier enregistre la déclaration initiale ainsi que les conventions modificatives apportées au PACS et fait procéder aux formalités de publicité.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel.

Art. 515-3-1 du code civil : Publicité du PACS - Mention en marge de l'acte de naissance

Ce nouvel article 515-3-1 relatif à la publicité du PACS procède à une simplification très attendue des greffiers et des professionnels.

Actuellement, l'article 515-3 prévoit que le greffier fait porter mention de la déclaration sur un registre tenu au greffe du tribunal d'instance du lieu de naissance de chaque partenaire ou, en cas de naissance à l'étranger au greffe du tribunal de grande instance de Paris. Les conventions modificatives sont soumises à la même publicité.

L'accès à ces registres est réglementé par l'article 5 du décret du 21 décembre 1999 211 ( * ) , qui distingue deux catégories de personnes pouvant obtenir communication d'informations relatives aux PACS :

- les notaires, les agents chargés de l'exécution d'un titre exécutoire, ainsi que les administrateurs judiciaires et mandataires liquidateurs lorsque la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire met en cause un des partenaires peuvent avoir accès à des informations nominatives telles que l'identité des partenaires ;

- les créanciers dont la créance est née d'un contrat conclu pour les besoins de la vie courante ou pour les dépenses relatives au logement, ainsi que les syndics de copropriété, ne peuvent obtenir l'identité du partenaire de la personne sur laquelle porte la demande.

Enfin, les avocats n'ont aucun droit d'accès, les personnes qu'ils représentent ou assistent devant exercer elles-mêmes ce droit.

En raison de ce dispositif particulier, les greffes doivent faire face à près d'un million de demandes de certificats de non-PACS chaque année.

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Certificats de non-pacs délivrés

2.013

18.862

61.617

83.255

95.287

115.086

Demandes de tiers relatives à l'existence d'un PACS

694

32.529

307.070

620.542

810.303

956.142

( source : Répertoire général civil )

Afin de remédier à cette situation, le projet de loi prévoit de mentionner, en marge de l'acte de naissance de chaque partenaire, la déclaration de PACS .

La publicité du partenariat ou de l'absence de partenariat résultera donc de la copie intégrale ou de l'extrait d'acte de naissance établis par l'officier de l'état civil. Elle devrait conduire à la disparition des registres alphabétiques détenus auprès des greffes du lieu de naissance des partenaires et constitue une simplification très attendue des fonctionnaires de la justice.

S'agissant des personnes de nationalité étrangère nées à l'étranger, cette information continuerait d'être portée sur un registre tenu au greffe du tribunal de grande instance de Paris.

Le projet de loi reprend donc une proposition ancienne formulée dès novembre 2001 par le rapport de MM. Patrick Bloche et Jean-Pierre Michel tirant un premier bilan de l'application de la loi relative au de PACS.

Lors de l'examen du projet de loi de réforme de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) 212 ( * ) , un amendement présenté par MM. Gérard Gouzes et Jean-Pierre Michel tendant à procéder à cette réforme avait été adopté en prem ière lecture à l'Assemblée nationale, malgré l'opposition tant de la ministre de l'époque, Mme Marylise Lebranchu, que de M. Bernard Roman, alors président de la commission des lois, qui avaient considéré que cette disposition était sans lien avec le projet de loi. La commission des lois du Sénat, tout en rappelant qu'elle était opposée à ce que le PACS soit considéré comme un acte d'état civil, avait donné un avis favorable à cette proposition, en reconnaissant les difficultés pratiques auxquelles se trouvaient confrontés les greffes. Elle n'avait cependant pas été suivie par le Sénat.

Rappelons que dans sa décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, le Conseil constitutionnel a souligné que « La conclusion d'un pacte civil de solidarité ne donne lieu à l'établissement d'aucun acte d'état civil, l'état civil des personnes qui le concluent ne subissant aucune modification. ».

Le groupe de travail sur le PACS s'est de nouveau prononcé en ce sens en novembre 2004, en estimant que les débats sur le PACS s'étant apaisés, il convenait d'accepter cette mesure de simplification.

Si votre commission souscrit à cet objectif, elle s'interroge cependant sur l'opportunité de soumettre, comme le fait le projet de loi, l'existence de conventions modificatives à la même publicité. Le groupe de travail préconisait d'ailleurs que les modifications du pacte initial affectant son contenu et non le principe même de son existence ne soient portées que sur le registre chronologique constitué auprès du greffier ayant enregistré le pacte initial.

En outre, le projet de loi, reprenant une préconisation du groupe de travail sur le PACS, prévoit une mention simplifiée ne révélant pas l'identité du partenaire .

Cette discrétion tient compte des inquiétudes exprimées quant à l'atteinte à la vie privée et à de possibles réactions homophobes. Elle correspond en outre à une délibération déjà ancienne de la CNIL 213 ( * ) .

Par ailleurs, le projet de loi précise les dates de prise d'effet du PACS entre les partenaires, mais aussi vis-à-vis des tiers, ce qui contribuera à renforcer la sécurité juridique du dispositif.

Actuellement, l'article 515-3 indique simplement que l'inscription sur le registre du lieu de résidence confère date certaine au PACS et le rend opposable aux tiers.

Le projet de loi précise que le PACS prend effet entre les parties à compter de son enregistrement, qui lui confère date certaine, mais n'est opposable aux tiers qu'à compter du jour où les formalités de publicité sont accomplies. Il en va de même des conventions modificatives.

? L'article 27 du projet de loi a prévu de différer d'une année l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la publicité du PACS pour les PACS conclus antérieurement à la présente loi. Ainsi, les partenaires qui ne souhaiteraient pas voir la mention du PACS inscrite en marge de leur état civil auront la possibilité de dissoudre leur pacte avant l'expiration du délai imparti. Au contraire, ceux qui souhaitent voir cette mention apposée immédiatement pourront en faire la demande.

Art. 515-7 du code civil : Dissolution du PACS

Le projet de loi simplifie ensuite la rédaction de l'actuel article 515-7, qui prévoit les différentes modalités de dissolution du PACS.

Au 30 septembre 2004, sur les 131.651 PACS conclus, 15.641 ruptures étaient intervenues, dont moins de 5 % étaient consécutives à une décision unilatérale. Il semble cependant que de nombreux partenaires omettent de déclarer la dissolution de leur PACS en cas de rupture.

Il peut être mis fin au PACS :

- d'un commun accord, par les partenaires. Actuellement, les partenaires remettent une déclaration conjointe écrite au greffe du tribunal d'instance dans le ressort duquel l'un d'entre eux au moins a sa résidence. Le projet de loi vise désormais le greffe du tribunal d'instance du lieu d'enregistrement du PACS, afin de faciliter l'information des tiers sur la permanence du PACS ;

- unilatéralement par l'un des partenaires. Actuellement, le partenaire signifie sa décision à l'autre par huissier et adresse copie de la signification au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial. Le projet de loi ne modifie pas ce point. Comme actuellement, le partenaire qui subit la rupture pourra éventuellement demander réparation du dommage, notamment en cas de faute tenant aux conditions de rupture. Il pourra en être de même en cas de brusque rupture du pacte provoquée par le mariage du partenaire ;

- par le mariage ou le décès de l'un d'eux . Actuellement, lorsque l'un des partenaires met fin au PACS en se mariant, il en informe l'autre par voie de signification et adresse copies de celle-ci et de son acte de naissance sur lequel est portée mention du mariage au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial ; lorsque le PACS prend fin par le décès d'un des partenaires, le survivant ou tout intéressé adresse copie de l'acte de décès au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial. Le projet de loi prévoit que le greffier du tribunal d'instance, informé du mariage ou du décès par l'officier de l'état civil compétent, enregistre la dissolution et fait procéder aux formalités de publicité. Votre commission vous propose de préciser par amendement que le greffier qui enregistre la dissolution en cas de mariage ou de décès est celui du tribunal d'instance du lieu d'enregistrement du PACS.

Ces formalités seront simplifiées puisque le tribunal compétent sera désormais toujours celui de l'enregistrement du PACS initial .

Actuellement, le greffier qui reçoit la déclaration ou les actes porte ou fait porter la mention de la fin du pacte en marge de l'acte initial et fait procéder à l'inscription de cette mention en marge du registre prévu au tribunal du lieu de naissance des partenaires (ou au tribunal de grande instance de Paris lorsque l'un d'eux est né à l'étranger). Le projet de loi prévoit que le greffier enregistre la dissolution et fait procéder aux formalités de publicité en marge de l'acte de naissance.

Le projet de loi précise en outre la date d'effet de la dissolution .

Actuellement , le PACS prend fin :

- dès la mention en marge de l'acte initial de la déclaration conjointe ;

- trois mois après la signification par huissier en cas de rupture unilatérale (sous réserve qu'une copie ait été portée à la connaissance du greffier du tribunal d'enregistrement du PACS) ;

- à la date du mariage ou du décès de l'un des partenaires.

Le projet de loi prévoit, comme pour la conclusion du PACS, que la dissolution du PACS prend effet dans les rapports entre les partenaires à la date de son enregistrement au greffe, mais n'est opposable aux tiers qu'à partir du jour où les formalités de publicité ont été accomplies. Le délai de trois mois en cas de rupture unilatérale est donc supprimé.

Rien n'est modifié s'agissant de la dissolution du PACS en cas de mariage ou de décès. Elle prendra effet à la date de l'événement et non de la publicité, l'actualisation des deux actes de naissance pouvant être effectuée à des dates différentes.

En l'absence de démarches auprès du greffe, le pacte continuera de produire ses effets tant à l'égard des partenaires que des tiers. Cette disposition n'est pas anodine, de nombreux partenaires, auxquels incombe cette démarche, oubliant d'y procéder, et en méconnaissant totalement les conséquences. Il serait donc opportun d'inciter les greffiers par voie de circulaire à rappeler ces formalités lors de l'enregistrement du PACS.

Le projet de loi prévoit enfin qu'à l'étranger, les fonctions dévolues au greffier du tribunal d'instance sont exercées par les agents diplomatiques et consulaires français.

? Votre commission vous propose d'adopter un amendement afin de préciser les modalités de liquidation des créances entre partenaires .

Le projet de loi fait de la séparation de biens le régime patrimonial de droit commun du PACS (article 21 ter ). Par conséquent, le partenaire ayant fourni les deniers nécessaires à l'acquisition, à la conservation ou à l'amélioration d'un bien personnel de l'autre partenaire, ou qui a contribué lors de l'acquisition, de la conservation ou de l'amélioration d'un bien indivis dans des proportions excédant sa part sur les biens, sera titulaire d'une créance.

La loi du 15 novembre 1999 ne prévoit aucune disposition s'agissant du régime applicable à cette créance. L'amendement propose de faire application de la règle du valorisme figurant à l'article 1469 du code civil. Si une plus-value a été réalisée sur le bien, elle profitera à chacun des partenaires à proportion de son investissement initial.

Le paiement de la créance, qui s'effectue normalement par le versement d'une somme d'argent, pourra se compenser avec une dette résultant de la contribution des partenaires aux charges de la vie courante commune.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 21 bis ainsi modifié .

Article 21 ter nouveau (art. 515-4, 515-5 et 515-5-1 à 515-5-3 du code civil)
Droits et devoirs des partenaires - Régime patrimonial du PACS

L'Assemblée nationale a, à l'initiative du Gouvernement, adopté avec l'avis favorable de la commission des lois un amendement tendant à introduire un article additionnel afin de préciser les droits et devoirs des partenaires d'un PACS et de réformer substantiellement le régime patrimonial du PACS, unanimement décrié.

Le régime patrimonial du PACS est composé d'un régime primaire (art. 515-4 du code civil) composé de règles d'ordre public destinées à régir la vie courante (l'aide mutuelle et matérielle, d'une part, la solidarité pour les besoins de la vie courante et les dépenses liées au logement commun, d'autre part), et d'un régime secondaire (art. 515-5 du code civil) composé de règles relatives à l'organisation du patrimoine.

Art. 515-4 du code civil : Régime primaire du PACS

Le projet de loi modifie tout d'abord profondément l'étendue des droits et devoirs des partenaires.

- Actuellement , le premier alinéa de l'article 515-4 prévoit que les partenaires liés par un PACS s'apportent une aide mutuelle et matérielle , dont les modalités sont fixées par le pacte.

La décision du Conseil constitutionnel précitée a apporté quelques précisions importantes. Ainsi, « la notion de vie commune ne couvre pas seulement une communauté d'intérêts et ne se limite pas à l'exigence d'une simple cohabitation entre deux personnes... [Elle] suppose, outre une résidence commune, une vie de couple ». Elle en conclut que les parties ne peuvent déroger à « la condition relative à la vie commune, à l'aide mutuelle et matérielle que les partenaires doivent s'apporter, ainsi qu'aux conditions de cessation du pacte. [...] L'aide mutuelle et matérielle s'analyse en conséquence comme un devoir entre partenaires du pacte ; [...] il en résulte implicitement mais nécessairement que, si la libre volonté des partenaires peut s'exprimer dans la détermination des modalités de cette aide, serait nulle toute clause méconnaissant le caractère obligatoire de ladite aide ». Il revient au juge du contrat, en cas de litige, de la définir en fonction de la situation respective des partenaires.

- Le projet de loi prévoit pour sa part que les partenaires s'engagent à une vie commune, ainsi qu'à une aide matérielle et une assistance réciproques .

Votre commission approuve tout à fait la définition prévue par le projet de loi à l'instigation du groupe de travail de l'aide mutuelle et matérielle . Il est ainsi précisé que l'aide mutuelle entre les partenaires est fonction de leurs capacités contributives respectives, si les partenaires n'en disposent pas autrement, comme cela est prévu s'agissant des époux par l'article 214.

Le projet de loi réforme ensuite le régime des obligations des partenaires.

Actuellement, le second alinéa de l'article 515-4 précise que les partenaires sont tenus solidairement à l'égard des tiers des dettes contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie courante et pour les dépenses relatives au logement commun.

Le projet de loi, suivant les préconisations du groupe de travail, supprime la mention des dépenses relatives au logement commun, considérée comme redondante, et exclut cette solidarité s'agissant des dépenses manifestement excessives .

Il remédie ainsi à une anomalie de la loi, puisque les partenaires se trouvaient assujettis à un régime de solidarité à l'égard des tiers pour les dettes contractées par un partenaire pour les besoins de la vie courante plus lourd que celui des époux. L'article 220 relatif à la solidarité pécuniaire des époux exclut en effet les dépenses manifestement excessives, les achats à tempérament ou les emprunts contractés sans le consentement des deux. Le projet de loi n'a toutefois pas jugé utile de reprendre la référence aux achats à tempérament et à l'emprunt.

La solidarité entre partenaires concernant les dépenses de la vie courante est donc mieux encadrée.

Art. 515-5 du code civil : Régime de droit commun de séparation de biens

La complexité du régime patrimonial du PACS, qui repose sur deux présomptions d'indivision différentes selon le type de biens, est très critiquée. De plus, le régime de l'indivision peut rendre très conflictuelle une séparation. Le projet de loi instaure donc un régime légal nouveau fondé sur la séparation des patrimoines.

Le mécanisme actuel , défini à l'article 515-5 du code civil, cumule complexité et rigidité.

Il prévoit deux régimes différents selon la nature des biens acquis :

- les meubles meublants dont les partenaires feraient l'acquisition à titre onéreux postérieurement à la conclusion du PACS sont présumés indivis par moitié, sauf déclaration contraire dans la convention initiale . Il en est de même lorsque la date d'acquisition de ces biens ne peut être établie ;

- les autres biens dont les partenaires deviennent propriétaires à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte sont présumés indivis par moitié sauf si l'acte d'acquisition ou de souscription en dispose autrement .

S'il est possible d'écarter dans le pacte initial la présomption d'indivision pour les meubles meublants acquis postérieurement au PACS, c'est donc impossible s'agissant des autres biens . Or, il est fastidieux de devoir exiger une facture pour chaque bien. Les partenaires peuvent donc convenir d'une convention modificative excluant l'indivision pour ces autres biens, ce qui suppose des formalités supplémentaires.

Le Conseil constitutionnel a toutefois précisé dans sa décision précitée que les parties pouvaient décider, pour les meubles meublants, dans la convention initiale ou dans un acte la modifiant et pour les autres biens, dans l'acte d'acquisition ou de souscription, d'appliquer le régime conventionnel d'indivision prévu par les articles 1873-1 et suivants du même code.

En outre, le champ de l'indivision est incertain puisque la formulation du texte ne permet pas de savoir avec certitude s'il comprend les revenus, les deniers, et les biens créés après la signature du PACS.

Or, l'indivision est un régime très critiqué car lourd et par nature temporaire. Il peut s'avérer extrêmement injuste pour les partenaires restés dans l'ignorance de ces effets radicaux, ce qui est le cas pour la plupart.

? La proposition de loi n° 162 relative au régime des biens acquis postérieurement à la conclusion d'un pacte civil de solidarité, déposée le 27 janvier 2005 par notre collègue M. Patrice Gélard, jointe à l'examen de ce texte, préconise pour sa part d'étendre au PACS le régime de la communauté réduite aux acquêts -qui est celui de droit commun pour les époux-, avec possibilité de choisir un autre régime par acte authentique.

Votre commission considère cependant peu opportune l'adoption d'un régime communautariste s'agissant d'un contrat à vocation patrimoniale, et dont l'attrait premier repose dans sa souplesse.

Le projet de loi choisit de soumettre le PACS au régime de la séparation des patrimoines, suivant les préconisations du groupe de travail.

Il se rapproche par conséquent du régime de séparation de biens prévu par la loi du 13 juillet 1965 pour les époux aux articles 1536 à 1543 du code civil.

Le premier alinéa de l'article 515-5 modifié reprend les dispositions de l'article 1536 applicable aux époux et prévoit que, sauf dispositions contraires de la convention, chacun des partenaires conserve l'administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels. Chacun reste seul tenu des dettes personnelles nées avant ou pendant le pacte, hors le cas des dettes contractées pour les besoins de la vie courante.

Le deuxième alinéa reprend les dispositions des premier et dernier alinéas de l'article 1538 et indique que chacun des partenaires peut prouver par tous les moyens, tant à l'égard de son partenaire que des tiers, qu'il a la propriété exclusive d'un bien. Les biens sur lesquels aucun des partenaires ne peut justifier d'une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié.

Enfin, le troisième alinéa prévoit que le partenaire qui détient individuellement un bien meuble est réputé, à l'égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul sur ce bien tout acte d'administration, de jouissance ou de disposition. Cette disposition inédite vise à mieux protéger les tiers.

Ainsi que l'a rappelé M. Patrick Bloche lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, cette solution avait été préconisée dès 1997 par la mission conduite par M. Jean-Pierre Michel et lui-même au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

L'Assemblée nationale a ensuite inséré à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de la commission des lois trois articles additionnels 515-5-1 à 515-5-3 permettant aux partenaires qui le souhaitent d'opter pour un régime d'indivision organisé.

Art. 515-5-1 du code civil : Possibilité d'opter pour le régime de l'indivision

Cet article laisse la possibilité aux partenaires d'opter conventionnellement pour un régime plus communautaire correspondant au mécanisme actuel de l'indivision corrigé de ses excès.

En particulier, serait supprimée la distinction entre les meubles meublants et les autres biens.

Cette option pourrait être prise dans la convention initiale ou dans la convention modificative.

Les biens acquis, ensemble ou séparément, à compter de l'enregistrement de ces conventions, seraient alors réputés indivis par moitié, sans recours de l'un des partenaires contre l'autre au titre d'une contribution inégale.

Art. 515-5-2 du code civil : Champ d'application de l'indivision

Le projet de loi précise ensuite le champ d'application de l'indivision.

