ANNEXE II : TRAVAUX PRÉPARATOIRES DE LA COMMISSION

I. COMMUNICATION A LA COMMISSION DES FINANCES DE M. PHILIPPE MARINI, RAPPORTEUR GÉNÉRAL, SUR LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE DU PORTUGAL (24 MARS 2010)

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini a tout d'abord insisté sur la nécessité de multiplier les contacts bilatéraux entre les Etats de la zone euro dont la caractéristique est de partager une monnaie unique sans gouvernement économique. Il est essentiel d'évaluer dans quelle mesure la crise remet en cause la nécessaire convergence économique et sociale entre les pays membres de la zone euro. Le Portugal est actuellement mis à l'épreuve par les marchés et par les agences de notation, dans un contexte d'instabilité politique interne, le Gouvernement ne disposant pas de majorité absolue au Parlement et l'opposition étant en phase de sélection de son chef de file.

Il s'est déclaré convaincu que la situation actuelle du Portugal n'expose pas la zone euro à un risque systémique. Une éventuelle -et improbable- crise des finances publiques aurait des conséquences limitées sur le secteur bancaire, qui ne détient aujourd'hui que 8 milliards d'euros de titres de dette portugaise. A titre de comparaison, les banques grecques ont dans leur portefeuille 40 milliards d'euros de dette grecque. Pour les créanciers extérieurs du Portugal, qui détiennent 83 % de sa dette publique, le risque est limité par la faible part que représentent les titres portugais dans leurs actifs. En tout état de cause, les déséquilibres des finances publiques portugaises sont connus et les données statistiques transmises à Eurostat peuvent raisonnablement être considérées comme fiables. En s'inspirant du dispositif institué au Portugal en 2008, il serait souhaitable d'étudier un accroissement du rôle des banques centrales nationales, qui sont indépendantes, dans l'élaboration des données transmises à Eurostat par les Etats de la zone euro.

M. Philippe Marini , rapporteur général, a constaté que le Portugal est avant tout victime d'une crise de l'économie réelle, due principalement à la chute de ses exportations. Son système bancaire a résisté à la crise et a peu eu recours aux facilités de refinancement proposées par la Banque centrale européenne. Les crédits bancaires ont continué de progresser pendant la crise, contrairement à la tendance moyenne constatée dans la zone euro. Aucune bulle financière, immobilière notamment, n'a été constatée.

Le rapporteur général a relevé que, en 2009, l'ampleur de la récession a été moins importante que celle constatée chez nombre de ses partenaires, avec un taux de croissance négatif qui s'établit à - 2,7 % contre - 4,1 % en moyenne dans la zone euro. Cependant, le taux de croissance constaté depuis 2005 est inférieur à la moyenne de la zone, et les perspectives retenues par le programme de stabilité pour les années 2010 à 2013 sont moins élevées.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné que le Portugal a déjà, de 2005 à 2008, conduit avec succès un ajustement budgétaire important, son déficit public passant de 6,1 % du produit intérieur brut (PIB) à 2,7 %. Les autorités portugaises sont aujourd'hui contraintes de demander à leurs citoyens, et d'assumer politiquement, un deuxième effort important. En 2009, le déficit portugais s'établissait à 9,3 % du PIB, contre 7,9 % en France, 12,7 % en Grèce et, pour l'année fiscale 2009-2010, 12,7 % au Royaume-Uni. Le niveau d'endettement public rapporté au PIB, qui s'établissait en 2009 à 77 %, soit un taux comparable à celui constaté en France et au Royaume-Uni, reste au Portugal à un niveau très inférieur à celui constaté en Grèce. A ce jour, le Portugal n'a éprouvé aucune difficulté pour conduire son programme de financement. Toutefois, la contagion, injuste, de la crise grecque a abouti à une remontée des écarts de taux avec l'Allemagne.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a constaté que la soutenabilité des finances publiques portugaises a été améliorée par les réformes structurelles conduites au cours des cinq dernières années. Les effectifs de la fonction publique ont été réduits de près de 10 % par le non remplacement d'un départ en retraite sur deux, voire sur trois dans certains ministères. L'âge de départ en retraite est progressivement porté, dans les secteurs public et privé, à 65 ans. La date de convergence a été ramenée, par le programme de stabilité, de 2015 à 2013. Le mode de calcul des pensions tient désormais compte de l'évolution de l'espérance de vie.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que le Portugal doit, en réaction à la crise, accélérer ses réformes structurelles. La compétitivité de son modèle économique, fondé sur un faible coût du travail, s'érode et certains secteurs d'activité sont en difficulté, notamment le textile. Parallèlement, le volume des fonds structurels européens se réduit et la dépendance énergétique est forte. Les principales pistes identifiées par ses interlocuteurs pour sortir de la crise consistent en une stabilisation de la demande interne pour réduire les importations, un développement des exportations dans les secteurs à plus forte valeur ajoutée et vers de nouveaux marchés, en particulier les pays lusophones, le développement du tourisme, le production d'énergie, notamment hydroélectrique et solaire, et l'engagement de grands travaux. Ce dernier point oppose fortement majorité et opposition.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a insisté sur l'importance du programme de stabilité 2010-2013, transmis à la Commission européenne avec deux mois de retard. Sur le plan politique, il a constaté que les responsables perçoivent la surveillance forte dont leur pays fait l'objet de la part de ses partenaires et des marchés et savent qu'ils n'ont pas droit à l'erreur, ce qui les pousse à adopter des positions responsables. L'opposition s'est ainsi abstenue lors du vote du budget de 2010. Le gouvernement portugais est contraint de rompre avec la pratique, constatée dans tous les pays européens, du « double langage », qui conduit à tenir un discours différent devant les électeurs et devant les instances européennes. La surveillance des marchés et des agences de notation ne le permet plus. Dans ces conditions, de nouvelles méthodes ont été mises au point et le programme de stabilité a été soumis, pour consultation, aux partis politiques et aux partenaires sociaux. Il est discuté au Parlement, ce qui pourrait constituer une source d'inspiration pour le Parlement et le gouvernement français.

