EXAMEN DES ARTICLES

Article premier (art. 88-1 de la Constitution) Autorisation de ratifier le traité de Lisbonne

Cet article tend à modifier l'article 88-1 de la Constitution afin de rendre possible la ratification du traité de Lisbonne qui modifie le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne.

Ces dispositions sont appelées à entrer en vigueur dès le lendemain de la publication de la future loi constitutionnelle, permettant ainsi à la procédure d'autorisation de ratification du traité d'être menée à son terme conformément aux articles 53 et 54 de la Constitution 26 ( * ) . Toutefois, elles cesseront d'exister lorsque le traité de Lisbonne entrera en vigueur , c'est-à-dire le 1 er janvier 2009 lorsque tous les Etats membres de l'Union européenne l'auront ratifié 27 ( * ) . Ces dispositions seront alors remplacées par celles prévues à l'article 2 du présent projet de loi.

Ce mécanisme à double détente est identique à celui qui avait déjà été retenu par la loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005.

L'article 1 er de cette loi a en effet complété l'article 88-1 de la Constitution par un second alinéa prévoyant que la République « peut participer à l'Union européenne dans les conditions prévues par le traité établissant une Constitution pour l'Europe signé le 29 octobre 2004 ».

Le caractère très général de cette formule permettait de lever l'ensemble des obstacles juridiques à la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe. En outre, en ouvrant une simple faculté, cette formule évitait judicieusement de préjuger de l'issue du référendum français du 29 mai 2005 ainsi que des procédures de ratification engagées dans les autres Etats membres.

Ces dispositions devaient être transitoires car insuffisantes à la mise en oeuvre de l'ensemble des dispositions du traité, une fois celui-ci entré en vigueur, en particulier les dispositions relatives aux nouvelles prérogatives reconnues au Parlement. En conséquence, l'article 3 de la loi du 1 er mars 2005 prévoyait une réécriture complète du titre XV de la Constitution qui serait entrée en vigueur en même temps que le traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Du fait du rejet du traité constitutionnel par le référendum du 29 mai 2005, ces dispositions transitoires demeurent inscrites dans la Constitution.

Saisi par le Président de la République le 13 décembre 2007 afin de se prononcer sur la contrariété ou non du traité de Lisbonne avec la Constitution, le Conseil constitutionnel 28 ( * ) n'a reconnu aucune portée utile au second alinéa de l'article 88-1, scorie de la loi constitutionnelle du 1 er mars 2005, en dépit de la proximité sur le fond de certaines dispositions des deux traités.

Le présent article, qui modifie le second alinéa de l'article 88-1 de la Constitution, reprend par conséquent la même méthode en prévoyant que la République « peut participer à l'Union européenne dans les conditions prévues par le traité de Lisbonne [...] signé le 13 décembre 2007 ».

Elle évite à nouveau de préjuger du résultat des procédures de ratification dans chaque Etat membre. La totalité de nos partenaires, à l'exception de l'Irlande, recourront à la voie parlementaire. Dans cet Etat, la ratification du traité suppose une révision de la Constitution laquelle ne peut se faire que par référendum 29 ( * ) .

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier sans modification .

Article 2 (art. 88-1, 88-2, 88-4, 88-5 et 88-6 à 88-7 [nouveaux] de la Constitution) Modification du titre XV de la Constitution relatif aux Communautés européennes et à l'Union européenne

Cet article est le second volet de la révision constitutionnelle, le premier volet étant constitué de l'article premier du présent projet de loi qui se limite à rendre possible la ratification du traité de Lisbonne par la France dans l'attente de son entrée en vigueur .

En effet, le présent article tend à modifier le titre XV de la Constitution afin de lever l'ensemble des motifs de contrariété entre le traité de Lisbonne et la Constitution à compter de l'entrée en vigueur dudit traité 30 ( * ) . En particulier, il autorise la mise en oeuvre des nouvelles prérogatives reconnues au Parlement par le traité de Lisbonne, la révision transitoire et a minima prévue par l'article premier du projet de loi ne suffisant pas.

L'article 3 de la loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1 er mars 2005 prévoyait déjà une refonte complète du titre XV de la Constitution, mais celle-ci n'est jamais entrée en vigueur en raison du rejet du traité établissant une Constitution pour l'Europe par le référendum du 29 mai 2005. Il tendait à réécrire l'ensemble des articles 88-1 à 88-4 de la Constitution et y adjoignait trois nouveaux articles 88-5 à 88-7. Outre la mise en conformité de la Constitution avec le traité établissant une Constitution pour l'Europe, la loi du 1 er mars 2005 procédait à diverses améliorations rédactionnelles.

Le présent article, s'il reprend pour l'essentiel les dispositions de l'article 3 de la loi du 1 er mars 2005, ne procède pas à une réécriture intégrale du titre XV de la Constitution. Il se cantonne rigoureusement à ce qui est nécessaire pour permettre l'entrée en vigueur et la mise en oeuvre du traité de Lisbonne en répondant strictement aux exigences posées par la décision du Conseil constitutionnel du 20 décembre 2007.

Ainsi, le présent article ne rouvre pas le débat sur la disposition introduite par l'article 2 de la loi du 1 er mars 2005 qui prévoit que « tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne et aux Communautés européennes est soumis au référendum par le Président de la République ». Cette question est renvoyée au débat plus global qui aura lieu à l'occasion du futur projet de loi constitutionnelle sur la réforme des institutions.

De la même façon mais sur un sujet de bien plus faible importance, si la révision constitutionnelle désormais caduque du 1 er mars 2005 toilettait et améliorait la rédaction de l'article 88-3 de la Constitution relatif aux droits de vote et d'éligibilité aux élections municipales des citoyens de l'Union résidant en France, le présent article n'en fait rien, ce qui a pour effet de maintenir, entre autres, une référence au traité de Maastricht signé le 7 février 1992.

Le souci du Gouvernement de ne pas mélanger les débats à l'occasion de cette révision constitutionnelle est légitime. Il convient en effet de ne pas troubler par des questions annexes le processus de ratification du traité de Lisbonne. Toutefois, le renoncement à de simples améliorations rédactionnelles témoigne sans doute d'une prudence excessive.

1. Supprimer les références aux Communautés européennes

Le traité de Lisbonne met fin à la Communauté européenne et à la structure en piliers de l'ordre juridique européen. L'Union européenne désormais dotée de la personnalité juridique s'y substitue. Quant au traité instituant la communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), il est échu depuis le 22 juillet 2002.

En conséquence, le du présent article modifie l'intitulé du titre XV de la Constitution afin de supprimer la référence aux « Communautés européennes ». De la même façon, le présent article supprime cette référence dans l'ensemble du titre XV.

Certes, la Communauté européenne de l'énergie atomique (CEEA ou « Euratom ») subsiste. Mais le protocole (n° 13) modifiant le traité instituant la CEEA et annexé au traité de Lisbonne prévoit l'assimilation des références à l'Union, au « traité sur l'Union européenne » et au « traité sur le fonctionnement de l'Union européenne » aux références à la Communauté européenne de l'énergie atomique et à son traité constitutif.

2. Autoriser la participation de la France à l'Union européenne dans les conditions fixées par le traité de Lisbonne

Le du présent article réécrit l'article 88-1 de la Constitution. Celui-ci poserait le principe général de la participation de la France à l'Union européenne « constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé le 13 décembre 2007 ».

En faisant référence au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité de Lisbonne, la rédaction proposée assure la conformité à la Constitution de l'ensemble des clauses de ces textes 31 ( * ) . En revanche, les modifications qui leurs seraient apportées ultérieurement pourraient être jugées contraires à la Constitution et appeler en conséquence une nouvelle révision constitutionnelle 32 ( * ) .