Seuls les biens acquis avec des fonds perçus pendant la durée du PACS (gains et salaires, revenus des biens personnels) seraient soumis à l'indivision. Les biens acquis avec les deniers perçus avant le PACS ou reçus par succession ou donation (deniers définitivement personnels) resteraient des biens personnels. En outre, l'indivision porterait sur le résultat de l'investissement, les deniers perçus pendant le PACS non investis demeurant personnels à chacun des partenaires.

L'emploi de deniers antérieurs à la conclusion de la convention initiale ou modificative ou de deniers provenant de donation ou de succession devrait faire l'objet d'une mention dans l'acte d'acquisition. A défaut, le bien serait réputé indivis par moitié et ne donnerait lieu qu'à une créance entre partenaires. L'exigence de mention particulière dans l'acte de donation ou de souscription serait désormais beaucoup mieux circonscrite.

Outre un amendement rédactionnel, votre commission vous propose d'adopter un amendement de précision.

Art. 515-5-3 du code civil : Fonctionnement de l'indivision

Le projet de loi prévoit également une modification des règles de gestion des biens indivis afin de permettre une plus grande souplesse.

Ainsi, à défaut de dispositions contraires dans la convention, chaque partenaire serait considéré comme gérant de l'indivision , et pourrait exercer les pouvoirs reconnus par les articles 1873-6 et suivants. Votre commission vous propose par amendement de viser expressément les articles applicables, à savoir les articles 1873-6 et 1873-8.

Le gérant exerce les pouvoirs attribués à chaque époux sur les biens communs, mais ne peut vendre les meubles corporels que pour les besoins d'une exploitation normale des biens indivis, ou s'ils sont difficiles à conserver (art. 1873-6).

Les décisions excédant ses pouvoirs sont prises à l'unanimité. Les indivisaires peuvent cependant prévoir des règles différentes, sauf en matière de vente des immeubles indivis (art. 1873-8).

Le projet de loi ajoute que les partenaires peuvent conclure une convention relative à l'exercice de leurs droits indivis, dans les conditions énoncées aux articles 1873-1 et suivants, qui définissent le régime de l'indivision conventionnelle (et non successorale). A peine d'inopposabilité, cette convention devrait, à l'occasion de chaque acte d'acquisition d'un bien soumis à publicité foncière, être publiée à la conservation des hypothèques.

La convention prévoit ainsi qu'en cas d'aliénation de tout ou partie des droits d'un indivisaire dans les biens indivis, les coindivisaires bénéficient d'un droit de préemption et de substitution (art. 1873-12). En outre, les indivisaires peuvent convenir qu'au décès de l'un d'eux, le survivant pourra acquérir la quote-part du défunt (art. 1873-13).

Votre commission vous propose ici encore de préciser par amendement ces références.

Enfin, le projet de loi prévoit que par dérogation à l'article 1873-3, qui prévoit que la convention est conclue pour une durée déterminée de cinq ans maximum renouvelable ou pour une durée indéterminée, la convention d'indivision est réputée conclue pour la durée du PACS.

Il ajoute que les partenaires pourront décider lors de la dissolution du pacte qu'elle continue de produire ses effets.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel, puis d' adopter l'article 21 ter ainsi modifié .

Article 21 quater (nouveau) (art. 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statuaires relatives à la fonction publique de l'Etat)
Lutte contre les PACS de complaisance

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de Mme Valérie Pécresse et de plusieurs de ses collègues, adopté avec les avis favorables, tant de la commission des lois que du Gouvernement, un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de lutter contre la conclusion de PACS de complaisance visant à obtenir plus facilement des mutations dans la fonction publique.

Les députés ont considéré que, par la liberté de séparation qu'il offre, le PACS ouvre des possibilités de fraude, en particulier dans la fonction publique, et jugé nécessaire de vérifier la réalité de l'engagement des partenaires.

Le projet de loi modifie donc l'article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statuaires relatives à la fonction publique de l'Etat et subordonne les demandes de mutation en vue d'un rapprochement géographique avec le lieu de travail du partenaire dans la fonction publique d'Etat à la production de la preuve que les partenaires se soumettent à l'obligation d'imposition commune prévue par le code général des impôts.

Rappelons que si la loi du 15 novembre 1999 relatif au PACS exigeait un délai de trois ans à compter de l'enregistrement du PACS pour bénéficier de l'imposition commune des revenus, la loi de finances pour 2005 a supprimé ce délai et aligné les conditions d'imposition à l'impôt sur le revenu sur celle des époux.

Cette disposition reprend partiellement une préconisation du rapport précité de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la famille et les droits des enfants, qui avait plus largement suggéré de soumettre tous les droits sociaux ouverts par le PACS à la preuve que les revenus des partenaires font l'objet d'une imposition commune.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 21 quater sans modification .

Article 22 (art. 55, 62, 116, 368-1, 389-5, 466, 504, 505, 515-6, 723, 730-5, 732, 738-1, 738-2, 751, 754, 755, 757-3, 758-6, 763, 914-1, 916, 1130, 1251, 1390, 1873-14, 1973, 2013, 2103, 2109, 2111, 2147, 2258 et 2259 du code civil)
Dispositions diverses et de coordination

Cet article prévoit de nombreuses modifications du code civil répondant à des objets extrêmement divers.

• L'inscription des enfants en marge de l'acte de naissance de leurs parents (1° et 2°)

Le et le ont respectivement pour objet de modifier les articles 55 et 62 du code civil afin de prévoir l'inscription obligatoire, en marge de l'acte de naissance :

- pour chacun des parents, de la mention de la déclaration de naissance de chacun de ses enfants ;

- pour l'auteur d'une reconnaissance de paternité, de la mention de l'acte de reconnaissance de l'enfant .

Ces dispositions, qui ont fait l'objet d'améliorations formelles de la part de l'Assemblée nationale, répondent à une demande fréquemment formulée pour faciliter le recensement des enfants susceptibles d'hériter.

Cette demande revêt une acuité d'autant plus grande que toute distinction a disparu entre les enfants légitimes et naturels, alors que les premiers sont, par la force des choses, plus facilement identifiés au moment de l'ouverture de la succession que les seconds.

L'enfant naturel peut ne pas être appelé au règlement de la succession de son auteur, uniquement parce que sa reconnaissance par le défunt n'est pas connue.

En France, la reconnaissance de paternité s'effectue devant l'officier de l'état civil, par un jugement ou par tout autre acte authentique, que cet acte soit dressé spécialement à cet effet ou pour un autre objet (donation ou contrat de mariage, par exemple). La reconnaissance peut être faite avant ou après la naissance de l'enfant, quel que soit l'âge de ce dernier et sans que son consentement soit requis. C'est un acte irrévocable.

Lorsqu'elle est faite devant l'officier de l'état civil, la reconnaissance donne lieu à une transcription en marge de l'acte de naissance de l'enfant . Cette mention n'est d'aucun secours au moment de l'ouverture de la succession si l'existence de cette enfant n'est pas connue.

Quant à la reconnaissance faite devant notaire, elle ne fait l'objet d'aucune publicité et, si le notaire chargé de régler la succession n'est pas celui qui a reçu l'acte contenant la reconnaissance, le défunt emportera avec lui son secret.

Il est ainsi paradoxal de reconnaître aux enfants naturels des droits successoraux identiques à ceux des enfants légitimes, sans en assurer l'effectivité.

La mesure proposée rejoint l'une des solutions envisagées dans l'ouvrage « Demain la famille » publié à la suite du 95 e congrès des notaires de France organisé à Marseille au mois de mai 1999.

Elle semble efficace, dans la mesure où les actes de l'état civil du défunt font partie des pièces demandées dès l'ouverture du dossier de succession, même si elle ne portera ses fruits que progressivement puisqu'elle ne s'appliquera qu'aux enfants nés après on entrée en vigueur et ne permettra pas de prendre en compte les enfants nés à l'étranger de parents étrangers, venus ensuite s'installer en France, ou de Français résidant à l'étranger mais ne procédant pas à la déclaration de naissance de l'enfant auprès des agents diplomatiques ou consulaires.

Sur le plan pratique, elle aura pour conséquence d'imposer au service de l'état civil de la commune de naissance de chaque enfant, à compter de l'entrée en vigueur de la loi, qu'il informe systématiquement ses homologues des communes de naissance des parents ou de la personne ayant reconnu l'enfant, de façon à permettre l'inscription en marge de leur acte de naissance, regroupant ainsi la mention de tous les enfants de chaque adulte.

La principale difficulté tient au fait que les marges des actes de naissance ne sont pas indéfiniment extensibles, tandis que la dématérialisation des registres de l'état civil progresse lentement.

Les mentions devant déjà être portées en marge de l'acte de naissance

* S'agissant du lien matrimonial :

mariage

annulation du mariage

séparation de corps et divorce

déclaration de reprise de la vie commune

rectifications ou annulations relatives à l'une de ses mentions

* S'agissant du décès :

décès

absence

rectifications ou annulation de ces mentions

* S'agissant du lien de filiation :

reconnaissance (parfois des deux parents)

décision judiciaire d'annulation de la reconnaissance ou de contestation

possession d'état

légitimation (de plein droit, post-nuptias, par autorité de justice, après mariage posthume)

adoption simple

annulation de l'acte après adoption plénière

jugement de désaveu, de contestation de paternité

jugement déclaratif de paternité et tranchant un conflit de filiation

rectifications ou annulations de ces mentions

* S'agissant des noms et prénoms

changement de prénom à la suite d'un décret de francisation

changement ou suppression de prénom (décision judiciaire)

changement de nom par décret

changement de nom suite à une francisation

changement de nom de l'enfant naturel (déclaration conjointe de changement de nom -art. 334-2- ou décision judiciaire art. 334-3)

changement de nom

changement de nom suite à une déclaration conjointe d'adjonction de nom (art. 23 de la loi du 4 mars 2002)

dation de nom

rectifications ou annulations de ces mentions

* Rectification ou annulation de l'acte

* S'agissant des mentions relatives à la nationalité française :

actes administratifs

déclarations de nationalité française

décisions judiciaires

certificats de nationalité française

* Autres mentions :

inscription au et radiation du répertoire civil

changement de sexe

rectifications ou annulations de ces mentions

annulation des actes

Source : ministère de la justice .

En sus de la mention des enfants en marge de l'acte de naissance de leurs parents, le projet de loi prévoit diverses mentions relatives au PACS :

enregistrement de la constitution d'un PACS ;

enregistrement de chacune des modifications du PACS ;

enregistrement de sa dissolution ;

rectifications ou annulations de ces mentions.

La mention des enfants en marge de l'acte de naissance de leurs parents, qui atteste d'un fait, n'a pas vocation à être actualisée par l'apposition de nouvelles mentions (décès de l'enfant, changement de nom de l'enfant...).

L'objectif est exclusivement de permettre l'identification de la descendance d'un individu et non de transformer l'acte de naissance en fiche individuelle de descendance.

Sur le plan des principes, les dispositions proposées ont été contestées par les représentants des avocats, lors de leur audition par votre rapporteur, au triple motif qu'elles :

- porteraient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée ;

- oublieraient les possessions d'état ;

- seraient limitées aux naissances et reconnaissances en France.

Il convient toutefois d'observer :

- en premier lieu et en application d'un décret du 3 août 1962, que la délivrance des copies intégrales ou des extraits d'actes de l'état civil comportant les mentions relatives à la filiation n'est ouverte qu'aux personnes concernées ou à leurs ascendants ou descendants ;

- en deuxième lieu, qu'aux termes de l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, dont l'entrée en vigueur interviendra le 1 er juillet 2006, la possession d'état ne constitue un mode d'établissement de la filiation que lorsqu'elle est constatée, et ce sous des conditions de procédure et de délai strictes ;

- en dernier lieu, que les changements de situations intervenues à l'étranger donnent lieu à l'actualisation des actes détenus par des officiers de l'état civil communaux ou consulaires.

Enfin, s'agissant de l'incidence de l'omission éventuelle de l'obligation de porter mention de l'acte de naissance ou de reconnaissance de l'enfant en marge de l'acte de naissance de ses parents, la jurisprudence a déjà pu considérer que la validité de l'acte de reconnaissance d'un enfant naturel, faite dans les formes prescrites par la loi, ne pouvait être subordonnée à l'existence de sa mention dans son acte de naissance, dès lors qu'il n'existait aucun doute sur l'identité de l'enfant. De même, l'omission de la mention de l'existence d'un mariage sur l'acte de naissance des époux n'entraîne naturellement pas la nullité de ce dernier, sans qu'il soit besoin d'une disposition expresse.

La nouvelle obligation de mention prévue ici constitue de la même manière une simple obligation à but informatif et non procédural. Les éventuelles conséquences d'une omission seront, d'une part, que l'enfant devra rapporter la preuve de son lien de filiation par d'autres moyens, notamment son acte de naissance et, d'autre part, que la responsabilité du service de l'état civil pourra le cas échéant être engagée dans les conditions du droit commun. Qu'elle résulte de l'absence de mention sur l'acte de naissance du défunt ou d'une autre cause, la constatation de l'omission de la mention de l'existence d'un enfant en marge de l'acte de naissance de l'un de ses parents décédé donnera lieu à un nouveau partage ou à un partage complémentaire.

• La clarification des règles relatives au droit de retour des biens dans le cas de la succession d'un adopté simple en présence d'un conjoint survivant (3° bis nouveau)

Le bis inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement a pour objet de modifier l'article 368-1 du code civil afin de clarifier les règles relatives au droit de retour des biens dans le cas de la succession d'un adopté simple en présence d'un conjoint survivant .

S'agissant des successions ab intestat , la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 a inséré un article 757-2 dans le code civil afin de prévoir qu'en l'absence d'enfants ou de descendants du défunt et de ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession.

Elle a toutefois ménagé une exception à cette règle qu'elle a fait figurer dans un nouvel article 757-3 : en cas de prédécès des père et mère, les biens que le défunt avait reçus d'eux par succession ou donation et qui se retrouvent en nature dans la succession sont, en l'absence de descendants, dévolus pour moitié aux frères et soeurs du défunt ou à leurs descendants, eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés à l'origine de la transmission. L'objectif recherché était d'assurer le maintien dans la famille de sang de certains biens.

L'article 368-1, qui prévoit lui aussi un droit de retour au profit des frères et soeurs d'un défunt ayant fait l'objet d'une adoption simple en l'absence de descendants, n'a pas été modifié. En l'état actuel du droit :

- si l'adopté meurt sans descendants, les biens donnés par l'adoptant ou recueillis dans sa succession retournent à l'adoptant ou à ses descendants, s'ils existent encore en nature lors du décès de l'adopté, à charge de contribuer aux dettes et sous réserve des droits acquis par les tiers ;

- les biens que l'adopté avait reçus à titre gratuit de ses père et mère retournent pareillement à ces derniers ou à leurs descendants ;

- le surplus des biens de l'adopté se divise par moitié entre la famille d'origine et la famille de l'adoptant, sans préjudice des droits du conjoint sur l'ensemble de la succession.

Le conjoint survivant n'a donc aucun droit sur les biens donnés par l'ascendant adoptant.

La modification proposée consiste à prévoir que l'article 368-1 ne s'applique qu'à défaut de descendants et de conjoint survivant : en conséquence, en présence d'un conjoint survivant, le droit de retour sera limité dans les conditions prévues par l'article 757-3.

• L'allègement des procédures de partage en présence d'une personne présumée absente ou éloignée, d'un mineur ou d'un majeur sous tutelle (3°, 4°, 5°, 6°)

Les 3°, 4°, 5° et 6° de cet article complètent les mesures de simplification opérées par l'article 4 du projet de loi en matière de partage et visant à privilégier le recours aux partages amiables et à substituer à l'homologation par le tribunal de grande instance une simple approbation de l'état liquidatif par un juge unique.

? Le de cet article apporte les coordinations nécessaires aux modifications apportées par l'article 4 du projet de loi aux articles 836 à 842 en matière de partage d'une succession auquel est appelée une personne présumée absente 214 ( * ) ou qui, par suite d'éloignement, se trouverait hors d'état de manifester sa volonté 215 ( * ) .

Actuellement, lorsque le présumé absent est appelé au partage d'une succession, le juge des tutelles se borne à autoriser le partage et à désigner un notaire, le principe étant celui du partage judiciaire. Un partage amiable est cependant possible sous contrôle judiciaire, le tribunal de grande instance homologuant l'état liquidatif du partage tel que dressé par le notaire.

L'article 4 du projet de loi allège cette procédure en faisant du partage amiable sous contrôle judiciaire le principe.

De même, l'actuel article 116 fait référence au premier alinéa de l'article 838 pour prévoir un partage judiciaire en présence d'un présumé absent appelé à un partage, tout en précisant que le juge des tutelles peut autoriser le partage même partiel et désigner un notaire pour y procéder en présence du représentant du présumé absent, l'état liquidatif étant soumis à l' homologation du tribunal de grande instance .

Le projet de loi procède à une coordination en faisant référence non plus à l'article 838, mais aux nouveaux articles 840 et suivants qui prévoient un partage judiciaire lorsque le partage amiable n'a pas été autorisé ou approuvé dans l'un des cas prévus aux articles 836 et 837 qui font référence à l'indivisaire présumé absent ou hors d'état de manifester sa volonté ou défaillant.

Il substitue en outre à l'homologation de l'état liquidatif par le tribunal de grande instance , jugée trop lourde, une simple approbation du juge.

Le choix du terme « approbation » répond aux remarques de certains auteurs, qui considèrent que l'homologation n'est qu'une vérification formelle de l'acte, alors qu'en l'espèce le juge des tutelles aura pour mission de veiller à ce que les intérêts de l'absent soient respectés, notamment à travers les biens dont il a été alloti, ce que vise précisément l'approbation. En outre, l'homologation, contrairement à l'approbation, confère aux actes homologués une force exécutoire, alors que dans le cadre d'un partage, c'est l'acte notarié qui donne la force exécutoire au partage et non la décision du juge des tutelles, qui n'a compétence que pour contrôler le respect des droits de la personne absente et non pour statuer sur le partage.

Enfin, le projet de loi complète l'article 116 en prévoyant que tout autre partage afférent à un successible présumé absent ne pourrait être considéré que comme provisionnel. Le partage provisionnel consiste en une répartition de la jouissance des biens et non de leur propriété. Il permet à chacun d'user privativement des biens qui lui sont attribués et d'en acquérir les fruits, sans préjuger du partage à intervenir sur la propriété (art. 815-10). Il s'agit de la reprise des dispositions de l'actuel article 840 supprimé par l'article 4 du projet de loi.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement de réécriture globale de l'article 116 afin notamment de :

- poser expressément comme principe que le partage auquel est partie un présumé absent est amiable ;

- rendre la désignation du notaire par le juge facultative , le partage de successions ne comprenant pas d'immeubles ne nécessitant pas forcément le recours à un notaire ;

- rétablir la mention expresse du juge des tutelles , la seule mention du juge pouvant prêter à confusion avec le président du TGI.

? Le de cet article prévoit les mêmes simplifications de procédure pour les mineurs en administration légale pure et simple que celles prévues par le 3° s'agissant des présumés absents ou éloignés.

Il modifie l'article 389-5 qui prévoit qu'en présence d'un mineur dont les biens sont gérés sous le régime de l'administration légale pure et simple, c'est-à-dire par les deux parents exerçant en commun l'autorité parentale, le juge des tutelles doit autoriser le partage amiable, l'état liquidatif devant ensuite être homologué dans les conditions prévues à l'article 466, c'est-à-dire par le tribunal de grande instance.

Le projet de loi substitue à cette homologation une simple approbation .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, prévu que cette autorisation serait donnée par le juge des tutelles.

? Le de cet article traite du cas des mineurs et des majeurs sous tutelle et réécrit entièrement l'article 466.

Comme pour le présumé absent et la personne éloignée, l'actuel article 466 prévoit, lorsque l'un des successibles est un mineur ou un majeur sous tutelle 216 ( * ) , un partage judiciaire de principe ou un partage amiable sous contrôle judiciaire.

