c) Il paraît peu vraisemblable que le solde des administrations publiques locales soit équilibré en 2012
Plutôt que de partir d'une hypothèse d'évolution des dépenses publiques locales fixée ex ante pour « boucler » la programmation, il paraît plus approprié de s'interroger sur les facteurs poussant les collectivités territoriales à avoir un solde public équilibré ou non, et de déterminer quel serait le taux de croissance vraisemblable de leurs dépenses, compte tenu de l'objectif de solde retenu. C'est en effet la contrainte du recours à l'endettement qui amène les collectivités territoriales à fixer une limite aux tendances « inflationnistes » de la dépense.
Un constat s'impose : malgré l'obligation d'équilibre de la section de fonctionnement des collectivités territoriales, les administrations publiques locales ont presque toujours été en déficit, comme l'indique le graphique ci-après.
Le solde des administrations publiques locales
(en points de PIB)
Source : Insee
Certes, les collectivités territoriales doivent équilibrer leur section de fonctionnement . Cependant, l'investissement des administrations publiques locales étant de l'ordre de 50 milliards d'euros, soit 2,5 points de PIB, leur « potentiel de déficit » est important.
L'objectif d'un solde équilibré en 2012, affiché par le présent projet de loi de programmation des finances publiques, est donc très volontariste.
Les trois périodes du graphique ci-avant (réduction progressive du déficit jusqu'en 1995, excédent de 1996 à 2003, déficit croissant depuis 2004) s'expliquent de la façon suivante :
- jusqu'en 1995, les dépenses et les recettes ont augmenté plus rapidement que le PIB, mais les recettes ont été encore plus dynamiques que les dépenses ;
- l'excédent constaté de 1996 à 2003 vient du fait que si, en points de PIB, les recettes ont alors stagné, les dépenses ont reculé en 1997 et 1998 ;
- la reprise de l'augmentation des dépenses en points de PIB à compter de 2002 a suscité le retour au déficit.
Les recettes, les dépenses et l'endettement des administrations publiques locales
(en points de PIB)
Source : Insee
La période 1996-2003 , marquée par un solde excédentaire, est une anomalie, qui s'explique par la politique de désendettement alors menée par les collectivités territoriales, dont la part de la dette dans le PIB était montée à plus de 9 % (contre environ 7 % à la fin des années 1970 comme aujourd'hui). Les collectivités territoriales ne semblent pas avoir de raison particulière de mener une politique analogue d'ici à 2012. En effet, même si leur déficit se maintenait à son niveau actuel, leur dette, exprimée en points de PIB, ne s'élèverait guère au-dessus de son niveau actuel.
Il est vrai que le déficit de 2007, de 0,4 point de PIB (contre 0,2 point de PIB en 2005 et 2006) a été majoré par le fait que 2008 était une année d'élections municipales. Cependant, ce phénomène est modeste. Sur la base des « cycles électoraux » précédents, on peut supposer que l'investissement des collectivités territoriales a été supérieur d'environ 5 points à son niveau « normal » 37 ( * ) , ce qui correspond à un supplément de dépenses de l'ordre de 2,5 milliards d'euros, soit un peu plus de 0,1 point de PIB. Par ailleurs, le même phénomène devrait jouer en 2012.
L'objectif de dépenses des administrations territoriales retenu par le présent projet de loi de programmation des finances publiques est d'autant plus étonnant que, contrairement à ceux relatifs à l'Etat ou aux administrations de sécurité sociale, les objectifs des programmations précédentes, pourtant moins ambitieux, n'ont quasiment jamais été approchés. Si l'on excepte le programme de stabilité 2007-2009 - qui prévoyait une croissance des dépenses des administrations publiques locales de 0,5 % en volume - et le présent projet de loi de programmation des finances publiques - qui prévoit un taux de 1,25 % -, le gouvernement a toujours supposé dans ses programmations que les dépenses des administrations publiques locales augmenteraient d'environ 2 % en volume. Cet objectif n'a été atteint qu'en 2001, avec une croissance des dépenses de 1,3 % en volume.
Une stabilisation du solde structurel des administrations publiques locales, et donc de la part de leurs dépenses dans le PIB, qui impliquerait que ces dépenses augmentent à la même vitesse que le PIB, soit environ 2 % par an en volume, constituerait déjà une performance remarquable.
Surtout, les finances locales devront assumer une bonne part des conséquences de la crise. L'investissement local joue un rôle important pour le soutien de l'activité économique, en particulier dans la branche du bâtiment des travaux publics, atteinte par la chute des commandes privées. D'autre part, les communes et les départements devront faire face aux besoins sociaux, et leur action sera indispensable pour maintenir la cohésion sociale. C'est au plus près du terrain que les difficultés issues des défaillances d'entreprises devront être affrontées. Il ne faut donc pas être grand clerc pour prédire, sur la période 2009-2010, un rythme soutenu de la dépense locale en même temps qu'une hausse des impositions locales. La rigueur affichée par l'Etat dans le calcul des dotations comporte, de ce point de vue, une grande part d'hypocrisie.
* 37 D'après l'estimation du « cycle électoral » faite par l'Insee (Danielle Besson, « L'investissement des administrations publiques locales. Influence de la décentralisation et du cycle des élections municipales », Insee Première, n° 867, octobre 2002).