CHAPITRE II : QUELLE POLITIQUE BUDGÉTAIRE EN TEMPS DE CRISE ?
Quelle politique budgétaire en temps de crise ? On conçoit difficilement que le gouvernement n'adapte pas ses perspectives pluriannuelles à la nouvelle donne économique, en particulier pour tirer les conséquences de l'impact du choc de croissance sur l'évolution des recettes des administrations publiques.
Au-delà, en termes structurels, votre rapporteur général considère que demeurent les raisons ayant conduit le Président de la République à souhaiter une révision générale des politiques publiques (RGPP), et une maîtrise de la dépense, du moins dans sa composante prépondérante qui n'est pas sensible à la conjoncture économique . C'est ainsi que, dans le présent projet de loi, les articles relatifs à la dépense - l'article 4 A, relatifs à la maîtrise pluriannuelle de la dépense publique, l'article 5 fixant un plafond triennal de crédits pour les missions du budget général de l'Etat, l'article 6 relatif aux dotations aux collectivités territoriales et l'article 7 relatif à l'évolution de l'objectif national de dépense d'assurance maladie - restent d'une complète actualité. Ils constituent le « coeur » du texte soumis à votre commission des finances.
Les précédents des années 1981 et 1993, au cours desquelles les gouvernements avaient aggravé le déficit structurel dans des proportions insoutenables à moyen terme, conduisent à souhaiter le maintien d'une stricte discipline sur la dépense . Il est évidemment toujours « tentant », en période de croissance faible, d'accroître le déficit structurel, en augmentant les dépenses, ou en allégeant les prélèvements obligatoires. Une telle politique pourrait avoir des conséquences extrêmement graves : elle creuserait durablement le déficit, risquant de le porter à un niveau qui handicaperait les conditions de la sortie de crise et la compétitivité de notre pays.
Ces considérations n'empêchent nullement des mesures de soutien à l'économie, hors budgets publics, en utilisant les possibilités de déconsolidation de la dette publique. S'agissant de la dette à proprement parler, il est essentiel de mieux distinguer la part i qui a pour contrepartie des investissements physiques ou des investissements financiers. En fonction de la profondeur de la crise, et dans les mois qui viennent, il pourrait être décidé d'accélérer la réalisation d'infrastructures essentielles au développement économique. Les efforts qui seront ainsi réalisés seront de nature à préparer la reprise de l'économie.
Quoi qu'il en soit, que l'on se réfère à la seule dette « maastrichtienne », en utilisant à bon escient la casuistique des normes comptables communautaires, ou que l'on fasse apparaître l'ensemble de la dette économique souscrite ou garantie par l'Etat , ce qui serait plus conforme à la réalité, l'une des principales leçons de la crise sera de mettre l'accent sur le bilan et le hors-bilan de l'Etat, beaucoup plus déterminants pour l'avenir que l'équilibre annuel des dépenses et des recettes budgétaires de l'Etat...
I. PEUT-ON ÉVITER UN DÉFICIT PUBLIC DE L'ORDRE DE 3 POINTS DE PIB EN 2012 ?
L'annexe au présent projet de loi de programmation décompose la variation du solde public sur la période 2008-2012 entre solde structurel et solde conjoncturel. Elle conduit à noter que le gouvernement compte assez peu, même en 2010, 2011 et 2012, sur une amélioration du solde conjoncturel pour tenir ses objectifs. L'essentiel de l'effort porte sur le solde structurel . Ce choix courageux mérite d'être soutenu, en se souvenant que les périodes de crise ont, par le passé, été l'occasion d'une dégradation du solde structurel.
Décomposition de la variation du solde public entre 2008 et 2012
(en points de PIB)
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
|
Variation du solde conjoncturel |
- 0,5 |
- 0,5 |
0,1 |
0,2 |
0,1 |
Variation du solde structurel |
0,5 |
0,6 |
0,6 |
0,6 |
0,6 |
Variation du solde public |
0,0 |
0,0 |
0,7 |
0,8 |
0,7 |
Source : projet de loi de programmation des finances publiques
A. LE RISQUE DE DÉGRADATION DU SOLDE STRUCTUREL EN PÉRIODE DE CRISE
1. Les leçons de l'histoire récente
Il est tentant, en période de croissance faible, d'accroître le déficit structurel, en augmentant les dépenses courantes, ou en allégeant les prélèvements obligatoires. Une telle politique aurait des conséquences extrêmement graves. Outre le fait qu'elle aurait un impact sans doute limité sur la demande intérieure, elle aggraverait durablement le déficit, risquant de compromettre pour longtemps la compétitivité économique comme la cohésion sociale de notre pays. Le précédent de la récession de 1993 est de ce point de vue éclairant. Le creusement du déficit alors constaté avait été lié pour l'essentiel à une détérioration du solde structurel, dès 1992 .
Décomposition du solde structurel et conjoncturel des administrations publiques
(en points du PIB)
Source : rapport de M. Michel Pébereau « Rompre avec la facilité de la dette publique », décembre 2005
Alors que la part des recettes publiques dans le PIB augmente de façon assez régulière, celle des dépenses publiques a été marquée par deux ruptures majeures :
- en 1981-1982, les dépenses publiques, jusqu'alors à peu près égales aux recettes, sont devenues supérieures à celles-ci d'environ 3 points 31 ( * ) ;
- de même, la récession de 1993 s'est accompagnée d'une forte augmentation de la part des dépenses dans le PIB, avec une aggravation du déficit structurel de 1,5 point de PIB en 1992 et 0,8 point de PIB en 1993, soit 2,3 points de PIB au total 32 ( * ) .
L'effet cumulé de ces deux augmentations de la part des dépenses dans le PIB n'a jamais pu être résorbé, comme l'indique le graphique ci-après. Cela explique le déficit structurel actuel.
La part des recettes et des dépenses publiques dans le PIB : les précédents de 1981 et 1993
(en points de PIB)
Source : Insee
Une aggravation du déficit structurel censée « soutenir » l'économie en 2009 pourrait donc dégrader durablement le solde public.
* 31 Le solde public a été - 2,8 points de PIB en 1982, - 2,5 points de PIB en 1983, - 2,8 points de PIB en 1984, - 3,0 points de PIB en 1985, - 3,2 points de PIB en 1986.
* 32 Source : Banque centrale européenne, « Cyclically adjusted budget balances : an alternative approach », Working paper n° 77, septembre 2001.