Contrairement aux présumés absents ou aux mineurs en administration légale pure et simple, qui relèvent du juge des tutelles, les mineurs et majeurs sous tutelle relèvent du conseil de famille 217 ( * ) . Ce conseil, présidé par le juge des tutelles, autorise le partage amiable et désigne un notaire. L'état liquidatif du partage est soumis à l'homologation du tribunal de grande instance. Le non-respect des formes prescrites a pour effet de ne rendre le partage que provisionnel.

Le projet de loi substitue à l'homologation de l'état liquidatif par le tribunal de grande instance l'approbation du conseil de famille . La phase judiciaire est cette fois totalement supprimée.

Cette garantie semble pourtant suffisante, le juge des tutelles ayant désigné les membres du conseil de famille et en étant le président. L'article 415 précise en outre qu'il a voix délibérative et prépondérante en cas de partage. De plus, l'article 416 prévoit la nullité des délibérations du conseil de famille en cas de dol, de fraude ou d'omission de formalités substantielles. L'action en nullité peut être exercée dans les deux ans par le tuteur, le subrogé tuteur, les membres du conseil et le ministère public, ainsi que par le mineur devenu majeur ou émancipé (le délai courant à compter de l'émancipation ou de la majorité). Enfin, les articles 1221, 1222 et 1223 du nouveau code de procédure civile permettent au juge des tutelles de suspendre l'effet exécutoire de la délibération et d'exercer un recours contre celle-ci, dans les quinze jours devant le tribunal de grande instance lorsque le partage apparaît déséquilibré.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement tendant à :

- mieux faire apparaître la préférence désormais accordée au partage amiable ;

- rendre facultative la désignation du notaire par le conseil de famille, pour les mêmes raisons que précédemment.

? Puis l'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, introduit un 4° bis et un 4° ter tendant à procéder aux coordinations nécessaires aux articles 461 et 462 qui traitent des particularités de l'option successorale pour les mineurs non émancipés et par renvoi, pour les majeurs sous tutelle. Cette option ne peut prendre la forme que d'une acceptation à concurrence de l'actif net ou d'une renonciation à une succession.

Il est précisé en particulier à l'article 462 l'impossibilité de révoquer une renonciation à une succession dès lors que l'Etat a été envoyé en possession.

? Le procède à une coordination au sein de l'article 465 relatif à l'impossibilité pour un tuteur d'introduire en l'absence d'autorisation du conseil de famille une demande de partage au nom du mineur et supprime la référence à l'article 822 relatif à l'action en partage, partiellement transposé au sein de l'article 841. L'Assemblée nationale a ensuite, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement rédactionnel.

• La possibilité offerte aux majeurs en tutelle de tester après avoir préalablement reçu l'accord du conseil de famille (6° bis nouveau)

Le bis , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet de réécrire l'article 504 du code civil afin d' autoriser les majeurs en tutelle à tester après avoir préalablement reçu l'accord du conseil de famille ou du juge des tutelles s'il n'y a pas de conseil de famille .

En l'état actuel du droit, le testament fait par le majeur après l'ouverture de la tutelle est nul de droit, le testament antérieurement fait restant valable, à moins qu'il ne soit établi que, depuis l'ouverture de la tutelle, la cause qui a déterminé le testateur à disposer a disparu.

Désormais, le majeur en tutelle pourrait tester à la condition d'y avoir préalablement été autorisé par le conseil de famille ou, à défaut, par le juge des tutelles 218 ( * ) . Pour établir un tel acte, il ne pourrait être représenté par son tuteur, même avec l'autorisation du conseil de famille ou du juge.

Ces dispositions s'inscrivent dans le droit fil de la loi sur le handicap qui a reconnu divers droits aux personnes atteintes de handicaps, en particulier le droit de vote.

L'amendement déposé par la commission des lois de l'Assemblée nationale exigeait que le testament fût fait par acte authentique. Cette obligation a été supprimée par un sous-amendement de M. Emile Blessig refusé par la commission mais soutenu par le Gouvernement.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a déclaré : « je ne suis pas favorable à ce que seul le testament par acte notarié soit recevable. En effet, soit la personne est apte à tester, et elle peut agir seule, soit elle n'est pas apte, et il ne faut pas l'autoriser à tester. C'est un point important. L'on ne peut confier au seul notaire la capacité de recevoir le testament d'un majeur sous tutelle . »

M. Sébastien Huyghe, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, a fait valoir, à l'inverse, qu'« en aucun cas la rédaction du testament n'aura lieu au sein du conseil de famille, qui se contentera d'autoriser la personne protégée à tester, et celle-ci ne sera pas protégée contre d'éventuelles pressions. Voilà le risque, et il n'est pas mince ! », ce à quoi le garde des sceaux a répondu que « Seul le conseil de famille, composé des proches, est apte à juger de la capacité du majeur sous tutelle à tester. Le notaire, quant à lui, va enregistrer ; il ne va pas enquêter pour savoir si le majeur sous tutelle a été manipulé ! Si tel était le cas, comment pourrait-il le savoir, d'ailleurs ? Certes, le risque de manipulation existe, mais il faut faire confiance au conseil de famille, comme nous y invite le droit. En aucun cas un professionnel qui authentifie les actes n'a pour mission de vérifier les arrière-pensées . »

En tout état de cause, s'il s'avérait que le testament a été rédigé sous pression d'un tiers, ce qui concerne surtout le cas du testament olographe, il serait susceptible d'être annulé pour vice du consentement.

Votre commission vous soumet en conséquence un amendement de précision. La rédaction retenue par l'Assemblée nationale pourrait induire que le contenu du testament doive être approuvé par le conseil de famille. Or l'objectif recherché est de permettre au majeur en tutelle d'être autorisé à faire le testament, sans qu'il puisse y avoir un contrôle de son contenu. L'amendement qui vous est proposé tend à lever cette ambiguïté.

• Les donations faites au nom du majeur en tutelle (6° ter et 7°)

L'article 505 du code civil prévoit qu'avec l'autorisation du conseil de famille, des donations peuvent être faites au nom du majeur en tutelle, mais seulement au profit de ses descendants et en avancement d'hoirie, ou en faveur de son conjoint.

Le ter , inséré par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Patrick Delnatte et après un avis favorable du Gouvernement mais un avis défavorable de la commission des lois, a pour objet de permettre au majeur sous tutelle de faire des donations également à ses collatéraux privilégiés, c'est-à-dire à ses frères et soeurs, neveux et nièces.

La modification proposée aurait toutefois pour conséquence d'interdire au majeur en tutelle de consentir une donation au bénéfice de son conjoint, ce qui n'était manifestement pas dans les intentions de l'auteur de l'amendement et de ses défenseurs.

Le tend quant à lui à faire référence aux donations en avancement de part successorale et non plus en avancement d'hoirie, par coordination avec la terminologie retenue par le projet de loi.

Votre commission vous soumet un amendement de réécriture de l'article 505 afin de réparer l'erreur matérielle résultant de la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, de faire référence aux frères et soeurs du donataire et à leurs descendants, dans la mesure où l'expression « collatéraux privilégiés » n'est pas employée dans le code civil, et de reprendre la modification rédactionnelle prévue par le projet de loi initial.

• Régime applicable en cas de vente simultanée de l'usufruit et de la nue-propriété d'un bien (9°)

Le du 22 de cet article met fin à l'incertitude actuelle concernant les modalités de répartition du prix de la cession d'un bien démembré entre l'usufruitier et le nu-propriétaire, qui ne concerne d'ailleurs pas spécifiquement les partages successoraux.

Il codifie la jurisprudence, qui se prononce en faveur de la répartition du prix de vente et des intérêts dus sur ce prix au prorata entre l'usufruit et la nue-propriété 219 ( * ) , solution contestée par une partie de la doctrine.

Les modalités de calcul de la valorisation respective des droits démembrés ne sont pas précisées par le projet de loi, ce qui renvoie à la liberté des parties. La jurisprudence a déjà accepté de ne pas asseoir nécessairement la valeur de l'usufruit sur le barème de l'article 762 du code général des impôts, qui ne s'impose qu'en matière fiscale, en se fondant par exemple sur l'âge de l'usufruitier et le revenu net qu'il pouvait espérer obtenir des actions vendues 220 ( * ) .

Rappelons cependant que la loi de finances pour 2004 a considérablement modernisé ce barème (art. 669 du code général des impôts), qui datait de 1901.

Le nouveau barème de l'usufruit
en proportion de la valeur en pleine propriété

Age de l'usufruitier

Valeur de l'usufruit

Valeur de la nue-propriété

Jusqu'à 20 ans

De 21 à 30 ans

De 31 à 40 ans

De 41 à 50 ans

De 51 à 60 ans

De 61 à 70 ans

De 71 à 80 ans

De 81 à 90 ans

À partir de 91 ans

9/10

8/10

7/10

6/10

5/10

4/10

3/10

2/10

1/10

1/10

2/10

3/10

4/10

5/10

6/10

7/10

8/10

9/10

En pratique, le contentieux en matière de répartition du prix entre usufruitier et nu-propriétaire est peu important, les parties se basant souvent sur les tables actuarielles dites de Xénard (du nom du notaire qui les a élaborées) permettant de déterminer la valeur économique de l'usufruit.

Le projet de loi laisse cependant aux parties la faculté de prévoir d'autres dispositions, et donc de reporter l'usufruit sur le prix, comme c'est la pratique notamment s'agissant de vente de parts sociales ou de valeurs mobilières. Dans ce cas, l'usufruit devient un quasi-usufruit, c'est-à-dire que l'usufruitier peut consommer les biens, à charge pour lui de les restituer à la fin de la période de l'usufruit (sans en devoir les intérêts s'il s'agit d'argent). En matière successorale, on peut ainsi démembrer la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie : l'usufruitier des fonds, s'il doit les préserver jusqu'à sa mort pour qu'ils reviennent au nu-propriétaire, conserve les intérêts perçus du placement de la somme considérée.

Selon la Chancellerie, le remploi du prix de vente décidé d'un commun accord par l'achat d'un autre bien sur lequel nue-propriété et usufruit se reporteraient par le jeu de la subrogation réelle dans les mêmes conditions que sur le bien aliéné resterait possible, conformément à la jurisprudence actuelle 221 ( * ) .

Le second alinéa reprend en les modernisant les dispositions de l'actuel article 621 qui dispose que la vente d'un bien grevé d'un usufruit ne modifie pas le droit de l'usufruitier s'il n'y a pas renoncé . La jurisprudence a posé comme principe que la cession n'est pas nulle, mais simplement inopposable à l'usufruitier, qui peut agir à cet effet par voie de tierce opposition.

Le projet de loi précise que cette renonciation doit être formelle. L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement rédactionnel afin de prévoir qu'elle est « expresse ».

• La mise en conformité du texte avec la réforme du divorce (11°, 14°, 14° bis, 15°)

? Le 11° de cet article tend à réparer un oubli de coordination de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce entrée en vigueur le 1 er janvier 2005 en modifiant l'article 732 du code civil, qui définit le conjoint successible comme le conjoint survivant non divorcé contre lequel il n'existe pas de jugement de séparation de corps ayant force jugée .

En effet, cette disposition est contradictoire avec l'article 301, également modifié par la loi de 2004, qui prévoit qu'en cas de décès de l'un des époux séparés de corps, l'autre époux conserve les droits que la loi accorde au conjoint survivant, à moins d'y renoncer.

Le conjoint séparé de corps demeure donc successible.

? En outre, le 15° du présent article modifie les articles 914-1 et 916.

L'actuel article 914-1 fait du conjoint survivant un héritier réservataire du quart des biens en l'absence de descendants et d'ascendants , tandis que l'article 916 prévoit que le de cujus peut librement disposer de ses biens en l'absence de descendant, d'ascendant et de conjoint survivant.

Ces deux articles précisent cependant que le conjoint survivant, pour être successible, doit respecter plusieurs conditions : ne pas être divorcé, ne pas avoir fait l'objet d'un jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée et ne pas être engagé dans une instance de divorce ou de séparation de corps.

Le projet de loi procède à une unification de la définition du conjoint successible en retenant uniquement la condition d'absence de divorce prononcé .

Cette disposition ne constitue pas une simple coordination. En l'absence de descendant et d'ascendant, l'époux en instance de divorce demeure donc réservataire. Cette solution peut paraître paradoxale, la volonté du de cujus n'étant certainement pas de maintenir les avantages consentis à son conjoint dont il veut divorcer. De plus, le de cujus ne pourra pas exhéréder son conjoint, puisque celui-ci est protégé par sa qualité d'héritier réservataire.

Si cette solution paraît contestable sur le fond , elle est toutefois conforme à la logique juridique , qui veut qu'un personne demeure formellement mariée jusqu'au prononcé du divorce. En effet, des procédures de divorce peuvent être abandonnées après une conciliation réussie, et des désistements peuvent intervenir à tout moment de la procédure.

? Le 14° de cet article vise à insérer un nouvel article 758-6 au sein de la section 2 du chapitre III du titre Ier du livre III du code civil consacrée aux « Droits du conjoint successible », afin de préciser les règles d'imputation successorale des libéralités reçues par le conjoint survivant.

La loi du 3 décembre 2001 a supprimé la règle selon laquelle les libéralités consenties au conjoint survivant, notamment en concours avec des descendants, devaient être imputées sur son usufruit légal (un quart de la succession) qui s'en trouvait diminué voire anéanti 222 ( * ) (ancien art. 767 223 ( * ) ).

Une controverse doctrinale est née de la suppression de cette imputation, la loi du 3 décembre 2001 n'ayant pas prévu de nouvelles dispositions :

- selon un premier courant , le conjoint survivant pourrait cumuler au-delà des limites de la quotité disponible spéciale entre époux ses droits légaux et ceux résultant d'une donation entre époux. Par exemple en présence d'un enfant commun, le conjoint donataire de l'une trois quotités de l'article 1094-1 224 ( * ) pourrait demander la moitié de la succession en pleine propriété au titre de la quotité disponible ordinaire en tant que donataire et l'usufruit de l'autre moitié en sa qualité d'héritier. Ce cumul permettrait au conjoint survivant de recevoir la quotité disponible ordinaire majorée de l'usufruit de la réserve ;

- selon un second courant , la juxtaposition des vocations légales 225 ( * ) et volontaires ne serait possible que dans les limites de la quotité disponible spéciale entre époux .

Le projet de loi a donc pour objectif de fixer un plafond et de déterminer le secteur d'imputation des donations de biens présents entre époux :

- il prévoit que sauf volonté contraire du disposant, les libéralités reçues du défunt par le conjoint survivant s'imputent sur ses droits dans la succession, ce qui signifie qu'elles ne s'ajoutent pas à sa vocation légale telle qu'elle résulte des articles 757 et suivants. L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, supprimé la possibilité pour le disposant d'exclure cette imputation, cette règle devant précisément contraindre le disposant à défendre les droits successoraux des descendants ;

- lorsque ces libéralités sont inférieures à sa vocation légale, le conjoint survivant pourra en demander le complément sans pouvoir excéder la quotité disponible spéciale . Ainsi, si le conjoint a reçu un usufruit portant sur le quart des biens, alors qu'en l'absence d'enfants du premier lit sa vocation successorale lui permet d'obtenir un usufruit sur la totalité des biens, sa part successorale sera augmentée en conséquence dans la limite de la quotité disponible spéciale entre époux.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement de clarification, afin de préciser que lorsque les libéralités reçues sont inférieures aux vocations légales définies aux articles 757 et 757-1 226 ( * ) , le conjoint survivant peut en réclamer le complément, sans jamais recevoir une portion des biens supérieure à la quotité définie, selon le cas, à l'article 1094-1 ou à l'article 1094-2 (selon que l'on se trouve ou non en présence d'enfants non issus des deux époux).

Votre commission approuve cette opportune clarification qui évitera toute interprétation abusive au profit du conjoint survivant des règles relatives à la quotité disponible. Elle vous propose cependant d'adopter un amendement de coordination avec son amendement de suppression de la réforme de la quotité disponible spéciale entre époux, qui devrait rester la même en présence ou non d'enfants non issus des deux époux.

? L'Assemblée nationale a ensuite, à l'initiative de Mme Béatrice Vernaudon, adopté avec les avis favorables du Gouvernement et de la commission des lois un amendement tendant à insérer un 14° bis afin d' étendre le droit à la jouissance gratuite du logement du conjoint survivant pendant un an à compter du décès prévu par l'article 763 du code civil à l'hypothèse où l'époux n'était que propriétaire indivis du logement . Comme pour les loyers, la charge de l'indemnité d'occupation sera à la charge de la succession.

Cette situation vise principalement la Polynésie française et la Corse, où l'indivision est très fréquente.

• Les règles de dévolution de la succession aux ascendants ordinaires (12°)

Le 12° a pour objet de lever une difficulté d'interprétation de l'article 734 du code civil, inséré par la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001.

Cet article détermine l' ordre des héritiers en l'absence de conjoint successible . Dans cette hypothèse, les parents sont appelés à succéder comme suit :

1° Les enfants et leurs descendants ;

2° Les père et mère ; les frères et soeurs et les descendants de ces derniers ;

3° Les ascendants autres que les père et mère ;

4° Les collatéraux autres que les frères et soeurs et les descendants de ces derniers.

Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d'héritiers qui exclut les suivants.

De cette rédaction est née une incertitude sur le point de savoir si, en l'absence de conjoint successible, les ascendants des père et mère demeurent dans la dévolution successorale ab intestat dans le troisième ordre en l'absence de collatéraux privilégiés, ainsi que cela a toujours été le cas. En effet, les père et mère du défunt sont désormais classés dans le deuxième ordre, aux côtés des frères et soeurs et leurs descendants. En revanche, les ascendants non privilégiés, donc autres que les père et mère, constituent un troisième ordre. Cet ordre serait alors exclu par la présence d'au moins un héritier d'un ordre précédent, et donc, notamment, par celle d'un seul des parents, évinçant ainsi entièrement l'autre branche.

Tel n'était pourtant pas l'intention du législateur en 2001, comme en atteste le maintien des articles 747 et 748, qui posent la solution traditionnelle suivant laquelle la « fente 227 ( * ) » prime « l'ordre ».

Il est ainsi prévu que, lorsque la succession est dévolue à des ascendants, elle se divise par moitié entre ceux de la branche paternelle et ceux de la branche maternelle. Le père ou la mère n'exclut les ascendants d'un autre degré que dans leur ligne respective, de sorte que ce n'est qu'à défaut d'ascendant dans une branche, que les ascendants de l'autre branche recueillent toute la succession.

La pratique notariale a d'ailleurs consacré cette interprétation du texte, en s'éloignant de la lettre apparente de l'article 734. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, aucune décision judiciaire n'aurait été rendue en sens contraire.

Pour résoudre cette difficulté, le 12° tend à insérer dans le code civil un article 738-1 explicitant complètement le cas de figure particulier concerné avec un mécanisme traditionnel de « fente » successorale entre les deux branches des ascendants.

En l'absence de conjoint successible, de postérité et de collatéraux privilégiés, et en présence d'un seul des deux parents de l'enfant prédécédé mais d'un ou plusieurs ascendants ordinaires de l'autre branche, il n'y aurait plus aucune ambiguïté possible sur le fait que la succession ab intestat serait alors répartie non pas entièrement au profit du seul parent survivant, mais pour moitié entre les deux branches : une moitié au profit du parent survivant, l'autre moitié au profit des ascendants de l'autre parent prédécédé.

• La création, au bénéfice des parents, d'un droit de retour sur les biens donnés à leur enfant prédécédé (12° bis)

Le 12° bis , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet d' instituer, au bénéfice des parents, un droit de retour sur les biens donnés à leur enfant prédécédé, qu'ils auraient la faculté d'exercer si celui-ci venait à décéder sans postérité . Il s'agit d'une contrepartie à la suppression de la réserve des ascendants opérée par l'article 12 du projet de loi.

