CHAPITRE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE 14 BIS - GÉRANCE-MANDAT

Votre commission a adopté cette division additionnelle afin de tenir compte de l'article 14 bis introduit par l'Assemblée nationale.

Article 14 bis (nouveau) - (article L. 146-1 du code de commerce) - Régime de la gérance-mandat

Commentaire : cet article précise le régime juridique de la gérance -mandat

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

La loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a créé dans le code de commerce (articles L. 146-1 à L. 146-4) un statut de gérance-mandat pour donner une base juridique stable à un type d'activité économique qui s'était développé jusqu'à alors essentiellement dans un cadre jurisprudentiel.

LES CARACTÉRISTIQUES DE LA GÉRANCE MANDAT

La gérance-mandat se définit comme un contrat par lequel le propriétaire d'un fonds de commerce en confie l'exploitation à un gérant-mandataire tout en continuant à supporter les risques afférant à sa gestion. S'il est difficile de comptabiliser précisément le nombre de personnes concernées par ce régime, on sait néanmoins qu'il est fréquent dans l'hôtellerie et pour les stations services.

Le contrat de gérance-mandat se caractérise en premier lieu par un équilibre économique reposant sur une absence d'investissement et une limitation des risques financiers au cours de l'exploitation pour le gérant-mandataire. Celui-ci, en effet, ne supporte pas les charges et pertes liées à l'exploitation, à la différence des contrats de franchise et de location-gérance. Il se voit verser une commission par le mandant, qui vient en sus des rémunérations tirées de son activité. En contrepartie de ce faible risque financier, le fonds de commerce demeure la propriété du mandant. Pour ce dernier, l'opération présente comme intérêt le maintien d'un certain contrôle de l'exploitation du fonds, qui se trouve surtout justifié dans le cadre d'une chaîne de distribution ou de services autorisant l'édiction de normes d'exploitation standardisées justifiées par l'existence d'un réseau et les risques de gestion encourus par le mandant.

Le contrat de gérance-mandat se caractérise également par une liberté d'organisation et de gestion dans l'exploitation du fonds qui confère au gérant-mandataire un rôle proche de celui de chef d'entreprise de plein exercice. En effet, à la différence du salarié, il n'est soumis au mandant par aucun lien de subordination et se distingue par son autonomie dans de nombreux domaines. Le gérant-mandataire peut gérer plusieurs fonds de commerce simultanément, recruter sous sa responsabilité des salariés, sous-traiter tout ou partie de son activité à des prestataires extérieurs, s'absenter à sa guise et choisir le moment et la durée de ses vacances, et enfin fixer librement sa rémunération et gérer les commissions qui lui sont versées par le mandant.

L'effort de sécurisation juridique de la gérance-mandat réalisé par la loi précitée n'a pas empêché un développement des contentieux entre mandants et gérants mandataires, car cette activité se situe aux frontières de l'activité indépendante et de la relation de subordination salariale. Le gérant mandataire possède en effet, en théorie, une large autonomie dans l'organisation de son activité, ce qui le distingue du salarié. En même temps, il n'est pas propriétaire du fonds de commerce (ce qui en fait un entrepreneur sans capital) et, surtout, parce que son activité s'exerce généralement dans le cadre d'un réseau appartenant au mandant, il doit respecter certaines normes en matière de présentation et de contenu de l'offre.

La réalité de l'autonomie du gérant mandataire dépend donc in fine de la nature et du degré de précision des normes qui lui sont imposées. En pratique, il n'est pas rare que des gérants-mandataires saisissent les tribunaux en vue de voir requalifier leur contrat de gérance-mandat en contrat de travail au motif que les normes imposées par le mandant aboutissent à les priver de leur autonomie de chef d'entreprise.

L'article 14 bis vise donc à préciser davantage le régime de la gérance-mandat pour mieux tracer la frontière juridique qui la sépare du salariat. L'article L. 146-1 du code de commerce (qui prévoit notamment que le mandant fixe au gérant mandataire une mission en lui laissant toute latitude pour s'organiser dans le cadre ainsi tracé) est complété par la disposition suivante : « La mission précise, le cas échéant, les normes de gestion et d'exploitation du fonds à respecter et les modalités du contrôle susceptible d'être effectué par le mandant. Ces clauses commerciales ne sont pas de nature à modifier la nature du contrat . »

II. La position de votre commission

Votre rapporteur partage d'autant plus l'objectif de sécurisation du régime juridique de la gérance-mandat poursuivi par l'article 14 bis qu'il a été lui-même l'un des artisans de la création de ce régime en tant que rapporteur de la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises.

Votre rapporteur souligne cependant qu'en indiquant que la mission confiée par le mandant peut préciser les normes de gestion et d'exploitation du fonds à respecter, ainsi que les modalités du contrôle susceptible d'être effectué par le mandant, cet article n'apporte pas une solution véritable à l'insécurité juridique qui caractérise la relation entre mandant et gérant-mandataire .

En effet, l'origine du contentieux de la gérance-mandat tient à la difficulté, en pratique, d'élaborer des normes suffisamment précises pour encadrer l'activité du gérant-mandataire, mais en même temps suffisamment générales pour ne pas priver ce dernier de son autonomie. Ce régime juridique se situe donc en permanence, pour ainsi dire, sur le fil du rasoir. Ajouter dans la loi que le mandant peut préciser les normes de gestion et d'exploitation du fonds et les modalités du contrôle n'empêchera pas d'éventuelles requalification du contrat en contrat de travail dès lors que le juge estimera que le degré des précisions apportées par le mandant est tel qu'il aboutit en réalité à priver le mandataire de son autonomie de gestion. Le fait d'indiquer dans la loi que les normes de gestion et d'exploitation du fonds et les modalités du contrôle constituent des clauses commerciales signifie seulement qu'il y a une présomption simple de leur caractère commercial, cette présomption pouvant être levée par le juge à l'examen des faits d'espèce .

Votre commission a adopté cet article sans modification.

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