B. EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le jeudi 16 novembre 2006 sous la présidence de M. Denis Badré, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Philippe Adnot et Maurice Blin, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » et l'article 51 rattaché.

M. Maurice Blin, rapporteur spécial , a tout d'abord rappelé que la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche avait modifié de manière sensible l'organisation de la recherche en France. Il s'est félicité de ce que le montant des crédits figurant dans le projet de budget soit conforme à la programmation de ladite loi. Il a toutefois remarqué qu'il était difficile d'établir, d'ores et déjà, un bilan de cette réforme, dans la mesure où les derniers textes d'application venaient d'être publiés.

Il a souhaité souligner trois orientations majeures issues de la réforme. Un meilleur pilotage de la recherche, avec la mise en place d'un Haut comité de la science et de la technologie (HCST) auprès du Président de la République, le développement de la recherche par projet, qu'illustre la montée en puissance de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et la réforme de l'évaluation, avec la création de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES). Il a insisté sur l'importance de ce dernier point, une évaluation rigoureuse devant garantir la qualité de la recherche en permettant d'encourager financièrement les meilleures équipes et de sanctionner, à l'inverse, les projets ou les équipes les moins bien adaptées.

M. Maurice Blin, rapporteur spécial , a ensuite présenté ses principales observations. S'agissant du programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », il s'est félicité de l'augmentation des crédits des organismes publics de recherche en parallèle de la hausse des moyens de l'ANR, soulignant que cette hausse concomitante témoignait que le soutien à la recherche par projets ne signifiait en aucune façon une abandon de la recherche « traditionnelle ».

En ce qui concerne le programme « Orientation et pilotage de la recherche », il a proposé un amendement tendant à la suppression de ce programme et au déplacement de ses crédits vers le programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ». Il a expliqué, en effet, que ni les crédits relatifs aux dépenses de personnel de la direction générale de la recherche et de l'innovation, ni surtout les crédits d'intervention de l'ANR, soit 825 millions d'euros, n'étaient comptabilisés au sein de ce programme. Il a ainsi relevé que les crédits de ce programme porteur des objectifs de la recherche française ne représentaient que 0,6 % des crédits de la mission, alors que la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) prévoit que les crédits doivent être en adéquation avec les objectifs.

M. Maurice Blin, rapporteur spécial , a abordé ensuite la question de la recherche dans le domaine de l'énergie, en précisant qu'il s'était rendu, dans le cadre d'une mission de contrôle, à l'Institut français du pétrole (IFP) au cours de l'année 2006. Il a souligné la performance de cet institut en remarquant que les responsabilités de ce dernier ne cessaient de s'étendre, compte tenu des problématiques liées à l'environnement et à la pollution. Il s'est étonné, toutefois, que la subvention demandée pour l'IFP au titre de l'année 2007 affiche une baisse de 5 millions, alors que le gouvernement s'était opposé, lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2006, à un amendement de la commission proposant la même réduction, au motif que celle-ci n'aurait pu être réalisée.

S'agissant du programme « Recherche industrielle », M. Maurice Blin, rapporteur spécial , a regretté la complexité du financement d'OSEO-ANVAR et a précisé que la commission avait demandé une enquête à la Cour des comptes sur cette entreprise, filiale de l'établissement public OSEO, en application des dispositions de l'article 58-2° de la LOLF, ce qui devrait donner lieu à une audition « pour suite à donner » début 2007. Il s'est également interrogé sur la pérennité du financement de l'Agence d'innovation industrielle (AII), qui n'a reçu qu'un versement d'1,7 milliard d'euros, fin 2005, en provenance du compte d'affectation spéciale n° 902-24 « Participations financières de l'Etat ».

M. Maurice Blin, rapporteur spécial , a enfin commenté le programme « Recherche duale », en soulignant que sa structuration actuelle ne permettait pas de répondre aux enjeux de la recherche duale puisqu'il correspondait seulement aux budgets des deux opérateurs, soit le Centre nationale d'études spatiales (CNES) et le Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Il a toutefois estimé que ces deux opérateurs menaient une action exemplaire.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial , a tout d'abord rejoint M. Maurice Blin pour se féliciter du respect par le présent projet de loi de finances des engagements financiers figurant dans la loi de programme pour la recherche précitée.