A titre liminaire, il convient de rappeler que les parents, lorsqu'ils procèdent à la donation d'un bien au profit de l'un de leurs enfants, ont déjà la faculté de prévoir des clauses d'inaliénabilité temporaire -il est admis que les biens puissent rester inaliénables jusqu'au décès du donateur- et de retour du bien en l'absence de postérité du donataire . Les biens sont alors considérés comme n'ayant jamais quitté leur patrimoine. La pratique notariale recourt largement à ce type de clauses qui permettent d'assurer le maintien de certains biens, immobiliers notamment, dans la famille de sang.

Le dispositif proposé, qui consiste dans l'insertion d'un article 738-2 dans le code civil, a donc pour objet de prévoir un régime légal protecteur, ayant vocation à s'appliquer à défaut de volonté clairement exprimée par les parents au moment de la donation.

Dans cette hypothèse, les biens faisant l'objet du droit de retour seraient considérés comme faisant partie du patrimoine de l'enfant prédécédé. Aussi le droit de retour des père et mère ne pourrait-il s'exercer qu'à concurrence des quotes-parts fixées au premier alinéa de l'article 738, aux termes duquel :

- lorsque les père et mère survivent au défunt et que celui-ci n'a pas de postérité, mais des frères et soeurs ou des descendants de ces derniers, la succession est dévolue, pour un quart, à chacun des père et mère et, pour la moitié restante, aux frères et soeurs ou à leurs descendants ;

- lorsqu'un seul des père et mère survit, la succession est dévolue pour un quart à celui-ci et pour trois quarts aux frères et soeurs ou à leurs descendants.

La valeur de la portion des biens soumise au droit de retour s'imputerait en priorité sur les droits successoraux des parents.

Si le droit de retour ne pouvait s'exercer en nature -soit que les biens aient été aliénés, soit que leur valeur excède la part de la succession revenant aux parents- il s'exécuterait en valeur.

Dans la mesure où le droit de retour pourrait s'exercer en valeur, votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet d'éviter que, lorsque les biens donnés par les père et mère ont été aliénés et que les biens de la succession ne suffisent pas à remplir les droits que les ascendants peuvent avoir au titre du droit de retour, la charge ne passe aux héritiers désignés par le défunt, notamment à son conjoint survivant.

• Définition de la représentation et introduction de la représentation des renonçants (12° ter, 13°, 13° bis)

Le 12° ter , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet de réécrire l'article 751 du code civil, afin de définir la représentation comme « une fiction juridique qui a pour effet d'appeler à la succession les représentants aux droits du représenté ».

La modification proposée est d'ordre rédactionnel puisque la représentation est actuellement définie comme « une fiction de la loi, dont l'effet est de faire entrer les représentants dans les droits du représenté ».

Le 13° a pour objet de modifier l'article 754 du code civil afin d'introduire le principe de la représentation des successibles renonçant .

Depuis deux siècles, le code civil exclut expressément la représentation des renonçants vivants, en cantonnant le mécanisme de la représentation au cas des prédécédés.

Ces dispositions s'avèrent contestables et contestées : si l'enfant renonce de son vivant, il prive ses enfants de la part de succession de ses propres parents, alors que s'il décède préalablement, la transmission s'opérera normalement.

La loi du 3 décembre 2001 a modifié l'article 755 du code civil afin d'étendre la représentation au cas des héritiers du successible indigne encore vivant, cette représentation étant admise au profit de tous les enfants et descendants, y compris donc si l'indigne est un descendant collatéral, sous réserve naturellement du principe général d'exclusion du plus éloigné dans la ligne par le plus proche posé par l'article 752-1 du code civil.

L'article 754 du code civil dispose ainsi qu'« on représente les prédécédés, on ne représente pas les renonçants », alors que l'interdiction originelle concernait toutes les personnes vivantes.

La modification proposée par le projet de loi initial consistait à permettre aux seuls descendants du renonçant de le représenter dans la succession , et donc de ne pas être gravement lésés par cette renonciation de leur ascendant direct 228 ( * ) . En cas de mésentente, ce dernier conserverait la possibilité de renoncer à la succession au bénéfice de son frère par exemple, ce qui s'analyse comme une libéralité en sa faveur, avec le risque que ses propres héritiers n'engagent une action en réduction si cette libéralité s'avérait excessive. Il aurait aussi la possibilité d'accepter la succession et d'en dépenser l'actif.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a étendu cette faculté de représentation du renonçant de son vivant aux collatéraux privilégiés , déjà prévue dans le cas de l'indigne.

Alors que l'article 752 dispose que « la représentation a lieu à l'infini dans la ligne directe descendante », l'article 752-1 prévoit qu'en ligne collatérale, la représentation est admise en faveur des enfants et descendants de frères ou soeurs du défunt, soit qu'ils viennent à sa succession concurremment avec des oncles ou tantes, soit que tous les frères et soeurs du défunt étant prédécédés, la succession se trouve dévolue à leurs descendants en degrés égaux ou inégaux.

En revanche, la règle selon laquelle la représentation n'a pas lieu en faveur des ascendants , posée à l'article 752-1, serait maintenue .

Ces dispositions constituent le corollaire indispensable, dans le cas de la succession ab intestat , de la possibilité ouverte par le projet de loi en matière de libéralités de procéder à des donations trans-générationnelles, au profit d'un petit-enfant, et de la faculté nouvelle ouverte à l'enfant de renoncer a priori à toute action en réduction, par exemple dans le cas d'une atteinte à sa propre réserve consentie par ses parents au profit de ses enfants.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a également prévu l'obligation, pour les enfants du renonçant conçus avant l'ouverture de la succession de ce dernier, de rapporter les biens dont ils ont hérité en son lieu et place, pour le cas où ils viendraient en concours avec d'autres enfants conçus après l'ouverture de la succession de l'ascendant.

Quant aux donations faites au renonçant, elle a prévu qu'elles s'imputeraient, sauf volonté contraire du disposant, sur la part de réserve qui aurait dû lui revenir s'il n'avait pas renoncé.

Votre commission vous soumet deux amendements tendant à corriger une erreur de référence et une mauvaise insertion d'alinéas.

Le 13° bis , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, tend à modifier l'article 755 du code civil, relatif à la représentation de l'indigne, afin d'opérer un renvoi aux règles qui seraient désormais posées à l'article 754 pour ce qui concerne le rapport des biens reçus par les enfants conçus avant l'ouverture de la succession d'un héritier indigne et l'imputation des donations reçues par ce dernier en cas de représentation. Il s'agit d'une mesure de coordination.

• Les droits des frères et soeurs du défunt sur les biens reçus de leurs ascendants

La loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant a prévu la dévolution à ce dernier de l'ensemble de la succession ab intestat de son époux prédécédé dans l'hypothèse où ce dernier ne laisserait ni postérité, ni parents.

Toutefois, les biens reçus par le défunt de ses père et mère par succession ou donation et qui se retrouvent en nature dans la succession doivent être partagés pour moitié par le conjoint survivant avec les frères et soeurs du défunt ou leurs descendants . L'objectif de cette disposition est d'assurer le maintien d'une partie de ces biens dans la famille de sang.

Votre commission vous soumet un amendement tendant à insérer un nouvel alinéa avant le 14° de cet article et à modifier l'article 757-3 du code civil afin de prévoir l'hypothèse où ces biens auraient directement été transmis au défunt par ses ascendants et non par ses parents . Un tel élargissement semble en effet cohérent avec la possibilité prévue par le projet de loi de recourir à des donations-partages transgénérationnelles.

La donation-partage étant désormais possible au profit des petits-enfants, il est logique que ces biens soient compris dans l'assiette du droit de retour au profit des frères et soeurs du défunt en l'absence de postérité.

• L'aménagement de la prohibition des pactes sur succession future (16°, 16° bis, 17°, 17° bis)

? Le 16° modifie l'article 1130, qui établit la prohibition de principe du pacte sur succession future , en prévoyant qu'on ne peut renoncer à une succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une telle succession, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s'agit.

Cette prohibition souffre néanmoins de multiples dérogations 229 ( * ) , comme la clause commerciale du contrat de mariage, ou l'article 1870 qui autorise dans les statuts des sociétés civiles des clauses d'agrément des héritiers des associés. En outre, l'article 14 du présent projet ouvre la faculté de renoncer par anticipation à l'action en réduction des libéralités portant atteinte à la réserve.

Le 16° de cet article prévoit donc de reconnaître expressément cette possibilité de dérogations, tout en prévoyant qu'elles doivent être prévues par la loi . Il harmonise ainsi la rédaction de l'article 1130 avec celle de l'article 722 issue de la loi du 3 décembre 2001 qui prévoit déjà que « les conventions qui ont pour objet de créer des droits ou de renoncer ou à des droits sur tout ou partie d'une succession non encore ouverte ou à un bien en dépendant ne produisent effet que dans les cas où elles sont autorisées par la loi ».

On rappellera que les autres tempéraments au principe de prohibition autorisés par la jurisprudence en l'absence de textes ne sont pas considérés comme des pactes sur succession future et n'ont donc pas à être validés par la loi. On peut ainsi citer la clause d'accroissement (dite aussi pacte tontinier), dans la mesure où chacun des co-acquéreurs est propriétaire du bien dès l'origine sous la condition du prédécès de son co-contractant, la promesse unilatérale de vente, dont l'option ne peut être levée qu'après le décès du promettant et dont seule l'exécution est retardée jusqu'au décès, le droit existant dès la signature, ainsi que la vente ferme retardant au décès du vendeur le transfert de propriété et le paiement du prix.

? L'Assemblée nationale a ensuite inséré, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un 16° bis tendant à modifier l'article 1251 du code civil qui vise les hypothèses où la subrogation de plein droit est admise.

Il procède tout d'abord à une coordination compte tenu du remplacement de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire par l'acceptation à concurrence de l'actif net au profit de l'héritier bénéficiaire qui a payé de ses deniers les dettes de la succession.

En outre, il opère une coordination à la codification de la jurisprudence selon laquelle le renonçant demeure tenu au paiement des dettes funéraires opérée par l'Assemblée nationale à l'article 806 du code civil à l'article 1 er du projet de loi. La subrogation aura ainsi lieu de plein droit au profit de celui qui a payé de ses deniers les frais funéraires pour le compte de la succession et se retourne contre elle. Il pourra jouir du privilège sur les meubles du 2° de l'article 2101 du code civil.

Cet amendement clarifie également le fait que les frais funéraires sont d'abord une dette successorale et que le recours à l'obligation alimentaire ne vaut qu'à titre subsidiaire. En effet, il permet la subrogation même si la personne qui a payé n'y était pas tenue en application de l'article 806 modifié du code civil (par exemple un neveu qui n'est pas héritier car évincé par des héritiers de rang plus proche), afin d'éviter qu'elle soit considérée comme s'étant acquittée d'une obligation naturelle pour laquelle il n'y a pas de recours.

? Le 17° complète l'article 1390, issu de la loi du 13 juillet 1965 230 ( * ) , qui prévoit une exception à la prohibition des pactes sur succession future en autorisant des clauses dite commerciales dans les contrats de mariage. Ces clauses permettent au décès de l'un des conjoints que l'autre puisse bénéficier d'un droit d'acquisition ou d'attribution dans le partage de certains biens du prédécédé moyennant le paiement aux héritiers d'une indemnité.

Cette clause peut porter sur tout bien (et notamment le logement), mais est plus particulièrement utilisée pour le fonds de commerce, d'où son nom. Le conjoint survivant pourra ainsi poursuivre l'exploitation notamment s'il était conjoint collaborateur ou salarié. Si le conjoint survivant est héritier du prédécédé, l'opération s'analyse comme une opération de partage successoral et le conjoint survivant est attributaire du bien. Dans le cas contraire, il s'agit d'une vente en exécution d'une promesse figurant au contrat de mariage et le conjoint est simple acquéreur du bien.

Le projet de loi codifie la jurisprudence 231 ( * ) qui autorise cette clause à porter non sur l'obtention de la propriété d'un bien, mais sur l'octroi d'un bail en tant qu'élément du fonds de commerce ou de la location-gérance du fonds de commerce lui-même, parmi les biens propres de l'époux prédécédé. Cette validation législative est opportune dans la mesure où il s'agit d'une forme de pacte sur succession future.

Le conjoint survivant pourra donc exiger des héritiers l'obtention d'un bail -dont la nature n'est pas précisée et qui pourra donc être commercial, artisanal, rural ou professionnel- pour continuer l'exploitation du fonds qui lui est attribué dans l'immeuble dans lequel l'entreprise attribuée ou acquise 232 ( * ) est exploitée.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement rédactionnel afin de substituer à l'expression de « prémourant » celle de « prédécédé », utilisée depuis la réforme des successions des comourants opérée par la loi du 3 décembre 2001.

Elle a dans les mêmes conditions inséré un 17° bis tendant à modifier l'article 1392 qui prévoit que la mise en demeure de prendre parti pour l'exercice de la clause commerciale ne peut avoir lieu avant l'expiration du délai prévu au titre « Des successions » pour faire inventaire et délibérer.

Il s'agit d'une coordination avec la réforme de la procédure d'acceptation sous bénéfice d'inventaire, le délai de trois mois pour faire inventaire et de 40 jours pour délibérer sur l'option avant lequel l'héritier ne puisse être sommé d'opter étant remplacé par le délai unique de quatre mois prévu à l'article 792 modifié.

• Les droits successoraux liés au PACS (8°)

Le 8° de l'article 22 du projet de loi aborde la question des droits successoraux liés au PACS. Ils sont actuellement limités.

Le régime successoral du PACS

Le partenaire ne peut hériter qu'en vertu d'une disposition testamentaire, dans les limites de la quotité disponible ordinaire.

Il peut donc recevoir la moitié des biens successoraux en présence d'un enfant, le tiers en présence de deux enfants et le quart en présence de trois enfants et plus. En l'absence d'enfants, les ascendants bénéficient d'une réserve de la moitié de la succession, du quart si un seul est encore vivant. Le présent projet de loi propose cependant de supprimer cette réserve des ascendants, ce qui favorisera le partenaire survivant.

Le traitement fiscal de la succession est moins intéressant que celui des époux.

- Entre époux s'applique un abattement de 76.000 euros, en plus de l'abattement de 50.000 euros opéré sur l'ensemble de la succession depuis 2005 (art. 775 ter du code général des impôts). Il est également effectué un abattement de 20 % sur la valeur de l'immeuble constituant la résidence principale du défunt et de son conjoint. Le taux des droits de mutation s'échelonne ensuite entre 5 et 40 % selon la tranche.

- Le partenaire survivant ne bénéficie que d'un abattement de 57.000 euros. La loi de finances pour 2005 a supprimé le délai de deux ans imposé par la loi du 15 novembre 1999 pour en bénéficier et étendu au partenaire pacsé survivant le bénéfice de l'abattement de 20 % sur la valeur de la résidence principale. Le taux applicable est ensuite de 40 % jusqu'à 15.000 euros et de 50 % au-delà.

La loi du 3 décembre 2001, en améliorant les droits du conjoint survivant, a encore accru ces différences.

Le conjoint survivant dispose :

- d'un droit de jouissance gratuite du logement principal du couple pendant un an, qui être d'ordre public et ne peut lui être retiré par testament ;

- d'un droit d'habitation du logement s'il appartenait aux époux et/ou un droit d'usage des meubles le garnissant, jusqu'à son décès. Si la valeur de ce droit excède sa part successorale, il n'a pas à récompenser la succession. Le de cujus peut toutefois l'en priver par testament ;

- ainsi que d'un droit à pension alimentaire s'il est dans le besoin et en fait la demande dans un délai d'un an.

En revanche, le partenaire survivant ne peut qu'obtenir le transfert du bail du logement commun , même s'il n'est pas intervenu au moment de sa signature.

Il faut observer qu' hormis l'alignement de la fiscalité successorale, le groupe de travail sur le PACS n'a pas préconisé d'étendre les droits nouvellement ouverts en 2001 au conjoint survivant au partenaire de PACS survivant , contrairement à la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la famille et les droits des enfants.

Le projet de loi opère des coordinations relatives aux conditions dans lesquelles le partenaire d'un PACS peut bénéficier de l'attribution préférentielle .

L'actuel article 515-6 du code civil prévoit déjà que les dispositions relatives à l'attribution préférentielle sont applicables entre partenaires d'un PACS en cas de dissolution de celui-ci, à l'exception de celles relatives à tout ou partie d'une exploitation agricole, ainsi qu'à une quote-part indivise ou aux parts sociales de cette exploitation.

Ces attributions préférentielles concernent :

- la propriété ou le droit au bail du local qui lui sert effectivement d'habitation s'il y avait sa résidence à l'époque du décès et du mobilier le garnissant ;

- la propriété ou le droit au bail du local à usage professionnel servant effectivement à l'exercice de sa profession et des objets mobiliers à usage professionnel le garnissant ;

- la propriété d'une entreprise commerciale, industrielle ou artisanale dont l'importance n'exclut pas un caractère familial.

Les modifications apportées par l'article 1 er du projet de loi à ce dispositif contribuent à augmenter les droits du partenaire survivant. Ainsi, l'attribution préférentielle peut désormais porter sur l'entreprise libérale et sur des sociétés de capitaux et non plus seulement de personnes. En outre, l'exigence du caractère familial qui s'appliquait aux entreprises commerciales, industrielles ou artisanales est supprimée.

En cas de pluralité de demandes des cohéritiers, le juge tranche en fonction des intérêts en présence.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, et avec l'avis favorable du Gouvernement :

- rectifié une erreur matérielle, le projet de loi initial ayant omis une coordination et par conséquent exclu le partenaire survivant d'un PACS du bénéfice de l'attribution préférentielle du logement, qui lui est actuellement reconnue ;

- supprimé l'exclusion de l'attribution préférentielle portant sur l'exploitation agricole, qui ne parait pas justifiée.

L'Assemblée nationale a en outre, à l'initiative du Gouvernement, avec l'avis favorable de la commission des lois et à l'unanimité, inséré un 8° bis afin de garantir au partenaire survivant l'attribution préférentielle du droit du logement (art. 831-3 modifié). Cet amendement met en oeuvre une préconisation de la mission sur la famille et le droit des enfants précitée de l'Assemblée nationale.

Cette attribution de droit n'est actuellement reconnue qu'au conjoint survivant.

Toutefois, afin d'éviter des conséquences non voulues par le partenaire défunt, le bénéfice de ce droit est subordonné à la volonté expresse de ce dernier, qui doit l'avoir prévu par testament .

Le droit en vigueur permet déjà à un héritier copropriétaire de demander l'attribution préférentielle de la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement d'habitation s'il y avait sa résidence à l'époque du décès. Si cet héritier peut certes se trouver en concurrence avec des demandes d'attribution préférentielle d'autres héritiers, cette situation devrait être assez rare puisqu'elle suppose que ces héritiers soient également copropriétaires et aient également résidé dans le même logement.

La modification apportée par l'Assemblée nationale intéressera en revanche le partenaire lorsque le logement appartenait en totalité au défunt.

L'attribution préférentielle du logement se fera sous réserve d'une récompense du partenaire envers la succession. Elle supposera donc que le partenaire survivant soit en mesure de la régler.

Votre commission des lois vous propose d'améliorer la situation du partenaire survivant en prévoyant qu'il pourra exercer un droit de préemption en cas de vente par les héritiers du défunt du logement qu'il occupait au moment du décès, même en l'absence de testament.

L'Assemblée nationale a ensuite adopté, à l'unanimité à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable du rapporteur, un amendement reprenant une préconisation de la mission d'information sur la famille et le droit des enfants et tendant à améliorer la situation du partenaire survivant en le faisant bénéficier pendant un an du droit de jouissance du domicile commun , prévu par les deux premiers alinéas de l'article 763.

