2. Un niveau insuffisant dans l'ordre juridique

Malgré les progrès indéniables accomplis au cours de la période récente, l'état du droit en prison reste « encore à parfaire » comme le soulignait en 2000 la commission présidée par M. Guy Canivet.

En premier lieu, ce droit est « mal ordonné ». Au-delà des quelques dispositions contenues dans la partie législative du code de procédure pénale, le droit de la prison procède pour l'essentiel, de mesures réglementaires, voire de circulaires. Faut-il comprendre que l'article 34 de la Constitution ayant réservé à la loi le soin de fixer les règles concernant la détermination des crimes et des délits ainsi que des peines qui leur sont applicables et la procédure pénale, le pouvoir réglementaire exercerait dès lors une compétence de droit commun pour régir l'exécution des peines ?

La commission Canivet a contesté cette analyse. Après avoir rappelé qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, le rapport de la commission estime que, « pour avoir perdu sa liberté d'aller et venir, la personne détenue n'en conserve pas moins toutes les autres libertés. L'état du droit, que la hiérarchie des normes assure sur le fondement de la Constitution, conserve le même contenu et la même force dans le milieu carcéral que dans la société libre, sans pouvoir être amoindri ou dissocié. Les droits et garanties du détenu, autres que sa liberté d'aller et venir, ne peuvent donc recevoir de limitation que de la loi ».

Votre commission souscrit entièrement à cette analyse que le Gouvernement partage également comme en témoigne l'exposé des motifs du projet de loi pénitentiaire.

Enfin, ce droit est dense , complexe et parfois difficilement accessible compte tenu notamment du grand nombre de circulaires -situation qui certes n'est pas propre à l'administration pénitentiaire mais présente néanmoins une particularité relevée par la commission Canivet « dans la mesure où, au-delà de l'interprétation des règles applicables, les circulaires tendent à régir les rapports entre les détenus et l'administration, donc à encadrer les droits de ceux-ci et même, dans certains cas, des tiers à la prison » 4 ( * ) .

La Cour européenne des droits de l'homme a récemment condamné la France 5 ( * ) au motif qu'un refus d'acheminement de lettre d'un détenu s'était fondé sur une simple instruction de service, dépourvue de force obligatoire vis-à-vis des administrations.

La plupart des États disposent d'une loi pénitentiaire 6 ( * ) . Un tel texte est aujourd'hui indispensable en France au regard de la hiérarchie des normes -afin que comme à l'extérieur, les rapports de contrainte en prison entre le citoyen et l'autorité publique soient fixés par la loi- et de la clarté des principes applicables en détention.

* 4 Rapport cité, p. 72.

* 5 CEDH, 12 juin 2007, Frérot c/France.

* 6 L'Italie (loi pénitentiaire du 26 juillet 1975), l'Espagne (loi organique générale pénitentiaire du 26 septembre 1979), l'Allemagne (loi pénitentiaire du 16 mars 1976), les Pays Bas (loi régissant l'administration pénitentiaire du 1 er janvier 1988). Dans sa résolution du 17 décembre 1998, le Parlement européen a invité tous les Etats membres à élaborer une « loi fondamentale sur les établissements pénitentiaires qui définisse dans un cadre réglementant à la fois le régime juridique, le droit de réclamation ainsi que les obligations des détenus et prévoie un organe de contrôle indépendant auquel les détenus puissent s'adresser en cas de violation de leurs droits ».

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