Puis passant à l'examen du programme « Formations supérieures et recherche universitaire », il a observé que ledit programme regroupait 10,6 milliards d'euros de crédits de paiement, soit la moitié de ceux de l'ensemble de la mission, ainsi que 98,6 % des emplois de la mission. Il a souligné la nécessité de répondre de manière efficace à la question de l'orientation en première année universitaire. S'il a salué, à cet égard, la mesure de pré-inscription décidée par M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, il a estimé qu'il convenait d'aller plus loin. Ainsi, la mise en place d'un module d'enseignement original au cours du premier trimestre de terminale, pouvant combiner une sensibilisation aux enjeux économiques et des échanges avec des professionnels, serait une réponse à la hauteur de l'enjeu. De plus, il a plaidé pour une réforme de la gouvernance des universités, arguant que la France risquait, si rien ne bougeait en ce domaine, de voir ses meilleurs enseignants-chercheurs s'exiler. Il a toutefois remarqué qu'au vu de la grande sensibilité de ce dossier, il conviendrait, sans doute, d'adopter une démarche d'expérimentation afin de progresser sur cette voie.

A propos du programme « Vie étudiante », M. Philippe Adnot, rapporteur spécial , a indiqué qu'après une dégradation de l'indicateur relatif au taux de paiement des bourses entre 2003 et 2005, l'amélioration constatée au cours du dernier trimestre avait entraîné des difficultés de trésorerie pour les centres régionaux d'oeuvres universitaires et scolaires (CROUS), qu'un récent décret de virement était venu partiellement résoudre. Puis ayant évoqué la mise en place de l'allocation pour l'installation étudiante (ALINE), il a insisté sur l'importance pour ces aides de bien atteindre le but recherché, à savoir le soutien rapide des étudiants les plus défavorisés, rappelant que près de 500.000 étudiants étaient boursiers.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial , a ensuite relevé que le programme « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources » avait été sollicité pour financer, d'une part, la mise en place d'ALINE à la rentrée 2006, à hauteur de 18,7 millions d'euros, d'autre part, les insuffisances de trésorerie du programme « Vie étudiante » engendrées par le paiement plus rapide des bourses. Il a déclaré que la ressource correspondante provenait d'une économie de gestion réalisée sur l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER) au titre de la régularisation de son régime de TVA.

Au sujet du programme « Recherche dans le domaine des risques et des pollutions », il a constaté que, comme en 2006, le financement de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) par ledit programme serait complété, à hauteur de 10 millions d'euros, par l'affectation d'une partie de la taxe sur les installations nucléaires de base, selon les dispositions de l'article 24 du projet de loi de finances pour 2007.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial , a ensuite évoqué le programme « Recherche culturelle et scientifique ». Il a déploré le fait que le Palais de la découverte, opérateur principal de ce programme avec la Cité des sciences, ne fasse pas l'objet d'une présentation dans les documents budgétaires, soulignant l'impossibilité pour le Parlement d'apprécier la subvention demandée, faute de justification au premier euro et de perspectives pour l'année à venir. Il a relevé, de surcroît, que le projet annuel de performances ne comportait plus aucun indicateur le concernant. Il a alors proposé à la commission un amendement visant à réduire de 500.000 euros la subvention du Palais de la découverte et à affecter cette somme au programme « Formations supérieures et recherche universitaire », action n° 12 « Recherche universitaire et interdisciplinaire », afin d'augmenter les crédits de soutien à la valorisation de la recherche. Il a rappelé, à cet égard, que son rapport d'information n° 341 (2005-2006) avait souligné la faiblesse des moyens correspondants.

Il a enfin abordé le programme « Enseignement supérieur et recherche agricole », se félicitant de la création de sept pôles de compétences dans ce domaine, sur le modèle des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES), notant toutefois, que la question de l'articulation des pôles de compétences avec les PRES demeurait posée. Il s'est inquiété, par ailleurs, des difficultés que pouvaient engendrer les gels de crédits ayant affecté ce programme pour les établissements d'enseignement supérieur agricole. Puis il a évoqué une récente visite à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), saluant la mise en place par cet institut de 500.000 euros de crédits destinés à financer la « preuve du concept » de ses brevets, étape indispensable à leur valorisation. Il s'est également déclaré surpris que la direction de l'INRA ne dispose d'aucune information lui permettant de coordonner les appels à projets de l'ANR auxquels répondent ses équipes.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial , a conclu en déclarant que la mission « Recherche et enseignement supérieur » bénéficiait pour 2007 d'un excellent projet de budget, qu'il convenait donc d'adopter.

Un débat s'est ensuite instauré.

M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles , s'est, en premier lieu, félicité des souplesses introduites par la loi de programme pour la recherche précitée. Puis il a rejoint M. Philippe Adnot pour plaider en faveur d'une réforme de la gouvernance des universités, regrettant que le gouvernement ne souhaite pas s'engager sur cette voie avant les élections nationales de 2007. Au sujet de la valorisation de la recherche publique, il a souligné que plusieurs organismes obtenaient de très bons résultats, citant en particulier l'INRA, l'Institut national de recherche en informatique et automatique (INRIA) et l'IFP.

