II. LE PROGRAMME 165 : « CONSEIL D'ETAT ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES »

A. LA FINALITÉ DU PROGRAMME : LE RESPECT DU DROIT PAR LES ADMINISTRATIONS

Le programme 165 « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » a pour objet le respect du droit par les administrations , au travers d' activités contentieuses, de conseil ou d'expertise . Il inclut, outre le Conseil d'Etat, 8 cours administratives d'appel (CAA) et 37 tribunaux administratifs (TA), dont 9 dans les collectivités d'outre-mer.

L'activité de conseil par le Conseil d'Etat comporte, notamment, l'examen des projets de loi, d'ordonnances, de décrets en Conseil d'Etat, ainsi que des projets d'actes communautaires. Le Conseil d'Etat peut être saisi par le gouvernement et les autres juridictions administratives par les préfets de toute difficulté d'ordre juridique ou administratif.

Le responsable de ce programme est le vice-président du Conseil d'Etat, M. Jean-Marc Sauvé .

B. LES ACTIONS DU PROGRAMME : LA FONCTION JURIDICTIONNELLE EN REPRÉSENTE 90 %

L'action de soutien pèse pour un cinquième du programme. Après ventilation de ses crédits de paiement, il ressort que la fonction juridictionnelle représente 90 % du présent programme. Les crédits de paiement consacrés à cette fonction juridictionnelle sont, par ailleurs, dédiés aux deux tiers aux tribunaux administratifs.

C. UNE ÉVOLUTION NOTABLE DES CRÉDITS : + 5,1 % DES CRÉDITS DE PAIEMENT

Le présent programme comporte, hors fonds de concours, 252,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 251,2 millions d'euros en crédits de paiement , en progression respectivement de 2,5 % et de 5,1 % par rapport au projet de loi de finances initiale pour 2006.

Tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, il bénéficie de fonds de concours à hauteur de 0,442 million d'euros, soit un recul de 22,8 % par rapport au projet de loi de finances initiale pour 2006. Ces fonds proviennent essentiellement du produit de la vente d'arrêts et de conclusions par le Conseil d'Etat, ainsi que de la participation financière des collectivités territoriales à certaines opérations immobilières concernant les cours et tribunaux de l'ordre administratif. La diffusion gratuite sur internet des bases de données juridiques explique la diminution progressive de cet apport .

La dotation relative aux frais de justice correspond à 8,86 millions d'euros , après un réajustement de 1,24 million d'euros au regard du montant alloué dans le projet de loi de finances initiale pour 2006. Cet accroissement de 14,1 % de la dotation laisse, toutefois, planer un doute sur la sincérité budgétaire de ce poste, dans la mesure où la consommation de ces crédits en 2005 était déjà de 8,19 millions d'euros avec un taux de croissance de 12 % 6 ( * ) .

Ces frais de justice correspondent, pour une part essentielle, aux frais postaux , aux frais de papier et aux frais de traduction qui sont engagés par le Conseil d'Etat. Si, en volume, ils ne sont pas du même ordre de grandeur que ceux supportés par les juridictions judiciaires (420 millions d'euros en loi de finances initiales pour 2006), il n'est pas douteux de penser que le Conseil d'Etat et les juridictions administratives auront à coeur de contenir leur évolution, à l'heure où l'ordre judiciaire s'est lui-même engagé dans un stratégie fructueuse en la matière (après une croissance exponentielle au cours des dernières années, que notre collègue Roland du Luart avait soulignée en 2005 7 ( * ) , ces frais tendent, en effet, désormais à être maîtrisés de manière satisfaisante). Des économies ont, d'ailleurs, d'ores et déjà été réalisées concernant les envois en recommandés en 2006 8 ( * ) .

Par ailleurs, à partir du 1 er novembre 2006, entrera en fonctionnement le tribunal administratif (TA) de Nîmes (dont le coût total des travaux se sera monté à 5,5 millions d'euros), tandis qu' un nouveau TA sera créé à Toulon en 2008 , qui nécessite une autorisation d'engagement budgétisée à 1,6 million d'euros pour 2007 afin de couvrir l'investissement immobilier. Ces deux programmes ont vocation à se compléter pour « désengorger » les juridictions proches de la Méditerranée (TA de Nice et TA de Montpellier).