De ce point de vue, la rédaction proposée pour l'article 88-1 ne rompt pas avec la technique juridique employée lors des révisions constitutionnelles préalables aux ratifications des traités de Maastricht et d'Amsterdam consistant à n'autoriser que les seuls transferts de compétences induits par la ratification desdits traités.

L'autre solution, souvent réclamée pour éviter la multiplication des révisions constitutionnelles ponctuelles, aurait consisté à prévoir une clause générale autorisant par avance tous les transferts de souveraineté requis par la construction européenne 33 ( * ) .

Bien que classique par sa technique, la rédaction proposée pour l'article 88-1 n'en est pas moins innovante. En effet, comme l'a souligné M. Bertrand Mathieu, professeur à l'Université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne), elle tend à synthétiser en une seule phrase le principe de la participation de la France à l'Union européenne. Cette solution permet d'alléger le texte constitutionnel et de couvrir l'ensemble des transferts de compétence opérés antérieurement au traité de Lisbonne et par ce dernier traité. L'article 3 de la loi constitutionnelle du 1 er mars 2005 prévoyait une solution similaire.

Depuis le traité de Maastricht, la pratique a en effet consisté lors de chaque révision constitutionnelle préalable à la ratification d'un traité européen à énumérer les domaines dans lesquels des transferts de compétences étaient autorisés.

La rédaction proposée pour l'article 88-1 se substituerait par conséquent :

- d'une part, à l'article 88-1 tel qu'il résulterait de l'article 1 er du présent projet de loi constitutionnelle et qui proclame déjà en son premier alinéa que « la République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences » ;

- d'autre part, aux deux premiers alinéas de l'article 88-2 qui disposent que la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l'établissement de l'union économique et monétaire selon les modalités prévues par le traité de Maastricht ainsi qu'aux transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés selon les modalités prévues par le traité d'Amsterdam.

Dans l'avenir, si de nouveaux transferts de compétences étaient décidés, il suffirait de remplacer à l'article 88-1 la référence au traité de Lisbonne par la référence au nouveau traité.

La rédaction proposée appelle quelques précisions complémentaires.

En premier lieu, les deux premiers alinéas de l'article 88-2 de la Constitution en vigueur disposent que la France consent aux transferts de compétences nécessaires « sous réserve de réciprocité ». Cette condition de réciprocité est abandonnée par la nouvelle rédaction proposée. Elle s'avère en effet inutile en l'espèce puisque l'entrée en vigueur de cette rédaction est elle-même subordonnée à la ratification du traité de Lisbonne par l'ensemble des Etats membres. Donc, il ne pourra entrer en vigueur que si la clause de réciprocité est préalablement satisfaite.

En second lieu, la reprise par la rédaction proposée de la formule selon laquelle l'Union européenne est « constituée d'Etats qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences » est destinée à faire obstacle à ce que l'Union devienne une fédération sans une nouvelle révision constitutionnelle. Elle est issue de la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 préalable à la ratification du traité de Maastricht.

3. La mise en oeuvre des règles relatives au mandat d'arrêt européen

Le du présent article tend également à réécrire l'article 88-2 de la Constitution compte tenu des modifications importantes de l'article 88-1 de la Constitution. Seul le dernier alinéa de l'article 88-2 en vigueur, relatif au mandat d'arrêt européen, serait maintenu. Sur ce point, la rédaction proposée pour l'article 88-2 est rigoureusement identique à celle que prévoyait la loi constitutionnelle du 1 er mars 2005 non entrée en vigueur.

Le droit en vigueur

Le dernier alinéa de l'article 88-2 de la Constitution en vigueur dispose que « la loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris sur le fondement du Traité sur l'Union européenne ».

Ces dispositions ont été insérées par la loi constitutionnelle n° 2003-267 du 25 mars 2003 relative au mandat d'arrêt européen, le Conseil d'Etat ayant estimé 34 ( * ) que la décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen 35 ( * ) méconnaissait le « principe fondamental reconnu par les lois de la République », à valeur constitutionnelle, selon lequel l'État doit pouvoir se réserver la possibilité de refuser l'extradition d'une personne poursuivie pour une infraction à caractère politique 36 ( * ) . Il a donc été jugé plus prudent de procéder à la révision de la Constitution avant de transposer la décision-cadre en droit interne.

En effet, le premier alinéa de l'article 88-1 de la Constitution en vigueur qui dispose que « la République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences », n'a pour effet ni de conférer une valeur constitutionnelle aux traités, ni de faire bénéficier d'une clause générale d'immunité constitutionnelle les actes pris en application de ceux-ci. Le droit dérivé européen n'est pas automatiquement et nécessairement conforme à la Constitution, même si à l'inverse la Cour de justice des Communautés européennes considère qu'un Etat membre ne peut se prévaloir de son droit interne pour faire obstacle à la mise en oeuvre du droit de l'Union.

Toutefois, les hypothèses dans lesquelles la transposition d'une directive ou d'une décision-cadre serait écartée en raison d'une contrariété avec la Constitution sont très réduites.

En effet, dans trois décisions de 2004 37 ( * ) , le Conseil constitutionnel a précisé que la transposition en droit interne d'une directive communautaire résultait d'une exigence constitutionnelle posée par l'article 88-1 de la Constitution. Seule pourrait y faire obstacle une disposition expresse et spécifique de la Constitution contraire à la directive. Sous réserve de cette exception, le Conseil constitutionnel se refuse à contrôler la conformité à la Constitution des actes pris par les institutions de l'Union européenne et va même jusqu'à reconnaître une primauté atténuée de la Constitution sur le droit communautaire.

Dans sa décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006 sur la loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, le Conseil a précisé cette jurisprudence en considérant que « la transposition d'une directive ne saurait aller à l'encontre d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti ».

Cette jurisprudence est postérieure à l'avis du Conseil d'Etat du 26 septembre 2002 qui avait conduit à réviser la Constitution pour permettre la transposition de la décision-cadre sur le mandat d'arrêt européen.

Plusieurs professeurs de droit entendus par votre rapporteur à l'occasion de la loi du 1 er mars 2005 ainsi que sur le présent projet de loi ont estimé que la jurisprudence du Conseil constitutionnel rendrait inopposable à une loi de transposition un simple principe fondamental reconnu par les lois de la République, sauf à considérer qu'il s'agit d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France.

Dans ces conditions se pose la question de l'utilité de maintenir des dispositions spécifiques assurant la conformité à la Constitution du mandat d'arrêt européen et de ses développements futurs.

Un maintien utile malgré tout

En dépit des aspects contestables ou dépassés de l'avis du Conseil d'Etat du 26 septembre 2002, votre rapporteur estime plus prudent de ne pas prendre le risque de supprimer à ce stade la référence constitutionnelle au mandat d'arrêt européen en raison, d'une part, des incertitudes entourant la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel et, d'autre part, du caractère limité de la révision constitutionnelle proposée qui se refuse encore à franchir le pas d'une clause générale de conformité à la Constitution des évolutions futures de la construction européenne.

Le traité de Lisbonne ne consacre pas directement dans le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne le mandat d'arrêt européen. Celui-ci n'y trouvera, comme c'est déjà le cas dans le traité instituant les Communautés européennes, qu'une base juridique. Le futur article 82 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit que « la coopération judiciaire en matière pénale dans l'Union est fondée sur le principe de la reconnaissance mutuelle des jugements et décisions judiciaires » et que le Parlement européen et le Conseil adoptent les mesures visant à « établir des règles et des procédures pour assurer la reconnaissance de toutes les formes de jugements et de décisions judiciaires ». Le mandat d'arrêt européen continuera à ne relever que du droit dérivé.

