B. Les mesures de lutte contre la toxicomanie

1. LE DISPOSITIF EN VIGUEUR

LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1970 RELATIVE AUX MESURES SANITAIRES DE LUTTE CONTRE LA TOXICOMANIE ET À LA RÉPRESSION DU TRAFIC ET DE L'USAGE ILLICITE DES SUBSTANCES VÉNÉNEUSES A INTRODUIT L'INJONCTION THÉRAPEUTIQUE 14 ( * ) , QUI PERMET AU PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE NE PAS POURSUIVRE UN USAGER SIMPLE DE DROGUES -QUELLES QU'ELLES SOIENT- ACCEPTANT DE SE FAIRE SOIGNER.

LES CONSOMMATEURS ENCOURENT EN EFFET UNE PEINE D'UN AN D'EMPRISONNEMENT ET 3.750 EUROS D'AMENDE SUR LA BASE DE L'ARTICLE L. 3421-1 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE.

CEPENDANT, LE NOMBRE D'INJONCTIONS THÉRAPEUTIQUES DÉCIDÉES PAR LES PROCUREURS DE LA RÉPUBLIQUE EN 2004, DERNIÈRE STATISTIQUE CONNUE, RESTE LIMITÉ : 4.568, ALORS QU'IL ÉTAIT DE 8.052 EN 1997. CE CHIFFRE APPARAISSAIT D'AILLEURS DÉJÀ TRÈS FAIBLE AU REGARD DES 58.000 INTERPELLATIONS POUR USAGE ILLICITE DE STUPÉFIANTS INTERVENUES DANS LE MÊME TEMPS.

EN OUTRE, SI L'INJONCTION THÉRAPEUTIQUE, CIRCONSCRITE À LA RÉGION PARISIENNE JUSQU'AU DÉBUT DES ANNÉES 1980, S'EST ENSUITE ÉTENDUE, ELLE N'EST ENCORE JAMAIS PRONONCÉE PAR PRÈS DE 10 % DES TRIBUNAUX DE GRANDE INSTANCE.

A) UNE LÉGISLATION OBSOLÈTE

CE BILAN MITIGÉ S'EXPLIQUE PAR PLUSIEURS RAISONS, MISES EN AVANT PAR LE RAPPORT DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE DU SÉNAT 15 ( * ) SUR LA POLITIQUE NATIONALE DE LUTTE CONTRE LES DROGUES ILLICITES.

LES RELATIONS ENTRE LES PARQUETS ET LES DIRECTIONS DÉPARTEMENTALES DES AFFAIRES SANITAIRES ET SOCIALES (DDASS), INDISPENSABLES À LA MISE EN oeUVRE CONCRÈTE DE CETTE MESURE, RESTENT DIFFICILES, EN DÉPIT DE CIRCULAIRES 16 ( * ) RENOUVELÉES DEPUIS CELLE DU 25 AOÛT 1971, INSISTANT RÉGULIÈREMENT SUR LA NÉCESSITÉ D'UNE CONCERTATION RÉELLE ENTRE LES MAGISTRATS DU PARQUET ET LES RESPONSABLES DES SERVICES DE L'ACTION SANITAIRE ET SOCIALE. LES RÉSULTATS VARIENT DONC CONSIDÉRABLEMENT D'UN PARQUET À L'AUTRE.

EN OUTRE, LE DISPOSITIF PÂTIT D'UN MANQUE DE MÉDECINS, DE PSYCHOLOGUES ET DE STRUCTURES SANITAIRES.

ENFIN, LES RÉTICENCES DU CORPS MÉDICAL, QUI CONSIDÈRE QU'ON NE PEUT SOIGNER PAR LA CONTRAINTE, ONT PU DÉCOURAGER LES MAGISTRATS, QUI SOULIGNENT LE MANQUE DE RETOUR DANS LE SUIVI DES TRAITEMENTS, LES MÉDECINS ARGUANT DU SECRET PROFESSIONNEL, ET NE TRANSMETTANT AU PLUS QU'UN SIMPLE CERTIFICAT DE SUIVI.

L'INJONCTION THÉRAPEUTIQUE, CONÇUE À L'ORIGINE COMME LE SUIVI DE CURES DE DÉSINTOXICATION, APPARAÎT EN OUTRE INADAPTÉE AUX NOUVEAUX PRODUITS (DE TYPE CANNABIS ET ECSTASY) ET MODES DE CONSOMMATION ludiques et transgressifs, alors que la plupart des usagers de drogues injectables dÉPENDANTS, VISÉS PAR LA LOI DE 1970, ONT REJOINT DES PROGRAMMES DITS DE SUBSTITUTION.

