B. LA PRÉVENTION DES EXPULSIONS

L'article 4 de la proposition de loi soulève la question des expulsions locatives, sur laquelle il est utile de rappeler quelques chiffres ainsi que les dispositifs de prévention récemment adoptés.

1. L'expulsion, ultime recours

Depuis la loi du 29 juillet 1998, la politique de prévention des expulsions s'est enrichie progressivement. L'expulsion n'intervient aujourd'hui en conséquence qu'au terme d'une longue procédure dont on peut rappeler rapidement le déroulement.

A la survenance d'un impayé de loyer, le bailleur privé peut envoyer un commandement de payer. Si celui-ci reste infructueux dans un délai de deux mois , le locataire est convoqué à comparaître devant le juge d'instance par une assignation en résiliation de bail. A ce stade, le préfet , obligatoirement informé par l'huissier, doit mettre à profit le délai de deux mois imposé entre son information et l'audience pour saisir les organismes sociaux compétents pour mener une enquête sociale afin de mobiliser les aides pouvant être accordées, notamment celles du Fonds de solidarité pour le logement (FSL). L'article 60 de la loi du 25 mars 2009 précitée a conféré une portée juridique à la réalisation de cette enquête intitulée « enquête financière et sociale », au cours de laquelle le locataire et le bailleur sont mis en mesure de présenter leurs observations afin que le juge puisse prendre sa décision en toute connaissance de cause 13 ( * ) .

Si le juge prononce la résiliation du bail et ordonne l'expulsion, le bailleur est muni d'un titre exécutoire et peut engager la procédure d'expulsion. Celle-ci ne peut être poursuivie qu'après signification d'un commandement de quitter les lieux par huissier à l'occupant et ne peut intervenir qu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant le commandement. A ce stade, l'huissier doit communiquer au préfet copie du commandement pour lui permettre d'organiser le relogement de la personne dans le cadre des dispositifs du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées.

L'occupant peut demander un délai pour se reloger alors même que le bail est résilié et l'expulsion ordonnée, en saisissant le juge compétent. Le juge qui ordonne l'expulsion peut également accorder d'office ces délais, qui varient de trois mois à un an .

2. Un taux d'exécution effective des décisions d'expulsion relativement faible

Une fois le jugement prononcé, le règlement amiable est encore favorisé aux étapes suivantes de la procédure, conduisant à un nombre relativement faible de cas de recours à la force publique. L'huissier a le monopole pour procéder à l'expulsion : si l'occupant est absent ou refuse l'expulsion, il ne peut pénétrer dans le logement et doit solliciter le concours de la force publique. Aux termes de l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991, l'Etat est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements, son refus ouvrant droit à réparation . L'administration a un délai de deux mois pour répondre, délai durant lequel le préfet doit examiner l'opportunité d'une aide au relogement si cela n'a pas été fait lors des phases précédentes.

Cette procédure conduit à un taux d'expulsion effective d'environ 10 % comme le montre le tableau suivant.

2007

2008

Contentieux locatif avec demande de délivrance de titre exécutoire (assignations) (1)

139.883

135.618

Décisions de justice prononçant l'expulsion (1)

105.917

102.130

Nombre d'interventions effectives de la force publique (2)

10.801

11.284

Source : ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.

Le montant total des indemnités allouées aux bailleurs dans le parc public et dans le parc privé depuis 2000 s'élève aux montants suivants :

Année

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Montant
en M€

49

53

52

61,77

66,66

78,37

37,08

29,56

31,30

Source : ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.

Au final, une décision d'obtention du concours de la force publique demande, en moyenne, une durée de deux ans si le locataire refuse de quitter les lieux et de 31 mois avant d'obtenir une indemnisation de l'Etat si le concours n'est pas accordé.

3. La nécessaire mobilisation de nouveaux outils de prévention des expulsions

De nouveaux outils ont été très récemment mis en place, dont la mobilisation devrait aboutir à une amélioration de la prévention des expulsions. Celle-ci est désormais une action obligatoire de tous les plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD) 14 ( * ) . Le décret d'application de cette disposition 15 ( * ) impose notamment que soient fixés par le comité de pilotage du plan des objectifs précis en matière de réduction du nombre de commandements de quitter les lieux et du nombre d'expulsions locatives afin de permettre un suivi et une évaluation des actions, mobilisant l'ensemble des outils de droit commun, dont le FSL et les procédures d'attribution prioritaire de logements sociaux, en lien étroit avec les chartes de prévention des expulsions . L'importance de celles-ci a été rappelée aux préfets 16 ( * ) et, au 1 er avril 2009, 68 départements en disposent.

En outre, depuis la loi de 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion 17 ( * ) , les commissions de prévention des expulsions ont été rendues obligatoires dans tous les départements. Cette commission, créée par le comité responsable du PDALPD, doit examiner les dossiers difficiles au cas par cas en associant les acteurs concernés, notamment de la préfecture, du conseil général et des caisses d'allocations familiales afin d'aider les ménages en difficulté à trouver une solution à leur situation. Il en existe 57 actuellement.

Rôle des commissions de prévention des expulsions

La commission émet des avis et recommandations en matière d'aides du FSL, d'accompagnement social, de maintien et suspension des aides personnelles au logement, de relogement ou d'hébergement et, si le préfet souhaite cet avis, sur le concours de la force publique. Elle intervient une fois la procédure d'expulsion enclenchée, plus précisément au moment de l'assignation, voire en toute dernière extrémité au moment de l'octroi du concours de la force publique. Elle devrait désormais intervenir dès la constitution de l'impayé 18 ( * ) et permettra de rendre plus cohérent le traitement d'un dossier aux différents stades de la procédure d'expulsion.

Lorsque la commission de prévention des expulsions locatives co-présidée par le préfet et le président du conseil général sera créée, les compétences de la commission départementale des aides personnelles au logement seront transférées aux organismes payeurs pour :

- l'ensemble des contestations et des remises de dettes pour les organismes payeurs qui aujourd'hui n'ont pas la délégation totale ou partielle ;

- la prise et la notification des décisions après soumission des dossiers « impayés » APL locatif à la commission de prévention des expulsions ;

- la prise de décision et la notification des décisions pour les dossiers « impayés » APL accession ;

- l'instruction et le suivi des dossiers « impayés » APL locatif et accession.

L'application de cette réforme à partir de 2010, à travers des expérimentations dans un premier temps, puis une généralisation sur l'ensemble du territoire dans un second temps, devrait renforcer le dispositif de prévention et la cohérence des actions des différents partenaires concernés.

Ces différents éléments montrent que la priorité est aujourd'hui de mettre en oeuvre rapidement les mesures récemment adoptées en matière de prévention des expulsions, plutôt que de prévoir un moratoire sur les expulsions qui découragerait probablement un nombre important de petits propriétaires.

* 13 Auparavant la réalisation de cette enquête était seulement préconisée par une circulaire du 17 février 1999.

* 14 Article 60 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (ENL).

* 15 Décret n° 2007-1688 du 29 novembre 2007.

* 16 Circulaire n° 2005-32 du 11 mai 2005 relative à la prévention des expulsions locatives.

* 17 Article 59 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.

* 18 Au terme du décret n° 2008-187 et de la circulaire relative à la prévention des expulsions locatives du 14 octobre 2008.

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