Or, à l'occasion de la transposition d'une future directive relative au mandat d'arrêt européen, il n'est pas possible de prédire, en l'état de sa jurisprudence, si le Conseil constitutionnel jugerait la règle selon laquelle l'Etat doit refuser l'extradition lorsqu'elle est demandée dans un but politique comme étant un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France.

En conséquence, l'article 88-1 ne suffit pas à garantir avec certitude la conformité à la Constitution du mandat d'arrêt européen. Les dispositions spécifiques de l'article 88-2 conservent une utilité, même si les risques de contrariété avec la Constitution sont très réduits. Lors de son audition par votre commission, le 17 janvier 2008, M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes, a estimé qu'un risque d'insécurité juridique demeurait et qu'il convenait par précaution de ne pas abroger ces dispositions introduites par la loi constitutionnelle du 25 mars 2003.

En outre, hypothétiquement, les développements du mandat d'arrêt européen pourraient à l'avenir, faute d'une base juridique suffisamment solide, s'avérer contraires à des dispositions expresses et spécifiques de la Constitution. En dépit des doutes émis par plusieurs professeurs de droit, la rédaction proposée par le présent projet de loi permet de couvrir ce risque puisqu'elle garantit la constitutionnalité des règles relatives au mandat d'arrêt européen « en application des actes pris par les institutions de l'Union européenne ». Cette référence très large, sans renvoi à un texte précis et daté comme peut le faire l'article 88-1 de la Constitution, vaut pour des directives futures.

En conclusion, bien que votre rapporteur soit conscient du caractère extrêmement ténu du risque de censure par le Conseil constitutionnel d'un texte de transposition relatif au mandat d'arrêt européen, il est préférable de maintenir ces dispositions.

4. La définition des projets de textes européens soumis au Parlement par le Gouvernement

L'article 88-4 a été inséré dans la Constitution par la révision constitutionnelle du 25 juin 1992, afin de permettre aux assemblées parlementaires d'adopter des résolutions sur les textes européens qui leur sont soumis par le Gouvernement.

Le droit en vigueur, fruit d'évolutions successives

Le premier alinéa de l'article 88-4 de la Constitution dispose que « le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne comportant des dispositions de nature législative. Il peut également leur soumettre les autres projets ou propositions d'actes ainsi que tout document émanant d'une institution de l'Union européenne ».

Le tri des textes comportant des dispositions de nature législative est effectué par le Conseil d'Etat. En cas de divergence d'appréciation, chaque assemblée peut simplement lui demander de reconsidérer sa position.

Toutefois, depuis la révision constitutionnelle du 25 janvier 1999, le Gouvernement peut transmettre tout document qu'il estime être d'un intérêt particulier pour le Parlement, qu'il s'agisse d'un acte normatif de nature réglementaire ou d'un acte non normatif.

La circulaire du Premier ministre du 22 novembre 2005 prévoit ainsi la transmission systématique des livres verts, des livres blancs et du programme annuel de travail de la Commission. Elle prévoit en outre la transmission systématique des projets d'actes relevant de la codécision, indépendamment de l'avis rendu par le Conseil d'Etat sur la nature législative ou réglementaire de ces actes. Enfin, allant encore au-delà des prescriptions constitutionnelles, elle prévoit également que les présidents des délégations parlementaires pour l'Union européenne et les présidents des commissions des affaires étrangères peuvent solliciter auprès du Gouvernement la transmission d'un texte au titre de la clause facultative.

De fait, la circulaire du 22 novembre 2005 donne pratiquement gain de cause aux députés qui, lors des débats sur la loi constitutionnelle du 1 er mars 2005, souhaitaient l'adoption d'un amendement tendant à permettre aux présidents des deux assemblées, à ceux de leurs commissions permanentes, à soixante députés ou soixante sénateurs d'obtenir la soumission au Parlement d'un projet ou d'une proposition d'acte de l'Union européenne ne comportant pas de dispositions législatives ou de tout autre document émanant d'une institution européenne 38 ( * ) .

Au total, 300 à 350 textes relevant des premier et troisième piliers sont soumis chaque année au Parlement au titre de l'article 88-4 39 ( * ) .

La définition des projets ou propositions d'actes transmis officiellement au Parlement par le gouvernement, à titre facultatif ou obligatoire, est essentielle puisque seuls ces textes peuvent faire l'objet d'une résolution par chacune des assemblées conformément au deuxième alinéa de l'article 88-4. Les résolutions sont adoptées selon les règles propres à chaque assemblée.

Le projet de loi : une adaptation a minima

Le 3° du présent article tend à adapter la rédaction du premier alinéa de l'article 88-4 de la Constitution aux stipulations du traité de Lisbonne en substituant à la notion de « projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne comportant des dispositions de nature législative » les notions de « projets d'actes législatifs européens » et d'« autres projets ou propositions d'actes de l'Union européenne comportant des dispositions qui sont du domaine de la loi ». Ces modifications reprennent exactement celles demeurées lettre morte de la loi du 1 er mars 2005.

Elles tiennent compte :

- de la substitution de l'Union européenne à la Communauté européenne ;

- de l'introduction par le traité de Lisbonne de la notion d'actes législatifs européens qui n'existe pas dans les traités actuels.

L'acte législatif européen

La notion d'« acte législatif européen » est définie par le traité de Lisbonne aux articles 289 et 294 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

L'acte législatif européen résulte d'un critère purement formel .

Aux termes du 3 de l'article 289 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, constituent des actes législatifs « les actes juridiques adoptés par procédure législative ».

En conséquence, ces actes peuvent être tant des règlements ou des directives que des décisions.

A cet égard, l'article 289 du traité de Lisbonne définit deux types de procédures législatives :

- la procédure législative « ordinaire ». Celle-ci implique l'adoption d'un règlement, d'une directive ou d'une décision conjointement par le Parlement européen et le Conseil, sur proposition de la Commission, selon des modalités complexes définies à l'article 294 du traité. Toutefois, dans des cas précis, le pouvoir de proposition d'un acte législatif européen est conféré par le traité à un groupe d'États membres ou au Parlement européen, sur la recommandation de la Banque centrale européenne ou sur la demande de la Cour de justice ou de la Banque européenne d'investissement ;

- les procédures législatives « spéciales ». Le traité prévoit, dans certaines hypothèses, l'adoption d'un règlement, d'une directive ou d'une décision par le Parlement européen avec la participation du Conseil ou, à l'inverse, par celui-ci avec la participation du Parlement européen.

Les actes législatifs européens s'opposent par leur nature aux actes « non législatifs » qui, selon l'article 290 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, sont adoptés par la Commission européenne sur délégation d'un acte législatif. De portée générale, ces actes ont pour objet de compléter ou de modifier « certains éléments non essentiels » de l'acte législatif concerné.

Ces dispositions auront pour effet d'élargir le champ des actes transmis au titre de l'article 88-4 et pouvant par voie de conséquence faire l'objet d'une résolution.

En effet, la notion d'actes législatifs européens recouvre des textes relevant aussi bien du domaine réglementaire que du domaine législatif au sens constitutionnel du terme, tels que définis par les articles 34 et 37 de notre Constitution. En outre, même au regard de la circulaire du 22 novembre 2005 qui prévoit la transmission systématique des textes européens relevant de la codécision, le champ des textes transmis serait plus large puisque les actes législatifs européens peuvent être adoptés dans certains cas selon une procédure législative spéciale sans codécision.