L'article 763 prévoit que si, à l'époque du décès, le conjoint successible occupe effectivement à titre d'habitation principale un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, il a de plein droit, pendant une année, la jouissance gratuite de ce logement ainsi que du mobilier. Si le logement était loué, les loyers lui sont remboursés par la succession pendant un an au fur et à mesure de leur acquittement.

En revanche, le dernier alinéa de cet article, qui prévoit que le droit à la jouissance gratuite du logement pendant un an est d'ordre public, n'est pas repris. Le partenaire d'un PACS pourra donc priver son partenaire de ce droit par testament, contrairement aux époux.

En revanche, l'Assemblée nationale a suivi le Gouvernement et la commission des lois (dont le rapporteur cependant s'était à titre personnel déclaré favorable) et rejeté un amendement de MM. Alain Vidalies, Patrick Bloche et les membres du groupe socialiste tendant à consacrer un droit viager au logement pour le partenaire survivant.

Le partenaire aurait pu ainsi demeurer dans l'habitation principale qu'il occupait effectivement au moment du décès et dont son partenaire était propriétaire.

Cet amendement reprenait une proposition de la mission d'information sur la famille et le droit des enfants et permettait au partenaire survivant d'un PACS de bénéficier d'un droit viager sur le logement et d'un droit d'usage de son mobilier, à condition que le défunt l'ait prévu dans son testament .

Il ajoutait une condition supplémentaire en prévoyant que si la valeur des droits d'habitation et d'usage excédait celle des droits successoraux recueillis par le partenaire survivant, celui-ci devrait verser une soulte pour compenser la différence. Cette particularité permettait de préserver la réserve d'éventuels héritiers légaux en impactant la seule quotité disponible.

Ce droit viager se distinguait ainsi que celui accordé au conjoint survivant sur deux points :

- l'existence d'une soulte, puisque le conjoint survivant n'en est jamais redevable, mais conserve au contraire le solde de ses droits s'ils sont supérieurs à la valeur des droits d'habitation et d'usage ;

- et l'incidence du testament, qui dans le cas du partenaire est indispensable pour lui ouvrir ce droit, alors qu'il n'intervient dans le cas de l'époux que pour l'en priver.

• Des coordinations

Le 10° a pour objet de modifier l'article 723 du code civil, aux termes duquel les successeurs universels ou à titre universel sont tenus d'une obligation indéfinie aux dettes de la succession, afin de remplacer le terme de « successeurs » par celui d'« héritiers », par cohérence avec les autres dispositions du projet de loi, notamment l'article 786 nouveau. Le terme « héritiers » a en l'espèce vocation à englober tous ceux qui viennent à la succession, du fait de la loi ou du fait d'un testament.

Toutefois, ces dispositions semblent désormais redondantes avec celles proposées par l'article premier du projet de loi pour l'article 786 du code civil. En conséquence, votre commission vous soumet un amendement tendant à abroger l'article 723.

Le 10 bis , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet de modifier l'article 730-5 du code civil, prévoyant que toute personne se prévalant sciemment et de mauvaise foi d'un acte de notoriété inexact, encourt les pénalités de recel, sans préjudice des dommages et intérêts qu'il pourrait être condamné à verser.

Les modifications proposées consistent :

- à tirer la conséquence du déplacement des dispositions relatives aux pénalités de recel de l'article 792 à l'article 778 du code civil, prévu par l'article premier du projet de loi ;

- à faire référence aux « dommages et intérêts » plutôt qu'aux « dommages-intérêts ».

Aux termes du texte proposé pour l'article 778 du code civil, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits divertis ou recelés. À titre de sanction, les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.

Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

Enfin, l'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession sur les biens du partage desquels il est exclu.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination tendant à insérer un nouvel alinéa après le 15° de cet article afin de remplacer, à l'article 937 du code civil, le terme d'hospices par ceux d'établissements de santé et d'établissements sociaux et médico-sociaux.

Le 17° ter , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet d'actualiser la rédaction des articles 1873-14 et 1973 respectivement relatifs aux conventions relatives à l'exercice des droits indivis en l'absence d'usufruitier et au contrat de rente viagère afin de faire référence au « prédécédé » plutôt qu'au « prémourant ».

Le 23° , inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet de réécrire l'article 2259 du code civil, aux termes duquel la prescription court encore pendant les trois mois pour faire inventaire et les quarante jours pour délibérer, afin d'opérer des coordinations avec les dispositions de l'article 1 er du projet de loi.

Le texte prévoit ainsi que la prescription court pendant :

- le délai de quatre mois, à compter de l'ouverture de la succession, accordé par le nouvel article 771 à l'héritier pour opter ;

- le délai de deux mois, à compter de la sommation d'opter, accordé par le nouvel article 772 à l'héritier pour prendre parti ou solliciter un délai supplémentaire auprès du juge lorsqu'il n'a pas été en mesure de clôturer l'inventaire commencé ou lorsqu'il justifie d'autres motifs sérieux et légitimes, ce délai étant suspendu à compter de la demande de prorogation jusqu'à la décision du juge saisi ;

- le délai de deux mois, à compter de la déclaration d'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net, accordé par l'article 790 à l'héritier pour déposer l'inventaire au tribunal ou solliciter du juge un délai supplémentaire.

? Les 18° et 19° procèdent à des coordinations aux articles 2013 et 2111 rendues nécessaires par la modification de l'article 878 par l'article 6 du projet de loi (voir supra ).

Actuellement, seuls les créanciers successoraux peuvent demander la séparation du patrimoine du défunt d'avec le patrimoine de l'héritier, ce qui leur permet d'être préférés aux créanciers personnels sur les biens successoraux, tout en conservant le droit de saisir les biens personnels du successeur, afin d'éviter lorsque l'héritier est insolvable de se retrouver en concurrence avec les créanciers personnels de l'héritier.

Le projet de loi prévoit une bilatéralisation de ce droit de préférence au bénéfice des créanciers personnels de l'héritier, qui pourront réciproquement demander à être préférés à tout créancier du défunt sur les biens de l'héritier non recueillis au titre de la succession et se prémuniront ainsi contre l'insolvabilité du défunt.

Le 18° de l'article 22 du projet de loi modifie le 6° de l'article 2103 qui prévoit que les créanciers et légataires du défunt sont privilégiés sur les immeubles de la succession par rapport aux créanciers personnels de l'héritier.

Il précise tout d'abord que ne sont concernés que les légataires de biens fongibles, les légataires de corps certains étant protégés par leur droit de préférence et leur droit de suite en vertu de leur droit de propriété qui remonte rétroactivement au jour du décès.

Il prévoit ensuite un droit de paiement prioritaire sur le patrimoine personnel de l'héritier au profit des créanciers personnels de celui-ci, par rapport aux créanciers de la succession.

Le 19° modifie de la même manière l'article 2011, qui prévoit que les créanciers et légataires du défunt conservent leur privilège par une inscription prise sur chaque immeuble héréditaire dans les quatre mois de l'ouverture de la succession, le privilège prenant rang à la date de l'ouverture.

? Le 20° substitue dans les articles 2103 et 2109 relatifs au privilège sur les immeubles la référence à l'article 866 à celle à l'article 924, au sein duquel ont été déplacées les dispositions de l'article 866 supprimé relatives aux donations réductibles.

? L'Assemblée nationale a enfin, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, inséré les 21° et 22° afin d'opérer deux coordinations rédactionnelles aux articles 2147 et 2258 respectivement relatifs à l'arrêt du cours des inscriptions hypothécaires sur les immeubles successoraux en cas d'acceptation sous bénéfice d'inventaire et à la suspension de la prescription à l'égard des créances contre la succession de l'héritier bénéficiaire, afin de tenir compte de la réforme de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 22 ainsi modifié .

Article 23 (art. 1109 bis nouveau du code général des impôts)
Liquidation des droits sur les successions vacantes ou en déshérence

Cet article, adopté sans modification par l'Assemblée, nationale en première lecture, a pour objet d'insérer un article 1109 bis dans le code général des impôts, afin de prévoir qu'à défaut de ressources disponibles, les droits d'enregistrement et de timbre exigibles sur les actes et procédures nécessaires à l'obtention de la décision déclarant la vacance ainsi qu'à la gestion des successions sont liquidés en débet.

Ces dispositions constituent, en substance, la reprise de celles du premier alinéa de l'article 16 de l'arrêté du 2 novembre 1971, qui serait abrogé en application de l'article 25 du projet de loi. Elles ont été jugées de nature législative dans la mesure où l'article 34 de la Constitution confie à la loi le soin de définir les règles concernant l'assiette, le barème et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures.

Sur le plan formel, elles trouveraient place au sein de la section VII (« Juridictions. Procédures diverses »), du chapitre IV (« Régimes spéciaux et exonérations de portée générale ») du titre IV (« Enregistrement, publicité foncière. Impôt de solidarité sur la fortune, timbre ») de la première partie (« Impôts d'Etat ») du livre premier (« assiette et liquidation de l'impôt ») du code général des impôts.

Sur le fond, elles permettent au service des domaines d'être dispensé de l'obligation d'acquitter les droits d'enregistrement et de timbre exigibles sur les actes et procédures nécessaires à l'obtention de l'ordonnance de curatelle -l'article premier du projet de loi unifie le régime des succession non réclamées, vacantes et en déshérence- en cas d'absence ou d'insuffisance de liquidités dans la succession. Bien évidemment, les droits dus au Trésor public sont acquittés, dans la mesure du possible, au moyen des premiers deniers encaissés par le service des domaines domaine. Toutefois, en cas d'insuffisance de l'actif successoral, ils tombent en non-valeur et le comptable public est déchargé de toute responsabilité pour non recouvrement des droits en question.

Ce dispositif est analogue à celui prévu pour les droits exigibles sur les décisions judiciaires du Trésor 233 ( * ) ou les droits et pénalités d'enregistrement et de timbre exigibles sur les décisions de mutations de propriété, d'usufruit ou de jouissance rendues dans les instances où l'une des parties bénéficie de l'aide juridictionnelle 234 ( * ) .

Votre commission vous propose d' adopter l'article 23 sans modification .

Article 23 bis (nouveau) (art. L. 23 du code du domaine de l'Etat)
Coordination en matière de successions acquises à l'Etat

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet de modifier l'article L. 23 du code du domaine de l'Etat, aux termes duquel les biens des personnes qui décèdent sans héritiers ou dont les successions sont abandonnées appartiennent à l'Etat, à moins qu'il ne soit disposé de ces biens par des lois particulières, afin de tirer la conséquence de la réécriture de l'article 768 du code civil, auquel il est fait référence, opérée par l'article premier du projet de loi.

En l'état actuel du droit, l'article 768 du code civil dispose qu'à défaut d'héritiers, la succession est acquise à l'Etat. Désormais, il ouvrirait à l'héritier la possibilité d'accepter la succession purement et simplement, d'y renoncer ou, lorsqu'il a une vocation universelle ou à titre universel, de l'accepter à concurrence de l'actif net. La référence à cet article n'aurait donc plus lieu d'être.

Seule subsisterait la référence à l'article 724 du code civil, aux termes duquel à défaut d'héritier, de légataires et donataires universels, la succession est acquise à l'Etat, qui doit se faire envoyer en possession.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 23 bis sans modification .

Article 23 ter nouveau (art. 764 du code général des impôts)
Coordination

L'Assemblée nationale a inséré, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un article additionnel tendant à tirer les conséquences dans le code général des impôts de l'abrogation de l'article 943 du code de procédure civile prévue par le 2° de l'article 25 du projet de loi et de la nature réglementaire des dispositions visées.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 23 ter sans modification .

Article 23 quater nouveau (art. 10 de la loi du 25 ventôse an XI)
Formalités requises pour la renonciation anticipée à l'action en réduction

L'Assemblée nationale a inséré, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un article additionnel tendant à modifier l'article 10 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat, par coordination avec la création de la renonciation anticipée à l'action en réduction opérée par l'article 14 du projet de loi.

Il complète le troisième alinéa de cet article, qui détermine les actes solennels pour lesquels le notaire doit intervenir en personne pour donner lecture des actes et recueillir les signatures des parties, et ne peut habiliter un clerc assermenté.

Il en est ainsi des actes nécessitant la présence de deux notaires ou de deux témoins, comme par exemple le testament authentique, ainsi que ceux prévus aux articles 73 (consentement des ascendants au mariage), 335 (reconnaissance d'un enfant naturel), 348-3 (consentement à l'adoption), 931 (donation entre vifs), 1035 (révocation d'un testament), 1394 (conventions matrimoniales) et 1397 (changement de régime matrimonial) du code civil.

Cette solennité parait particulièrement opportune s'agissant d'un acte grave.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 23 quater sans modification.

Article additionnel après l'article 23 quater (art. 11 de la loi du 25 ventôse an XI)
Exigence de la présence de deux notaires pour la renonciation anticipée à l'action en réduction

Votre commission vous propose d'adopter un amendemen t tendant à insérer un article additionnel afin de créer un article 11 dans la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat, par coordination avec la création de la renonciation anticipée à l'action en réduction opérée par l'article 14 du projet de loi.

Il vise à préciser que la personne renonçant de manière anticipée à exercer l'action en réduction devra être assistée par un notaire différent de celui du de cujus afin de lui garantir un conseil véritablement objectif et d'éviter toute suspicion.

Ce notaire sera désigné par le président de la chambre des notaires .

Article 23 quinquies (nouveau) (art. 3 de l'ordonnance du 18 juin 1816, art. L. 321-2 du code de commerce, art. 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers)
Interdiction faite aux huissiers de justice et aux notaires de procéder à des ventes volontaires dans les communes où est établi un commissaire-priseur judiciaire

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet d'interdire aux huissiers de justice et aux notaires de procéder à des ventes volontaires dans les communes où est établi un commissaire-priseur judiciaire.

Avant la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, les ventes de meubles aux enchères publiques ne pouvaient en principe être faites que par le ministère d'officiers publics ayant qualité pour y procéder, conformément aux dispositions de l'article 871 du code général des impôts.

Les commissaires-priseurs disposaient d'un monopole exclusif à Paris et dans les communes sièges de leurs offices, en application de la loi du 27 ventôse an IX et de l'ordonnance du 26 juin 1816. En dehors de ces communes, leur monopole s'exerçait en concurrence avec les autres officiers ministériels habilités à procéder aux ventes publiques, c'est-à-dire les notaires et les huissiers de justice. Sur le territoire des départements d'Alsace-Moselle, toutefois, leurs compétences étaient exercées par les huissiers de justice et les notaires.

La loi du 10 juillet 2000 a réduit le monopole des commissaires-priseurs aux ventes judiciaires , définies comme « les ventes de meubles aux enchères publiques prescrites par la loi ou par décision de justice ». Pour ces ventes, ils ont conservé leur statut d'officier ministériel et pris le nouveau titre de commissaires-priseurs judiciaires. Ce monopole est exercé concurremment avec les autres officiers publics ou ministériels et les autres personnes légalement habilitées, au rang desquels figurent les notaires et les huissiers de justice .

L'organisation et la réalisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ont en revanche été ouvertes à la concurrence et confiées à des sociétés de forme commerciale : les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques . Pour continuer à exercer cette activité, les commissaires-priseurs, y compris les commissaires-priseurs judiciaires, ont dû constituer de telles sociétés.

Par dérogation à cette obligation, la loi du 10 juillet 2000 a autorisé les notaires et les huissiers de justice à organiser et réaliser des ventes volontaires à titre accessoire, dans le cadre de leur office et selon les règles qui leur sont applicables 235 ( * ) . Pour autant, elle n'a pas abrogé les dispositions faisant interdiction aux huissiers de justice et aux autres officiers publics ou ministériels habilités par leur statut d'effectuer des ventes aux enchères publiques de meubles dans les communes où sont installés des commissaires-priseurs judiciaires , dispositions qui figurent à l'article premier de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers et à l'article 3 de l'ordonnance du 26 juin 1816 qui établit, en exécution de la loi du 18 juin 1816, des commissaires priseurs.

Dans une réponse à une question écrite de M. Jean Marsaudon, député, le garde des sceaux, ministre de la justice indiquait au mois de février 2001, qu'« il résulte des articles 1 er de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux huissiers de justice et 5 de son décret d'application du 29 février 1956 que ces officiers ministériels procèdent à ces ventes [volontaires], dans les lieux où il n'est pas établi de commissaire-priseur, dans le ressort du tribunal d'instance de leur résidence 236 ( * ) . » La même réponse était faite, au mois de septembre 2002, à une question écrite de M. Jean-Michel Ferrand, député 237 ( * ) .

A l'inverse, la première chambre civile de la Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 29 novembre 2005, que « l'interdiction faite aux huissiers de justice de procéder à des ventes dans les lieux où sont établis des commissaires-priseurs ne concerne que les ventes judiciaires » et pas les ventes volontaires. Il est vrai que les dispositions des deux ordonnances font référence aux « ventes publiques », sans distinguer les ventes volontaires et les ventes judiciaires.

L'objet des modifications proposées par le présent article, qui portent à la fois sur l'article 3 de l'ordonnance du 26 juin 1816, sur l'article L. 321-2 du code de commerce et sur l'article premier de l'ordonnance du 2 novembre 1945, est donc d' interdire expressément aux huissiers de justice et aux notaires de procéder à des ventes volontaires dans les communes où est établi un commissaire-priseur judiciaire .

Cette interdiction semble justifiée à un double titre :

- en premier lieu, ces officiers ministériels n'ont vocation à procéder à de telles opérations qu'à titre accessoire, l'activité de vente aux enchères publiques ne devant en aucune manière, en raison de la disponibilité qu'elle requiert, nuire à l'exécution du service public que la loi confie, à titre principal, à l'huissier de justice ou au notaire 238 ( * ) ;

- en second lieu, les huissiers de justice et les notaires ne sont pas soumis aux mêmes contraintes que les sociétés de ventes volontaires (procédure très rigoureuse d'agrément par le Conseil des ventes volontaires, formation en matière artistique...).

Recensant 71 études d'huissiers de justice et 8 études de notaires organisant régulièrement des ventes volontaires dans son rapport d'activité pour 2003, le Conseil des ventes s'est inquiété de la « manière dont certains huissiers de justice interprètent les dispositions de l'article L. 321-2 du code de commerce (...) en contravention avec la lettre comme avec l'esprit de la loi 239 ( * ) ». Aussi a-t-il été conduit saisir à dix-huit reprises les ordres professionnels, afin de dénoncer ces pratiques irrégulières, qui restent le fait d'une minorité d'officiers ministériels.

Quant au ministère de la justice, il a adressé aux procureurs généraux une circulaire datée du 6 janvier 2003 afin de leur demander de signaler aux instances professionnelles concernées les manquements constatés au regard du critère d'activité accessoire.

Si l'on peut souscrire aux mesures proposées par le présent article, leur rédaction mérite d'être précisée. En effet, alors que l'article L. 321-2 du code de commerce et l'ordonnance du 26 juin 1816 font interdiction aux huissiers de justice et aux notaires de procéder à des ventes volontaires dans les communes où est établi un commissaire-priseur judiciaire, tel n'est pas le cas de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, qui fait référence aux commissaires-priseurs en général. Votre commission vous soumet en conséquence un amendement tendant à réparer cette omission.

Elle vous propose d' adopter l'article 23 quinquies ainsi modifié .

Article 23 sexies - Encadrement de l'activité des généalogistes successoraux

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet d'encadrer l'activité des généalogistes successoraux.

Ces derniers sont peu nombreux et mal connus -il y aurait environ une centaine d'études en France employant environ 600 personnes pour un chiffre d'affaires annuel d'environ 80 millions d'euros : ils interviennent lorsqu'une personne meurt sans laisser d'héritier identifié ou lorsque le notaire chargé de la succession n'est pas certain de connaître l'ensemble des ayants droits.

L'article 745 du code civil permettant d'hériter jusqu'au sixième degré, il est en effet possible de bénéficier du patrimoine laissé par les petits-enfants des frères et soeurs de ses grands-parents.