L'INJONCTION THÉRAPEUTIQUE NE SEMBLANT PAS EN MESURE D'INTÉGRER DES PRÉOCCUPATIONS DE SUIVI SOCIO-ÉDUCATIF, DE PRISE EN CHARGE PSYCHOLOGIQUE ET DE DÉLIVRANCE D'UN MESSAGE PRÉVENTIF ET INFORMATIF EN TERMES DE SANTÉ PUBLIQUE, LES CIRCULAIRES DU 28 AVRIL 1995 ET DU 17 JUIN 1999 ONT RECOMMANDÉ DE LA RÉSERVER AUX USAGERS TOXICO-DÉPENDANTS, LE RAPPEL À LA LOI ÉTANT PRÉCONISÉ S'AGISSANT DES CONSOMMATEURS OCCASIONNELS, ET LE CLASSEMENT AVEC ORIENTATION VERS UNE STRUCTURE SANITAIRE, SOCIALE OU PROFESSIONNELLE POUR LES USAGERS PRÉSENTANT SOIT DES DIFFICULTÉS FAMILIALES, SOCIALES, PROFESSIONNELLES OU SCOLAIRES, SOIT UN USAGE RÉCRÉATIF.

? EN OUTRE, L'INJONCTION THÉRAPEUTIQUE PROPREMENT DITE N'INTERVIENT QU'AU STADE DE L'ALTERNATIVE AUX POURSUITES, ALORS QU'IL SERAIT NÉCESSAIRE DE PRÉVOIR UNE ORIENTATION SANITAIRE OU PSYCHOSOCIALE, QUELLE QUE SOIT LA SANCTION PÉNALE PAR AILLEURS, À TOUT STADE DE LA PROCÉDURE. LA DISTINCTION OPÉRÉE AVEC LES OBLIGATIONS DE SOIN, QUI INTERVIENNENT AUX STADES SENTENCIEL ET POSTSENTENCIEL, PARAIT À CET ÉGARD ASSEZ ARTIFICIELLE.

EN L'ABSENCE DE DONNÉES NATIONALES, IL EST DIFFICILE DE JUGER LE DÉVELOPPEMENT DES ORIENTATIONS SOCIO-SANITAIRES AUX DIFFÉRENTS STADES DE LA FILIÈRE PÉNALE. CEPENDANT, L'OFFICE FRANÇAIS DES DROGUES ET DES TOXICOMANIES 17 ( * ) A ÉTUDIÉ UN ÉCHANTILLON CONSTITUÉ DES SEULES DONNÉES PRODUITES PAR LES PARQUETS FRANCILIENS (À L'EXCEPTION DE LA SEINE-ET-MARNE).

SI LE TAUX DE RÉPONSE JUDICIAIRE (POURSUITES ET ALTERNATIVES AUX POURSUITES) EN MATIÈRE D'INFRACTIONS À LA LÉGISLATION SUR LES STUPÉFIANTS -POUR DEUX TIERS DES CAS D'USAGE- ÉTAIT REMARQUABLEMENT ÉLEVÉ PAR RAPPORT AUX AUTRES CONTENTIEUX : 83,7 % EN 2001 CONTRE 67,1 % POUR LES AUTRES, NOTAMMENT S'AGISSANT DES MINEURS (88,7 %), TRÈS PEU D'INTERPELLATIONS ABOUTISSAIENT EN FAIT À DES POURSUITES. DE MÊME, LES ALTERNATIVES SOCIO-SANITAIRES NE CONCERNAIENT QU'UNE FAIBLE MINORITÉ DES CAS.

ORIENTATION PÉNALE DES PERSONNES PRESENTEES A LA JUSICE
POUR USAGE DE STUPÉFIANTS (MAJEURS ET MINEURS)
ÉCHANTILLON FRANCILIEN, ANNÉE 2001

Nombre d'affaires

Ratio
(en %)

USAGE

9 174

100

CLASSEMENT SANS SUITE

1 922

21,0

PROCÉDURE ALTERNATIVE AUX POURSUITES

5 611

61,2

100

RAPPEL À LA LOI/AVERTISSEMENT

4 560

49,7

81,3

INJONCTION THÉRAPEUTIQUE

459

5,0

8,2

ORIENTATION VERS UNE STRUCTURE SANITAIRE OU SOCIALE

276

3,0

4,9

AUTRES

316

3,4

5,6

POURSUITE

1 641

17,9

SOURCE : MINISTÈRE DE LA JUSTICE

? AU REGARD DE CES CHIFFRES, LA COMMISSION D'ENQUÊTE SÉNATORIALE AVAIT ESTIMÉ QUE L'OBJECTIF D'ORIENTATION SOCIO-SANITAIRE -CERTES LOUABLE- S'ÉTAIT AVANT TOUT TRADUIT PAR UNE DIMINUTION DE LA RÉPRESSION DE L'USAGE DE PRODUITS STUPÉFIANTS, PARTICULIÈREMENT DOMMAGEABLE S'AGISSANT DES MINEURS.