Le Parlement pourra adopter des résolutions sur le bien fondé des projets d'actes législatifs européens concernant des domaines relevant du pouvoir exécutif français, de la même façon qu'il pourra se prononcer sur leur conformité au principe de subsidiarité 40 ( * ) .

L'argument selon lequel la séparation des domaines de la loi et du règlement opérée par les articles 34 et 37 de la Constitution interdirait le vote de résolutions parlementaires sur des textes relevant du domaine réglementaire sous peine de leur donner un droit de regard sur des matières que le Constituant a entendu réserver à l'exécutif ne semble guère recevable dans la mesure où l'article 88-4 relève davantage de la fonction de contrôle du Parlement que de sa fonction législative. En outre, le Constituant est libre de modifier certains équilibres.

Tout en approuvant ces dispositions nécessaires, votre rapporteur exprime un regret et un souhait.

Un regret tout d'abord sur la confusion possible entre la notion d'actes législatifs européens et celle de loi au sens de la Constitution. La lisibilité et la clarté de notre loi fondamentale n'en seront pas renforcées.

Un souhait ensuite que cette révision a minima , nécessaire pour une ratification dans les meilleurs délais du traité de Lisbonne, soit le prélude à une réforme plus ambitieuse de l'article 88-4 de la Constitution.

En effet, il conviendra de mieux coordonner ce mécanisme de transmission des textes européens par le Gouvernement au Parlement avec le protocole n° 1 sur le rôle des Parlements nationaux dans l'Union européenne, accompagnant le traité de Lisbonne. Ce protocole prévoit la transmission directe des projets d'actes législatifs européens par la Commission, le Conseil ou le Parlement européen ainsi que de la plupart des actes non normatifs (livres blancs, livres verts, communications) aux parlements nationaux.

Le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République, présidé par M. Édouard Balladur, a également fait plusieurs propositions intéressantes. Il suggère notamment de supprimer des dispositions qui limitent l'obligation faite au Gouvernement de transmettre l'ensemble des documents européens et de donner la faculté au Parlement d'adopter des résolutions sur toutes les questions européennes.

5. Le maintien de l'obligation de soumettre à référendum les projets de loi autorisant la ratification d'un traité d'adhésion à l'Union européenne

Le du présent article apporte une correction formelle à l'article 88-5 de la Constitution , tel qu'il résulte de la loi constitutionnelle du 1 er mars 2005.

Comme votre rapporteur l'avait souligné en 2005, l'article 88-5 rend obligatoire l'adoption par la voie référendaire de tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne et aux Communautés européennes. Cette disposition est la transcription constitutionnelle de l'engagement pris par M. Jacques Chirac, alors président de la République, « de garantir qu'à partir d'une certaine date, c'est-à-dire avant l'entrée éventuelle, ou la question de l'entrée éventuelle de la Turquie, les Français soient interrogés non pas par le biais de la procédure parlementaire, mais obligatoirement pour cet élargissement et d'éventuels autres élargissements par le biais du référendum . » 41 ( * )

Cet article n'a ni pour objet ni pour effet de contraindre le président de la République à organiser un référendum pour l'adhésion d'un pays candidat à l'Union européenne, mais il interdit l'adoption par la voie parlementaire de tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité d'adhésion.

L'obligation posée par cette disposition n'en comporte pas moins certaines limites :

- d'une part, elle ne s'applique qu'aux projets de loi de ratification, alors même qu'il est juridiquement possible que la ratification d'un traité d'adhésion puisse résulter d'une proposition de loi ;

- d'autre part, compte tenu de la réserve posée par l'article 4 de la loi constitutionnelle du 1 er mars 2005 42 ( * ) , l'obligation référendaire découlant de l'article 88-5 n'est pas applicable aux traités d'adhésion faisant suite à des conférences intergouvernementales dont la convocation a été décidée avant le 1er juillet 2004 43 ( * ) .

L'unique modification apportée à cette disposition par le présent projet de loi tend à supprimer la référence à une adhésion « aux Communautés européennes » afin de tenir compte de la fusion des trois piliers de l'Union européenne opérée par le traité de Lisbonne et la disparition des Communautés européennes .

Votre rapporteur estime qu'à l'occasion de la présente révision constitutionnelle, la pertinence du maintien de l'obligation référendaire -dont l'introduction pouvait s'expliquer en 2005 par le débat politique entourant la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe- pour la ratification des traités d'adhésion aurait pu être posée .

Le dispositif adopté en 2005, examiné à l'aune des résultats de la consultation référendaire du 29 mai 2005 ayant conduit au rejet du traité établissant une Constitution pour l'Europe, semble en effet trop lourd à mettre en oeuvre et peu adapté.

Il conviendrait de réfléchir à un dispositif qui permettrait de mieux associer les citoyens, sans présenter la lourdeur d'un mécanisme référendaire automatique.

Du reste, dans son rapport remis au président de la République, le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la V ème République, présidé par M. Édouard Balladur, a estimé que « ces dispositions circonstancielles » devraient être « modifié[es] de telle sorte que le Président de la République ait la possibilité, par parallélisme avec la procédure de l'article 89 de la Constitution, de faire autoriser la ratification d'un tel traité soit par référendum, soit par la voie du Congrès (...). Ainsi le Parlement serait-il susceptible de retrouver en cette matière, une compétence dont la révision constitutionnelle du 1 er mars 2005 l'avait privé. La procédure du Congrès, avec une majorité requise des trois cinquièmes, apporte des garanties très fortes sur le sérieux et le caractère approfondi du débat qui précèderait cette éventuelle ratification . » 44 ( * )

En outre, lors de son audition par votre commission, le 17 janvier 2008, M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes, s'est déclaré favorable, à titre personnel, à la suppression de ce dispositif, rappelant que l'article 11 de la Constitution permettait déjà au président de la République, s'il le souhaitait, de soumettre à référendum tout projet de loi de ratification d'un traité d'adhésion. C'est d'ailleurs sur ce fondement que le président Georges Pompidou avait consulté le peuple français sur l'adhésion du Royaume-Uni, de l'Irlande, du Danemark et de la Norvège aux Communautés européennes en 1972.

Votre commission souhaite en conséquence que la révision annoncée de la Constitution sur la base des propositions des travaux de ce Comité puisse donner lieu à la remise à plat de cette disposition, dans une réflexion plus large sur les moyens de démocratie directe efficaces qui pourraient être offerts aux citoyens français.

A cette occasion, il pourrait sans doute être opportun d'examiner la possibilité de fixer un seuil de participation minimum pour donner à la consultation référendaire une légitimité réelle.

6. Les modalités d'intervention du Parlement dans le processus d'adoption des actes de l'Union européenne

Le du présent article ajoute deux nouveaux articles à la Constitution -les articles 88-6 et 88-7- afin de définir les modalités d'intervention du Parlement dans le processus d'adoption des actes de l'Union européenne.

Comme l'a souligné M. Joël Rideau, professeur de droit à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis, lors de son audition par votre rapporteur, il eût sans doute été possible de rassembler ces deux dispositifs au sein d'un article unique de la Constitution qui se serait borné à préciser que le Parlement exerce les prérogatives qui lui sont conférées par le traité de l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ainsi que les protocoles annexés au traité de Lisbonne 45 ( * ) .

Pour autant, la création de deux dispositions constitutionnelles distinctes peut présenter l'avantage de mieux distinguer les deux hypothèses d'intervention du Parlement français : d'une part, la violation du principe de subsidiarité ; d'autre part, la mise en oeuvre d'une procédure de révision simplifiée des traités.