Le généalogiste intervient généralement à la demande du notaire chargé du règlement de la succession. Un nombre important de dossiers -entre 30 % et 50 % selon l'Union des syndicats de généalogistes professionnels lui sont toutefois confiés par d'autres personnes : administrateurs judiciaires, syndics de copropriété, établissements financiers, compagnies d'assurance, collectivités territoriales, sociétés commerciales. Il peut également entreprendre des recherches proprio motu dès lors qu'une succession est notoirement vacante.

Ces recherches consistent dans la consultation de divers documents (registres de l'état civil, listes électorales...) et des démarches auprès des connaissances du défunt. S'il découvre un héritier, le généalogiste lui soumet un « contrat de révélation » avant de lui révéler le nom du défunt, aux termes duquel il perçoit une rémunération comprise entre 10 % à 15 % de l'actif brut selon l'Union des syndicats de généalogistes professionnels.

La profession de généalogiste n'est pas réglementée et le ministère de la justice s'est toujours opposé à ce qu'elle le devienne .

Son activité n'en est pas moins soumise à un certain nombre de règles destinées à concilier deux impératifs parfois contradictoires : permettre à ceux qui ont des droits à faire valoir mais sont inconnus du notaire d'en bénéficier et respecter la vie privée des familles .

Ainsi, la consultation directe des registres de l'état civil datant de cent ans et moins, dont la garde et la conservation sont assurées par les officiers de l'état civil, n'est permise qu'aux agents de l'Etat habilités à cet effet et aux personnes munies d'une autorisation écrite du procureur de la République, les recherches étant faites par les dépositaires des registres eux-mêmes 240 ( * ) .

« Consciente de l'intérêt que peuvent présenter certaines consultations, notamment celles nécessaires à la recherche d'héritiers pour la liquidation de successions, la Chancellerie, par une circulaire du 29 septembre 2004, a invité les procureurs à répondre favorablement aux requêtes lorsqu'elles sont formulées par des généalogistes présentant toutes garanties de compétence et de discrétion . L'objet de cette circulaire est de simplifier et d'accélérer l'instruction des demandes d'autorisation en indiquant les critères qui doivent conduire les parquets à les accueillir favorablement, notamment l'indication de la finalité des recherches entreprises, l'affiliation du requérant à une association de généalogistes ou l'existence d'un mandat donné par un notaire 241 ( * ) . ».

Par ailleurs, « la convention de révélation de succession est encadrée par un régime rigoureux et protecteur des héritiers, emprunté au droit civil général, ainsi qu'au droit de la consommation 242 ( * ) ». La jurisprudence considère en effet que cette convention constitue non pas un contrat aléatoire mais un contrat commutatif de prestation de services, qualification qui a une double incidence :

- en premier lieu, la convention de révélation de succession obéit aux dispositions du code de la consommation qui régissent le démarchage à domicile, notamment en organisant pour les particuliers une faculté de renonciation dans le délai légal et qui soumettent, à peine de nullité, le contrat à un formalisme destiné à protéger les consommateurs en assurant leur complète information ;

- en second lieu, la Cour de cassation a admis dans un arrêt du 5 mai 1998 que, par application de la théorie de la cause, le juge pouvait réduire les honoraires du généalogiste successoral apparaissant exagérés au regard des services rendus par celui-ci.

Ces quelques règles s'avèrent toutefois insuffisantes pour prévenir des abus qui, s'ils ne sont pas légion, n'en sont pas moins regrettables . La presse s'est ainsi plusieurs fois fait l'écho d'ententes entre un généalogiste et un notaire, un opérateur de pompes funèbres, un gérant de tutelle ou encore un employé d'une maison de retraite...

Pour remédier à ces abus, les syndicats représentatifs de la profession ont, d'une part, soumis leurs adhérents à une obligation de souscription d'assurance en responsabilité civile professionnelle et de garantie financière, d'autre part, entrepris d'élaborer avec l'AFNOR une norme professionnelle de qualité. De son côté, le Conseil supérieur du notariat a élaboré un code de bonne conduite en mars 2004.

Afin d' encadrer l'activité des généalogistes sans pour autant les transformer en une profession réglementée , l'Assemblée nationale propose la création d'un mandat de recherche d'héritier, qui s'inspire du dispositif mis en place par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dite « loi Hoguet », pour l'exercice de l'activité d'agent immobilier :

- seul serait valable le mandat donné par l'un des cohéritiers ou par le notaire chargé de la succession ;

- si une personne se livrait à une activité de recherche d'héritier sans disposer d'un tel mandat, elle ne pourrait pas recevoir de rémunération pour ses démarches.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a déclaré en séance publique : « Cet amendement permettra de faire disparaître certaines pratiques douteuses. Il présente en outre l'avantage de créer les conditions d'une moralisation de l'activité des généalogistes successoraux, sans créer une nouvelle profession réglementée. Le Gouvernement y est donc tout à fait favorable 243 ( * ) . »

Tout en souscrivant pleinement à l'objectif recherché, votre commission juge trop restrictive la liste des mandants. Elle est critiquée par une partie de la profession au motif :

- d'une part, qu'elle placerait les généalogistes sous la « tutelle » des notaires ;

- d'autre part, qu'elle empêcherait certaines recherches d'héritiers sans que cela paraisse justifié -par exemple, lorsqu'un bien immobilier a été omis dans la liquidation, lorsque la vacance de la succession est prononcée...

Votre rapporteur a reçu de nombreuses propositions d'amendement émanant des divers représentants de la profession, dont certaines se sont avérées contradictoires.

Il ne lui a semblé possible ni de dresser une liste limitative des mandants potentiels, sous peine de s'exposer à des oublis, ni de prévoir la désignation par le juge du mandataire, au risque de faire des généalogistes une profession réglementée et de réintroduire une judiciarisation du règlement des successions que le projet de loi cherche à juste titre à éviter.

L' amendement qui vous est soumis tend à permettre à toute personne de demander le concours de ce professionnel dès lors que la détermination des héritiers et le règlement de la succession revêt pour elle un réel intérêt. Cette rédaction devrait permettre d'éviter les abus les plus criants émanant de certains professionnels qui n'ont pas d'intérêt direct à la découverte des héritiers.

La recherche d'héritiers serait possible non seulement dans les successions ouvertes, mais encore dans les successions liquidées mais dont un bien a été omis dans le partage.

Enfin, l'obligation d'un mandat préalable serait maintenue sauf pour les successions vacantes ou en déshérence. Il paraît important de laisser aux généalogistes la liberté d'entreprendre des recherches, sans mandat préalable, uniquement dans le cas de successions auxquelles l'Etat peut prétendre et dont la liste est donc publique.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 23 sexies ainsi modifié .

Article additionnel après l'article 23 sexies (art. L. 621-29-7 du code du patrimoine)
Évaluation de la valeur d'un monument historique

Votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de préciser les modalités d'évaluation d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques.

Il vise à mieux prendre en compte au moment du partage la réalité des charges nécessaires à la conservation d'un monument historique .

Il prévoit que si l'héritier attributaire de ce bien est tenu de le conserver en raison d'une clause d'inaliénabilité , la fixation de la valeur du bien dans le partage doit être diminuée de l'importance des charges, y compris d'entretien , nécessaires à la préservation de l'immeuble durant toute la durée de la clause.

La minoration de la valeur qui en résultera permettra à l'héritier d'obtenir de la succession les biens nécessaires à l'entretien du bien.

Article 24 - Modernisation du vocabulaire du droit des successions

Cet article tire les conséquences de la modernisation du vocabulaire juridique spécifique au droit des successions opérée par le projet de loi dans un but d'accessibilité du droit. Ainsi, le terme « par préciput » d'origine latine a été remplacé par l'expression « hors part successorale », certains articles du code civil et les actes notariés employant déjà la formule « par préciput et hors part », bien qu'il s'agisse d'une redondance 244 ( * ) . De même, l'expression « en avancement d'hoirie » a été remplacée par l'expression « en avancement de part successorale ».

Afin d'assurer la sécurité juridique des actes antérieurs à la présente loi utilisant ces expressions, le projet de loi précise que leur portée demeure inchangée.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement pour viser également l'expression « préciputaire ».

Votre commission vous propose d' adopter l'article 24 sans modification.

Article 25 - Abrogations de dispositions relatives aux successions vacantes ou en déshérence

Cet article a pour objet de prévoir l'abrogation à compter de l'entrée en vigueur de la loi de diverses dispositions relatives aux successions vacantes ou en déshérence, par coordination avec l'unification de leur régime opéré par l'article premier.

• La loi du 20 novembre 1940 confiant à l'administration de l'enregistrement la gestion des successions non réclamées et la curatelle des successions vacantes

Validée à la Libération par l'ordonnance du 27 novembre 1944, cette loi comprend quatre articles dont les dispositions sont demeurées en vigueur mais revêtent pour certaines un caractère législatif et pour d'autres une valeur réglementaire.

Les dispositions revêtant une valeur législative seraient remplacées par les dispositions de l'article premier du présent projet, relatives aux successions vacantes.

Celles revêtant une valeur réglementaire et devant être conservées seraient intégrées dans les mesures réglementaires d'application de la future loi, qui devraient abroger également l'ensemble de l'arrêté du 2 novembre 1971 pris en application de la loi du 20 novembre 1940, en remplacement de celui du 24 juillet 1941 qu'il avait lui-même abrogé.

• Les articles 941 à 1002 du code de procédure civile

Ces articles, qui forment les dispositions demeurant en vigueur du livre II (« Procédures relatives à l'ouverture d'une succession ») de l'ancien code de procédure civile, traitent des modalités de l'inventaire en matière de succession (art. 941 à 944), des modalités de vente des biens meubles (art. 945 à 952), des procédures de partage et de licitation (art. 966 à 985), du bénéfice d'inventaire (art. 986 à 996), de la procédure de renonciation à succession (art. 997), de la mission et des pouvoirs du curateur à une succession vacante (art. 998 à 1002).

Leurs dispositions sont souvent archaïques puisque, pour la plupart, elles datent du XIX e siècle, et n'ont pas été globalement modernisées au sein du nouveau code de procédure civile, dans l'attente d'une réforme globale du droit des successions. Elles sont en principe de nature exclusivement réglementaire, bien qu'elles aient été prises en la forme législative. Certaines ont cependant été modifiées par des ordonnances prises en application de l'article 38 de la Constitution, donc dans le domaine législatif, à l'instar des articles 1000 et 1001 qui concernent les pouvoirs et obligations du curateur aux successions vacantes. D'autres ont été modifiées par la voie réglementaire, tels les articles 993 et 997 dont la rédaction résulte de décrets respectivement du 26 novembre 1965 et du 4 mars 1966.

Une abrogation d'ensemble par un texte réglementaire aurait donc préalablement exigé le prononcé de leur déclassement par le Conseil constitutionnel saisi en application de la procédure prévue à l'article 37 de la Constitution. Mais l'identification en leur sein des dispositions législatives, d'une part, et réglementaires de l'autre -qui seules auraient pu être annulées par le décret d'application de la future loi- aurait été délicate. Il a donc été jugé préférable, par souci de simplification, d'abroger l'ensemble de ces articles de procédure civile, que leur nature soit législative ou réglementaire, directement dans le présent texte, en intégrant celles de nature législative dans le code civil.

• « Les dispositions spécifiques à l'administration des successions et biens vacants dans les départements d'outre mer, notamment le décret du 27 janvier 1855 sur l'administration des successions vacantes dans les colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion, les textes qui en ont étendu l'application et les textes pris pour son application »

La définition d'un régime particulier de la curatelle aux successions vacantes applicable dans les départements d'outre-mer s'est imposée à l'origine en raison du caractère aventureux de la vie qui y était menée par les premiers pionniers qui se sont risqués dans ces territoires, des disparitions fréquentes, ou des départs soudains à la suite desquels les fortunes commencées restaient en souffrance.

Cette situation ayant sensiblement évolué, il n'y a plus lieu de maintenir une dualité du droit applicable dans les départements et régions d'outre-mer.

La loi de départementalisation du 19 mars 1946 avait d'ailleurs déjà consacré ce principe, en prévoyant que les textes applicables en France métropolitaine non encore applicables dans les colonies devaient faire l'objet, avant le 1 er janvier 1947, de décrets d'application à ces nouveaux départements. En particulier, un décret aurait donc dû étendre l'application de la loi du 20 novembre 1940 aux quatre nouveaux départements d'outre-mer. Mais, apparemment en raison d'une simple omission, il semble qu'aucun décret n'ait été pris à cet effet, les départements d'outre-mer demeurant ainsi soumis à une législation dont certaines dispositions datent de 1781.

Le présent article propose de mettre fin à cette situation, en appliquant dans les départements d'outre-mer le nouveau droit métropolitain. La formulation retenue par le projet vise ainsi à abroger toute disposition encore en vigueur. Elle présente la triple particularité d'abroger des dispositions non identifiées autrement que par leur objet, tout en y incluant un texte pris au XIX e siècle sous la forme réglementaire. En l'occurrence, cette formulation a été choisie en raison de l'impossibilité d'identifier exhaustivement les modifications du décret concerné.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 25 sans modification .

Article 26 (art. 2298, 2299, 2300 et 2301 du code civil)
Coordinations et application outre-mer

Le présent article précise les modalités d'application de la réforme du droit des successions et libéralités outre-mer.

? Le premier paragraphe (I) concerne Mayotte .

En application de l'article 1 er de l'ordonnance n° 2002-1476 du 19 décembre 2002 245 ( * ) , les conditions d'application du code civil à Mayotte sont précisées dans le livre IV du code civil « Dispositions applicables à Mayotte ».

Le I de cet article procède donc aux articles 2298 à 2301 de ce livre aux substitutions de références nécessaires du fait de la réécriture par l'article 4 du projet de loi des dispositions applicables en matière d'attribution préférentielle.

L'article 2297 pose le principe de l'application à Mayotte de l'ensemble du livre III du code civil et donc de son titre Ier relatif aux successions, à l'exception de l'article 832-3 qui prévoit la possibilité d'obtenir la poursuite du bail à long terme pour une exploitation individuelle non maintenue dans l'indivision.

Les articles 2298 à 2302 excluent en outre le cinquième alinéa de l'article 832 et les deuxième, troisième et cinquième alinéas de l'article 832-2 et prévoient des conditions particulières d'application des dispositions relatives au nantissement, aux privilèges et hypothèques, à l'expropriation forcée et à l'ordre des créanciers.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, corrigé diverses erreurs matérielles de coordination.

? Le second paragraphe (II) rappelle que cette loi est applicable de plein droit à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie, à l'exception des dispositions relatives à l'attribution préférentielle .

Sont donc exclus les nouveaux articles 831-1 (qui reprend le 5 ème alinéa de l'actuel article 832), 832-1 (qui reprend l'actuel 832-2) et 832-2 (qui reprend l'actuel 832-3), ces trois articles mentionnant le code rural, qui n'est pas applicable dans ces collectivités.

S'agissant de Mayotte, l'article 3 de la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte prévoit déjà que « Outre les lois, ordonnances et décrets qui en raison de leur objet sont nécessairement destinés à régir l'ensemble du territoire national, sont applicables de plein droit à Mayotte les lois, ordonnances et décrets portant sur les matières suivantes : (....) 3° Régimes matrimoniaux, successions et libéralités (...) ». Cette mention semble donc superflue.

Pour Wallis et Futuna et la Nouvelle-Calédonie, les questions relatives à l'état des personnes s'appliquent automatiquement.

Au contraire, l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française exige une mention expresse pour l'applicabilité des matières relevant de la compétence de l'Etat, dont font partis les régimes matrimoniaux, successions et libéralités.

Conformément à l'article 22 de la loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de Saint-Pierre-et-Miquelon, la loi y est applicable de plein droit, hormis en matière fiscale et douanière ainsi que pour l'urbanisme et le logement, sans qu'il soit nécessaire de le mentionner.

L'Assemblée nationale a ensuite adopté, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement visant à prendre en compte le fait que la Polynésie française a compétence exclusive en matière de successions vacantes.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 26 sans modification .

Article 26 bis nouveau - Situation des enfants naturels

L'Assemblée nationale a inséré, à l'initiative de Mme Béatrice Vernaudon et avec les avis favorables du Gouvernement et de la commission des lois, un article additionnel tendant à améliorer la situation des enfants naturels dans les successions ouvertes avant 1972 .

En effet, si la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant a aligné les droits des enfants adultérins sur celui des enfants légitimes s'agissant des successions ouvertes mais n'ayant pas donné lieu à partage à la date de sa publication, elle n'a pas étendu cette disposition aux enfants naturels simples.

Or, si la loi du 3 janvier 1972 a mis fin aux discriminations successorales des enfants naturels vis-à-vis des enfants légitimes, elle n'a pas prévu d'application rétroactive pour les successions déjà ouvertes à cette date .

Outre-mer, et notamment en Polynésie française, de nombreuses successions ouvertes avant 1972 ne sont toujours pas partagées du fait de la généralisation de l'indivision.

Cet article pallie donc opportunément cette lacune, contraire à la Convention européenne des droits de l'Homme et à la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 26 bis sans modification.

Article additionnel après l'article 26 bis - Régime des donations de biens présents ne prenant pas effet au cours du mariage

Votre commission vous propose en outre d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de préciser que sauf clause contraire, les donations de biens présents qui ne prennent pas effet au cours du mariage consenties entre le 1 er janvier 2005 et l'entrée en vigueur de la présente loi sont librement révocables dans les conditions prévues par l'article 1096 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1 er janvier 2005.

Il s'agit d'éviter d'avoir une pluralité de régimes.

Article additionnel après l'article 26 bis (art. 265 du code civil)
Clause de reprise des apports de biens propres en cas de divorce

Votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de confirmer l'efficacité de la clause de reprise des apports de biens propres en cas de divorce, contenue dans un contrat de mariage ou un acte modificatif du régime matrimonial , qu'il ait été signé avant ou après le 1 er janvier 2005.

Cette clause, également dite « clause alsacienne », est très répandue, principalement dans le cadre de changements de régimes matrimoniaux avec apports de biens à la communauté .

Si ces changements de régimes matrimoniaux permettent de transmettre le patrimoine au conjoint survivant sans fiscalité, l'augmentation constante du nombre des divorces, y compris d'époux âgés, rend nécessaire l'insertion d'une telle clause.

La validité de ces clauses a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Colmar du 6 mai 1990. Néanmoins, un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 17 janvier 2006 a estimé la clause de reprise des apports inapplicable 246 ( * ) en faisant prévaloir la législation du divorce relative aux avantages matrimoniaux.

Votre commission vous propose donc de valider cette clause.

Article additionnel après l'article 26 bis (art. 1527 du code civil)
Renonciation à l'action en retranchement

Votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de permettre la renonciation à l'exercice de l'action en retranchement jusqu'au décès de l'époux survivant qui obéirait à la même logique que la renonciation anticipée à l'action en réduction des libéralités excessives.

Rappelons qu'en vertu de l'article 1527 du code civil, cette action est ouverte aux enfants d'un premier lit à l'encontre du beau-parent qui bénéficie d'un avantage matrimonial portant atteinte à leur réserve héréditaire (par exemple l'adoption de la communauté universelle avec clause d'attribution au survivant).

Cet amendement tend à favoriser des pactes de famille permettant au conjoint survivant de rester en possession des biens du défunt jusqu'à son décès, les enfants signataires du pacte ne renonçant pas à leurs droits réservataires, mais acceptant d'y prétendre plus tardivement.

Afin d'assurer la protection des enfants du premier lit, la renonciation se ferait dans les formes prévues aux articles 929 et suivants pour la renonciation anticipée à l'action en réduction contre une libéralité excessive.

Afin de sauvegarder l'effectivité de leurs droits futurs, les héritiers pourraient faire inscrire un privilège sur les immeubles dépendant de la communauté et exiger un inventaire des meubles.