Sur le fond, selon le gouvernement portugais, la consolidation budgétaire passe essentiellement par des mesures en matière de dépenses, même si ce pays ne s'est pas doté d'une norme de progression des dépenses. Les principales mesures envisagées sont la réduction du poids de la fonction publique, la réduction des dépenses sociales et militaires et le report de projets d'investissement. Comme pour beaucoup d'Etats-membres, l'objectif du programme de stabilité est de retrouver en 2013 le niveau de dépenses, rapporté au produit intérieur brut, d'avant la crise.

En matière de recettes, le Portugal va adopter des augmentations d'impôts temporaires et notamment une taxe de 20 % sur les plus values et une tranche à 45 % de l'impôt sur le revenu pour les revenus supérieurs à 150 000 euros. Il va introduire des péages sur les autoroutes gratuites et engager une politique de réduction de la dépense fiscale en combinant l'introduction d'un plafond global de bénéfices fiscaux et la révision de certains régimes.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé que les autorités portugaises, comme celles des autres Etats membres de l'Union européenne, doivent concilier rigueur budgétaire et accompagnement du retour de la croissance. Il a souligné que les hypothèses sur lesquelles sont fondées les prévisions de retour au respect des critères fixés par le traité de Maastricht sont plus prudentes dans le programme de stabilité portugais que dans celui d'autres Etats et que les autorités portugaises ne cherchent pas à dissimuler le potentiel de croissance encore peu élevé de leur économie. Il s'est interrogé à propos des effets sur la croissance de la politique de « go and stop » à laquelle s'apparente la soudaine interruption des mesures de relance provoquée par la mise en oeuvre du programme de stabilité.

En conclusion, M. Philippe Marini , rapporteur général, a considéré que la crise révèle les insuffisances et les lacunes de la construction de la zone euro. La notion de « PIGS », acronyme en anglais de « Portugal, Irlande, Grèce, Espagne », est injurieuse et simpliste, à l'origine de tensions incompatibles avec le partage d'une monnaie commune. Elle illustre la légèreté avec laquelle les modèles nationaux et les économies sont analysés. Il s'est demandé combien de temps la zone euro pourra encore fonctionner sans que soient traitées les questions, essentielles dans une zone monétaire, de la convergence des systèmes fiscaux et sociaux, de l'harmonisation du coût des facteurs de production et de la définition des objectifs de la banque centrale européenne.

M. Jean Arthuis, président, a relevé que le gouvernement, fragile, du Portugal bénéficie peut-être d'une prise de conscience collective de nature à permettre un relatif consensus sur les réformes structurelles à engager.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a insisté sur le fait que, au-delà de la rigueur budgétaire qu'il va falloir mettre en oeuvre, le rebond du Portugal dépend d'une évolution du modèle économique qui ne se décrète pas. La situation de ce pays est un exemple des insuffisances et des incohérences de nos systèmes.

M. Jean-Jacques Jégou a noté que le Portugal a choisi de faire reposer l'essentiel de son ajustement sur la maîtrise des dépenses, alors même que la part de ses dépenses publiques dans le PIB est déjà inférieure à celle constatée dans d'autres Etats.

La commission a donné acte au rapporteur de sa communication .

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