L'évolution notable des crédits de ce programme s'accompagne, toutefois, d'une réflexion approfondie, menée conjointement par le Conseil d'Etat et les autres juridictions administratives, pour instaurer un contrôle de gestion sur leurs budgets de fonctionnement. Un progiciel d'élaboration budgétaire et de contrôle de gestion a, ainsi, été déployé, courant 2006, dans les services gestionnaires du Conseil d'Etat et dans toutes les juridictions administratives.

D. LES OBJECTIFS FIXÉS PAR LA LOPJ EN TERMES D'EFFECTIFS NE SONT PAS ATTEINTS

Représentant 81,8 % des crédits de paiement de ce programme, les crédits de personnel progressent de 11 millions d'euros (+ 5,4 %) pour s'établir à 205,4 millions d'euros .

Le programme 165 bénéficie, notamment, de 3 millions d'euros pour la création d'emplois au titre de la LOPJ 9 ( * ) .

Cet effort se révèle, toutefois, insuffisant pour satisfaire aux objectifs fixés par la LOPJ , qui prévoyait la création de 480 emplois dans les juridictions administratives entre 2003 et 2007. Au cours de cette période, ce sont, finalement, 342 emplois qui auront été créés, soit un taux de création des emplois prévus de seulement 71,2 % .

Alors que la LOPJ projetait la création de 210 emplois de magistrats administratifs et de 270 emplois d'agents de greffe, le déficit final s'élève à 54 postes de magistrats administratifs et 84 postes d'agents de greffe .

Un constat similaire peut être dressé s'agissant des postes d'assistants de justice, 210 postes ayant été créés sur 230 prévus par la LOPJ.

Votre commission des finances avait déjà exprimé ses craintes, l'an dernier , au regard du non-respect des objectifs assignés par la LOPJ à ce programme en terme d'effectifs, en particulier concernant les greffiers.

Ce retard est d'autant plus regrettable que le Conseil d'Etat et les autres juridictions administratives se voient soumises, outre la pression de l'augmentation continue du contentieux, à de nouvelles contraintes en 2007 . Ainsi, les dispositions de différents textes de loi 10 ( * ) ou d'ordonnance 11 ( * ) ont confié à un magistrat administratif la présidence des chambres de discipline des différentes professions de santé et entreront en vigueur à la fin de l'année 2006. Elles entraîneront une consommation de 10 emplois temps plein travaillé ETPT supplémentaires de magistrats.

Par ailleurs, comme il est de tradition au Conseil d'Etat, certains de ses membres sont mis à disposition ou en détachement . Au 31 juillet 2006, sept d'entre eux étaient mis à disposition de la Présidence de la République, du Premier ministre ou de cabinets ministériels, tandis que soixante-huit étaient en détachement (dont vingt-quatre dans des administrations centrales et dix dans des organisations internationales).

Il convient, toutefois, de souligner que le présent programme bénéficie d' un transfert de six ETPT , correspondant à trois ETPT précédemment mis à disposition, respectivement, par le ministère de l'intérieur et le ministère de l'économie et des finances dans le cadre du fonctionnement de la Commission pour la transparence financière de la vie politique .

Enfin, il sera procédé, en 2007, à une revalorisation du régime indemnitaire des magistrats administratifs et des cours administratives d'appel pour un montant global de 1,2 millions d'euros 12 ( * ) (soit 0,5 % du total des crédits de personnel), compte tenu, notamment, des importants efforts de productivité réalisés par les magistrats administratifs pour réduire l'ancienneté du stock des affaires en instance et les délais de jugement.

E. L'AFFIRMATION D'UNE CULTURE DE LA PERFORMANCE AU SEIN DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

La poursuite de l'augmentation du contentieux administratif (+ 14 % en 2003, + 16 % en 2004 et + 5 % en 2005) 13 ( * ) confirme la pertinence de l'objectif principal du programme de ramener à un an , au lieu de 18 mois, fin 2007, les délais de jugement devant les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs, comme cela est déjà le cas au Conseil d'Etat. Afin d'atteindre cet objectif, plusieurs leviers sont utilisés : rémunération au mérite, recrutement d'assistants de justice, contrats d'objectifs conclus avec les cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs (Orléans dès 2003, Montpellier en 2006).