Article additionnel après l'article 26 bis (art. 1397 du code civil)
Déjudiciarisation du changement de régime matrimonial

Votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de prévoir la déjudiciarisation du changement de régime matrimonial .

? Actuellement , l'article 1397 prévoit la possibilité de changer de régime matrimonial après deux années d'application, dans l'intérêt de la famille et par acte notarié soumis à l'homologation du tribunal de grande instance .

Mention en est portée en marge de l'acte de mariage et la demande et la décision d'homologation sont publiées. Les créanciers peuvent former tierce opposition contre le jugement d'homologation s'il a été fait fraude de leurs droits.

? Le changement de convention matrimoniale intervient souvent pour préparer une succession, notamment lorsque les époux choisissent la communauté universelle avec attribution au dernier vivant qui permet au conjoint survivant de ne pas acquitter de droits au décès de son époux.

? L'exigence d'une homologation par le tribunal parait peu justifiée :

- elle n'a en pratique souvent pas d'autre effet que d'allonger la procédure et d'en augmenter le coût . Ainsi, en 2003, sur les 21.463 demandes d'homologation, 21.221 ont été totalement acceptées , 186 partiellement acceptées et seulement 56 rejetées 247 ( * ) ;

- il n'est pas prévu d'homologation lors du choix du régime matrimonial au moment du mariage ;

- cette procédure introduit désormais une véritable inégalité entre les époux, puisqu'elle n'est requise que lorsque les deux époux sont Français . En effet, la convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux s'y oppose dès lors que le contrat de mariage comporte une part d'extranéité, c'est-à-dire que l'un des époux n'a pas la nationalité française.

? Votre commission vous propose donc de simplifier cette procédure, conformément à l'esprit du projet de loi et à la démarche générale d'allègement des procédures administratives engagée depuis 2002.

Le changement de régime matrimonial, toujours soumis à une durée de deux ans d'application, ferait l'objet d'une publicité et serait notifié aux enfants . Actuellement, la loi ne prévoit pas la consultation des enfants, même si elle est en fait systématique.

Les créanciers, en cas de fraude à leurs droits, et les enfants, si le changement est contraire à l'intérêt de la famille, pourraient engager une action en opposition dans un délai de trois mois , ce délai courant pour les créanciers à partir de la publication de l'acte notarié et pour les enfants à compter de la notification.

Article 27 - Entrée en vigueur et dispositions interprétatives

Le présent article prévoit les dispositions nécessaires à l'entrée en vigueur de la réforme des successions et des libéralités et clarifie la portée de certaines des dispositions de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce.

1- Le paragraphe I prévoit que la présente loi entrera en vigueur douze mois après sa publication, hormis les dispositions relatives aux successions vacantes, prévues à la section 1 du chapitre V du titre Ier du livre III du code civil -qui comprend les articles 809 à 810-12- qui entreront en vigueur après seulement six mois.

La longueur de ce délai, double de celui prévu pour l'entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant, est justifiée par le Gouvernement par la lourdeur des dispositions réglementaires à prévoir, notamment pour expliciter les modalités d'application des nouvelles procédures d'acceptation à concurrence de l'actif net, de partage ou de renonciation anticipée à exercer des actions en réduction. De plus, toutes les dispositions réglementaires prévues par l'avant-projet et souvent existantes dans le droit en vigueur ont été renvoyées au décret.

Considérant que l'exception faite au profit des dispositions relatives aux successions vacantes, pourtant largement inspirées du modèle de l'acceptation à concurrence de l'actif net, ne paraissait pas justifiée, l'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, retenu une date d'entrée en vigueur commune à l'ensemble du projet de loi fixée au 1er janvier 2007 .

Une telle solution, qui devrait permettre une entrée en vigueur différée d'environ six mois, a déjà été choisie pour la loi de sauvegarde des entreprises (promulguée le 26 juillet 2005 et entrée en vigueur au 1 er janvier 2006) ou la loi de réforme du divorce du 26 mai 2004 entrée en vigueur au 1 er janvier 2005.

L'Assemblée nationale a cependant subordonné l'abrogation des articles du code ancien de procédure civile à l'entrée en vigueur des textes d'application de la loi nouvelle , suivant la technique utilisée par les ordonnances de codification pour les textes pris en la forme législative mais dont la nature est réglementaire.

2- Le paragraphe II prévoit l'application automatique des nouvelles dispositions à toutes les successions ouvertes postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi.

? Cette application s'imposera que la succession ait ou non fait l'objet d'une libéralité et que cette libéralité soit antérieure ou postérieure à l'entrée en vigueur de la loi.

Cette disposition est justifiée par la Chancellerie par la volonté de ne pas maintenir artificiellement un régime abrogé pendant un nombre d'années indéfini puisque courant potentiellement jusqu'à l'ouverture de la dernière succession mettant en cause une libéralité consentie sous le régime antérieur à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Elle prend cependant une dimension particulière du fait de la réforme de la quotité disponible spéciale entre époux prévue à l'article 21 du projet de loi.

Si les testaments rédigés avant l'entrée en vigueur de la loi ne seront pas pour autant caducs, les libéralités prévues qui excéderaient désormais la nouvelle quotité disponible spéciale entre époux seront automatiquement réduites . Ainsi, si le testateur avait prévu d'accorder l'usufruit universel à son conjoint, celui-ci ne recevra plus que la moitié en présence d'enfants non communs.

Cette réforme aura donc des conséquences qui n'ont sans doute pas été pleinement mesurées par les auteurs de la réforme, alors même que la pratique notariale a encouragé depuis des décennies l'attribution de l'usufruit universel au conjoint survivant. Elle porte en outre atteinte aux anticipations des testateurs et de nombreuses personnes qui se croient protégées risquent de sévères déconvenues à l'ouverture de la succession.

Si elle était adoptée, elle impliquerait pour les notaires d'informer individuellement chaque personne ayant déjà pris ses dispositions.

Rappelons toutefois que votre commission vous a proposé à l'article 21 du projet de loi de supprimer cette réforme.

? Néanmoins, le projet ne prévoit aucune application aux successions déjà ouvertes , pour éviter une véritable rétroactivité, toujours sujette à caution.

L'Assemblée nationale a adopté à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement un amendement tendant à permettre une application immédiate au 1 er janvier 2007 de certaines dispositions de la loi aux indivisions existantes et aux successions ouvertes non encore partagées à cette date.

Les dispositions visées sont celles susceptibles de faciliter et d'accélérer le règlement définitif des successions lorsqu'il est bloqué ou de simplifier l'administration des indivisions :

- s'agissant de la gestion des indivisions (article 2 du projet de loi), la majorité des deux tiers aura vocation à s'appliquer aux indivisions existant au jour de l'entrée en vigueur de la loi , sauf si une convention d'indivision est applicable 248 ( * ) . De plus, les nouvelles dispositions relatives au mandat judiciaire (art. 813 à 814-1 modifiés du code civil) seront également applicables en cas de conflit ;

- les dispositions relatives aux partages , amiable et judiciaire, seront également applicables aux indivisions successorales et conventionnelles (articles 3 et 4 du projet de loi et nouveaux articles 116 et 466 du code civil). Ainsi, les héritiers actuellement bloqués notamment par le fait d'un indivisaire taisant ne seront pas obligés, même si la succession est ouverte avant l'entrée en vigueur de la loi, de demander un partage judiciaire ;

- les dispositions concernant les effets du partage et la garantie des lots (article 7 du projet de loi) et les actions en nullité et complément de part (article 8 du projet de loi) seront également applicables ;

- enfin, l'Assemblée a prévu l'application immédiate des nouvelles dispositions de l'article 515-6 concernant les droits successoraux attachés au PACS , c'est-à-dire l'attribution préférentielle de droit pour le logement au profit du partenaire survivant et le nouveau droit de jouissance gratuite du logement pendant un an.

Enfin, l'Assemblée nationale a précisé que la loi ancienne continuerait à s'appliquer lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la loi, qu'il s'agissant de la première instance, de l'appel ou de la cassation. Une solution identique avait été retenue par la loi du 26 mai 2004 relative au divorce.

3- Le paragraphe III précise l'application du droit nouveau des donations entre époux résultant de l'article 1096 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce.

Alors que les donations entre vifs étaient toujours irrévocables, l'ancien article 1096 du code civil prévoyait une exception s'agissant des donations consenties entre époux au cours du mariage.

L'époux pouvait donc révoquer jusqu'à son décès la donation faite à son conjoint, sans même l'en avertir, ce qui était très critiqué, d'autant que les donations consenties entre concubins, obéissant au droit commun des donations entre vifs, étaient elles irrévocables.

La loi du 26 mai 2004 a donc prévu l'irrévocabilité (sauf exceptions prévues par le droit commun des donations entre vifs 249 ( * ) ) des donations entre conjoints de biens présents , les donations de biens à venir faites entre époux durant le mariage demeurant a contrario révocables.

Néanmoins, si cette loi prévoyait une entrée en vigueur différée globalement au 1 er janvier 2005, elle n'a pas précisé le sort des donations de biens présents entre époux consenties antérieurement .

La doctrine s'est donc interrogée sur le choix du régime à leur appliquer : le régime de révocabilité sous lequel la donation avait été consentie, ou le nouveau régime d'irrévocabilité, postérieur à la donation ?

Le principe de survie de la loi ancienne en matière contractuelle, le contrat valant « loi entre les parties », aurait pu conduire à maintenir implicitement, pour les donations passées, le régime de révocabilité des donations de biens présents entre époux sous lequel elles avaient été accordées. La doctrine a néanmoins estimé que ce contrat devait être envisagé au regard du statut matrimonial, lequel est d'essence législative et s'impose aux parties. Elle a donc plutôt milité en faveur de l'application de la loi aux donations antérieures, par souci d'unité de la législation applicable, pour éviter toute survie d'une loi ancienne, source de confusion. Ceci correspond d'ailleurs au choix opéré par le II du présent article pour le présent projet de réforme.

Le projet de loi indique pourtant queles donations de biens présents faites entre époux avant le 1er janvier 2005 demeurent librement révocables , dans les conditions de l'ancien article 1096 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004.

En effet, l'absence de disposition transitoire traduisait précisément l'intention du législateur de 2004 de conserver l'ensemble des donations antérieures sous l'ancien régime. Il paraît en effet très difficile d'imposer aux donateurs l'irrévocabilité de donations consenties sous le régime de la révocabilité. Ceux-ci pourraient s'estimer abusés par le changement de la loi qui leur interdirait de revenir sur une décision qu'ils ont pu prendre précisément parce qu'ils savaient pouvoir, le cas échéant, la faire disparaître au moment qu'ils jugeraient opportun. Les personnes souhaitant garantir l'irrévocabilité de leur donation devront donc préalablement la révoquer pour en conclure une nouvelle.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé le caractère interprétatif de cette disposition. Cette précision parait nécessaire du fait de la jurisprudence de la Cour de cassation 250 ( * ) , qui subordonne désormais l'application d'une loi interprétative aux instances en cours à « l'existence d'impérieux motifs d'intérêt général ». Elle ne peut donc rétroagir que si le législateur a exprimé, dans le texte même de la loi ou dans les travaux préparatoires, ces motifs impérieux justifiant une dérogation au principe de non-rétroactivité.

Rappelons en outre que cela ne vise que les donations qui prennent effet au cours du mariage , en vertu de la modification apportée à l'article 1096 du code civil par l'article 21 du projet de loi dans sa rédaction issue de l'Assemblée nationale.

4- L'Assemblée nationale a en outre, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que le 12° de l'article 22 constituait une disposition interprétative de la loi du 3 décembre 2001 relative au conjoint survivant.

En effet, la nouvelle rédaction retenue pour l'article 734 du code civil par cette loi pour déterminer les ordres d'héritiers a fait naître une ambiguïté sur le fait de savoir si, en l'absence de conjoint successible, les ascendants des père et mère demeurent dans la dévolution successorale ab intestat dans le troisième ordre en l'absence de collatéraux privilégiés ainsi que cela a toujours été le cas. L'article 734, dans sa rédaction issue de la loi de 2001, classe en effet les père et mère dans la deuxième catégorie d'héritiers au même niveau que les frères et soeurs et leurs descendants. En revanche, les ascendants non privilégiés, donc autres que les père et mère, constituent un troisième ordre, qui serait alors exclu par la présence d'au moins un héritier d'un ordre précédent et donc notamment par celle d'un seul des parents, évinçant ainsi entièrement l'autre branche.

Or, le législateur de 2001 n'avait pas l'intention de modifier cette règle en ce sens puisqu'il a conservé les articles 747 et 748 qui posent la solution traditionnelle suivant laquelle la fente est plus forte que l'ordre. Sont maintenues les règles suivant lesquelles « lorsque la succession est dévolue à des ascendants, elle se divise par moitié entre ceux de la branche paternelle et ceux de le branche maternelle ». C'est seulement dans leur ligne respective que le père ou la mère excluent les ascendants d'un degré inférieur, de sorte que ce n'est qu'à défaut d'ascendant dans une des branches que les ascendants de l'autre branche recueillent toute la succession.

Ce point est donc précisé, y compris de manière rétroactive pour les successions ouvertes postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2001, comme l'yoblige la jurisprudence de la Cour de cassation précitée sur les dispositions interprétatives.

5- L'entrée en vigueur des dispositions relatives au PACS

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a, avec l'avis favorable de sa commission des lois, adopté un amendement tendant à insérer un paragraphe V afin de prévoir des dispositions transitoires pour les PACS conclus sous le régime de la loi du 15 novembre 1999 .

Il reprend une fois encore des préconisations du groupe de travail sur le PACS.

? Le principe est celui de l'application immédiate de la présente loi aux PACS en cours à la date de son entrée en vigueur.

Seront donc particulièrement concernées les dispositions successorales introduites par l'Assemblée nationale telles que l'attribution préférentielle de droit du logement, la jouissance gratuite pendant un an du logement et éventuellement le droit viager au logement.

? En revanche, le projet de loi diffère d'une année l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la publicité du PACS pour les PACS conclus antérieurement à la présente loi.

Ceci vise principalement la mention du PACS en marge de l'acte de naissance des partenaires. Ainsi, les partenaires qui ne souhaiteraient pas voir la mention du PACS inscrite en marge de leur état civil auront la possibilité de dissoudre leur pacte avant l'expiration du délai imparti.

Ceci impliquera une démarche de communication générale à l'attention des personnes ayant conclu un PACS sous l'empire de la loi ancienne, les informant des avantages du nouveau dispositif et du caractère automatique de la mention du PACS en marge des actes de naissance à défaut de dissolution du PACS.

Néanmoins, les partenaires ayant conclu leur PACS antérieurement pourront, dès l'entrée en vigueur de la loi, conjointement faire connaître leur accord au greffe du tribunal d'instance du lieu de son enregistrement pour qu'il soit immédiatement procédé aux nouvelles formalités de publicité.

A l'issue de ce délai d'un an, le greffier du tribunal d'instance du lieu d'enregistrement du PACS adressera d'office à l'officier de l'état civil détenteur de l'acte de naissance de chaque partenaire dans un délai maximum de six mois un avis de mention de la déclaration de PACS ainsi que des éventuelles conventions modificatives intervenues. Pour les personnes de nationalité étrangère nées à l'étranger, le greffier adressera ce même avis au greffe du tribunal de grande instance de Paris.

A l'expiration de ce délai de six mois, les registres tenus au greffe du tribunal d'instance du lieu de naissance de chaque partenaire ou, en cas de naissance à l'étranger, au tribunal de grande instance de Paris, seront versés à l'administration des archives.

Les mêmes dispositions seront applicables aux agents diplomatiques et consulaires français ainsi qu'aux registres tenus par ces derniers.

? Le projet de loi prévoit en outre que les articles 515-5 à 515-5-3 relatifs au régime patrimonial du PACS - séparation de biens avec la possibilité d'opter pour un régime d'indivision raisonnée - ne s'appliqueront de plein droit qu'aux PACS conclus après l'entrée en vigueur de la présente loi.

Toutefois, les partenaires ayant conclu un pacte sous l'empire de la loi ancienne auront la faculté de soumettre celui-ci aux dispositions de la loi nouvelle par convention modificative.

La majorité des personnes signataires d'un PACS ignorant qu'elles se trouvent sous le régime de l'indivision, il sera une fois de plus indispensable de prévoir une campagne d'information appropriée sur les caractéristiques respectives des régimes d'indivision et de séparation de biens.

On peut se demander s'il n'aurait pas été judicieux de prévoir un mécanisme similaire à celui prévu en matière de publicité du PACS et consistant à soumettre tous les PACS antérieurs à la présente loi au régime de la séparation de biens à l'issue d'un délai d'un an.

On peut toutefois observer que les lois de 1965 et 1985 sur les régimes matrimoniaux n'ont pas appliqué les dispositions nouvelles aux régimes en cours, demeurés soumis au régime choisi au moment du mariage. Un changement de régime de cette nature constituerait une atteinte trop importante à la sécurité juridique.

? Le projet de loi prévoit enfin que le droit de poursuite des créanciers dont la créance était née à une date antérieure à l'entrée en vigueur de la présente loi restera déterminé par les dispositions en vigueur à cette date .

Il s'agit en effet d'assurer leur sécurité juridique.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 27 sans modification .

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le projet de loi.

ANNEXES

- GLOSSAIRE DU DROIT DES SUCCESSIONS

- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

* 116 La vente fictive constitue le mode le plus courant de la donation déguisée.

* 117 Acte onéreux volontairement déséquilibré ou achat pour autrui par exemple.

* 118 Il ne peut donc être dactylographié, écrit par un autre, post-daté ou antidaté. Le défaut de signature entraîne également, en principe, sa nullité. En revanche, l'instrument et le support importent peu : les tribunaux ont ainsi validé des dispositions écrites à la craie sur un tableau noir ou un mur, au pinceau sur une toile, avec un diamant sur une vitre...

* 119 En France, les notaires sur le territoire de la République française et les agents diplomatiques et consulaires à l'égard des Français à l'étranger ont été désignés par la loi du 29 avril 1994 comme personnes habilitées à instrumenter.

* 120 L'article 968 du code civil prohibe les testaments conjonctifs.

* 121 Cass. 1 ère civ. - 3 nov. 1988.

* 122 Cass. 1 ère civ. - 23 mars 1975.

* 123 Cass. req. - 11 mars 1931.

* 124 Cass. 1 ère civ. - 5 juill. 1988.

* 125 Les difficultés de qualification sont toutefois fréquentes. Ainsi la Cour de cassation a considéré : en 1984, que la mise à disposition gratuite d'un immeuble par des parents au profit de leurs enfants ne constituait pas une donation (Cass. 1 ère civ. - 3 nov. 1984) ; en 1997, que l'avantage résultant de ce que certains enfants du défunt avaient été logés gratuitement pendant une longue période s'apparentait à une donation de revenus, à ce titre rapportable à la succession (Cass. 1 ère civ. - 14 janv. 1997).

* 126 Droit des successions - Michel Grimaldi - Sixième édition - Editions Litec - page 364.

* 127 Art. 1048 du code civil.

* 128 Art. 1049 du code civil.

* 129 Cass. civ. - 19 mars 1873.

* 130 Cass. req. - 10 fév. 1897.

* 131 Cass. req. - 11 fév. 1863.

* 132 Cass. 1 ère civ. - 2 juin 1993.

* 133 Cass. 1 ère civ. - 31 janv. 1995.

* 134 Droit des successions - Michel Grimaldi - Sixième édition - Edition Litec - page 364.

* 135 Ces deux articles s'effacent devant les règles mises en place par les différents régimes de protection des incapables.

* 136 Cass. civ. - 4 fév. 1941.

* 137 Cass. civ. - 18 mai 1825.

* 138 Cass. req. - 6 déce. 1909.

* 139 Cass. req. - 27 juin 1919.

* 140 La donation n'est pas nulle si le malade revient à la santé ou s'il vient à mourir d'autre chose (Cass. req. - 21 avr. 1913).