Article 88-6 (nouveau) de la Constitution Contrôle par le Parlement du respect du principe de subsidiarité

L'article 88-6 de la Constitution a pour objet de mettre en oeuvre, dans l'ordre constitutionnel français, le pouvoir de contrôle reconnu au Parlement sur le respect du principe de subsidiarité lors de l'adoption d'actes législatifs européens par l'article 12 du traité sur l'Union européenne ainsi que par le protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

La question du contrôle du respect du principe de subsidiarité dans le cadre du processus de décision de l'Union européenne a été récurrente depuis l'entrée en vigueur du traité de Maastricht. Le protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité tranche désormais le débat en mettant en place une véritable procédure de contrôle de ce principe :

- au niveau des institutions de l'Union européenne elles-mêmes, d'une part, tenues de veiller « de manière continue » au respect du principe de subsidiarité 46 ( * ) , en motivant en particulier leurs projets d'actes législatifs au regard de ce principe 47 ( * ) ;

- au niveau des parlements nationaux, d'autre part, soit au cours du processus d'adoption d'un texte européen, soit une fois un texte européen adopté.

Le principe de subsidiarité

Inscrit formellement depuis le traité de Maastricht au sein des traités européens, le principe de subsidiarité a vocation à réguler l'exercice des compétences partagées entre l'Union européenne et les Etats membres. Il implique, selon les termes du deuxième alinéa de l'article 5 du traité instituant la Communauté européenne, que « [d]ans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n'intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire. »

Le 3 de l'article 5 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tel qu'issu du traité de Lisbonne, conserve une définition similaire en indiquant que « [e]n vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union. »

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2007-560 DC du 20 décembre 2007, a en effet estimé qu'une révision de la Constitution était nécessaire pour assurer la mise en oeuvre en droit français de ces stipulations.

Lors de son audition par votre commission, M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, a rappelé que cette position pouvait s'appuyer sur la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel depuis sa décision n° 59-2 DC des 17, 18 et 24 juin 1959, selon laquelle le Parlement ne pouvait procéder qu'aux votes expressément prévus par la Constitution.

De fait, le silence actuel de la Constitution doit s'interpréter comme faisant obstacle à l'exercice, par le Parlement français, des compétences découlant directement du traité de Lisbonne et de ses protocoles. Il impose donc une mention expresse dans notre loi fondamentale des conditions de la participation de l'Assemblée nationale et du Sénat au contrôle de la subsidiarité des actes de l'Union.

Pour autant, comme l'a souligné M. Joël Rideau, professeur de droit à l'Université de Nice-Sophia Antipolis, lors de son audition par votre rapporteur, le choix fait par le Conseil constitutionnel, peu motivé dans sa décision, peut être discuté, d'autant que les autres Etats membres de l'Union européenne n'ont pas conclu à la nécessité d'une modification de leur texte constitutionnel à cette fin.

Une fois encore, votre rapporteur souhaite que la réforme annoncée de nos institutions puisse être l'occasion de réexaminer la pertinence d'un tel choix.

En tout état de cause, compte de la très forte similitude de ce protocole avec celui initialement prévu par le traité établissant une Constitution pour l'Europe 48 ( * ) , les dispositions de ce nouvel article 88-6 sont similaires à celles de l'article 88-5 de la Constitution, tel qu'il résulte de l'article 3 de la loi constitutionnelle du 1 er mars 2005, abrogé par l'article 4 du présent projet de loi.

a. Le contrôle a priori du respect du principe de subsidiarité : l'avis motivé

Afin de mettre le Parlement à même d'exercer les pouvoirs d'opposition à l'adoption d'actes législatifs européens, tels qu'ils résultent de l'article 6 du protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, l'article 88-6 donne tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat la faculté d'émettre un avis motivé sur la conformité d'un projet d'acte législatif européen au principe de subsidiarité.

Les textes européens sur lesquels les deux chambres du Parlement pourront se prononcer ne pourront donc être que des projets d'« actes législatifs ». Cette restriction résulte du texte même de l'article 6 du protocole.

Dans le cadre de l'application du principe de subsidiarité, la notion d'acte législatif est définie par l'article 3 du protocole comme « les propositions de la Commission, les initiatives du Parlement européen, les demandes de la Cour de justice, les recommandations de la Banque centrale européenne et les demandes de la Banque européenne d'investissement, visant à l'adoption d'un acte législatif ». Cette définition doit être lue en combinaison avec celle retenue par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui qualifie d'« acte législatif européen » tout acte devant être adopté par les institutions de l'Union européenne dans le cadre d'une procédure législative -normale ou spéciale- prévue à l'article 289 du même traité.

En conséquence, le contrôle de subsidiarité incombant au Parlement ne pourra pas s'exercer sur les actes non législatifs européens, quand bien même ceux-ci seraient de portée générale.

En revanche, compte tenu de l'absence d'identité entre actes législatifs au sens du traité de Lisbonne et actes législatifs au sens du droit français, le Parlement pourra être amené à contrôler le respect du principe de subsidiarité à l'égard de textes qui pourront avoir un caractère réglementaire au sens du droit français .

Dans le cadre de la mise en oeuvre de ce contrôle, l'Assemblée nationale et le Sénat disposeront, chacun pour ce qui le concerne, d'une totale autonomie tant pour juger du respect du principe de subsidiarité que pour initier en conséquence la procédure d'avis motivé .

Selon le texte proposé, cet avis motivé prendra, dans chaque assemblée, la forme d'une résolution . Celle-ci pourra être adoptée à tout moment, même hors des sessions .

Cette précision est importante dans la mesure où, en vertu de l'article 6 du protocole, pour produire un effet juridique dans le cadre de la procédure d'adoption d'un acte législatif européen, l'avis motivé devra être adressé aux présidents des institutions de l'Union dont émane l'acte dans un délai de huit semaines à compter de la date à laquelle le projet d'acte européen a été transmis. Par rapport au protocole annexé au traité établissant une Constitution pour l'Europe, le délai laissé aux parlements nationaux a ainsi été accru de deux semaines, ce qui favorisera un examen des projets de textes européens dans des conditions plus satisfaisantes.

C'est seulement si ce délai est respecté par le Parlement français que les institutions de l'Union devront juridiquement « tenir compte » de la position exprimée par le Sénat ou l'Assemblée nationale. En outre, seuls les avis motivés adressés dans ce même délai seront pris en compte pour la détermination de la proportion des parlements nationaux permettant :

- soit le réexamen du projet d'acte législatif européen, lorsqu'un tiers des parlements nationaux a adressé un avis motivé -voire lorsqu'un quart d'entre eux a adressé un avis si le projet d'acte relève de la coopération judiciaire en matière pénale ou de la coopération policière ;

- soit, lorsque le projet d'acte législatif est soumis à la procédure législative ordinaire, une prise de décision du Conseil et du Parlement européen sur le respect du principe de subsidiarité, si, à la majorité simple, les parlements nationaux ont adressé un avis motivé et que la Commission européenne maintient son projet.

Conformément à la procédure fixée par le protocole, le texte proposé par le présent projet de loi prévoit qu'il appartiendra au président de chaque assemblée concernée de transmettre l'avis motivé adopté dans le cadre de la résolution aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne . Cette transmission concernera tant les projets d'actes émanant de l'une de ces institutions que ceux émanant d'un Etat membre ou d'autres institutions de l'Union, le protocole imposant au président du Conseil de transmettre les avis motivés reçus des parlements nationaux à l'institution dont émane le projet d'acte contesté.

Pour assurer la bonne information du pouvoir exécutif, il est prévu que le Gouvernement sera informé de l'avis motivé transmis par l'Assemblée nationale ou le Sénat.