M. Pierre Laffitte , rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, a ensuite salué la réussite des pôles de compétitivité, regrettant toutefois l'excessive sélectivité des pouvoirs publics ainsi que la trop grande longueur des délais d'agrément desdits pôles.

Il a enfin exprimé des réserves quant à l'amendement présenté par la commission visant à la suppression du programme « Orientation et pilotage de la recherche » et à la réaffectation des ses crédits au profit du programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », approuvant cependant la volonté de M. Maurice Blin que les crédits d'intervention de l'ANR soient budgétés.

M. Aymeri de Montesquiou a souhaité savoir si l'équivalent du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) existait dans d'autres pays. Il s'est également interrogé sur le bénéfice réel que retirerait la valorisation de la recherche de l'adoption de l'amendement proposé par M. Philippe Adnot, estimant que l'augmentation des crédits qui lui sont consacrés ne devait pas présenter un caractère ponctuel, mais pérenne.

M. Jacques Baudot , rappelant que 48.000 étudiants s'inscrivaient chaque année en première année de médecine, s'est inquiété du sort de ceux qui ne pouvaient poursuivre dans cette voie.

M. Denis Badré , président, s'est déclaré préoccupé par la relation entre la recherche française et la recherche européenne, ne distinguant pas de fortes interactions entre la MIRES et le programme-cadre de la Communauté européenne pour les actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (PCRD). Il a également exprimé son souhait que les postes créés par le projet de budget soient susceptibles d'attirer les meilleurs chercheurs, notamment ceux qui se sont expatriés.

M. Maurice Blin, rapporteur spécial , répondant tout d'abord à la préoccupation de M. Pierre Laffitte, a souligné que son amendement de réorientation des crédits du programme « Orientation et pilotage de la recherche » au profit du programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » ne supprimait aucun crédit.

En réponse à M. Aymeri de Montesquiou, il a précisé que le CNRS constituait un modèle unique, né en 1939 de la carence de la recherche universitaire. Il a également souligné la singularité du statut des chercheurs français exerçant dans les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST).

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial , a indiqué que l'amendement de réduction des crédits du Palais de la découverte, qu'il proposait à la commission, était un « amendement d'alerte » visant, d'une part, à rappeler la nécessité de respecter le Parlement, et d'autre part à souligner le besoin de renforcer les crédits en faveur de la valorisation de la recherche.

Puis il a rejoint M. Maurice Blin au sujet du statut des chercheurs français, relevant qu'au Japon, par exemple, la recherche s'effectuait, à présent, sur la base de projets.

En réponse à M. Jacques Baudot, M. Philippe Adnot, rapporteur spécial , a estimé que la première année de médecine devait être suffisamment diversifiée pour que les candidats ayant échoué dans cette voie puissent « ne pas repartir de zéro » dans une autre filière. Il a également déclaré que la situation actuelle en médecine illustrait l'importance d'améliorer rapidement le processus d'orientation des lycéens.

Puis il a rejoint la préoccupation exprimée par M. Denis Badré, président , quant à la nécessité pour la France d'attirer et de conserver les meilleurs chercheurs, jugeant que les pays industrialisés se livraient une « bataille de la matière grise » qu'il convenait de remporter.

A l'issue de ce débat, la commission a adopté deux amendements :

- un premier amendement tendant à la suppression du programme « Orientation et pilotage de la recherche »et au déplacement de ses crédits vers le programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » ;

- un second amendement visant à réduire de 500.000 euros la subvention du Palais de la découverte et à affecter cette somme au programme « Formations supérieures et recherche universitaire », action n° 12 « Recherche universitaire et interdisciplinaire », afin d'augmenter les crédits de soutien à la valorisation de la recherche.

La commission des finances a ensuite adopté les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ainsi modifiés.

Puis M. Maurice Blin, rapporteur spécial , s'est exprimé sur l'article 51 du projet de loi de finances, rattaché pour son examen à la présente mission. Il s'est félicité de la volonté de simplification des aides accordées aux entreprises de recherche et développement participant aux pôles de compétitivité, jugeant toutefois nécessaire que le gouvernement précise bien que la réforme ne fera, parmi lesdites entreprises, ni « gagnants », ni « perdants ». Au bénéfice de cette remarque, il a recommandé à la commission d'adopter sans modification l'article 51.

La commission des finances a adopté l'article 51 du projet de loi de finances sans modification.

A l'invitation de ses rapporteurs spéciaux, la commission a alors décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ainsi modifiés, ainsi que l'article 51 rattaché sans modification.

Réunie le jeudi 23 novembre 2006, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a confirmé son vote, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale.

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