Article 23 quater (nouveau)
(titre XXVII nouveau du livre IV et art. 706-112
à 706-118 nouveaux
du code de procédure pénale)
De la poursuite, de l'instruction et du jugement des
infractions commises par des majeurs protégés
Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture à l'initiative du Gouvernement et avec l'accord de sa commission des lois, détermine les règles de procédure applicables à la poursuite, à l'instruction et au jugement des infractions commises par des majeurs protégés.
A cet effet, il prévoit l'insertion dans le livre IV («De quelques procédures particulières ») du code de procédure pénale d'un titre XXVII intitulé « De la poursuite, de l'instruction et du jugement des infractions commises par des majeurs protégés » et comprenant sept articles numérotés 706-113 à 706-118.
L'article 706-112 prévoit ainsi l'application de dispositions particulières lorsqu'il est établi, au cours d'une procédure, que la personne majeure fait l'objet d'une mesure de protection juridique.
L'article 706-113 prévoit que le curateur ou le tuteur, ainsi que le juge des tutelles sont avisés, par le procureur de la République ou le juge d'instruction :
- des poursuites dont la personne fait l'objet ;
- d'une alternative aux poursuites consistant en la réparation du dommage ou en une médiation, c'est-à-dire deux des six catégories de mesures que le procureur de la République est susceptible de proposer sur le fondement de l'article 41-1 du code de procédure pénale ;
- d'une composition pénale, prévue par l'article 41-2 du même code et que « le procureur de la République, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, peut proposer, directement ou par l'intermédiaire d'une personne habilitée, à une personne physique qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis à titre de peine principale d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, ainsi que, le cas échéant, une ou plusieurs contraventions connexes » ;
- d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ;
- d'une audition comme témoin assisté ;
- des décisions de non-lieu, de relaxe, d'acquittement ou de condamnation.
Les autres alternatives aux poursuites, en pratique le rappel à la loi, l'orientation ou la régularisation, sont de moindre ampleur et, surtout, n'ont pas d'incidence sur le patrimoine de l'intéressé. Il semble donc inutile de compliquer leur mise en oeuvre, alors qu'il s'agit très clairement de mesure de clémence évitant des poursuites.
L'article 706-113 permet également au curateur ou au tuteur de prendre connaissance des pièces de la procédure dans les mêmes conditions que celles prévues pour les avocats .
Considérant qu'il n'y a pas lieu de donner au tuteur ou au curateur des droits supérieurs à ceux de la personne protégée et équivalents à ceux de son avocat, votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de leur reconnaître les mêmes droits que la personne poursuivie .
Au delà de cette question de principe, permettre au tuteur ou au curateur de prendre connaissance du dossier dans les mêmes conditions que l'avocat -c'est-à-dire de bénéficier dans tous les cas d'un accès direct à la procédure- peut s'avérer en pratique source de difficultés pour les services de greffe en termes de surveillance et de sécurité de cette consultation, le curateur ou le tuteur n'étant pas un auxiliaire de justice, mais également peu utile, dans la mesure où l'article 706-116 tel que prévu par le présent projet impose déjà l'assistance obligatoire du majeur protégé par un avocat.
La solution proposée par votre commission permettra d'éviter ces deux inconvénients sans pour autant dénier aux personnes chargées de la mesure de protection cette consultation du dossier, tout à fait légitime. Il leur sera en effet possible, lorsque le majeur protégé aura le statut de prévenu ou d'accusé, d'obtenir directement copie des pièces de la procédure 153 ( * ) et, lorsque ce dernier aura le statut de mis en examen de prendre connaissance des pièces du dossier par le truchement de son conseil 154 ( * ) .
L'article 706-113 accorde au curateur ou au tuteur, de plein droit, un permis de visite si la personne est placée en détention provisoire.
Il prévoit que le curateur ou le tuteur doit être avisé de la date d'audience et, lorsqu'il est présent à l'audience, être entendu par la juridiction en qualité de témoin .
Ces dispositions sont étendues à la situation du majeur placé sous sauvegarde de justice ou ayant conclu un mandat de protection future par l'article 706-117. En cas de sauvegarde de justice, le juge des tutelles doit alors désigner un mandataire spécial investi, au cours de la procédure, des prérogatives confiées au curateur ou au tuteur.
L'article 706-114 donne au procureur de la République et au juge d'instruction la faculté de demander au juge des tutelles la désignation d'un tuteur ou curateur ad hoc , s'il existe des raisons plausibles de présumer que le curateur ou le tuteur est coauteur ou complice de l'infraction ou s'il en est victime , et en l'absence de subrogé curateur ou de subrogé tuteur.
Il prévoit qu'à défaut, le président du tribunal de grande instance désigne un représentant ad hoc pour assister la personne au cours de la procédure pénale.
L'article 706-115 exige, avant tout jugement au fond, que la personne poursuivie soit soumise à une expertise médicale afin d'évaluer sa responsabilité pénale au moment des faits.
L'article 706-116 exige qu'elle soit assistée par un avocat et prévoit, à défaut de choix d'un avocat par la personne poursuivie ou son curateur ou son tuteur, que le procureur de la République ou le juge d'instruction fait désigner un avocat par le bâtonnier. L'intéressé devra être informé que les frais seront à sa charge sauf s'il remplit les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle.
L'article 706-118 renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser ces règles.
Ces dispositions apportent des garanties nouvelles aux majeurs protégés et devraient permettre d' éviter à l'avenir une autre condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme .
Celle-ci a en effet jugé, dans un arrêt du 30 janvier 2001 Vaudelle contre France, que notre législation méconnaissait le droit effectif à un procès équitable énoncé à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En l'espèce, un majeur sous curatelle n'avait pas répondu aux convocations qui lui avaient été adressées et avait fait l'objet d'un jugement réputé contradictoire pour atteintes sexuelles sur mineur de 15 ans sans que son curateur ait été informé de l'existence de la procédure pénale.
La Cour de Strasbourg a ainsi affirmé la nécessité de prévoir des « garanties spéciales de procédure pour protéger ceux qui, en raison de leurs troubles mentaux, ne sont pas entièrement capables d'agir pour leur compte . »
Si l'altération des facultés mentales ne suffit pas toujours à dégager la personne de sa responsabilité pénale, dans les conditions prévues à l'article 122-1 du code pénal, elle le place dans une situation particulière quant à l'exercice de ses droits procéduraux.
Or, jusqu'à présent, la procédure pénale française tenait peu compte de l'incapacité civile : ainsi, l'article 256 du code de procédure pénale écarte tous les majeurs protégés des jurys criminels et son article 417 impose l'assistance d'un défenseur dès lors que la personne poursuivie est atteinte d'une infirmité de nature à compromettre sa défense sans exiger qu'un régime de protection soit mis en place. En estimant que « les parties civiles, qui étaient des majeures protégées, l'une sous le régime de la tutelle, l'autre sous celui de la curatelle, devaient, durant les débats, être respectivement représentées et assistées de leur tutrice et curatrice 155 ( * ) », la Cour de cassation, a déjà souligné la nécessité de prendre en considération l'incapacité du majeur dans le cadre d'une procédure pénale.
Les mesures proposées concourent incontestablement à une meilleure défense des majeurs protégés. Reste à savoir si tous ont la faculté de discernement, déjà exigée pour que les mineurs délinquants soient pénalement responsables, pour consentir à des mesures alternatives aux poursuites telles qu'une composition pénale ou une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 23 quater ainsi modifié .
* 153 Articles R. 154 et suivants du code de procédure pénale.
* 154 Article 114 du code de procédure pénale.
* 155 Cass, ch. crim, 8 mars 2000.