La mise en application de ces dispositions nécessitera, comme le prévoit le texte proposé, une adaptation du règlement de l'Assemblée nationale et du Sénat qui devront prévoir les modalités d'initiative et de discussion de la résolution tendant à l'adoption de l'avis motivé. Il reviendra ainsi à chaque chambre de déterminer, en particulier, les compétences respectives de sa délégation pour l'Union européenne et, le cas échéant, de ses commissions permanentes.

A cet égard, il convient de rappeler que, au regard du règlement du Sénat 49 ( * ) , si les propositions de résolutions européennes peuvent émaner de la délégation pour l'Union européenne, il appartient aux commissions permanentes, compétentes au fond, de les examiner, les propositions de résolutions devenant résolutions du Sénat au terme d'un délai de dix jours francs suivant la date de la distribution du rapport de la commission sauf si, dans ce délai, le président du Sénat, le président d'un groupe, le président de la commission compétente ou d'une commission saisie pour avis, le président de la délégation pour l'Union européenne ou le Gouvernement demande qu'elle soit examinée par le Sénat.

Il y aura donc lieu de s'interroger sur l'application de telles dispositions aux résolutions portant avis motivé au sens du nouvel article 88-6 de la Constitution, notamment au vu du délai d'examen de huit semaines imparti par le protocole annexé au traité de Lisbonne.

Votre commission souligne néanmoins que l'institution de cette procédure formelle de contrôle de la subsidiarité ne doit pas entraîner la disparition des échanges informels préexistant entre les parlements nationaux et la Commission européenne sur la question de la subsidiarité.

En effet, sur la proposition du président de la Commission européenne, entérinée par le Conseil européen réuni les 15 et 16 juin 2006, un dialogue direct s'est engagé sur la subsidiarité entre les organes spécialisés dans les affaires de l'Union européenne -telles les délégations de l'Assemblée nationale et du Sénat pour l'Union européenne- et la Commission européenne, quoique ses résultats paraissent assez mitigés, ainsi que le relève notre collègue Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne : « le bilan du dialogue avec la Commission se ramène à un plus grand effort de justification de ses propositions, en recourant à des arguments qui peuvent paraître de valeur inégale, certains emportant l'approbation, d'autres suscitant l'étonnement. La minceur de ce résultat peut d'autant plus décevoir que les préoccupations exprimées par la délégation, au moins dans certains cas, n'étaient manifestement pas sans fondement, puisque certains des textes en cause ont suscité un débat sur la subsidiarité au sein du Parlement européen ou du Conseil. » 50 ( * )

Les deux procédures -informelle, préexistante, et formelle, instituée par le traité de Lisbonne- s'avèreront en tout état de cause complémentaires.

b. Le contrôle a posteriori : la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne

A l'instar de l'article 88-5 de la Constitution, tel que rédigé par la loi constitutionnelle du 1 er mars 2005, l'article 88-6 proposé par le présent projet de loi offre à l'Assemblée nationale et au Sénat la faculté de saisir de la Cour de justice de l'Union européenne .

Cette mesure permet de sanctionner juridiquement les actes législatifs adoptés par les institutions de l'Union européenne selon les procédures prévues par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui, par leur objet , auraient contrevenu au principe de subsidiarité . Sur le fondement de l'article 263 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la Cour de justice sera amenée à juger de la légalité d'un acte législatif européen au regard de ce principe. Dans l'éventualité où sa méconnaissance serait avérée, la Cour de justice déclarera alors l'acte concerné nul et non avenu. 51 ( * )

Sous l'empire du traité instituant la Communauté européenne, la juridiction de Luxembourg a déjà eu à connaître de recours en annulation fondés sur la violation du principe de subsidiarité et a pu examiner la validité d'un acte des institutions communautaires au regard de ce principe, dans le cadre d'un contrôle qui semble limité à l'erreur manifeste d'appréciation 52 ( * ) .

La grande innovation du traité de Lisbonne -qui figurait déjà dans le protocole n° 2 annexé au traité établissant une Constitution pour l'Europe- apparaît néanmoins dans le fait que, pour la première fois, les parlements des Etats membres se voient reconnaître la qualité de requérants devant la Cour de justice. Une telle prérogative découle du premier alinéa de l'article 8 du protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, annexé au traité.

Selon le texte proposé, le droit de former un recours en annulation devant la Cour de justice appartiendra tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, chacune des deux assemblées agissant de manière autonome .

Ce recours en annulation ne pourra néanmoins se fonder que sur le moyen unique de la violation du principe de subsidiarité.

Pour autant, le recours ne sera pas présenté directement par le Sénat ou l'Assemblée nationale devant la Cour de justice. La transmission du recours au greffe de la Cour incombera au Gouvernement, comme le prévoit expressément le protocole annexé au traité de Lisbonne.

Conformément à l'article 263 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, il conviendra, sous peine d'irrecevabilité, que la Cour de justice soit saisie d'un recours en annulation de l'acte contesté dans un délai de deux mois à compter de sa publication, de sa notification ou de la date à laquelle le Parlement en a eu connaissance.

La décision de chacune des assemblées du Parlement de saisir la Cour de justice prendra la forme d'une résolution .

Tout comme dans le cadre du contrôle a priori du respect du principe de subsidiarité, il reviendra au règlement de chaque assemblée de déterminer les modalités d'initiative et de discussion de ces résolutions. Là encore, il conviendra de prendre en compte la très grande brièveté du délai de saisine de la Cour de justice pour déterminer la procédure idoine au sein du Sénat et de l'Assemblée nationale.

Article 88-7 (nouveau) de la Constitution Droit d'opposition du Parlement à la modification des règles d'adoption de certains actes de l'Union européenne

L'article 88-7 nouvellement introduit dans la Constitution a pour objet de permettre l'application en droit français du droit d'opposition reconnu aux parlements nationaux par l'article 48 du traité sur l'Union européenne et l'article 81 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

La nécessité d'une disposition constitutionnelle spécifique découle de la décision n° 2007-560 DC du 20 décembre 2007 du Conseil constitutionnel qui a estimé, par référence à sa décision n° 2004-505 DC relative au traité établissant une Constitution pour l'Europe, que le droit d'opposition à l'adoption d'actes de l'Union européenne par suite d'une révision simplifiée du traité nécessitait une disposition expresse de la Constitution en ce sens 53 ( * ) .

a. Un droit d'opposition restreint à deux hypothèses

Conformément aux stipulations du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le texte proposé pour l'article 88-7 de la Constitution instaure un droit d'opposition du Parlement français dans deux circonstances .

- La mise en oeuvre d'une procédure de révision simplifiée des traités européens

La première hypothèse dans laquelle le droit d'opposition du Parlement trouvera à s'appliquer est la modification des règles d'adoption d'actes « au titre de la révision simplifiée des traités ».

L'article 48 du traité sur l'Union européenne prévoit en effet, à côté de la procédure de révision « ordinaire » des traités européens, deux procédures de révision « simplifiée » ne comportant pas la réunion d'une conférence intergouvernementale. L'une de ces procédures, couramment appelée « clause passerelle », confère expressément un droit d'opposition aux parlements des Etats membres.

Cette clause passerelle -semblable à celle qui figurait à l'article IV-444 du traité établissant une Constitution pour l'Europe- peut jouer à deux égards :

- d'une part, pour autoriser le Conseil à statuer à la majorité qualifiée lorsque le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ou le titre V du traité sur l'Union européenne prévoit que le Conseil statue à l'unanimité . Une telle modification du processus de décision est cependant exclue pour les décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense ;

- d'autre part, pour autoriser l'adoption d'un acte législatif européen selon la procédure législative normale -c'est-à-dire dans le cadre d'une procédure de codécision entre le Parlement européen et le Conseil, statuant à la majorité qualifiée-, lorsque le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit l'usage d'une procédure législative spéciale 54 ( * ) .