* 141 Des libéralités - une offre de loi - répertoire du notariat Defrénois - page 116.

* 142 Art. 913 du code civil.

* 143 Art. 913-1 du code civil.

* 144 Art. 916 du code civil.

* 145 Art. 735 du code civil.

* 146 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, troisième séance du mardi 21 février 2006.

* 147 Art. 757 du code civil.

* 148 Il peut même le priver du droit viager au logement mais non du droit d'en jouir gratuitement pendant un an, qui lui sont reconnus par les articles 763 à 765 du code civil.

* 149 Art. 1094-1 du code civil.

* 150 Art. 757-3 du code civil.

* 151 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, troisième séance du mardi 21 février 2006.

* 152 Le projet de loi précise que, pour être opposable aux tiers, la renonciation doit être faite au tribunal dans le ressort duquel la succession s'est ouverte (art. 804 du code civil).

* 153 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, deuxième séance du mercredi 22 février 2006.

* 154 La masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible ne doit être confondue ni avec la masse successorale ni avec la masse partageable. Elle est plus étendue puisqu'elle réunit aux biens existants tous les biens dont le de cujus a disposé par donation alors que la masse successorale est limitée aux biens dévolus à cause de mort et ne comprend donc les biens donnés que dans la mesure où ils doivent être restitués et la masse partageable est plus restreinte encore puisqu'elle ne rassemble que les biens dévolus à cause de mort et distraction faite de ceux qui le sont à titre particulier.

* 155 Parmi les dettes du défunt figurent certaines charges de la succession : les frais funéraires ainsi que les frais de liquidation et de partage (Cass. 1 ère civ. - 10 déc. 1968), mais non les frais de délivrance des legs (art. 1016 du code civil) et moins encore les droits de mutation.

* 156 Cass. civ. - 1 er décembre 1964.

* 157 Rapport n° 2850 (Assemblée nationale, douzième législature) page 249.

* 158 A titre d'exemple : A reçoit un immeuble à un instant N. Il le vend pour 100 à un instant N+1. Il remploie le prix de l'aliénation à un instant N+3. Entre N+1 et N+3, la valeur de l'immeuble est passée de 100 à 150. En application de la rédaction retenue par l'Assemblée nationale, A devrait réunir fictivement la valeur de l'immeuble à N+3 (époque de la subrogation), soit 150, alors qu'il l'a vendu pour 100.

* 159 La jurisprudence exige que le successible ait eu, au jour de l'acte, la qualité d'héritier présomptif : la vente qu'un grand-père paternel consent à un petit-fils du vivant de son père ne tombe pas sous le coup de l'article 918 (Cass. 1 ère civ. - 17 mars 1983).

* 160 L'assimilation du droit d'usage et d'habitation au droit d'usufruit a été écartée (Cass. 1 ère civ. - 16 juin 1992).

* 161 Lorsqu'on parle du patrimoine de façon générale, on emploie le terme quotité disponible, tandis que lorsqu'on vise précisément des biens ayant fait l'objet de libéralité, on parle de portion disponible.

* 162 Selon l'article 742 du code civil : « La suite des degrés forme la ligne ; on appelle ligne directe la suite des degrés entre personnes qui descendent l'une de l'autre ; ligne collatérale, la suite des degrés entre personnes qui ne descendent pas les unes des autres, mais qui descendent d'un auteur commun. On distingue la ligne directe descendante et la ligne directe ascendante. »

* 163 Le rapport est l'opération préalable au partage consistant en la restitution par un copartageant à la masse partageable afin de la reconstituer de sommes dont il est débiteur envers la masse ou de biens dont il avait été gratifié par le défunt, ou encore de la valeur de ces biens.

* 164 La question de l'imputation subsidiaire de l'avance d'hoirie, qui ne se pose que lorsque la réserve du gratifié est inférieure à la libéralité reçue, a longtemps été discutée. Avant que la loi ne pose en 1971 le principe de l'imputation sur la quotité disponible sauf clause d'imputation sur la réserve globale, la Cour de cassation avait retenu l'imputation sur la quotité disponible, en 1838, puis sur la réserve globale, en 1907, avant de pencher à nouveau pour une imputation sur la quotité disponible, en 1964. Le législateur a considéré que l'imputation subsidiaire relevait de la volonté du disposant. Elle doit porter sur la réserve globale si, soucieux de sa liberté testamentaire, il a voulu avant tout conserver intacte la quotité disponible pour pouvoir consentir des préciputs ultérieurs ; elle doit porter sur la quotité disponible si son objectif est d'assurer l'égalité entre ses enfants. La loi devant cependant édicter une règle supplétive de volonté pour le cas où le disposant ne se serait pas exprimé, elle a privilégié la préoccupation égalitaire plutôt que la liberté testamentaire.

* 165 L'article 6 du projet de loi tend à faire figurer à l'article 864 du code civil des dispositions relatives aux dettes de copartageants.

* 166 L'article 6 du projet de loi tend à faire figurer à l'article 865 du code civil des dispositions relatives aux dettes des copartageants.

* 167 Le fait de viser seulement l'époque et non le jour du partage permet de pouvoir appliquer ces techniques d'évaluation aux indivisions dont le partage ne donne pas lieu à un acte notarié et pour lequel les héritiers ne sont capables de fournir que l'époque de jouissance divise et non une date précise.

* 168 Cass 1 ère civ. - 21 juin 1989.

* 169 Cass. 1 ère civ. - 17 déc. 1968.

* 170 Cass. 1 ère civ. - 20 oct. 1982. L'action oblique permet au créancier dont la créance est certaine, liquide et exigible d'exercer, au nom de son débiteur, les droits et actions de celui-ci, lorsque le débiteur, au préjudice du créancier, refuse ou néglige de les exercer. Il ne peut, toutefois, exercer les droits et actions qui sont exclusivement attachés à la personne du débiteur.

* 171 Art. 1077-2 du code civil.

* 172 Art. 1080 du code civil.

* 173 Sous réserve de la possibilité pour les enfants non communs d'exercer l'action en retranchement.

* 174 Cass. civ., 10 mars 1941.

* 175 Aix en Provence, 10 mars 1997, s'agissant d'une renonciation à une action en retranchement.

* 176 Ainsi, une personne peut être instituée héritier par contrat de mariage ou au cours du mariage -c'est la « donation au dernier vivant » (art. 1093, 1082 et 1096). En outre, la clause commerciale, insérée dans un contrat de mariage, permet à un époux de recueillir à titre onéreux dans la succession de son conjoint un bien personnel ou propre (art. 1390 issu de la loi du 13 juillet 1965). Il est également possible de stipuler dans une convention d'indivision une faculté d'acquisition ou d'attribution de la part indivise de l'indivisaire décédé (art. 1873-13).

* 177 Les statuts sociaux peuvent régler par avance le sort des droits de l'associé décédé afin de prévenir l'arrivée d'un indésirable dans la société, qu'il s'agisse d'un héritier ou d'un légataire.

* 178 Le deuxième alinéa de l'article 930 prévoit en outre que le consentement des réservataires à l'aliénation du bien donné, consentie par le donataire, vaut renonciation de leur part à demander la réduction contre le tiers acquéreur. Cette renonciation a cependant une portée plus limitée qu'à l'article 918, puisqu'ils n'abdiquent pas le droit de demander la réduction en général mais seulement celui de la demander contre le tiers acquéreur.

* 179 Le conjoint survivant qui n'est ni divorcé ni engagé dans une instance de divorce ou séparation de corps dispose en l'absence d'ascendant et de descendant du défunt d'une réserve correspondant au quart des biens de ce dernier.

* 180 Cass., soc., 6 mars 1985.

* 181 « En fait de meubles, la possession vaut titre. Néanmoins celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient. »

* 182 Art. 2121 et 2136 et suivants du code civil. Lorsque l'un des époux a une créance à faire valoir contre l'autre, il peut demander au tribunal d'ordonner qu'une hypothèque légale soit inscrite sur les biens de son conjoint. Le tribunal peut également décider qu'une hypothèque sera prise sur les biens de l'époux qui se fait transférer l'administration des biens de l'autre.

* 183 Art. 956 du code civil.

* 184 Tribunal de grande instance de Saintes, 7 mai 1996. La reconnaissance a un effet déclaratif donc l'enfant naturel reconnu est réputé être l'enfant de l'auteur de la reconnaissance dès sa naissance.

* 185 Droit patrimonial de la famille - Dalloz Action - 2001-2002 - page 738.

* 186 Art. 962 du code civil.

* 187 Art. 966 du code civil.

* 188 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, deuxième séance du mercredi 22 février 2006.

* 189 L'article 975 du code civil ajoute que ni les légataires, ni leurs parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni les clercs des notaires par lesquels les actes sont reçus ne peuvent être pris pour témoins d'un testament par acte public.

* 190 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, deuxième séance du mercredi 22 février 2006.

* 191 Ces volontés peuvent concerner par exemple l'organisation de ses funérailles, le paiement des legs ou l'exécution des charges imposées aux légataires.

* 192 Cass., civ. 14 déc. 1990.

* 193 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale - troisième séance du mardi 21 février 2006.

* 194 « Des libéralités. Une offre de loi » par Jean Carbonnier, Pierre Catala, Jean de Saint Affrique, Georges Morin - Répertoire du notariat Defrénois - page 84.

* 195 Voir commentaire de l'article 10 du projet de loi.

* 196 La jurisprudence avait admis que le testateur pouvait interdire au premier gratifié de disposer de ses biens par donation ou par testament : Cass. req. - 11 fév. 1863.

* 197 Droit patrimonial de la famille - Dalloz action - 2001-2002 - page 897.

* 198 Les héritiers présomptifs sont ceux qui, au jour de l'acte et si le disposant décédait à cette date, seraient héritiers légaux. Il s'agit des héritiers visés à l'article 734. Toutefois, pour être qualifiés de présomptifs, ils doivent être au jour de l'acte en rang utile. Ainsi, les enfants sont des héritiers présomptifs de leurs parents ; en l'absence d'enfants, ce sont les collatéraux ; un petit-fils n'est pas l'héritier présomptif de son grand-père paternel si, au jour de l'acte, son père est vivant et n'a pas renoncé à la succession. L'expression est déjà connue du code civil qui l'emploie aux articles 846 et 1031.

* 199 Dans sa rédaction initiale, le projet de loi employait la notion de « génération », moins précise que celle de degré lorsque le conjoint est plus jeune que les enfants du disposant issus d'un premier lit.

* 200 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale - troisième séance du mardi 21 février 2006.

* 201 Il peut s'agir d'un descendant plus éloigné, d'un autre parent, d'un conjoint ou encore d'un étranger à la famille.

* 202 Le patrimoine et sa transmission - questions-réponses - Juriscompact -édition 2005.

* 203 Cass 1 ère civ. - 14 octobre 1981.

* 204 Art. 748 du code général des impôts.

* 205 Ces exemples sont extraits du numéro 37 de la semaine juridique notariale et immobilière paru au mois de 16 septembre 2005.

* 206 Elle était en 2001 de 75,5 ans pour les hommes et de 82,8 ans chez les femmes, soit un écart entre les deux sexes de 7,3 ans.

* 207 Hormis le cas où celui-ci est héritier réservataire en l'absence de descendant et d'ascendant.

* 208 A moins que son conjoint l'en ait privé par testament.

* 209 La réduction sanctionne les libéralités qui portent atteinte à l'intégralité de la réserve. Elle les neutralise dans la mesure de l'excès. Lorsqu'elle atteint un avantage matrimonial en présence d'enfant d'un précédent mariage, on parle de retranchement.

* 210 D'autant plus que le PACS connaît une progression constante puisque 40.000 PACS ont été conclus en 2004. Dans le même temps, 280.000 mariages étaient célébrés.

* 211 Décret n° 99-1090 du 21 décembre 1999 relatif aux conditions dans lesquelles sont traitées et conservées les informations relatives à la formation, la modification et la dissolution du pacte civil de solidarité et autorisant la création à cet effet d'un traitement automatisé des registres mis en oeuvre par les greffes des tribunaux d'instance, par le greffe du tribunal de grande instance de Paris et par les agents diplomatiques et consulaires français.

* 212 Loi n° 2004-801 du 6 août 2004, relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel.

* 213 Délibération de la CNIL n° 99-056 du 25 novembre 1999.

* 214 Est présumée absente la personne qui a cessé de paraître au lieu de son domicile sans que l'on en ait eu de nouvelles, jusqu'à sa déclaration d'absence par le TGI dix ans après le jugement ayant constaté l'absence.

* 215 L'article 836 relatif aux personnes présumées absentes et éloignées renvoyant dans les deux cas à l'article 116 du code civil.

* 216 L'article 495 prévoit que les règles prévues pour les mineurs sous tutelle aux articles 393 à 475 du code civil sont également applicables pour la tutelle des majeurs.

* 217 Il est composé de quatre à six membres choisis par le juge des tutelles parmi les parents ou alliés des père et mère du mineur et les amis ou voisins (art. 407 à 409).

* 218 Aux termes des articles 389-6, 497 et 500 du code civil, lorsque la tutelle est ouverte sans conseil de famille (ce qui est le cas dans la quasi-totalité des cas), qu'il s'agisse d'une administration légale sous contrôle judiciaire prévue par l'article 497 ou d'une tutelle en gérance prévue par l'article 499, tous les actes qu'un tuteur ne pourrait faire qu'avec l'autorisation du conseil de famille sont soumis à l'autorisation du juge des tutelles.

* 219 Cass., 3 ème civ., 3 juill. 1991.

* 220 Cass., 1 ère civ., 25 fév. 1997.

* 221 Cour d'appel de Versailles, 1 ère chambre, section 1, 5 avril 1990.

* 222 Soit la libéralité faite au conjoint était égale ou dépassait l'usufruit légal et celui-ci ne pouvait être exercé, soit la libéralité était inférieure à l'usufruit légal et ce dernier pouvait être exercé à hauteur de la différence.

* 223 Article 767 ancien, sixième alinéa : « Il cessera d'exercer [ce droit] dans le cas où il aura reçu du défunt des libéralités, même faites par préciput et hors part, dont le montant atteindrait celui des droits que la présente loi lui attribue et, si ce montant était inférieur, il ne pourrait réclamer que le complément de son usufruit. »

* 224 L'article 1094-1 prévoit que la quotité disponible spéciale entre époux est soit l'usufruit universel, soit 1/4 en pleine propriété et ¾ en usufruit, ou quotité disponible ordinaire (c'est-à-dire ½ en présence d'un enfant, 1/3 en présence de deux enfants et ¼ en présence de trois enfants et plus).

* 225 Depuis 2001, l'article 757 précise qu'en présence d'enfants du défunt et en l'absence de disposition testamentaire, le conjoint survivant recueille à son choix l'usufruit de la totalité des biens ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d'un ou plusieurs enfants non communs.

* 226 L'article 757-1 prévoit que si, à défaut d'enfants ou de descendants, le défunt laisse ses père et mère, le conjoint survivant recueille la moitié des biens. Quand le père ou la mère est prédécédé, la part qui lui serait revenue échoit au conjoint survivant.

* 227 Une personne peut décéder sans enfants, et sans laisser de frère et soeurs. Dans ce cas, sa succession revient à ses ascendants (parents, grand-parents,...) ou à ses collatéraux non privilégiés (oncles et tantes, neveux et nièces, cousins et cousines, ...).Pour éviter que les biens provenant d'une famille ne reviennent entièrement à l'autre, le code civil a introduit le principe de la fente: les biens du défunt sont partagés en deux parties égales, l'une revenant à la famille paternelle du défunt, l'autre revenant à la famille maternelle. La moitié de revenant à chaque famille est traitée et partagée comme une succession indépendante.

* 228 La restriction prévue par le projet de loi initial était liée au fait que la représentation du renonçant constitue une importante dérogation au principe que l'on ne représente jamais un vivant, et qu'il semblait par suite souhaitable de la restreindre à la seule hypothèse dans laquelle le renonçant dispose d'un droit réservataire, afin de tirer toutes les conséquences de l'idée selon laquelle les enfants peuvent « passer leur tour » au profit de leurs propres descendants dans la succession de leurs parents. La différence entre l'indignité et la renonciation pouvait également être justifiée par le fait que l'indignité est une peine personnelle infligée à l'indigne, qui ne méritait pas d'être étendue à ses descendants, tandis que la renonciation est un choix de l'auteur de la souche qui doit, sauf dérogation expresse, être opposable à l'ensemble de ses membres.

* 229 Voir supra commentaire de l'article 14 du projet de loi.

* 230 La loi du 13 juillet 1965 a pris le contre-pied de l'arrêt Crémieux (Cass, 11 janv. 1933) qui faisait de cette clause un pacte sur succession future.

* 231 Cass., 1 ère civ., 29 avril 1985 : « la licéité de la faculté d'attribution en propriété impliquait celle de la clause du contrat de mariage prévoyant l'octroi d'un bail sur les biens propres de l'époux prédécédé ».

* 232 L'attribution dans le cadre de la clause commerciale des articles 1390 et suivants est faite en pleine propriété et non en usufruit. Le sort de cette clause est réglé au moment de la liquidation du régime matrimonial et donc en théorie préalablement au règlement de la succession et au choix éventuel par le conjoint survivant de la succession totalement en usufruit.

* 233 Art. 1090 du code général des impôts.

* 234 Art. 1090 A du code général des impôts.

* 235 Art. L. 321-2 du code de commerce.

* 236 Réponse à la question écrite n° 56465, publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 26 février 2001, page 1276.

* 237 Réponse à la question écrite n° 567 publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 2 septembre 2002, page 3001.

* 238 Selon le Conseil supérieur du notariat, les ventes aux enchères publiques représentaient, en 1999, 0,2 % en moyenne du chiffre d'affaire des études de notaires.

* 239 Rapport d'activité pour 2003 du Conseil des ventes, p. 32.

* 240 Les registres de l'état civil datant de plus de cent ans peuvent être librement consultés dans les archives départementales dans lesquelles ils sont versés en application de la loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives.

* 241 Réponse à la question écrite n° 64057 de M. André Berthol, député, publié au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 11 octobre 2005, page 9550.

* 242 Réponse à la question écrite n° 13920 de notre collègue M. Jean-Pierre Sueur, publiée au Journal officiel du Sénat du 25 novembre 2004, page 2696.

* 243 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale - deuxième séance du mercredi 22 février 2006.

* 244 Le terme « préciput » utilisé pour désigner un avantage consenti dans le cadre du contrat de mariage (art. 1497, 1516, 1518 et 1519) n'est pas modifié par le projet de loi

* 245 Ratifiée par la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 et entrée en vigueur le 1 er juin 2004.

* 246 Comme se heurtant à l'article 269 du code civil, qui prévoit que l'époux défendeur d'un divorce pour rupture de la vie commune conserve les avantages matrimoniaux qui lui ont été consentis par son conjoint

* 247 Source : Répertoire général civil

* 248 Les conventions existantes demeureront applicables jusqu'à leur terme si elles ont une durée déterminée et éventuellement par tacite reconduction ou sans limite de temps si elles sont à durée indéterminée, l'article 815-3 n'étant pas d'ordre public.

* 249 Articles 953 à 958 du code civil prévoyant la révocation pour cause d'inexécution des conditions sous lesquelles elle a été faite, pour cause d'ingratitude et pour cause de survenance d'enfants -cette dernière hypothèse étant supprimée par le présent projet de loi..

* 250 Cass., Ass. Plénière, 23 janv. 2004 et Cass., 3 ème civ., 7 avril 2004, à propos d'une disposition interprétative de la loi du 11 décembre 2001 dite MURCEF portant mesures urgentes à caractère économique et financier, qui tendait à mettre fin à l'interprétation jurisprudentielle que la Cour de cassation donnait à l'article L. 145-38 du code de commerce dans nouvelle rédaction.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page