ELLE AVAIT DONC PRÉCONISÉ, AFIN DE RAPPELER L'INTERDIT, UNE SANCTION SYSTÉMATIQUE - PAR LE BIAIS DE POURSUITES PÉNALES OU D'UNE PROCÉDURE ALTERNATIVE AUX POURSUITES, ET GRADUÉE.

ELLE RECOMMANDAIT DONC DE PRÉVOIR UNE CONTRAVENTION DE LA CINQUIÈME CLASSE 18 ( * ) EN CAS DE PREMIÈRE INFRACTION 19 ( * ) , ET DE MAINTENIR LE DÉLIT ASSORTI D'UNE PEINE D'EMPRISONNEMENT D'UN AN EN CAS DE RÉCIDIVE APPRÉCIÉE DANS UN DÉLAI DE TROIS ANS OU DE REFUS DE SOINS OU D'ORIENTATION.

ELLE RELEVAIT EN EFFET QUE SI PUNIR D'UN AN D'EMPRISONNEMENT UN USAGER DE DROGUE OCCASIONNEL N'AYANT COMMIS AUCUN AUTRE DÉLIT PARAISSAIT DISPROPORTIONNÉ ET N'ÉTAIT D'AILLEURS JAMAIS APPLIQUÉ, LA SUPPRESSION DE LA PEINE D'EMPRISONNEMENT PRIVERAIT LES TOXICOMANES DÉPENDANTS DE TOUTE INCITATION À SUIVRE DES SOINS, L'INJONCTION THÉRAPEUTIQUE N'ÉTANT PAS COERCITIVE ET CES PERSONNES ÉTANT SOUVENT DÉSOCIALISÉES, DONC PEU ACCESSIBLES À LA MENACE D'AMENDES. DE PLUS, CECI PERMETTRAIT DE CONTINUER À PRONONCER DES MESURES D'ASSISTANCE, COMME UN SURSIS AVEC MISE À L'ÉPREUVE ET OBLIGATION DE SOINS.

S'AGISSANT D'UN CONTENTIEUX DE MASSE, LA COMMISSION D'ENQUÊTE RECOMMANDAIT ENFIN DE PRIVILÉGIER LE RECOURS À DES PROCÉDURES ACCÉLÉRÉES DE TRAITEMENT TELLES QUE LA COMPOSITION PÉNALE ET L'ORDONNANCE PÉNALE.

* 14 INITIALEMENT PRÉVUE À L'ARTICLE L. 628-1 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE ET DEPUIS DÉPLACÉE AUX ARTICLES L. 3413-1 À L. 3413-3 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE.

* 15 DROGUE : L'AUTRE CANCER ; RAPPORT N° 321 (2002-2003) DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LA POLITIQUE NATIONALE DE LUTTE CONTRE LES DROGUES ILLICITES, MME NELLY OLIN, PRÉSIDENTE, M. BERNARD PLASAIT, RAPPORTEUR.

* 16 CIRCULAIRE DU 12 MAI 1987 PRÉCONISANT L'INJONCTION THÉRAPEUTIQUE POUR LES USAGERS D'HABITUDE PRÉSENTANT DES SIGNES D'INTOXICATION OU DÉJÀ INTERPELLÉS POUR DES FAITS ANALOGUES ; CIRCULAIRE DU 9 FÉVRIER 1993 VISANT À GÉNÉRALISER SUR L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE NATIONAL LE RECOURS À L'INJONCTION THÉRAPEUTIQUE AFIN D'INSÉRER L'ACTION DE LA JUSTICE DANS UNE PERSPECTIVE SOCIO-MÉDICALE ; CIRCULAIRE INTERMINISTÉRIELLE DU 14 JANVIER 1993 VISANT À GÉNÉRALISER LE RECOURS À L'INJONCTION THÉRAPEUTIQUE POUR LES USAGERS DE STUPÉFIANTS N'AYANT PAS COMMIS D'AUTRE INFRACTION ; CIRCULAIRE INTERMINISTÉRIELLE DU 28 AVRIL 1995; CIRCULAIRE DU 17 JUIN 1999.

* 17 RAPPORT DE L'OFDT S OUS LA DIRECTION DE MM. MICHEL SETBON, OLIVIER GUÉRIN, SERGE KARSENTY ET PIERRE KOPP.

* 18 UNE AMENDE MODULABLE JUSQU'À CONCURRENCE DE 1.500 EUROS POUVANT ÊTRE PRONONCÉE (ARTICLE 131-13 DU CODE PÉNAL).

* 19 EN COMPLÉTANT LES PEINES COMPLÉMENTAIRES POUVANT ÊTRE PROPOSÉES (ARTICLE 131-14 DU CODE PÉNAL) PAR UNE OBLIGATION DE SOINS OU D'ORIENTATION VERS UNE STRUCTURE PSYCHOSOCIALE.

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