Ces clauses passerelles ne peuvent être mises en oeuvre que par une décision du Conseil européen statuant à l'unanimité , après approbation du Parlement européen, ce dernier se prononçant à la majorité de ses membres.

Or, le troisième alinéa du 7 de l'article 48 du traité sur l'Union européenne permet à tout parlement national de s'opposer à l'adoption par le Conseil européen d'une telle décision .

A cet effet, toute initiative prise par le Conseil européen visant à prévoir l'utilisation d'une clause passerelle doit être transmise aux parlements nationaux 55 ( * ) . Ceux-ci disposent alors d'un délai de six mois à compter de cette transmission pour signifier leur éventuelle opposition au recours à cette clause.

En cas d'opposition d'un seul parlement national, le Conseil européen ne peut adopter de décision mettant en oeuvre la clause passerelle . A l'inverse, en l'absence d'opposition, le Conseil européen peut adopter ladite décision.

- La détermination des matières relevant du droit de la famille dans lesquelles l'Union européenne peut légiférer selon la procédure législative ordinaire

Le second cas d'opposition reconnu au Parlement par l'article 88-7 de la Constitution concerne la modification des règles d'adoption des actes relevant de la « coopération judiciaire civile ».

L'article 81 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui vise à développer la coopération judiciaire civile entre les Etats membres, comporte également une « clause passerelle ».

Si cette disposition prévoit que, dans les domaines ayant une incidence transfrontalière, les actes concernant la coopération judiciaire civile sont en principe adoptés selon la procédure législative « ordinaire », en revanche les mesures relatives au droit de la famille ayant une incidence transfrontière sont établies par le Conseil, statuant à l'unanimité, après consultation du Parlement européen.

Néanmoins, le deuxième alinéa du 3 de l'article 81 du même traité autorise le Conseil, sur proposition de la Commission européenne, à adopter une décision déterminant les aspects du droit de la famille ayant une incidence transfrontière susceptibles de faire l'objet d'actes adoptés selon la procédure législative ordinaire, c'est-à-dire selon la règle de la majorité qualifiée et en codécision avec le Parlement européen. Cette décision du Conseil doit être adoptée à l'unanimité , après consultation du Parlement européen.

L'utilisation de cette clause est cependant soumise à l'aval de chacun des parlements des Etats membres de l'Union européenne.

Ainsi, en cas d'opposition d'un parlement national notifiée dans un délai de six mois après la transmission la proposition de décision du Conseil, cette décision ne peut être adoptée. En l'absence d'opposition, le Conseil peut adopter ladite décision

b. La procédure requise : l'exigence d'une motion adoptée en termes identiques

Dans la mesure où les articles 48 du traité sur l'Union européenne et 81 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoient un droit d'opposition à tout parlement national, le texte proposé pour l'article 88-7 de la Constitution placent l'Assemblée nationale et le Sénat sur un pied d'égalité en requérant le vote par les deux assemblées d'une motion en termes identiques.

Sur ce point, le dispositif proposé est identique à celui prévu par la loi constitutionnelle du 1 er mars 2005. Il appelle donc les mêmes remarques que celles faites par votre rapporteur lors de son examen 56 ( * ) :

- la rédaction retenue implique nécessairement un vote en séance plénière ;

- ayant pour objet exclusif de marquer un refus et étant dispensée de toute obligation de motivation, la motion a vocation à être approuvée ou rejetée « en bloc » et ne devrait donc pas pouvoir faire l'objet d'amendements ; elle ne donnera donc pas lieu à une véritable « navette » entre les deux assemblées.

En tout état de cause, bien que le projet de loi constitutionnelle ne le précise pas, les modalités d'initiative et de discussion de ce type de motion devront être déterminées par le règlement de chaque assemblée .

Dans le cadre de l'adaptation de ce règlement, il pourrait ainsi être envisagé d'appliquer à cette motion la procédure prévue pour l'adoption d'une motion permettant, en application de l'article 11 de la Constitution, de demander au Président de la République, par une proposition conjointe, la soumission au référendum d'un projet de loi 57 ( * ) .

Les rôles respectifs des délégations pour l'Union européenne et des commissions permanentes de chacune des assemblées devront être définis à cette occasion.

En outre, dans la mesure où, contrairement à l'article 88-6 de la Constitution, le texte de l'article 88-7 ne définit pas les conditions dans lesquelles la motion adoptée par l'Assemblée nationale et le Sénat sera portée à la connaissance des institutions de l'Union européenne 58 ( * ) , il reviendra aux règlements des assemblées de déterminer la procédure à suivre.

On peut s'interroger sur le fait de savoir si l'absence de dispositions similaires à celles prévues pour l'article 88-6 pourra permettre aux règlements des assemblées de prévoir que la motion sera adressée par le président de la seconde assemblée saisie soit au président du Conseil européen 59 ( * ) , soit au président du Conseil de l'Union européenne 60 ( * ) .

A défaut, les règlements des assemblées pourront prévoir que la motion adoptée en termes identiques sera adressée au Gouvernement à charge pour ce dernier de la transmettre au président du Conseil européen ou du Conseil, selon le cas.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 sans modification.

Article 3 (art. 3 et 4 de la loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution) Abrogation des dispositions constitutionnelles liées à l'entrée en vigueur du traité établissant une constitution pour l'Europe - Maintien du recours au référendum pour les futures adhésions à l'Union européenne

Cet article tend à modifier deux dispositions de la loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1 er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution. En l'absence de règle spéciale dans le projet de loi, ses dispositions entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi constitutionnelle au Journal officiel.

1. L'abrogation des dispositions constitutionnelles liées à l'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe

Le de l'article 3 du présent projet de loi procède à l'abrogation de l'article 3 de la loi constitutionnelle du 1 er mars 2005.

Ce dernier article, qui prévoit la réécriture complète du titre XV de la Constitution, n'est actuellement pas applicable dans la mesure où son entrée en vigueur avait été différée à la date d'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

L'absence de ratification de ce traité par plusieurs Etats membres de l'Union européenne, dont la France, a rendu ces dispositions caduques .

Comme l'a souligné M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes, lors de son audition par votre commission, cette disposition concrétise juridiquement l'abandon, lors du Conseil européen de juin 2007, de la démarche constitutionnelle européenne .

En outre, dans la mesure où l'article 2 du présent projet de loi procède lui-même à une réécriture d'une partie importante du titre XV de la Constitution en prévision de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, l'abrogation pure et simple des dispositions de l'article 3 de la loi du 1 er mars 2005 constitue une mesure de bonne technique législative.

2. Le maintien de la neutralisation temporaire de l'obligation de recourir au référendum pour les nouvelles adhésions à l'Union européenne

Le de cet article procède à des modifications de coordination à l'article 4 de la loi constitutionnelle du 1 er mars 2005.

Ce dernier a en effet prévu -sans que ces dispositions soient inscrites dans le corps même de la Constitution- que l'obligation pour le président de la République de soumettre à référendum tout projet de loi autorisant la ratification d'un nouveau traité d'adhésion à l'Union européenne ou aux Communautés européennes ne sera pas applicable aux adhésions faisant suite à une conférence intergouvernementale dont la convocation a été décidée par le Conseil européen avant le 1 er juillet 2004.

