EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. L'ABSENTÉISME SCOLAIRE, UN PHÉNOMÈNE AUX MILLE VISAGES DONT LA PERSISTANCE EST INQUIÉTANTE

A. L'AMPLEUR ET LES DANGERS DE L'ABSENTÉISME

1. Une amplification certaine du phénomène, malgré l'imperfection des instruments statistiques

Le principe de l'assiduité scolaire complète l'instruction obligatoire pour les enfants français et étrangers de six à seize ans, pilier de la législation républicaine. Inscrit à l'article L. 511-1 du code de l'éducation et partie intégrante des devoirs de l'élève, dès lors que celui-ci est inscrit dans un établissement, il couvre l'ensemble des mineurs même après la fin de la scolarité obligatoire.

Les mesures statistiques de l'absentéisme utilisent le seuil de signalement potentiel de l'élève à l'inspection académique pour défaut d'assiduité, fixé par l'article L. 131-8 du code de l'éducation. Ainsi, tout élève absent de classe quatre demi-journées ou plus dans un même mois, sans justification, est considéré comme absentéiste.

Plusieurs précisions méritent cependant d'être apportées à titre liminaire pour clarifier l'interprétation des statistiques. Tout d'abord, le seuil des quatre demi-journées d'absence date du XIX e siècle. Il a été instauré par la loi du 28 mars 1882 en tenant compte des résistances que rencontrait la généralisation de l'enseignement primaire dans une société encore largement rurale, où les enfants participaient activement aux travaux agricoles. Il n'est plus nécessairement adapté à l'école d'aujourd'hui et mériterait d'être révisé après concertation avec les acteurs de terrain. Le rapport de M. Luc Machard, délégué interministériel à la famille, proposait déjà en 2003 de supprimer le seuil des quatre demi-journées. À sa place, il retenait comme principe que la rupture ou l'inefficacité du dialogue engagé avec la famille sur un mois devait déclencher la saisine de l'inspecteur d'académie. 1 ( * )

Le décompte des demi-journées d'absence n'est, de plus, pas effectué de la même façon dans tous les établissements. Par exemple, ainsi que les auditions l'ont révélé à votre rapporteur, dans certains établissements, une demi-heure de retard au premier cours du matin ou de l'après-midi suffit pour que l'élève soit considéré comme absent une demi-journée. La justification des absences par les parents peut aussi être validée avec plus ou moins de rigueur ou de relâchement selon les collèges et les lycées. Ceci explique pour partie les grandes disparités constatées entre zones et entre établissements.

En outre, il ne faut pas confondre signalement à l'inspection et mesure de l'absentéisme. Tous les élèves absentéistes ne sont pas en effet signalés aux inspecteurs d'académie . La direction de l'évaluation, de la performance et de la prospective (DEPP) du ministère de l'éducation nationale considère que ne sont signalés que 34,4 % des élèves absentéistes au collège, 8,2 % d'entre eux au lycée général et technologique et 11,5 % au lycée professionnel. Les chefs d'établissement préfèrent sans doute une gestion au plus près du problème, sans intervention systématique de l'échelon administratif supérieur.

Enfin, à la notion d'absence injustifiée pour laquelle n'ont été produits ni motif légitime, ni excuse valable, la DEPP préfère substituer dans ses enquêtes celle d'absence non régularisée qui correspond plus aux pratiques du terrain. Sans retenir d'appréciation de la validité des explications fournies par les parents, les statistiques écartent de leur décompte toute absence que les parents ont expliquée ou justifiée auprès de l'établissement. En réalité, certaines absences régularisées par les parents et les chefs d'établissement devraient être considérées comme injustifiées et par conséquent comptabilisées. Une série de petites absences toutes régularisées peut donc passer inaperçue, alors même qu'elle aura des conséquences néfastes sur la scolarité des enfants concernés, qui ne seront donc ni détectés, ni pris en charge. Les statistiques du ministère sont tributaires des politiques locales des établissements et ont donc tendance à minorer l'intensité de l'absentéisme.

La DEPP estime sur cette base que pour l'année 2007-2008, 7 % des élèves du second degré public sont absentéistes tous mois et types d'établissements confondus 2 ( * ) . Sur quatre années d'enquête de septembre 2003 à avril 2007, la DEPP constatait que le taux moyen d'élèves absentéistes restait stable d'une année à l'autre et oscillait chaque année entre 2 % et 6 % des élèves selon les mois. Mais, en 2007-2008, le même taux variait entre 3 % et 10 %, ce qui témoigne d'une amplification soudaine, après une stagnation durable .

Cette hausse s'observe dans tous les types d'établissements, à la fois au collège, au lycée général et technologique et au lycée professionnel. Elle se retrouve aussi dans la mesure de l'absentéisme lourd , défini par des absences de plus de dix demi-journées sur un mois : 2 % des élèves sont touchés en 2007-2008 contre 1 % sur les quatre années précédentes . C'est pourquoi il est impératif de regarder avec lucidité le danger que représente l'absentéisme pour nos enfants, de tenir compte de la souffrance personnelle et familiale qu'il reflète et d'user de tous les moyens pertinents pour l'affronter.

PROPORTION D'ÉLÈVES ABSENTÉISTES PAR ÉTABLISSEMENT (EN %)

Collège

Lycée général et technologique

Lycée professionnel

2007-2008

2003-2004

2007-2008

2003-2004

2007-2008

2003-2004

Septembre

1,3

1,0

1,8

1,3

6,9

4,8

Octobre

2,6

1,4

4,4

2,2

15,3

6,8

Novembre

2,5

2,8

8,3

4,1

19,6

9,9

Décembre

2,6

3,0

6,2

4,2

15,0

9,0

Janvier

3,1

2,2

5,8

4,9

15,2

10,8

Février

2,0

1,7

4,8

3,0

11,3

8,5

Mars

2,7

2,1

7,4

5,5

16,6

11,0

Avril

2,6

1,7

9,0

4,4

19,3

9,0

Source : MEN-DEPP, enquête auprès des établissements sur l'absentéisme des élèves


* 1 L. Machard , Les manquements à l'obligation scolaire, janvier 2003, pp. 87-89.

* 2 L'absentéisme des élèves dans le second degré en 2007-2008, DEPP-MEN, note d'information 10.08, avril 2010.

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