II. LES POINTS DE DIVERGENCE ENTRE LES DEUX ASSEMBLÉES

1. Les conditions d'exercice professionnel de l'avocat membre du Conseil supérieur de la magistrature

En première lecture, le Sénat a souhaité écarter tout risque de suspicion quant à l'indépendance de l'avocat appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de la magistrature. A cette fin, il avait prévu que, si l'avocat pouvait, par exception, exercer sa profession, il ne pouvait, pendant la durée de son mandat, plaider devant les tribunaux, ni agir en conseil juridique d'une partie engagée dans une procédure (art. 4 du projet de loi organique).

Ce régime d'incompatibilité visait également à éviter toute mise en cause, par une partie à un procès, de magistrats dont la carrière aurait été, ou pourrait être un jour, examinée par un membre du Conseil supérieur de la magistrature qui serait par ailleurs l'avocat de la partie adverse.

L'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois, a supprimé ces restrictions. Dans son rapport, M. Philippe Houillon juge « souhaitable que l'avocat désigné ès qualités puisse continuer à plaider devant les tribunaux et à conseiller des parties à un procès, la seule réserve étant le respect strict de la règle de déport qui est consacrée pour l'ensemble des membres du Conseil supérieur de la magistrature par l'article 6 bis du présent projet de loi organique » 2 ( * ) .

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adapté le dispositif relatif à la démission d'office d'un membre du Conseil supérieur de la magistrature qui resterait dans une situation d'incompatibilité à l'issue d'un délai d'un mois après son entrée en fonctions, afin de prendre en compte l'existence de trois formations distinctes au sein du Conseil supérieur. Il reviendrait par conséquent au président de la formation plénière de constater, après avis de cette formation, une telle démission d'office.

2. Les exigences déontologiques applicables aux membres du Conseil supérieur de la magistrature

Le Sénat, confirmant le texte adopté par la commission des lois a inséré dans le projet de loi organique un article 6 bis relatif aux obligations déontologiques applicables aux membres du Conseil supérieur de la magistrature. Cette disposition faisait référence aux exigences d'indépendance, d'impartialité et d'intégrité et confiait au président de chaque formation le soin de prendre les mesures appropriées pour en assurer le respect.

L'Assemblée nationale a complété en première lecture la liste des obligations déontologiques s'imposant aux membres du conseil supérieur de la magistrature, en mentionnant l'exigence de dignité.

Elle a en outre supprimé l'alinéa prévoyant que le président de chaque formation prendrait les mesures appropriées pour assurer le respect des obligations déontologiques.

3. L'avis du Conseil supérieur de la magistrature sur la nomination du secrétaire général

Le Sénat a souhaité, suivant la position de la commission des lois et de son rapporteur, que le secrétaire général du Conseil supérieur de la magistrature soit nommé par décret du Président de la République sur proposition conjointe du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette cour, après avis du Conseil supérieur (article 7 du projet de loi organique). Il s'agissait ainsi d'associer le Conseil supérieur à la désignation d'un responsable administratif dont le rôle est appelé à s'amplifier.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a supprimé, à l'initiative de son rapporteur, cet avis du Conseil supérieur de la magistrature sur la proposition de nomination émise par le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près cette cour, considérant que la Constitution ne prévoyait pas de compétence de la réunion de l'ensemble des membres du Conseil supérieur. Son rapporteur a en outre observé que l'avis du Conseil supérieur de la magistrature risquerait de retarder la nomination du secrétaire général.

4. L'autonomie budgétaire du CSM

Le Sénat avait adopté en première lecture un amendement de votre rapporteur visant à affirmer l'autonomie budgétaire du Conseil supérieur de la magistrature. En effet, depuis la première application de la loi organique du 1 er août 2001 (LOLF) lors du projet de loi de finances pour 2006, la commission des lois déplore que le CSM soit réduit à une simple action du programme « justice judiciaire » de la mission « Justice », ce qui le place sous la responsabilité de la direction des services judiciaires 3 ( * ) .

Aussi la commission des lois a-t-elle réitéré chaque année depuis 2005 sa demande de modification de l'architecture budgétaire, afin que les crédits alloués au CSM soient inscrits dans la mission « pouvoirs publics », qui comprend les crédits destinés au Conseil constitutionnel et à la Cour de justice de la République.

En cohérence avec cette position ancienne, le Sénat avait adopté en première lecture un article additionnel prévoyant que l'autonomie budgétaire du CSM serait assurée dans les conditions déterminées par une loi de finances (article 7 bis du projet de loi organique).

La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de son rapporteur supprimant cet article.

* 2 Voir le rapport de M. Philippe Houillon, n° 2163, décembre 2009, p. 43.

* 3 Voir les rapports pour avis n° 104 tome III (2005-2006) , n° 83 tome III (2006-2007) , n° 96 tome III (2007-2008) , n° 106 tome IV (2009-2010) , faits au nom de la commission des lois par MM. Yves Détraigne et Simon Sutour sur les crédits de la justice et de l'accès au droit.

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