Ainsi que votre rapporteur avait eu l'occasion de le préciser en 2005, cette neutralisation temporaire de l'obligation référendaire avait pour but de permettre l'adoption par la voie parlementaire des projets de loi autorisant la ratification des traités d'adhésion à l'Union européenne de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Croatie, pour lesquelles des conférences inter-gouvernementales avaient été convoquées par le Conseil européen avant le 1 er juillet 2004.

En revanche, en cas d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, le recours au référendum est obligatoire puisque la décision d'organiser une conférence intergouvernementale n'a été prise par le Conseil européen que les 15 et 16 décembre 2004, soit après le 1 er juillet 2004.

Il en est de même en cas d'adhésion de la République de Macédoine, dont le statut de pays candidat à l'adhésion n'a été reconnu par le Conseil européen que le 16 décembre 2004.

Depuis la promulgation de la loi du 1 er mars 2005, la Roumanie et la Bulgarie ont adhéré à l'Union européenne, le projet de loi de ratification du traité d'adhésion de ces deux Etats étant été adopté par la voie parlementaire 61 ( * ) . Seule l'adhésion de la Croatie pourrait donc, à l'avenir, être soustraite à l'obligation référendaire .

La modification proposée par le présent article se borne à supprimer la référence à l'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe, qui n'a plus lieu d'être, ainsi qu'à l'article 88-7 de la Constitution dans sa version issue de la loi du 1 er mars 2005 .

Dans la contribution écrite qu'il a adressée à votre rapporteur, M. Bertrand Mathieu, professeur à l'Université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne), a estimé que, d'un point de vue politique, il était vraisemblablement préférable de laisser épuiser les effets de l'article 88-5, qui deviendront ainsi caduques, mais que, du point de vue de la cohérence du travail législatif, il était regrettable de différer l'examen de la pertinence de cette disposition à une révision ultérieure de la Constitution.

Comme elle l'a souligné au sujet du maintien de l'article 88-5 de la Constitution 62 ( * ) , votre commission estime qu'il conviendra que la prochaine révision de la Constitution sur la base des travaux du Comité de réflexion et de proposition pour la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la V ème République envisage la suppression de ce dispositif.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 3 sans modification.

*

* *

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre commission vous propose d'adopter sans modification le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution.

* 26 La ratification d'un traité nécessite une révision préalable de la Constitution lorsqu'il comporte des clauses qui sont contraires à la loi fondamentale, mettent en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portent atteintes aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. Voir notamment la décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999 sur le traité portant statut de la Cour pénale internationale ainsi que le considérant n° 9 de la décision n° 2007-560 DC du 20 décembre 2007.

* 27 Si au 1 er janvier 2009 tous les Etats membres n'ont pas ratifié le traité de Lisbonne, celui-ci entrera en vigueur le premier jour du mois suivant la dernière ratification.

* 28 Décision n° 2007-560 DC du 20 décembre 2007, considérant n° 7.

* 29 En 2001, le traité de Nice avait été rejeté par une majorité d'électeurs irlandais.

* 30 Le 1 er janvier 2009 au plus tôt ou le premier jour du mois suivant la dernière ratification.

* 31 Les clauses du traité de Lisbonne identifiées comme contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 mars 2007 figurent au I A de l'exposé général.

* 32 A l'exception des modifications résultant de l'exercice des « clauses passerelles » prévues par le traité de Lisbonne. Voir le commentaire pages 54 et suivantes.

* 33 Voir l'exposé général, pages 24 et 25.

* 34 Avis rendu le 26 septembre 2002 sur saisine du Premier ministre en application de l'article 23 de l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945.

* 35 Prise sur le fondement de l'article 31 (ex-article K 3) du traité sur l'Union européenne, relatif à la coopération judiciaire en matière pénale, cette décision-cadre a pour objet de faire disparaître entre les Etats membres la procédure traditionnelle d'extradition, qui implique l'intervention du pouvoir exécutif, au profit d'un mandat d'arrêt directement transmis d'autorité judiciaire à autorité judiciaire. Elle repose sur le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires.

* 36 Ce principe a été dégagé par le Conseil d'Etat dans son avis n° 357-344 du 9 novembre 1995 et dans un arrêt du 3 juillet 1996, Moussa Koné.

* 37 Décisions n° s 2004-496 DC du 10 juin 2004, 2004-497 DC du 1 er juillet 2004 et 2004-498 DC du 29 juillet 2004.

* 38 Le gouvernement ainsi que le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale s'étaient opposés à l'amendement de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale présenté sur proposition de MM. Roland Blum, Édouard Balladur et Hervé de Charrette au motif qu'il remettait en cause la séparation des pouvoirs qui passe notamment par la séparation des domaines législatifs et réglementaires.

* 39 Les documents transmis pour simple information, en dehors du cadre de l'article 88-4, s'élèvent à plus d'un millier par an.

* 40 Voir ci-après, pages 48 et suivantes.

* 41 Conférence de presse à l'occasion du sommet franco-allemand du 1 er octobre 2004.

* 42 Réserve maintenue par l'article 3 du présent projet de loi.

* 43 Voir infra, le commentaire de l'article 3 du présent projet de loi.

* 44 « Une V ème République plus démocratique », rapport remis au président de la République le 24 octobre 2007.

* 45 M. Joël Rideau a ainsi proposé la rédaction suivante : « Le Parlement peut exercer les prérogatives reconnues aux parlements nationaux par les traités relatifs à l'Union européenne.

« Les prérogatives reconnues à chacune des assemblées composant les Parlements nationaux sont exercées par des résolutions pouvant être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d'initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée.

« Les prérogatives reconnues aux Parlements nationaux sont exercées par le vote d'une motion en termes identiques par les deux assemblées. »

* 46 Article premier du protocole.

* 47 Article 2 du protocole.

* 48 Protocole n° 2 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, annexé au traité établissant une Constitution pour l'Europe.

* 49 Article 73 bis du règlement.

* 50 « Dialogue avec la Commission européenne sur la subsidiarité », rapport d'information n° 88 (Sénat, 2007-2008) de M. Hubert Haenel au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, p. 27., disponible à l'adresse : http://www.senat.fr/noticerap/2007/r07-088-notice.html

* 51 Article 264 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

* 52 Voir notamment l'arrêt du 12 novembre 1996, Royaume-Uni contre Conseil de l'Union européenne, affaire C-84/94, conclusions Léger.

* 53 Considérant n° 29 de la décision n° 2007-560 DC.

* 54 Par exemple, la simple consultation du Parlement européen.

* 55 Aux termes de l'article 6 du protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne : « lorsque le Conseil envisage de recourir à l'article 48, paragraphe 1 ou 2, du traité sur l'Union européenne, les parlements nationaux sont informés de l'initiative du Conseil européen au moins six mois avant qu'une décision ne soit adoptée. »

* 56 Rapport n° 180 (Sénat, 2004-2005), pp. 58-59.

* 57 Articles 67 à 69 du règlement du Sénat.

* 58 Le traité de Lisbonne n'évoque pas davantage cette question.

* 59 Si la motion concerne une clause passerelle prévue à l'article 48 du traité sur l'Union européenne, dans la mesure où la mise en oeuvre de cette clause relève d'une décision du Conseil européen.

* 60 Si la motion est relative à la clause passerelle de l'article 81 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dès lors que sa mise en oeuvre découle d'une décision du Conseil de l'Union européenne.

* 61 Loi n° 2006-1254 du 13 octobre 2006 autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne. Voir le rapport n° 489 (Sénat, 2005-2006) de M. Jacques Blanc , fait au nom de la commission des affaires étrangères ; consultable à l'adresse : http://www.senat.fr/rap/l05-489/l05-489.html

* 62 Voir supra, le commentaire de l'article 2 du présent projet de loi constitutionnelle.

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