Au sein de ce programme, l'acclimatation à la culture des indicateurs de performance s'est faite sans difficulté particulière, la référence à des délais moyens de jugement étant déjà utilisée, depuis plusieurs années, par le Conseil d'Etat pour son rapport annuel.

Ce constat est d'autant plus remarquable que, comme pour le programme 126 « Conseil économique et social », la fonction consultative ne se prête guère à la mesure de la performance .

Néanmoins, ce programme s'est enrichi, cette année, d'une nouvelle dimension en vue de tenter d'évaluer la performance de la fonction consultative , grâce à l'objectif 4 « Assurer l'efficacité du travail consultatif ». Cet objectif est assorti d' un indicateur présentant la proportion de textes examinés en moins de deux mois par les sections administratives du Conseil d'Etat .

Au-delà de cette innovation, il faut également se féliciter de l'évolution très favorable des indicateurs mesurant l'efficience des juridictions (objectif 3). En effet, dans les tribunaux administratifs, des efforts de productivité avaient déjà été réalisés depuis plusieurs années grâce, notamment, au développement des procédures à juge unique (60 % des décisions rendues), au recrutement d'assistants de justice et à l'amélioration de l'outil informatique. Pourtant, en 2005, pour faire face à une forte augmentation du contentieux, les tribunaux administratifs sont parvenus à franchir un nouveau palier en dépassant, lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2006, la cible fixée pour 2007 (261 affaires réglées par magistrat en 2005 pour une cible de 240 prévue en 2007, et 185 affaires réglées par agent de greffe pour une cible de 180 en 2007).

F. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

- Les crédits de paiement de ce programme connaissent une augmentation notable : + 5,1 % .

- Un doute subsiste sur la sincérité de l'évaluation des frais de justice , dont la dotation s'élève à 8,86 millions d'euros.

- Les objectifs fixés par la LOPJ en termes de création d'emplois ne seront pas respectés en 2007 . En particulier, malgré la création de 342 emplois au final, il manquera 54 postes de magistrats administratifs et 84 postes d'agents de greffe.

- Etant donnés les efforts importants de productivité réalisés, une revalorisation du régime indemnitaire des magistrats administratifs et des cours administratives d'appel est prévue, pour un montant global de 1,2 million d'euros.

- La poursuite de l'augmentation du contentieux administratif (+ 14 % en 2003, + 16 % en 2004 et + 5 % en 2005) 14 ( * ) confirme la pertinence de l'objectif principal du programme de ramener à un an , au lieu de 18 mois, fin 2007, les délais de jugement devant les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs.

- Il convient de se féliciter que le programme se soit enrichi, cette année, d' un nouvel objectif : « Assurer l'efficacité du travail consultatif » . Cet objectif est assorti d'un indicateur présentant la proportion de textes examinés en moins de deux mois par les sections administratives du Conseil d'Etat.

- Il faut saluer l'évolution très favorable des indicateurs mesurant l'efficience des juridictions , les tribunaux administratifs étant parvenus à dépasser, dès 2005, la cible qui leur était fixée pour 2007 en matière de nombre d'affaires réglées par magistrat et par agent de greffe.

* 6 Une simulation de l'évolution de ces frais, avec pour hypothèses de départ une consommation initiale en 2005 de 8,19 millions d'euros et un taux de croissance de 12 % en 2006 et 2007 (identique à celui observé en 2005 et inférieur à celui de 17 % enregistré en 2004), aboutit à une estimation de 10,27 millions d'euros de crédits consommés au cours de l'exercice 2007.

* 7 Rapport d'information n° 478 (2004-2005) « La LOLF dans la justice : indépendance de l'autorité judiciaire et culture de gestion ».

* 8 Le système de la lettre remise contre signature s'est progressivement substituée à l'envoi en recommandé, dégageant ainsi une économie estimée, par le Conseil d'Etat, à 35 % sur le poste des envois.

* 9 Loi d'orientation et de programmation pour la justice n° 2002-1138 du 9 septembre 2002, concernant les années 2003 à 2007.

* 10 Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, loi n° 2004-806 relative à la politique de santé publique.

* 11 Ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 12 Une première revalorisation du taux moyen budgétaire de l'indemnité forfaitaire à hauteur de 51 % sera mise en oeuvre en 2007, une partie de cette augmentation étant autofinancée sur les crédits du programme.

* 13 En données nettes des séries.

* 14 En données nettes des séries.

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